Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Yves Bonnefoy

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Camille19
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Camille19
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MessageSujet: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyLun 6 Juil 2009 - 3:01

Yves Bonnefoy Yves_b10

Je m'étonne qu'un si grand poète n'ait pas encore de fil Surprised Je commencerai par recopier une présentation par Wikipédia dont un texte sur la présence que je trouve très juste :

Citation :
Yves Bonnefoy, né à Tours (Indre-et-Loire) le 24 juin 1923, est un poète, essayiste et traducteur français. Il est l'auteur d'une œuvre importante, poétique aussi bien que théorique, qui interroge sans relâche les rapports qu'entretiennent le monde et la parole.

Citation :
Bonnefoy est considéré comme un « poète du lieu et de la présence », aux côtés d'André du Bouchet et Philippe Jaccottet, entre autres. La Présence est, selon lui, l'expérience immédiate, pure et unie du monde, telle celle qu'a l'enfant, qui n'est pas encore corrompu par le langage (infans, en latin, signifie qui ne parle pas). En effet, Yves Bonnefoy combat le concept et l'abstraction qui séparent selon lui les hommes de la réalité et du sensible. Il s'oppose à Platon et à sa théorie du monde des Idées: « les choses d'ici [pèsent] plus lourd dans la tête de l'homme que les parfaites Idées »[4] en posant la théorie que le concept est un obstacle qui nous empêche de voir le vrai visage de l'être. Les mots et le langage utilisant le concept et brisant l'unité de notre perception du monde, ils trahissent ce qu'ils sont censés exprimer : Bonnefoy les considère ainsi comme des « leurres », des « mensonges ». « Le langage est notre chute, et c'est son emploi même qui est la cause de l'angoisse, c'est-à-dire aussi bien de la violence, qui traverse l'histoire humaine »[5].

La poésie permet selon lui de renoncer à notre rationalité habituelle et au concept, elle seule peut donc nous rapprocher et nous faire entrevoir la Présence. L'ambiguïté de la thèse du poète est que la poésie elle-même est bâtie sur les mots. Peut-être s'agit-il ainsi uniquement de « l'illusoire encore / Dont nous redessinons sous d'autres traits / Mais irisés du même éclat trompeur / La forme et les ombres qui se resserrent? »[6], peut-être la poésie ne permet-elle pas de reconquérir la présence. Bonnefoy admet cette hypothèse dans son recueil Les planches courbes, où il apparaît clairement que, s'il doute du pouvoir de sa poésie, il porte en celle-ci une grande espérance. Il écrit en 1959, « Je voudrais réunir, je voudrais identifier presque, la poésie et l'espoir », car écrire de la poésie, c'est « rendre le monde au visage de sa présence ».

Le recueil qui m'a la plus touchée est Les Planches Courbes L'interrogation sur les rapports entre le langage et le monde, qui oscille entre espoir et désillusion, est liée à un sentiment d'exil face à la réalité, face à l'enfance du poète et aux figures parentales trop absentes, notamment celle de la mère, décédée assez tôt d'après mes souvenirs. Mais ce sentiment d'exil omniprésent est assez paradoxal car pour moi, l'entreprise poétique de Bonnefoy est parfaitement réussie : grâce à la beauté de ses mots, il parvient à me toucher au plus profond, j'ai l'impression qu'il me parle de moi et de mon univers mieux que je n'aurais pu le faire moi-même tant ses mots parviennent à dire (à créer ?) la réalité. Aucun poète ne m'a fait autant d'effet que Bonnefoy, il me plonge dans un état d'extrême sérénité, dans une sensation d'apaisement, alors même que je partage les angoisses qui transparaissent dans ses poèmes... Je n'arrive pas à la décrire mieux que cela, c'est assez bizarre...

Dépêchez vous de vous plonger vous aussi dans son oeuvre, moi je n'en suis pas ressortie indemne...

Quelques poèmes pour vous donner un aperçu :

"Une pierre

Matins que nous avions,
Je retirais les cendres, j'allais emplir
Le broc, je le posais sur le dallage,
Avec lui ruisselait dans toute la salle
L'odeur impénétrable de la menthe.

Ô souvenir,
Tes arbres sont en fleurs devant le ciel,
On peut croire qu'il neige,
Mais la foudre s'éloigne sur le chemin,
Le vent du soir répand son trop de graines"



Les poèmes qui viennent sont tirés de la section "La maison natale", section magnifique dans laquelle la nostalgie et le sentiment de l'exil face à ses parents et à la réalité côtoient une formidable présence du monde dans la poésie.

