Tennessee Williams

Terminé hier Le boxeur manchot qui contient en fait les nouvelles suivantes :

- Le boxeur manchot
- Malédiction
- Le poète
- Chronique d'une disparition
- Le masseur noir
- Portrait d'une jeune fille de verre
- La chose importante
- L'ange dans l'alcôve
- Le champ des enfants bleus
- La nuit où l'on prit un iguane
- L'oiseau jaune

quatrième de couverture a écrit:

Poètes, vagabonds, criminels, prêtres fous et vierges folles, c'est toujours sur des individus détraqués que se porte le regard de Tennessee Williams. Non pas, me semble-t-il, qu'il ait aucunement le goût du morbide : pour lui, ce ne sont ni des malades ni des monstres, bien au contraire : il leur voue une tendresse plus fraternelle, presque complice. Durant leur vie, les personnages de Tennessee Williams incarnent et poussent à l'extrême tous les conflits sociaux, religieux ou sexuels dont ses frères les hommes lui paraissent menacés ; par leur mort, souvent dramatique, ils résolvent toutes les contradictions du monde - et ils purifient le monde.

C'était la première fois que je le lisais hors pièces. Les ressemblances de titres ne sont pas un hasard. C'est souvent une belle occasion de découvrir une nouvelle facette d'autres histoires (la jeune fille de verre, l'iguane...). D'une manière générale je dirai que l'impression d'ensemble est plus triste, plus sombre qu'à la lecture des pièces surtout pour les nouvelles qui dans mon esprit en tout cas n'en appellent aucune (Le boxeur, le masseur... ). plusieurs nouvelles aussi expriment clairement l'homosexualité de l'auteur, cela allant peut être de paire avec le fait que ces nouvelles apparaissent plus violentes... certaines, certains passages sont tout simplement remarquablement beaux (Le champ des enfants bleus ?)

bref tout y est, j'en ai découvert un peu plus. Les nouvelles sont courtes, elles se lisent en une fois, petits univers troublants qui se tiennent et débordent.

extrait du champ des enfants bleus :

Citation :

- Je n'ai rien. J'avais l'impression d'avoir oublié quelque chose !

Ce sentiment persistait en elle, même après qu'elle se fut rendu compte qu'elle n'avait rien perdu du tout. Il lui semblait toujours qu'il lui manquait quelque chose quand elle rentrait à la maison des étudiants ; elle faisait le tour des chambres, racontant et écoutant les anecdotes de la soirée, et riant beaucoup plus que cela ne valait. Et lorsque enfin, chacune de ses amies s'était couchée, elle restait seule dans sa chambre, et parfois elle pleurait amèrement sans savoir pourquoi, écrasant son visage contre l'oreiller pour qu'on ne l'entendît pas - ou bien elle s'asseyait en pyjama sur le bord de sa fenêtre, et elle regardait la petite ville de l'université avec tous ses habitants, ses arbres, ses pelouses sous la belle lumière bleu sombre des nuits de printemps. Le dôme du bâtiment administratif s'élevait au loin comme un pic neigeux, les étoiles semblaient étonnament grosses et proches. Myra se sentait oppressée par une émotion dont elle ne pouvait comprendre la nature ni l'exacte signification.

Lorsque des groupes d'étudiants, à moitié ivres, excités comme elle après le bal, s'arrêtaient devant la maison pour lui offrir une sérénade, elle allumait sa lampe de chevet et se penchait à sa fenêtre ; elle battait des mains, mimant de silencieux applaudissements, pour exprimer sa joie, et, lorsqu'ils s'en allaient, elle éteignait sa lumière et restait à sa fenêtre à regarder dehors - et c'était triste, affreusement triste, d'entendre leurs voix braillardes disparaître au long des avenues plantées d'arbres et baignées par le clair de lune. Elle les écoutait décroître et mourir de fin dans la nuit, noyées parfois par le bruit d'un moteur qui démarrait dans un grincement de gravier, puis se changeait en doux murmure musical, suivi bientôt par le profond silence de la nuit.

Toujours assise à sa fenêtre, elle attendait, la gorge serrée, le début des sanglots. Et lorsqu'elle avait sangloté, elle se sentait mieux. Lorsque les sanglots ne venaient pas, elle prolongeait sa veillée, parfois jusqu'à l'aube, et son agitation s'apaisait d'elle-même.

Un article sur Evene.fr rend hommage à Tennessee Williams pour le 25e anniversaire de sa mort.

il y a des parfumés qui ont lu les nouvelles ? ... je trouve la différence avec les pièces encore plus marquée à la lecture de Sucre d'orge... brrrr....

animal a écrit:

il y a des parfumés qui ont lu les nouvelles ? ... je trouve la différence avec les pièces encore plus marquée à la lecture de Sucre d'orge... brrrr....

il y a des années que j'avais lu un receuil de ses nouvelles (je devrais rechercher comment cela s'appelait??) - en tout cas j'avais à ce moment aussi un peu de mal à "retrouver" celui que j'adorais dans ses pièces de théâtre..
il me faudrait revoir pour savoir si ce sentiment y est encore aujourd'hui..

