Marguerite Yourcenar

Un superbe bouquin de Yourcenar est Le denier du rève, 7 histoire toute lié par l'échange d'une pièce de monnaie.
Absolument fabuleux.
je continue a croire que Magueritte est la plus grande écrivain en langue Francaise, pour ce qui est de la langue en tout cas.

thomas212 a écrit:

Alexis est une merveille d'écriture,de raffinement et de délicatesse .A tel point que l'on ce demande si l'on saisi bien le propos.

Une lettre incroyablement émouvante, une confession, une rupture qui est un pourtant un message d'amour, le constat d'une vie de malentendu (son homosexualité suggérée presque de façon subliminale) et de compromis. Fabuleux.

Je suis d'accord avec toi. C'est l'un de nos plus grands écrivains (le masculin ne l'aurait pas dérangée )

Et d'autant plus impressionnant qu'Alexis est souvent associé Au coup de grâce dans les éditions poche.
Sont écriture est complètement différente, de la sensibilité effleurante d'Alexis, a la dureté presque sèche du coup de grâce, incroyable.
Quelques écrivains(es:dentsblanches: ) approche ou égale sa prose mais peu sont aussi habile et polymorphe et arrive a accordé leur écriture au récit.

Il faut absolument que je retrouve l'interview de Pivot chez elle.

Un dernier truc, elle ne devrais pas etre chez les écrivains Belges Margueritte? Je dis ça pasque plusieurs fois je me si fait engueullé pour neo collonialisme en piquant Belge leur auteurs.

thomas212 a écrit:

Un dernier truc, elle ne devrais pas etre chez les écrivains Belges Margueritte? Je dis ça pasque plusieurs fois je me si fait engueullé pour neo collonialisme en piquant Belge leur auteurs.

Elle était aussi américaine à la fin de sa vie Mais bien que née à Bruxelles, sa famille est du nord de la France. La maison de sa grand-mère est à Lille. On la considère française naturalisée américaine.

Marko a écrit:

thomas212 a écrit:

Alexis est une merveille d'écriture,de raffinement et de délicatesse .A tel point que l'on ce demande si l'on saisi bien le propos.

Une lettre incroyablement émouvante, une confession, une rupture qui est un pourtant un message d'amour, le constat d'une vie de malentendu (son homosexualité suggérée presque de façon subliminale) et de compromis. Fabuleux.

Je suis d'accord avec toi. C'est l'un de nos plus grands écrivains (le masculin ne l'aurait pas dérangée )

Je note Alexis, son premier roman apparement.

thomas212 a écrit:

Il faut absolument que je retrouve l'interview de Pivot chez elle.

Je viens de regarder sur Youtube une interview de Pivot dans le cadre d'Apostrophes à la Petite Plaisance.
Il y a neuf vidéos qui en tout durent une heure.
J'ai aussi visionné une interview intéressant dans laquelle Yourcenar aborde la question féministe.
Ce qui m'a marqué dès les premières images, c'est cette malice au fond de ses yeux pétillants d'une intelligence réfléchie.
Tu n'auras aucun mal à trouvers ces vidéos Thomas, il suffit de taper Yourcenar sur Youtube et tu as tout un choix de vidéos, dont font parties celles que je t'ai cité.

Mémoires d’Hadrien

Ce roman se présente comme une lettre qu’aurait adressée l’empereur Hadrien à «son cher Marc» , Marc Aurèle, son petit-fils adoptif qu'il a choisi pour successeur. Hadrien a soixante ans, il est malade et pense qu’il va bientôt mourir.
" Cet homme presque sage " entreprend d’écrire son parcours et de dresser un bilan pour « trouver un sens à sa vie et à sa mort ». C’est la « méditation écrite d’un malade qui donne audience à ses souvenirs ».

"Je compte sur cet examen des faits pour me définir, me juger peut-être ou tout au moins pour me mieux connaître avant de mourir."

Cela vaudra comme enseignement à Marc Aurèle. Mais cet enseignement se base non sur des «idées préconçues et de principes abstraits», mais sur l’expérience d'un homme.

Hadrien retrace sans concession les principaux événements de son existence libre et réfléchie.
- Sa jeunesse.
- Ses lectures. Les livres sont «ses premières patries».
- Son amour de la Grèce : «Tout ce que les hommes ont dit de mieux a été dit en grec.».
- Toutes ses expériences, dont il tire des leçons parfois contradictoires, toutes importantes à ses yeux : «Il y a plus d’une sagesse, et toutes sont nécessaires au monde ; il n’est pas mauvais qu’elles alternent.»
- Sa vie d’homme marié insatisfait.
- Ses priorités d’empereur cultivé, pacifique et juste :
« Je voulais que l'immense majesté de la paix romaine s'étendît à tous, insensible et présente comme la musique du ciel en marche ; que le plus humble voyageur pût errer d'un pays, d'un continent à l'autre, sans formalités vexatoires, sans dangers, sûr partout d'un minimum de légalité et de culture ; que nos soldats continuassent leur éternelle danse pyrrhique aux frontières ; que tout fonctionnât sans accroc, les ateliers et les temples ; que la mer fût sillonnée de beaux navires et les routes parcourues par de fréquents attelages ; que, dans un monde bien en ordre, les philosophes eussent leur place et les danseurs aussi. Cet idéal, modeste en somme, serait assez souvent approché si les hommes mettaient à son service une part de l'énergie qu'ils dépensent en travaux stupides ou féroces ; une chance heureuse m'a permis de le réaliser partiellement durant ce dernier quart de siècle. »

Il évoque :
- Les gens qui ont marqué son parcours comme Trajan (auquel il a succédé) et surtout son épouse, Plotine.