"Je m'éveillai, c'était la maison natale,
L'écume s'abattait sur le rocher,
Pas un oiseau, le vent seul à ouvrir et fermer la vague,
L'odeur de l'horizon de toutes parts,
Cendre, comme si les collines cachaient un feu
Qui ailleurs consumait un univers.
Je passais ldans la véranda, la table était mise,
L'eau frappait les pieds de la table, le buffet.
Il fallait qu'elle entrât pourtant, la sans-visage
Que je savais qui secoutait la porte
Du couloir, du côté de l'escalier sombre, mais en vain,
Si haute était déjà l'eau dans la salle.
Je tournais la poignée, qui résistait,
J'entendais presque les rumeurs de l'autre rive,
Ces rires des enfants dans l'herbe haute,
Ces jeux des autres, à jamais les autres, dans leur joie."



Un petit dernier Very Happy :

"Et alors un jour vint
Où j'entendis ce vers extraordinaire de Keats,
L'évocation de Ruth : "when, sick for home,
She stood in tears amid the alien corn".

Or, de ces mots,
Je n'avais pas à pénétrer le sens
Car il était en moi depuis l'enfance,
Je n'ai eu qu'à le reconnaître, et à l'aimer
Quand il est revenu du fond de ma vie.

Qu'avais-je eu, en effet, à recueillir
De l'évasive présence maternelle
Sinon le sentiment de l'exil et des larmes
Qui troublaient ce regard cherchant à voir
Dans les choses d'ici le lieu perdu ?"



Bon, je vais m'arrêter là, car je serais capable de recopier le recueil in extenso, mais je serais plus qu'heureuse de discuter avec d'autres adeptes... Very Happy car vous l'aurez compris, je suis plus qu'enthousiaste !!! woohoo
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyMar 7 Juil 2009 - 0:29

Merci aux modérateurs pour la photo content
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyMar 7 Juil 2009 - 0:36

Merci Camille pour l'ouverture de ce fil...On ne parle pas assez de poésie par ici... content


UNE VOIX


Ecoute-moi revivre dans ces forêts
Sous les frondaisons de mémoire
Où je passe verte,
Sourire calciné d'anciennes plantes sur la terre,
Race charbonneuse du jour.

Ecoute-moi revivre, je te conduis
Au jardin de présence,
L'abandonné au soir et que les ombres couvrent,
L'habitable pour toi dans le nouvel amour.

Hier règnant désert, j'étais feuille sauvage
Et libre de mourir,
Mais le temps mûrissait, plainte noire des combes,
La blessure de l'eau , dans les pierres du jour.
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Madame B.
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyMar 7 Juil 2009 - 19:14

Quelle bonne idée l'ouverture de ce fil.
Du mouvement et de l'immobilité de Douve est son plus beau recueil.
Comme toi Camille je pourrais recopier Les Planches courbes en entier (heureusement, je suis bien trop fainéante pour le faire!).
J'aime ce vers des Planches courbes: "Nous sommes des navires lourds de nous-mêmes".
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyMar 7 Juil 2009 - 20:33

Les premiers recueils de Bonnefoy étaient excellents.

Je trouve personnellement que son style est devenu de plus en plus hermétique, ce qui est peut etre dans la logique de tout créateur, poussé qu' il est par la nécéssité d' une évolution artistique.
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyJeu 9 Juil 2009 - 16:26

Je n'ai jamais remarqué ça, et je trouve justement que ce sont ses derniers recueils qui ont la plus grande force d'évocation... Peut-être que c'est une poésie un peu plus hermétique qui permet justement cela...
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyVen 4 Juin 2010 - 14:55

Un cahier de l'Herne a été consacré à Yves Bonnefoy...

(sur ma liste pour Noël prochain miammiam ) J'en profite pour citer quelques passages de l'article élogieux que lui a consacré le Magazine littéraire à cette occasion, et avec lequel je ne peux être plus d'accord Very Happy en espérant que ça puisse donner envie de découvrir/continuer avec cet auteur...

"Dans ce panthéon idéal de la critique, seuls pénètrent les auteurs susceptibles de soutenir une monographie monumentale, nourrie par des centaines de pages d'analyses, de témoignages et d'inédits. [...]

