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| Andreï Tarkovski | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Lun 9 Jan 2012 - 9:43 | |
| - Marko a écrit:
- Je te l'envoie (Le temps scelle) et le mets au cerclage ...
Un grand merci Marko Ceci dit, pour éviter les frais de poste, je peux tout aussi bien attendre la prochaine rencontre parfumée à Nancy. Je me fais déjà une grand joie de le lire ! |
| | | MezzaVoce Envolée postale
Messages : 290 Inscription le : 13/07/2012 Age : 59 Localisation : Lyon
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Jeu 30 Aoû 2012 - 10:46 | |
| J'ai vu Solaris il y a bien trop longtemps. Je reprends donc le chemin vers Tarkovski en commençant par Andreï Roublev. Le film est composé en dix tableaux : Prologue, L'Histrion (été 1400), Théophane le Grec (été 1405 - été 1406), La Passion selon Andreï, La Fête (1408), Le Jugement dernier (été 1408), Le Sac (automne 1408), Le Silence (hiver 1412), La Cloche (printemps 1423 - printemps 1424), Épilogue. Il reconstitue de manière brillante une Russie à la dérive - magnifiquement filmée -, à travers les yeux d'un moine doux et taiseux auquel on s'attache dès les premiers instants. Film "d'époque", le propos reste universel. Il ouvre une vaste réflexion autour de la "trinité" foi-art-pouvoir, liée à la liberté, la conscience, l'histoire... avec, au-dessus de tout, la responsabilité de chacun : malgré les terribles barbaries (dans tous les camps) et les tristes compromissions, Roublev reste fidèle à lui-même, à ses exigences et à ses doutes. Un article intéressant sur le moine-peintre sur Historia Nostra. Andrei Roublev : « Les hommes, il faut leur rappeler souvent qu'ils sont des hommes. » Je fais aussi connaissance avec Serge de Radonège, un des saints les plus populaires de la Russie, ermite à ses heures, dont il est dit dans le film (par Cyrille ou Théophane ? je ne sais plus) qu'Épiphane-le-Sage en vente la « sincérité sans discordance » : - Citation :
- L'ermite de la forêt de Radonège, qui, par bien des traits, rappelle à la fois saint Antoine et saint François ; l'abbé du monastère de la Trinité, qui (...) resta le principal foyer [de l'histoire de la vie religieuse russe] et devint, aux heures critiques de cette histoire le centre de ralliement. (P. Kovalevski. Saint Serge et la spiritualité russe)
Le film fait aussi mention d'un certain Constantin de Kostetchev, qui aurait dit : « Tu pénètreras la substance de toute chose si tu la nommes correctement. » Constantin est le nom laïque de Cyrille. J'ai trouvé un article de l'Encyclopaedia Universalis au sujet des deux frères Cyrille et Méthode, et ce sont des personnages d'importance ! - Citation :
- Les deux frères Cyrille et Méthode ont accompli une œuvre d'une portée mondiale en arrachant aux ténèbres la vieille langue des Slaves et en élevant cet idiome méprisé à la dignité d'une langue écrite. Leur œuvre, allant de pair avec la christianisation des Slaves, permit à ces derniers de mieux résister aux tentatives de domination ou d'assimilation, particulièrement menaçantes au Moyen Âge de la part des Germains et des Grecs.
Dans les destinées de leur œuvre, un rôle capital fut joué par la Bulgarie, qui la sauva du naufrage en accueillant les disciples persécutés de Cyrille et de Méthode et en donnant le jour à une abondante littérature religieuse, qui est la première littérature nationale d'expression slave et par laquelle les Russes s'initièrent plus tard au christianisme.
(...) Cyrille et Méthode dotèrent les Slaves de leur premier alphabet et de leurs premiers textes religieux : évangile, psautier, épîtres, offices. La science contemporaine incline à penser que cet alphabet, inventé par Cyrille, est l'alphabet glagolitique, non l'alphabet qui survit de nos jours sous le nom de cyrillique [mais l'alphabet actuel porte son nom, rien de moins !].
