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Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Mar 20 Déc 2011 - 22:15
c'est clair !
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Mar 20 Déc 2011 - 23:02
sentinelle a écrit:
Comme quoi il ne faut jamais écouter religieusement les critiques de cinéma (ceci dit, je le savais déjà). Il n'empêche que j'aime bien l'écouter dans Le masque et la Plume
Je ne l'aime pas beaucoup comme critique de cinéma et c'est étonnant qu'il ait été choisi pour les commentaires sur Tarkovski! Vraiment pas son univers mis à part le fait qu'il s'intéresse à la culture russe en général.
Invité Invité
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Mer 21 Déc 2011 - 8:40
J'ai trouvé aussi curieux qu'on s'adresse à lui pour tous les commentaires des films de Tarkovski, en tout cas il est passé pas mal à côté concernant le premier film du réalisateur, j'attends de voir pour les suivants.
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Lun 2 Jan 2012 - 20:00
L'enfance d'Ivan
Je rejoins sentinelle sur son avis...et insisterai sur le travail sonore absolument magnifique. Tout est musique chez Tarkovski, provoquant à la fois fascination et angoisse. Il donne ainsi à ressentir une sensation de menace, d'oppression, une réalité de la guerre et du front avec tous ces traumatismes. Et pour tenir, une lutte permanente contre soi-même.
Je retiens aussi les magnifiques séquences rêvées : le visage radieux de la mère, la course-poursuite éperdue qui clôt le film. Une lumière inoubliable qui offre un contraste à l'opacité souterraine du quotidien.
Concernant la scène entre Kholine et Macha, elle est très ambigüe. Le capitaine tient le rôle d'un séducteur mais il se joue presque de lui-même...de son côté, Macha est méfiante, sur la réserve mais ne veut pas montrer sa peur. Dans ce bois de bouleaux, c'est un ballet étrange et un moment suspendu dans le temps. Mais on est d'accord, je n'y vois pas du tout de sensualité.
Invité Invité
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Sam 7 Jan 2012 - 23:43
C’est une scène très ambigüe, qui met mal à l’aise. Une scène de séduction mais pas du tout sensuelle.
J’ai vu Solaris qui m’a fait énormément pensé au Miroir par les thématiques abordées. Mais de manière générale, on retrouve beaucoup de ces fils rouges dans toute l’œuvre de Tarkovski.
Beaucoup a en dire, je commence ce soir avec « Pas assez de mots », car il semble bien que ce soit un des nombreux thèmes de Tarkovski. Dans Solaris, cela se traduit par l’impossibilité de transmettre son vécu et ses expériences par le langage. Exemple : le scientifique Snaut est incapable d’informer correctement le psychologue Kris Kelvin à son arrivée sur la station orbitale. Il n’explique pas grand-chose concernant les événements qui se passent sur la station, il se borne à le conseiller de faire attention mais sans spécifier vraiment ce qu’il en est, « tu ne me croirais pas de toute façon », lui dit-il…
Impuissance des mots pour transmettre un vécu, une expérience, une sensation. Tragédie humaine qui consiste à reproduire continuellement les mêmes expériences, les mêmes erreurs : on n’apprend pas (ou si peu) de l’autre, on doit vivre nos propres expériences, on doit se confronter à nos propres erreurs. L’essentiel ne passe pas par les mots mais par les émotions vécues. Nous sommes condamnés à vivre dans une sorte de vase clos, dans quelque chose de répétitif, de cyclique, d'hermétique à l’autre, dans une sorte de prédéterminisme. Ainsi dans Le Miroir où l’homme agonisant a répété les mêmes erreurs que celles de son père (échec du couple).