Yves Bonnefoy avait évidemment l'ampleur nécessaire pour tenir ces promesses. Sa présence dans la vie littéraire, depuis plus de soixante ans, ne peut guère se comparer qu'à celle de Victor Hugo en son temps. Immense poète, traducteur, théoricien et critique d'art, il a si bien multiplié les travaux qu'on ne peut plus faire sans lui. Tout questionnement sur l'expérience poétique, notamment, doit désormais passer par Bonnefoy. Faisant suite aux méditations de Heidegger à propos de Hölderlin, ses textes on su donner un corps contemporain à une poésie de l'être, qui ne puise pas seulement dans les ressources du langage, mais qui fouille dans l'étonnement de la présence. Il y a dans ses texte quelque chose de saisissant qui fait penser aux torrents de montagne. [...]

Oui, c'est aussi par sa personnalité que le poète illumine ces Cahiers. Elle fait qu'on voudrait emporter avec soi ce livre savant, pour le lire en forêt."


Tout ça est tellement vrai pour moi ! Je trouve que ça rend bien hommage à ce poète unique Very Happy
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyVen 4 Juin 2010 - 15:24

Je ne savais même pas qu'il y avait un fil sur lui! Je ne le connais qu'en tant que traducteur de Shakespeare, et dans cet exercice ardu il fait des merveilles...
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Thierry Cabot
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyDim 27 Oct 2013 - 11:13

Merci Camille pour l'ouverture de ce fil. Merci à tous les participants.

De la poésie de Yves Bonnefoy, j'aime bien la définition suivante : "elle est une quête d’unité, une quête d’un sens par-delà l’usure des mots et les concepts : retrouver l’intériorité des choses que la langue conceptuelle échoue à atteindre parce qu’elle est simplifiante et pragmatique."

Le texte ci-dessous me parle beaucoup :

La parole du soir

Le pays du début d'octobre n'avait fruit
Qui ne se déchirât dans l'herbe, et ses oiseaux
En venaient à des cris d'absence et de rocaille
Sur un haut flanc courbé qui se hâtait vers nous.

Comme un raisin d'arrière-automne tu as froid,
Mais le vin déjà brûle en ton âme et je trouve
Ma seule chaleur vraie dans tes mots fondateurs.

Le vaisseau d'un achèvement d'octobre, clair,
Peut venir.
Nous saurons mêler ces deux lumières,
O mon vaisseau illuminé errant en mer.

Clarté de proche nuit et clarté de parole,

Brume qui montera de toute chose vive

Et toi. mon rougeoiement de lampe dans la mort.
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyMar 3 Fév 2015 - 16:35


Deux extraits particulièrement éclairants d'un entretien retracé dans L'inachevable.


« (...) J’attendrais de l’art qu’il soit la cause efficiente d’un rapport du je et de l’autre aussi étroit et transparent que possible : ce qu’en effet on pourrait dire l’avènement de la vérité dans les illusions de l’image. C’est bien de ce côté-là que je voudrais que l’art et la poésie se portent, assurément. Mais ce n’est pas sans savoir qu’il y a dans cette belle et avantageuse idée en somme morale de la création artistique une utopie qu’il serait néfaste de méconnaître, néfaste sinon même fatal par oubli d’un fait qui peut paraître désespérant mais a pouvoir, cependant, d’engrener une dialectique, elle le début de la vérité : oui, précisément, de la vérité. Ce début ? Peut-être ne sera-t-il qu’un élan, qui bientôt retombe. Mais déjà aussi il a rédimé la réclamation de beauté des plus grands parmi les artistes ; et il peut même nous assurer à tous quelque chose comme de l’être. »

« Consciente de l’immédiat, soucieuse du plein engagement de la pensée dans la finitude, l’intuition qui est à l’origine de la poésie pourrait, certes, suivre cette voie jusqu’au cœur de l’expérience mystique, qui a ce même souci et le porte aussi loin que possible. Mais quand, pour ce faire, la mystique quitte les mots, elle, la poésie, se retourne vers eux, tout au contraire, et sacrifie son objet profond, ou du moins son espoir d’y vraiment atteindre, afin de préserver le rapport à l’autre, le lieu social. Ce qui lui vaut de continuer à rêver, comme toute parole, nécessairement conceptualisée, est obligée de le faire, mais aussi d’exposer son rêve, de le partager, de le déplacer vers le rêve collectif, et ainsi d’instituer ce que la mystique ne comprend pas, n’accepte pas, tient pour illusoire : l’être institué comme vie du groupe. La poésie marche à l’avant de la dialectique que je viens d’essayer de définir. Elle vit dans son rapport au langage, c’est-à-dire au plus profond, ce mouvement de retour sur soi, ce dépassement de l’esthétique par un souci éthique et plus en profondeur encore ontologique. »