(...) La mission de Cyrille et de Méthode en Moravie est l'une des plus grandes épopées culturelles dont l'histoire ait gardé le souvenir. Cette mission joua un rôle décisif dans les destinées du monde slave. L'image de ses deux principaux héros, en particulier celle de Cyrille, se dégage aujourd'hui avec un puissant relief de hardiesse intellectuelle et de profonde humanité. Aux clercs de Venise, qui prétendaient que l'hébreu, le grec et le latin étaient les seules langues en lesquelles l'on pût louer Dieu, Cyrille déclare hautement qu'il serait honteux de condamner ainsi tous les autres peuples « à la cécité et à la surdité ».
(... ) Brillant philosophe et théologien, habile diplomate, Cyrille est en même temps un savant, avec des goûts tout modernes de linguiste, d'archéologue et d'érudit.
(... ) On est étonné de la précision avec laquelle il a noté la langue ancienne des Slaves et de la qualité de ses traductions, faites selon une méthode très sûre, et nettement supérieures à toutes les autres traductions du Moyen Âge.
(L'EU note malgré tout des problèmes de sources.) | |
| | | MezzaVoce Envolée postale
Messages : 290 Inscription le : 13/07/2012 Age : 59 Localisation : Lyon
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Jeu 30 Aoû 2012 - 10:51 | |
| Un autre article intéressant, celui de Michel Estève, toujours pour l'Encyclopaedia universalis : - Citation :
- Sept longs métrages auront suffi pour imposer Andrei Tarkovski comme l'un des plus importants cinéastes de notre temps. Par ses sujets, ses registres et ses styles, son œuvre, au premier abord, nous apparaît hétérogène. Quels liens nouer, en effet, entre la fresque historique d'Andrei Roublev, insérée dans une chronique de la Russie soumise au joug des Tartares à l'aube du xve siècle, et l'écriture brillante de L'Enfance d'Ivan où le réel s'unit indissociablement à l'imaginaire en une sorte de « surréalisme socialiste » – selon le mot de Sartre – pour dénoncer, au travers du portrait d'un enfant détruit par l'histoire, l'horreur de toute guerre ? Quels rapports établir entre l'inspiration autobiographique, la structure a-chronologique du Miroir, le récit métaphorique de Nostalghia, les registres proches de la science-fiction de [/i]Solaris[/i] ou de Stalker, et la parabole biblique suggérée par Le Sacrifice ? En réalité, Andrei Tarkovski nous propose une vision du monde qui, par-delà cette diversité, fonde l'unité et la cohérence d'une œuvre par essence poétique et contemplative.
(...) Andrei Roublev souligne avec une compassion infinie les souffrances (qu'on pense à la séquence de « la crucifixion ») du peuple russe de tous les temps, enraciné dans sa terre, sa glèbe, son argile, mais comme perdu dans l'immensité de l'espace et toujours victime d'un pouvoir par essence despotique. D'où la double composition du récit, à la fois horizontale (grand écran du Cinémascope, larges plans d'ensemble des paysages, jeu sur la profondeur de champ) et verticale (cadrages en plongées, mouvements de caméra à la grue, prises de vue aériennes).
(...) S'impose la présence récurrente de l'enfant qui assume dans le récit tarkovskien une fonction symbolique. La destruction – morale, puis physique – de l'enfance stigmatise l'horreur de la guerre.
(...) Andrei Roublev a exalté la puissance de vie et le don de création propres à l'enfance. Dans le célèbre épisode de « la cloche », le jeune fondeur, qui affirme détenir un secret familial, en mélangeant la terre et l'eau, en maîtrisant l'air et le feu, coule une cloche gigantesque dont le son témoigne d'une pureté exceptionnelle. Mais, au peintre d'icônes qui l'interroge, l'enfant avoue n'avoir été guidé que par son intuition et sa persévérance.