- Son bonheur auprès de son amant Antinoüs. Sa passion pour ce beau jeune homme rencontré lors d’un voyage en Asie Mineure. : « Ce beau lévrier avide de caresses et d’ordres se coucha sur ma vie ».
La douleur que lui causa son suicide, « un point de non retour dans son existence. » « Il avait dû se croire bien peu aimé pour ne pas sentir que le pire des maux serait de l’avoir perdu. ».
« La mémoire des hommes est un cimetière abandonné où gisent sans honneurs des morts qu’ils ont cessé de chérir. ». Hadrien a fait ériger pour Antinous une cité, Antinoe, et il a créé pour lui un culte.


- Lucius, " jeune faune dansant " qui avait « le fol amour des jeux de hasard et des travestis » .
Lucius deviendra le premier fils adoptif d’Hadrien mais il mourra avant d’accéder à l’empire.

Merveille d’érudition, Mémoires d’Hadrien est tout autant un roman historique que philosophique, parsemé de phrases qui portent à la réflexion. C’est aussi un roman sur l’amour et la beauté.
Une oeuvre entre Histoire et légende. Hadrien ressemble à un héros mythique.
Cet ouvrage fascinant est écrit dans un style éblouissant de simplicité, de limpidité.
Cet Hadrien est moderne qui nous parle de sexualité, d’absence de paternité, de politique, d’adoption, de suicide…

« Je ne m’attends pas à ce que tes dix-sept ans y comprennent quelque chose. » dit-il à Marc Aurèle. « Je tiens pourtant à t’instruire, à te choquer aussi »

Extrait :

« Ce fut l’une des cimes de ma vie. Rien n’y manqua, ni la frange dorée d’un nuage, ni les aigles, ni l’échanson d’immortalité.

Saisons alcyoniennes, solstice de mes jours… Loin de surfaire mon bonheur à distance, je dois lutter pour n’en pas affadir l’image ; son souvenir même est maintenant trop fort pour moi. Plus sincère que la plupart des hommes, j’avoue sans ambages les causes secrètes de cette félicité : ce calme si propice aux travaux et aux disciplines de l’esprit me semble l’un des plus beaux effets de l’amour. Et je m’étonne que ces joies si précaires, si rarement parfaites au cours d’une vie humaine, sous quelque aspect d’ailleurs que nous les ayons cherchées ou reçues, soient considérées avec tant de méfiance par de prétendus sages, qu’ils en redoutent l’accoutumance et l’excès au lieu d’en redouter le manque et la perte, qu’ils passent à tyranniser leurs sens un temps mieux employé à régler ou à embellir leur âme. A cette époque, je mettais à affermir mon bonheur, à le goûter, à le juger aussi, cette attention constante que j’avais toujours donnée aux moindres détails de mes actes, et qu’est la volupté elle-même, sinon un moment d’attention passionnée du corps ? Tout bonheur est un chef-d’œuvre : la moindre erreur le fausse, la moindre hésitation l’altère, la moindre lourdeur le dépare, la moindre sottise l’abêtit. Le mien n’est responsable en rien de celles de mes imprudences qui plus tard l’ont brisé : tant que j’ai agi dans son sens, j’ai été sage. Je crois encore qu’il eût été possible à un homme plus sage que moi d’être heureux jusqu’à sa mort »

Tellement emballée, j'ai commandé (et reçu déjà!) troisautres ouvragesde Marguerite Yourcenar...Il y avait si longtemps que je voulais lire Mémoires d'Hadrien!...Pourquoi ai-je tant tardé?...

A propos de Mémoires d'Hadrien:

Lara a écrit:

Quelle écriture !! Certaines choses que j’ai lues me semble à présent bien pâles et bien pauvres à côté de cette poésie ! Quelle richesse de pensées, quelle profondeur !

En effet Lara...Je pense tout comme toi...
Te rends-tu compte du temps que j'aurai mis à le savoir?...Mais pourquoi?...Je me demande pourquoi...

Je vais le commencer prochainement, il est plus que temps

coline a écrit:

A propos de Mémoires d'Hadrien:

Lara a écrit:

Quelle écriture !! Certaines choses que j’ai lues me semble à présent bien pâles et bien pauvres à côté de cette poésie ! Quelle richesse de pensées, quelle profondeur !