Difficulté également de communiquer fidèlement ses expériences : on ne sait pas comment les dire, il n’y a pas assez de mots pour les exprimer. Quelle liberté avons-nous lorsqu’il y a si peu de marge de manœuvre, lorsqu’on est condamné à reproduire les mêmes erreurs que celles de nos pères ? Le serpent qui se mord la queue en quelque sorte. Que de solitude, de peur et d’angoisse cela génère…
Je ne connais pas du tout la vie de Tarkovski mais son œuvre est visiblement marquée par une relation trouble au père. Nous en retrouvons des allusions dans Le Miroir et Solaris par exemple. Mais quelle ironie tout de même d’insister sur cette impuissance des mots pour traduire un vécu, une pensée, pour transmettre un savoir lorsqu’on sait que le père de Tarkovski, Arseni Tarkovski, était poète. Un cinéaste pourrait-il aller au-delà des mots par l'usage des images ? Par la présentation de ces ilots de souvenirs ? Arrogance, quand tu nous tiens...
La tour de Babel de Bruegel, reproduction présente dans le film Solaris
Remarquons la tentative de réconciliation avec le père dans Solaris (voir scène finale dans l’île isolée plongée dans l’océan protoplasmique), ou dans Le Miroir par l’introduction des poèmes du père dans le film. Culpabilité, rédemption par la réconciliation avec soi-même, avec le père, l’autre, l’humanité toute entière. Un autre thème cher à Tarkovski !
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Dim 8 Jan 2012 - 20:10
Je partage ton impression sur un rapprochement entre Solaris et Le Miroir. La découverte du premier film m'a beaucoup aidé à appréhender le second alors qu'il me manquait alors des clefs de lecture. Une poésie absorbante, hypnotique, qui captive le regard tout en creusant le cheminement d'une mémoire et de réminiscences. Beaucoup d'incompréhension, de flou et de de flottement dans Solaris, face à l'impossibilité d'une transmission et d'une soif d'absolu. A la poursuite d'un apaisement qui nous échappe.
tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Dim 8 Jan 2012 - 22:21
sentinelle a écrit:
Impuissance des mots pour transmettre un vécu, une expérience, une sensation. Tragédie humaine qui consiste à reproduire continuellement les mêmes expériences, les mêmes erreurs : on n’apprend pas (ou si peu) de l’autre, on doit vivre nos propres expériences, on doit se confronter à nos propres erreurs. L’essentiel ne passe pas par les mots mais par les émotions vécues. Nous sommes condamnés à vivre dans une sorte de vase clos, dans quelque chose de répétitif, de cyclique, d'hermétique à l’autre, dans une sorte de prédéterminisme. Ainsi dans Le Miroir où l’homme agonisant a répété les mêmes erreurs que celles de son père (échec du couple).
Difficulté également de communiquer fidèlement ses expériences : on ne sait pas comment les dire, il n’y a pas assez de mots pour les exprimer. Quelle liberté avons-nous lorsqu’il y a si peu de marge de manœuvre, lorsqu’on est condamné à reproduire les mêmes erreurs que celles de nos pères ? Le serpent qui se mord la queue en quelque sorte. Que de solitude, de peur et d’angoisse cela génère…
Je ne connais pas du tout la vie de Tarkovski mais son œuvre est visiblement marquée par une relation trouble au père. Nous en retrouvons des allusions dans Le Miroir et Solaris par exemple. Mais quelle ironie tout de même d’insister sur cette impuissance des mots pour traduire un vécu, une pensée, pour transmettre un savoir lorsqu’on sait que le père de Tarkovski, Arseni Tarkovski, était poète. Un cinéaste pourrait-il aller au-delà des mots par l'usage des images ? Par la présentation de ces ilots de souvenirs ? Arrogance, quand tu nous tiens... toute entière. Un autre thème cher à Tarkovski !
Je suis d'accord avec toi dans la mesure que je pense aussi qu'il y a des bribes de vie qui ne se laissent pas facilement transmettre par le langage. Mais je ne suis pas sûr, vu par exemple aussi l'importance de certains textes dans certains films (p.ex. justement les poèmes de son père dans "Le miroir" ou des citations de l'Evangile etc)), si on peut en conclure une malaise générale envers la parole.