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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyMar 3 Fév 2015 - 21:16

Texte intéressant, merci. Il faut que je lise Yves Bonnefoy. Je ne sais pas trop par où commencer.
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyLun 12 Oct 2015 - 22:48

Comme je ne suis pas sensible du tout à l'écriture de Bonnefoy, j'attends vos argumentaires pour me dessiller (si cela vous semble nécessaire bien sûr...moi, à votre place...)


L’Improbable et autres essais (1959)


Yves Bonnefoy Produc10

Dans L’Inachevable, nous retrouvons ces mots d’Yves Bonnefoy :


« Consciente de l’immédiat, soucieuse du plein engagement de la pensée dans la finitude, l’intuition qui est à l’origine de la poésie pourrait, certes, suivre cette voie jusqu’au cœur de l’expérience mystique, qui a ce même souci et le porte aussi loin que possible. Mais quand, pour ce faire, la mystique quitte les mots, elle, la poésie, se retourne vers eux, tout au contraire, et sacrifie son objet profond, ou du moins son espoir d’y vraiment atteindre, afin de préserver le rapport à l’autre, le lieu social. »


Et j’ai l’impression d’avoir l’esprit mal placé lorsque cette parole, gonflée de bons sentiments plus que de sincérité, me semble représenter une tentative vouée à l’échec : on ne force pas la communication avec l’autre en lui déversant de la poésie au visage. Comment prétendre à une communion universelle par les mots en déployant un élitisme de la poésie qui porte avec lui tout le mépris et le dédain dont est capable la violence symbolique ? Je suis peut-être seulement un peu rapace et envieuse, dégoûtée d’être restée sur le carreau alors qu’on m’appâtait avec des promesses de rencontres exaltées dans l’instant, de moments qui frôlent l’absolu grâce à la communion consciente de l’acte et du mot. Yves Bonnefoy répudie la mystique qui se perd dans le silence et revendique la poésie, envisagée comme le mode de communication par excellence. Et pourtant, les essais regroupés dans ce livre ne parlent pas des hommes en général mais d’une catégorie d’hommes en particulier, ceux qui existent seulement dans leur rapport avec la création artistique. Les autres n’existent pas. C’est glaçant.  


Je veux bien qu’Yves Bonnefoy soit un bon poète et théoricien de la poésie. Il écrit de très belles choses à ce sujet et s’interroge sur les mystères de la création artistique. « Pourquoi des lignes sont-elles belles ? Pourquoi la vue d’une pierre apaise-t-elle le cœur ? A peine si le concept parvient à formuler ces questions qui sont les plus importantes. Il n’y a jamais répondu ». Malgré tout, il me semble faire fausse route et presque chaque page traduit l’anxiété d’un poète qui a conscience, sans vouloir se l’avouer, que le défrichage de la poésie en vue d’en révéler un grain de blé qui nourrisse réellement son homme est vain. Mais voilà, maintenant qu’il a construit sa vie autour de la poésie, et puisqu’il l’aime inconditionnellement, il n’ose pas le reconnaître et hurle au concret à chaque fois qu’il désigne la plus inexistante de ses dernières abstractions philosophiques.


« Telle est la pierre. Je ne puis me pencher sur elle sans la reconnaître insondable, et cet abîme de plénitude, cette nuit que recouvre une lumière éternelle, c’est pour moi le réel exemplairement. »


René Daumal lui répond : «  une de ses dernières trouvailles, ce fut de décrire « le contenu vécu » de ses opérations mentales ; un de ces jours, je l’en préviens, il s’apercevra que ce n’est pas le contenu mais le contenant qui vit, qui fabrique le contenu comme dans un moule ». Et moi je m’en vais, déçue de cette rencontre qui n’a pas eu lieu. Et pour une fois, je ne m’en veux même pas.