(...) Constatant, comme Bernanos, le fossé existant à notre époque entre l'essor des technologies et le recul des valeurs spirituelles, hostile, sur le plan idéologique, au matérialisme marxiste et, sur un registre esthétique, au « réalisme socialiste », Tarkovski tente de rendre à ses contemporains l'intuition du spirituel comme force de vie essentielle.
(...) Le montage tarkovskien, par essence poétique, s'appuie au contraire sur l'émotion et le lien narratif en affirmant la suprématie de la sensibilité et du temps. (...) « De la sculpture avec le temps comme matériau, voilà ce qu'est le montage, voilà ce qu'est la figure cinématographique. » Sculpter le temps, c'est sculpter le réel dans sa durée et permettre ainsi aux consciences de s'exprimer : d'où l'ampleur du récit, la lenteur des déplacements des personnages, la longueur des plans-séquences, souvent fixes. Mais l'écriture de l'auteur repose aussi sur l'alliance de la peinture et du cinéma (cadrages, couleurs...)... | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Jeu 30 Aoû 2012 - 11:07 | |
| Une oeuvre inépuisable à voir et revoir. Tes informations sur Roublev sont intéressantes. On pourrait initier non pas une lecture commune mais un (re)visionnage commun autour d'un ou plusieurs de ses films pour en parler tous ensemble au même moment... | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Ven 31 Aoû 2012 - 9:05 | |
| - Marko a écrit:
- Une oeuvre inépuisable à voir et revoir. Tes informations sur Roublev sont intéressantes. On pourrait initier non pas une lecture commune mais un (re)visionnage commun autour d'un ou plusieurs de ses films pour en parler tous ensemble au même moment...
Je suis partante, particulièrement pour le film Andreï Roublev que je n'ai plus vu depuis quelques années et que j'aime beaucoup. Il y aurait tant à dire en plus ! |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Ven 31 Aoû 2012 - 9:27 | |
| Merci, MezzaVoce, pour ces informations! Elles évoquent des souvenirs en moi... J'étais il y a deux ans à la Trinité Saint Serge aux portes de Moscou, un des monastères les plus importantes de l'Orthodoxie russe. Ce lieu m'a très ému. Et j'ai vu aussi des fresques de Théophane le Grec, à l'église de la transfiguration à Nowgorod.
En ce qui concerne le mot "Trinité", il faut quand même souligner qu'avant tout il s'agit alors de la fameuse icône de la visitation des trois anges chez Sara et Abraham ou, dans la tradition chrétienne, une avant-représentation du mystère de la trinité. L'original se trouve dans la galerie Tretiakov à Moscou, pris par les communistes au monastère Saint Serge...