Oui, Animal... Profité des rééditions chez 1O / 18...

Comme je sais que tu aimes aussi Carson McCullers, je ne résiste pas à
l' envie de répéter l' hommage qu'il lui avait rendu dans un recueil de textes posthumes de Carson : Illuminations and night glare.
En français : Illuminations et nuits blanches. 1O / 18.
Et qui atteste de leur parenté spirituelle.

Le coeur de Carson était souvent solitaire et se montrait chasseur infatigable pour ceux à qui elle voulait l'offrir, mais une telle lumière irradiait de ce coeur qu'elle en effaçait les coins d'ombre.

Tennessee WILLIAMS

il y a des nouvelles aussi chez 10/18 ?

dans les Robert Laffont (Sucre d'orge et le boxeur manchot) une petite préface ou au moins chronologie d'écriture n'aurait pas été de trop je trouve...

faudra chercher tout seul comme un grand !

fini la lecture des nouvelles de Sucre d'orge :

- Les jeux de l'été
- Billy et Cora
- La ressemblance entre une boite à violon et un cercueil
- Sucre d'orge
- Rubio y Morena
- Le matelas près du parc à tomates
- Un événement dans la vie de la veuve Holly
- La vigne
- Les mystères du Joy Rio

Comme dit plus haut, c'était encore un peu difficiles d'entrer dans ces nouvelles, plus difficiles qu'avec celles du Boxeur manchot. Pour les mêmes raisons que dans ce recueil : l'univers de la prostitution (féminine ou masculine) tient une place importante ainsi que des obsessions de jeune adolescent... ou des "pratiques" un peu glauques de vieux bonhommes dans les vieux cinémas, deux nouvelles ont ce thème : Sucre d'orge et Les mystères du Joy Rio, ces nouvelles commes les autres s'attachent beaucoup à quelque chose de physique, semblant parfois rechercher le malaise qui ne manque pas d'être provoqué... tout ça mélangé de façon plus ou moins explicite à un univers de blessures et de souffrance, de solitude....


C'est donc aussi pour les mêmes raisons aussi qu'on s'y attache et que nous sommes intéressés et touchés. On retrouve les échos de ces pièces, de son univers (mais en moins propre et plus sombre !), des personnages brisés faisant avec ce que la vie leur propose, du soleil, une langueur certaine et une sensualité étrange pouvant être entêtante. Le matelas près du parc à tomates rappelle L'homme à la peau de serpent (mais ça c'est le titre du film). Les jeux de l'été et le sportif alcoolique La Chatte sur un toit brûlant.

On est un peu pris au piège surtout à partir de Rubio y Morena étrange, frustrée et triste histoire d'amour qui n'ose peut être pas dire son nom... c'est difficile, voir impossible ? de se laisser aller à tout dans ces nouvelles mais petit à petit l'univers de l'auteur se rappelle à nous et on trouve, on comprend... une peine, un désespoir, une incompréhension, de la dérision et une grande violence... et alors, on se souvient pour quelques pages de cette pièce où un homme demande à une femme de lui parler comme la pluie...

bizarre, frustrant, un peu malsain mais à lire pourquoi pas, par curiosité où se confronter, en un sens, à l'auteur et à quelque chose de sombre qu'on peut penser occasionnellement racoleur mais sans être sûr et pas sans imaginer ce que ça peut cacher...


à noter aussi un peu de surréalisme dans Un événement dans la vie de la veuve Holly.

un extrait de La vigne (c'est un grinçant mais c'est pas moche !) :

Citation :

Le nom d'une personne aimée signifie plus que n'importe quel mot, mais au bout d'un moment, lorsque leurs sanglots se furent taris, il prit la tête empourprée de Rachel dans le creux de son bras et commença à lui réciter les litanies de ses chagrins. Il lui raconta ses malheurs, ceux du jour même et ceux qui le menaçaient. Il lui parla de sa maladie, de ses palpitations, de sa mort possible à bref délai. Il lui dit que sa beauté n'était plus, qu'il avait passé les plus beaux jours de sa vie. On lui avait refusé le rôle sur lequel il comptait. Des étrangers s'étaient moqués de lui dans la rue. Et Jane ne l'avait pas compris. Elle l'avait frappé sur la tête avec un vase en porcelaine bleue qui aurait pu le tuer...
Et Rachel, dont les chagrins étaient à peine moins nombreux et moins douloureux, les garda pour elle, mais referma les lèvres sur la gorge de Donald et répondit avec une douceur infinie à tout ce qu'il lui disait : "Oui, je le sais ; oui, je le sais..."