Aussi y-t-il des textes d'Andreï Tarkovski lui-même d'une grande beauté. Les "Récits de jeunesse" sont un exemple splendide:
Présentation de l'éditeur Retrouvés récemment à Florence dans les archives personnelles d'Andreï Arsenievitch Tarkovski, ces récits passionneront tous ceux qui aiment l'œuvre du cinéaste. Rédigés, comme les poèmes qui les accompagnent, entre 1960 et juillet 1962 - l'auteur a tout juste trente ans -, ces textes sont de véritables tableaux impressionnistes : la neige, le ciel et la taïga servent de rideaux de scène à de mini drames, d'émouvantes et parfois cruelles plongées au cœur de l'âme et de la vie russes, de rencontres avec des personnages de femmes, amantes ou mères, à la fois fugitives et si présentes. On ne peut que succomber au charme - et à la force - de ces écrits de jeunesse dont chaque page annonce la naissance du prodigieux auteur d'Andreï Roublev.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Dim 8 Jan 2012 - 22:31
d'accord avec toi tom leo, un "problème" plus de la nostalgie ?
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Dim 8 Jan 2012 - 22:45
On devrait faire des "visionnages" en commun pour voir le film en même temps et mieux pouvoir échanger ensuite. Ma vision de Solaris est un peu trop ancienne pour me permettre de réagir aux commentaires de Sentinelle. Mais je vais essayer de le revoir dans les jours prochains. Plus qu'une impuissance des mots je pense que Tarkovski a compris que le langage cinématographique peut atteindre une dimension poétique au-delà des mots et bien plus profonde. On touche à l'hypnose, à l'inconscient, à l'abolition des repères spatio-temporaux dont la planète Solaris est d'autant plus un catalyseur, à une forme de transcendance, l'art étant pour Tarkovski une façon d'introduire la question du religieux dans une réflexion esthétique et métaphysique.
Invité Invité
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Dim 8 Jan 2012 - 23:16
Je pense comme Marko, à savoir que Tarkovski a compris que la langage cinématographique va au-delà des mots seuls, que sa portée est bien plus grande. Les mots sont bien sûrs importants et ne sont pas à négliger mais quand je parle de l'impuissance des mots, c'est dans le sens pas complètement satisfaisants pour transmettre, communiquer, dans le sens "ils ne suffisent pas". Mais cela ne sous-entend pas du tout un problème avec le langage. Disons que Tarkovski souligne très bien les limites du langage. Pour moi (mais l'explication vaut ce qu'elle vaut tant on pourrait disserter des heures sur les films du réalisateur tant ils sont riches), l'introduction des poèmes d'Arseni Tarkovski dans Le Miroir a plus à voir avec le pardon et la réconciliation avec le père, père totalement absent physiquement et dont il ne reste que les textes pour demeurer relier à lui. J'ai trouvé par ailleurs ces poèmes magnifiques.
Tomber sur les textes d'Andreï Tarkovski serait une très grande joie en ce qui me concerne
Dernière édition par sentinelle le Dim 8 Jan 2012 - 23:47, édité 2 fois
Invité Invité
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Dim 8 Jan 2012 - 23:26
Avadoro a écrit:
Je partage ton impression sur un rapprochement entre Solaris et Le Miroir. La découverte du premier film m'a beaucoup aidé à appréhender le second alors qu'il me manquait alors des clefs de lecture. Une poésie absorbante, hypnotique, qui captive le regard tout en creusant le cheminement d'une mémoire et de réminiscences. Beaucoup d'incompréhension, de flou et de de flottement dans Solaris, face à l'impossibilité d'une transmission et d'une soif d'absolu. A la poursuite d'un apaisement qui nous échappe.
Je conseille également de voir si possible Solaris avant Le Miroir, tant le premier donne pas mal de clés de lecture à la compréhension du deuxième, comme tu le dis si bien.
Le plus flagrant je pense sont ces ilots de souvenirs, présentés matériellement dans le premier, symboliquement par les pensées et souvenirs épars dans le second film.