Pour l'icône (magnifique) voir ici. | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Jeu 15 Nov 2012 - 12:25 | |
| Quand Tarkovski faisait courtTrois courts-métrages tournés par Andreï Tarkovski durant ses études à la VGIK (Institut fédéral d'Etat de Moscou). Les tueurs (Ubiytsy, 1958). Durée : 19 minutes. Co-réalisé avec Alexandre Gordon et Marika Beiku. Illustration très fidèle de la nouvelle d'Ernest Hemingway qui a été adaptée dix ans plus tôt, avec brio, par Robert Siodmak, avec Burt Lancaster et Ava Gardner. Tous les rôles du court-métrage sont joués par des étudiants et Tarkovski, lui-même, fait une apparition. L'atmosphère de film noir à l'américaine est parfaitement rendu avec des dialogues cinglants et des cadrages originaux. Pas de mouvements d'appareil. Un bel exercice de style qui frustre par sa brièveté et la brutalité de sa conclusion. Il n'y a pas de départ aujourd'hui (Segodnya uvolneniya ne budet, 1959). Durée : 46 minutes. Co-réalisé avec Alexandre Gordon. Egalement connu sous le titre de Aujourd'hui nous ne quitterons pas nos postes. Basé sur un événement réel : la découverte de missiles dans les sous-sols d'une ville russe, son transport par les militaires et l'évacuation de la cité. Gros moyens pour ce deuxième film d'études de Tarkovski qui bénéficia de l'aide de l'armée. Le style est très différent de de celui des Tueurs avec ses travellings et un montage dynamique qui privilégie le suspense. L'imagerie soviétique de l'époque est "préservée" : héroïsme, discipline de la population, figure de la femme en attente du retour de son brave époux. L'excès de dramatisation qui passe notamment par une musique assourdissante est plutôt insupportable. Longtemps considéré comme perdu, mais les négatifs ont été retrouvés au milieu des années 90. Le rouleur compresseur et le violon (Katok i skripka, 1961). Durée : 42 minutes Ecrit par Tarkovski et Konchalovski, le film de fin d'études du premier est en couleurs. La rencontre et l'amorce d'une amitié entre un petit violoniste de 7 ans et un ouvrier de chantier. Relation contrariée par les préjugés sociaux. C'est de loin le plus abouti des courts de Tarkovski avec ses échappées poétiques et oniriques. Il y a un brin d'esthétisation forcée que les intelligentes ellipses scénaristiques et la délicatesse du traitement font oublier. Un beau moment de cinéma et une introduction en douceur à l'univers de Tarkovski. | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Jeu 15 Nov 2012 - 17:34 | |
| Wow, alors là, je n'étais pas préparé à ce qu'on déterre ces films de Tarkovski dont je ne savais rien. Merci, traversay! | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Jeu 15 Nov 2012 - 17:46 | |
| - tom léo a écrit:
- Wow, alors là, je n'étais pas préparé à ce qu'on déterre ces films de Tarkovski dont je ne savais rien. Merci, traversay!
Dans le coffret de l'intégrale des films de Tarkovski il y a un DVD avec ses premiers courts-métrages | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Mar 15 Jan 2013 - 21:43 | |
| Revu ce weekend Le miroir. La deuxième vision du film, de la première il restait en mémoire des images et des séquences, de façon assez précise (la barrière, l'imprimerie, ...) mais pas grand chose ou rien de la trame. Ce qui est assez compréhensible car la structure narrative du film n'est pas tout à fait linéaire. Il y a bien une chronologie qui se reconstitue dans l'ensemble et une construction très précise des séquences (l'imprimerie ou la lecture du cahier dans l'appartement, la visite et les boucles d'oreilles) mais il y aussi une coexistence au présent des différentes trames de souvenir (renforcé par le fait que la même actrice incarne la mère et la femme). On reçoit aussi une infinité d'imbrications d'images, de rappels, d'évocations de façon très dense. Mélancolie ouverte de l'atmosphère mais kaléidoscope d'objets et de répétitions, sublimes natures mortes presque figées. Incroyables textures... La naissance du souvenir, de l'âme. Sans abstraction trop prononcée dans le discours avec les visages et les dialogues qui expriment facilement une franche imperfection, un trouble, un antagonisme. ça rend les choses (en plus de l'image) concrètes et immédiates. Et puis il y a le visage de cette femme, vivant, changeant. Une part autobiographique très forte qui motive son dépassement dans la forme par un comment, un regard, une capacité d'évocation très forte (ça fait remonter des choses dans la tête du spectateur). C'est un peu fiévreux à l'image du probable narrateur malade tout en côtoyant un apaisement du, dans le, souvenir, avec un recommencement changeant, toujours présent. Difficile de résister. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Dim 20 Jan 2013 - 21:41 | |