Les tombeaux de Ravenne :

Citation :
« Bien des philosophes ont voulu rendre compte de la mort, mais je ne sache point qu’aucune ait considéré les tombeaux. L’esprit qui s’interroge sur l’être, mais rarement sur la pierre, s’est détourné de ces pierres qui sont ainsi deux fois abandonnées à l’oubli. »


Yves Bonnefoy Vue_de10
Vue de Larchant, Balthus


A propos du tableau "Vue de Larchant" de Balthus :

Citation :
« Je crois que le plus important dans ce tableau si idéaliste n’est pas la chose représentée : mais tout ce qu’il a fallu que le peintre abandonne de lui-même pour la représenter comme ici. Autrement dit, la littéralité dans l’image n’est qu’un moyen de se vaincre. »


L'importance de la perspective en peinture pour la captation essentielle :

Citation :
« Je ne sais pas si, égaré par l’idée que la perspective a eu pour souci une figuration de l’espace, on a jamais assez souligné son principal caractère, que je dirai conceptuel. Avant la perspective, avant cette réduction chimérique de l’objet à sa situation dans l’espace, la représentation des choses était métaphorique et mythique. […]
En un mot, l’analyse des qualités sensorielles a remplacé l’intuition de l’unité substantielle. […]
On voit donc que la perspective est au cœur d’un vaste projet, intellectuel et moral. Et qu’il en est ainsi parce qu’elle peut, elle aussi, être une évocation métaphorique et mythique : pour peu qu’elle se fasse un exercice du nombre. Par le nombre, par l’harmonie, […] la perspective pouvait dépasser le malheur de la représentation simplement exacte et redevenir un mythe, où se dirait analogiquement […] l’âme même de ce qui est. »


Bonnefoy n'aime pas Paul Valéry (et plus lointainement, Walter Benjamin). Or j'aime bien Paul Valéry, et je ne parle même pas de Benjamin. Ceci explique peut-être cela, entre autres raisons.

Citation :
« Mais Valéry n’a pas su qu’on avait inventé la mort. Il a écrit sur Pascal, sur Baudelaire les pages les plus butées. Il se complaît dans un monde d’essences où rien ne naît ni ne meurt, où les choses durent sans accident, quitte à ne pas vraiment être, de simples peintures légère sur l’opacité d’une nuit. »


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Giorgio de Chirico, Énigme de l'arrivée et de l'après-midi


A propos des peintures de Giorgio de Chirico :

Citation :
«  Profondément ce que l’ombre portée désigne, comme l’aiguille sur un cadran, c’est tel lieu à tel instant, et au-delà l’impénétrable substance de ce pôle métaphysique de notre esprit, la réalité de rencontre, qui n’a pas de nom dans l’Idée. En un mot, c’est la finitude. C’est le mystère de la présence d’un être et notre mélancolie de le voir forclos de la cohérence des nombres. »
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyLun 12 Oct 2015 - 23:49

Il y a sans doute une incompréhension, d'abord (de la citation extraite de L'Inachevable, en particulier ; du concept, à la fois éculé et problématique de "concret" également) teintée d'un peu de mauvaise foi, ensuite, si je peux me permettre, quand tu suggères que Bonnefoy défendrait la poésie malgré lui, parce s'y étant engouffré, il n'a plus d'autre choix.
Je n'ai pas le temps de développer, comme d'habitude, ce qui rend ce commentaire tout à fait inutile.
Pourtant, Bonnefoy, pour moi le plus grand poète de notre temps, le mérite largement.
Dans l'attente...
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyMar 13 Oct 2015 - 21:25

j'avais oublié qu'il était du coin et surtout qu'il était aussi traducteur : Shakespeare ? et quoi d'autre (si jamais vous avez des exemples) ?
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyVen 16 Oct 2015 - 16:33

Sullien a écrit:
Il y a sans doute une incompréhension, d'abord (de la citation extraite de L'Inachevable, en particulier ; du concept, à la fois éculé et problématique de "concret" également) teintée d'un peu de mauvaise foi, ensuite, si je peux me permettre, quand tu suggères que Bonnefoy défendrait la poésie malgré lui, parce s'y étant engouffré, il n'a plus d'autre choix.
Je n'ai pas le temps de développer, comme d'habitude, ce qui rend ce commentaire tout à fait inutile.
Pourtant, Bonnefoy, pour moi le plus grand poète de notre temps, le mérite largement.
Dans l'attente...

La mauvaise foi pour moi aurait été de faire semblant de m'enthousiasmer pour ce poète reconnu.
J'attends la suite pour plus d'illuminations ! content
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