Pour continuer la comparaison entre les deux films, le miroir n’est pas le moindre des points communs. Dans Solaris, c’est l’océan protoplasmique entourant Solaris, milieu liquide vu comme un cerveau matérialisant les fantasmes, souvenirs, remords et rêves des hommes, qui joue le rôle du miroir : un miroir gigantesque qui absorberait les pensées des hommes pour mieux les reconstituer en réel. Le liquide (on sait comme l’eau est importante pour le réalisateur) comme substance pensante et réfléchissante.
L’homme qui se regarde dans le miroir, c’est le même mécanisme de récursivité sans fin, on retombe sur quelque chose qui boucle continuellement, on est tout le temps confronté à soi, au semblable, au même. Ce semblable est essentiel tant l’homme croit vouloir explorer et découvrir de nouveaux horizons et de nouvelles connaissances alors qu’il ne cherche que ce qui lui ressemble. Le différent, l’inconnu, l’incompréhensible est rejeté, pire, il est détruit, pulvérisé si possible.
Le même qui aliène, le différent qui fait peur et qu’on veut éradiquer pour se préserver.
La mère et la femme sont également confondues dans les deux films, leurs images se superposent, se confondent dans certaines séquences.
Le problème de conscience. Le pardon et la réconciliation qui permettent de se dépasser, de casser le miroir ?
Enfin bref, regarder un film de Tarkovski est finalement très prise de tête, tant on peut en discuter pendant des heures et faire des liens à l'infini
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Lun 9 Jan 2012 - 0:01
sentinelle a écrit:
Tomber sur les textes d'Andreï Tarkovski serait une très grande joie en ce qui me concerne
Il faut absolument que tu lises Le temps scellé. C'est vrai que son père a eu une influence déterminante. On a le sentiment qu'il a fait du cinéma pour mieux pouvoir exprimer sa poésie et dialoguer avec lui à travers le temps (la mort) et l'art.
Invité Invité
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Lun 9 Jan 2012 - 0:41
Mais il est indisponible
Ah l'art chez Tarkovski, c'est ce qui sauve l'humanité, aussi simple que cela !
Pour en revenir à la relation au père, cela rejoint aussi à mon sens la relation au père spirituel, càd Dieu.
Invité Invité
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Lun 9 Jan 2012 - 1:02
Quelques scènes marquantes de Solaris :
Hymne à la nature, c'est la séquence d’ouverture du film : le flux, le courant, la transparence, la limpidité de l’eau. Ce qui existe à la surface mais aussi au-delà et en-deçà. Les végétaux ont comme une certaine animalité en eux, ils ondulent, ils sont vivants, tout simplement. L’homme est comme incongru dans cet espace. Y a-t-il vraiment sa place ? Si oui, laquelle ?
Filmé à Tokyo. On dirait des petites voitures téléguidées. Les bruits sont inquiétants, mécaniques, angoissants. Mon ressenti : c’est la foule solitaire, l’homme atomisé, l’homme téléguidé qui se laisse conduire. Crainte du progrès et de la modernité ? Nostalgie de la nature ? On a l’impression que l’homme est seul jusqu’au moment où l’enfant se rapproche du père. Pas de mots, juste un rapprochement corporel de l’enfant vers le père, le père qui demeure inaccessible en restant totalement enfermé dans sa bulle. Incommunicabilité, encore et toujours.
Ohlala la scène de l’apesanteur, on est en pleine lévitation transcendantale et religieuse : on s’élève, on se fait plus léger, on prend de la hauteur, on s’apaise, on se réconcilie. Musique : S. Bach Peinture : Pieter Brueghel l'Ancien avec "Le retour des chasseurs". Cette peinture apparaît également dans Melancholia (2011) de Lars von Trier. Hommage à Tarkovski.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Andreï Tarkovski Lun 9 Jan 2012 - 1:24
sentinelle a écrit:
Mais il est indisponible
Ah l'art chez Tarkovski, c'est ce qui sauve l'humanité, aussi simple que cela !
Pour en revenir à la relation au père, cela rejoint aussi à mon sens la relation au père spirituel, càd Dieu.
Je te l'envoie (Le temps scelle) et le mets au cerclage ...