| StalkerC'était mon tour de le revoir. Ce qui marque d'abord c'est l'inquiétude, la peur. Ce qui peut se comprendre dans le noir et blanc humide et décrépi qui habille le film. Quelque chose de corrompu. Quand après le jeu de cache cache risqué le Stalker arrive dans la Zone avec l'Écrivain et le Professeur la couleur apparait. Et avec elle une végétation luxuriante et le souffle du vent. L'endroit est inquiétant mais constitue en même temps un refuge une possibilité de repos, de paix, d'abandon dans la verdure humide. L'Écrivain et le Professeur se chamaillent, le Stalker est très nerveux. La découverte de la Zone et de ses légendes semble sans but et pleine de détours. Dans l'image transparait un lieu de souvenir et d'absolution. Les bruits et les textures isolent les trois protagonistes dans leurs voyages vers cette Chambre qui exaucerait le vœux le plus cher de celui qui y pénètre. Plus la fin du voyage approche et plus la tension monte et plus les inclinations des personnages s'éclaircissent, un poète, un scientifique et un mystique presque un prêtre. Dans leurs doutes communs et leurs accusations deux baissent les bras et l'autre est rongé toujours plus profondément devant une notion de l'espoir. Qui s'épaissit et se nourrit de tout se lieu d'eau et de souvenir, d'errance. Le retour chez lui de ce personnage le voit plus tourmenté et épuisé que jamais dans un entourage plus apaisé et devant une immense bibliothèque (ainsi va ce dépossédé, ce pauvre type). Ambiance incroyable, hypnotique avec l'éternel attrait des mousses, du sol, de l'air, de l'eau et le calme de la compagnie du chien (la même atmosphère de foyer moral plus explicite dans d'autres films). De très beaux moments d'hésitations partagés entre la communauté et la solitude. Un film tourmenté mais lumineux. On pourrait mégoter sur les méandres du discours ou éplucher sans fin... on n'échapperait pas au courant particulier du film. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Mar 29 Jan 2013 - 19:16 | |
| Le sacrifice (1986) Quel soulagement de voir la maison familiale prendre feu ! Ce n’est pas que cette belle demeure qui fait le centre des scènes du Sacrifice me déplaise mais enfin ! il se passe quelque chose de décisif et la fin du film approche ! Mais pour cela, il aura fallu traverser 2h30 arides et austères… Le Sacrifice est un objet qui ne semble pas avoir d’autre projet que celui d’illustrer certaines des idées d’Andrei Tarkovski en scènes filmées. On pourrait dire qu’il s’agit là de la règle en cinéma…mais ici, les images ne semblent absolument pas nécessaires et n’apportent rien aux réflexions d’Alexander, ancien acteur démissionnaire, pauvre bougre torturé par des idées « nietzschéennes ». Au contraire, elles nuisent à leur compréhension : ne serait-on pas mieux au calme pour lire et s’imprégner tranquillement des pensées de Tarkovski ? Avec le Sacrifice, on croit sans cesse qu’il va se passer quelque chose de crucial à l’écran et l’attention se détache parfois du propos pour porter l’œil sur les scènes et les personnages alors qu’en définitive, l’illustration ne se fera que vaguement, sous forme d’une parodie grossière du propos littéral. A la limite pourra-t-on apprécier les atmosphères lugubres et terrifiées que Tarkovski parvient à mettre en place dès lors que l’annonce d’une nouvelle guerre mondiale s’infiltre à travers les murs de la maison. Même si là encore, n’importe quel cerveau de lecteur aurait pu se figurer lui-même cette obscure terreur. Avant le Sacrifice, je ne connaissais pas Tarkovski. Lui, cinéaste ? Pourquoi pas… mais pour moi, il est avant toute chose un écrivain et idéologue, bien meilleur à l’écrit lorsqu’il s’agit de s’expliquer à propos de son film, que derrière la caméra lorsqu’il s’agit de le tourner… - Citation :