Bon, je note les deux recueils de nouvelles du Williams.
En ce moment, j'ai l'impression de me Pandatiser...

bien possible que des trucs te plaisent... d'autres ... je sais pas ! huhu.

j'ai jeté un oeil à une bibliographie, et il semble bien (logique ?) que Sucre d'orge soit antérieur au Boxeur manchot.

pour les curieux, un curieux nous signale un passage tv d'une adaptation demain par ici

On a basculé mon post sur l'adaptation ciné de This Property is condamned... C'était juste pour informer les amateurs de Tennessee Williams que c'est demain soir sur Arte.

idem pour Baby Doll qui passe au théâtre à L'Atelier pour les parisiens... Je ne sais pas où le mettre celui-là... Critiques partagées

Le boxeur manchot


Des nouvelles souvent moulées dans le désespoir, la peur de l'autre, la méfiance, le fatalisme. Il ne faut pas lire ce recueil si on est persuadé que le monde il est beau il est gentil.
Et pourtant je trouve qu'il s'en dégage plein de tendresse.

Comme ce Boxeur manchot, qui se retrouve en prison après le meurtre d'un de ses clients (il se prostitue), condamné à mort. Et qui ne semble de toute façon absolument pas attaché à la vie ou aux gens. Mais qui va commencer à recevoir des lettres de toutes les villes où il est passé, où il a loué son corps. Des lettres de personnes qu'il avait presque oublié, mais pour qui, il n'a pas été qu'un éclair de passage. Mais bien quelqu'un d'important.

Parce que l'étreinte amoureuse, même maladroite, même avortée, même un peu forcée, est tout le temps assez belle et terrifiante à la fois dans ces nouvelles de Williams.

La mort aussi rôde souvent, partout, un peu comme la solution finale quand, de toute façon il n'y a plus rien à espérer.

Des sentiments troublants guident les personnages à tenter de comprendre, de communiquer avec l'autre. Ce qui s'avèrera souvent un échec, et renverra avec encore plus de force à la solitude, à l'abandon.

Des personnages souvent passifs, qui se laissent aller dans une vie qu'ils ne maîtrisent pas, qu'ils ne souhaitent pas maîtriser. Peut-être par peur de croire à quelque chose qui ne sera qu'illusion. Et lorsque, par hasard, un peu forcés, ils se retrouvent à y croire (à l'autre, à la vie, à des possibilités d'autre chose), ça foire... et il ne reste vraiment plus rien.

Williams décrit terriblement bien le Vide en nous.

J'ai adoré toutes ces histoires, avec parfois comme un peu de magie, des métaphores étranges.
Je ne les ai pas trouvées si violentes. Plutôt condamnées, faisant un constat sur l'humanité. Et j'ai sentie vraiment énormément de tendresse , de douceur pour ces gens en marge, qui ne parviennent pas à s'intégrer.

Souvent aussi, des personnages d'écrivains, d'intéressantes digressions sur l'art d'écrire, sur la culpabilité de l'écrivain, sur ses impossibilités, et sur son pouvoir.


C'est un recueil à relire... ça fait déjà limite trop longtemps que je l'ai lu pour parvenir à bien vous en parler. ça me frustre... et j'avoue, j'ai un peu la flemme de les reparcourir maintenant...


(Merci Panda! Je pense que je finirais par l'acheter!)

Mais tu donnes quand-même envie Queenie!
D'ailleurs je n'ai lu que les premières phrases, mais le style arrache!
S'il est au cerclage , je serais bien preneuse...

Parfois on oublie des livres.. des lectures.. ce n'est que récemment quand on a parlé de Tennessee Williams que j'ai vérifié ce que j'avais lu de lui.. et en effet il y a aussi ceci:


Le printemps romain de Mrs Stone

Citation :

Editeur
C’est la Rome de tous les fantasmes et de toutes les mythologies qui sert de cadre à ce roman de Tennessee Williams. L'actrice à succès Karen Stone, à la veille de la cinquantaine, veuve d’un riche mari protecteur, arrive dans la ville éternelle avec l'espoir de se reconstruire. L’intervention d’une contessa qui va lui présenter un jeune et beau Romain désargenté, Paolo, son innocence mêlée de perversité vont l’entraîner vers les cercles de l’Enfer. Ce roman, qui tourne autour de son héroïne avec une diabolique habileté, reste le grand chef-d’œuvre romanesque de l’auteur

lecture agréable, mais tellement différente de ses pièces de théâtre, j'ai tendance à dire que c'est moins fort parce que pas aussi 'noir', mais je sais que j'ai adoré.. et j'ai envie de relire..
en tout cas pour ceux qui veulent découvrir cet auteur – voilà encore un autre aspect de lui..

Fini Sucre d'orge.

Et je suis un chouia déçue, mais surtout parce que je gardais le souvenir de la Bombe de Boxeur manchot !

Du coup je plussoie tout ce qu'a dit Animal.

animal a écrit:

[...]

bizarre, frustrant, un peu malsain mais à lire pourquoi pas, par curiosité où se confronter, en un sens, à l'auteur et à quelque chose de sombre qu'on peut penser occasionnellement racoleur mais sans être sûr et pas sans imaginer ce que ça peut cacher...

[...]

J'ai été quand même souvent entraînée dans les histoires, mais en tant que spectatrice curieuse et non "accrochée".

Les thèmes sont là, les idées et la façon de les amener dans l'histoire, mais il manque le style percutant, happant.