- « C’est à partir de ces réflexions que j’ai décidé de réaliser le Sacrifice. Le moyen de revenir à un rapport normal avec la vie est de restaurer un rapport avec soi-même. Il faut pour cela trouver son indépendance face au style de vie matériel et vérifier par là même sa propre essence spirituelle. Dans ce film, je montre un des aspects de cette lutte si on vit en société et qui est la conception chrétienne du sacrifice de soi. Celui qui n’a pas connu ce sentiment-là, de désir, cesse, de mon point de vue, d’être un homme, se rapproche de l’animal et devient un mécanisme étrange, un objet expérimental dans les mains de la société et du gouvernement. Par contre, s’il acquiert son autonomie morale, il trouve en lui la capacité de s’offrir en sacrifice à quelqu’un d’autre. »
- Citation :
- « Cet homme a compris que, pour se sauver, il est indispensable de s’oublier soi-même. Même sur le plan physique, il faut passer à un autre niveau d’existence. Quand on a faim, on va au magasin et on s’achète à manger, mais quand vraiment on se sent très mal, en crise spirituelle, il n’y a nulle part où aller, sauf chez les sexologues et les psychanalystes qui ne comprennent rien à ce qui se passe. Ce sont des bavards, des voyeurs, qui vous consolent, vous calment et vous font payer cher. Ce sont des charlatans, mais ils sont terriblement à la mode. Mon héros ne peut plus vivre comme avant et il accomplit un acte, peut-être désespéré mais qui lui montre qu’il est libre. De tels actes peuvent avoir une résonance absurde sur le plan matériel, mais sur le plan spirituel ils sont magnifiques car ils ouvrent la voie d’une renaissance. »
- Citation :
- « Ce qu’on appelle l’information dont on prétend avoir tellement besoin - voyez la télévision et la radio - les commentaires permanents, infinis des joumaux, tout cela est vide et dépourvu de sens d’un point de vue fondamental. On s’imagine que l’homme doit savoir toutes sortes de choses dont en fait il n’a pas besoin, dont la connaissance lui est strictement inutile. Nous mourrons sous les tonnes de cette information bavarde. En fait, il vaut mieux agir que bavarder. Quant aux mots, aux paroles avec lesquels nous communiquons - et ceci concerne l’art- ils doivent être dépourvus de passion. C’est la nostalgie que nous éprouvons envers le principe olympien, cette froideur, cette réserve classique, qui fait la magie, le secret des grandes oeuvres à résonance métaphysique. »
(extrait d’un entretien avec Annie Epelboin à Paris, le 15 mars 1986 et paru dans la revue Positif, mai 1986) | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Mar 29 Jan 2013 - 20:23 | |
| C'est vrai qu'il met en image ce qu'il a dans la tête mais l'image permet la coexistence de l'idée et de l'histoire personnel (souvenir, nostalgie) et le cinéma fait une espèce de langage (poétique) avec ses limites mais ici "assez développé".
Essaye quand même au moins un autre comme L'enfance d'Ivan ou Andrei Roublev. (ou Nostalghia rien que pour cette sieste du début). | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Mar 29 Jan 2013 - 22:41 | |
| A ta place, j'opterais pour l'Enfance d'Ivan, avant Andrey Roublev. C'est son premier "vrai" film, L'Enfance d'Ivan, et il est plus accessible (et moins personnel, certes, puisqu'il n'avait pas initié le projet), c'est une porte d'entrée, en somme. Il en a fait un film à lui, qui porte sa marque. Avec certains réalisateurs, il vaut mieux ne pas brûler les étapes.
Le Sacrifice, c'était son dernier film, il était malade, c'est très particulier - comme quasiment tous ses films, vous me direz... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Andreï Tarkovski Mer 30 Jan 2013 - 22:01 | |
| Je peux voir Stalker ou Solaris, ils sont disponibles à la bibliothèque... et les intrigues me semblent intéressantes. Mais entre le résumé et le traitement qu'en fera Tarkovski, j'imagine qu'il y a un monde ! | |
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| Sujet: Re: Andreï Tarkovski | |
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| | | | Andreï Tarkovski | |
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