En effet Lara...Je pense tout comme toi...
Te rends-tu compte du temps que j'aurai mis à le savoir?...Mais pourquoi?...Je me demande pourquoi...

Je viens de lire ton commentaire coline. Tout comme toi le culte qu'a voué Hadrien à Antinous m'a profondément touchée.

"La mémoire des hommes est un cimetière abandonné où gisent sans honneurs des morts qu’ils ont cessé de chérir."

D'après ce que je comprends c'était ton premier Yourcenar. Moi de même; D'ailleurs, j'ai commencé à grappiller dans Les yeux ouverts, puisqu'il s'agit d'un entretien je peux me permettre de ne pas suivre le livre de manière longiligne.
J'ai lu aussi que tu avais commandé d'autres livres, lesquels? Je pense de mon côté lire L'oeuvre au Noir dès que j'aurai le temps nécessaire.

Senti, on attend ton commentaire avec impatience.

Lara a écrit:

coline a écrit:

A propos de Mémoires d'Hadrien:

D'après ce que je comprends c'était ton premier Yourcenar. [...]
J'ai lu aussi que tu avais commandé d'autres livres, lesquels? Je pense de mon côté lire L'oeuvre au Noir dès que j'aurai le temps nécessaire.

Senti, on attend ton commentaire avec impatience.

Oui Senti, Mémoires d'Hadrien, tu vas aimer...

Effectivement Lara, c'était mon premier Yourcenar...Mais je ne m'explique pas pourquoi...
J'ai acheté Alexis ou le Traité du Vain Combat et Le coup de grâce (qui sont en folio dans le même livre). J'ai aussi Anna, soror...
Donc, pour une fois, je vais lire un auteur du mois...Je commence Alexis...
Et je pense que Marguerite Youcenar va faire partie de ces auteurs dont je vais lire toute l'oeuvre (comme, pour l'instant, Marguerite Duras, Laurent Mauvignier, Sylvie Germain, Pascal Quignard, Henry Bauchau...)

A Queenie qui hésite: peut-être pourrais-tu commencer par un plus court que Mémoires d'Hadrien?...

coline a écrit:

A Queenie qui hésite: peut-être pourrais-tu commencer par un plus court que Mémoires d'Hadrien?...

Nouvelles Orientales, c'est très bien, et c'est court... J'ai commencé par là. Comment Wang Fo fut sauvé...

eXPie a écrit:

coline a écrit:

A Queenie qui hésite: peut-être pourrais-tu commencer par un plus court que Mémoires d'Hadrien?...

Nouvelles Orientales, c'est très bien, et c'est court... J'ai commencé par là. Comment Wang Fo fut sauvé...

Oui, peut-être...

Marko a écrit:

thomas212 a écrit:

Alexis est une merveille d'écriture,de raffinement et de délicatesse .A tel point que l'on ce demande si l'on saisi bien le propos.

Une lettre incroyablement émouvante, une confession, une rupture qui est un pourtant un message d'amour, le constat d'une vie de malentendu (son homosexualité suggérée presque de façon subliminale) et de compromis. Fabuleux.

En quelque sorte on peut dire cela puisque les mots ne sont pas mis de façon directe et explicite, mais pourtant l'on n'a aucun doute , il me semble que l'on saisit bien le propos...Et c'est bluffant...et bouleversant...Il ne s'agit pas de pruderie du langage mais plutôt d'élégance et de pudeur pour parler de l'intime, de la sensualité...
Dans sa Préface, Marguerite Yourcenar écrit:
"Par sa discrétion même, ce langage décanté m'a semblé particulièrement convenir à la lenteur pensive et scrupuleuse d'Alexis, à son patient effort pour se délivrer maille par maille, d'un geste qui dénoue plutôt qu'il ne rompt, du filet d'incertitudes et de contraintes dans lesquelles ils se trouve engagé, à sa pudeur où il entre du respect pour la sensualité elle-même, à son ferme propos de concilier sans bassesse l'esprit et la chair."



Alexis ou le Traité du vain combat

En 1963, plus de trente ans après sa publication, Marguerite Yourcenar écrivait :

« Il semble en effet que le problème intime d’Alexis ne soit guère aujourd’hui moins angoissant ou moins secret qu’autrefois, ni que la facilité relative, si différente de la liberté véritable, qui règne sur ce point dans certains milieux très restreints, ait fait autre chose que de créer dans l’ensemble du public un malentendu ou une prévention de plus. Il suffit de regarder attentivement autour de nous pour s’apercevoir que le drame d’Alexis et de Monique n’a pas cessé d’être vécu et continuera sans doute à l’être tant que le monde des réalités sensuelles demeurera barré de prohibitions dont les plus dangereuses peut-être sont celles du langage, hérissé d’obstacles qu’évitent ou que contournent sans trop de gêne la plupart des êtres, mais sur lesquels s’enferrent presque immanquablement les esprits scrupuleux et les coeurs purs. Les mœurs, quoi qu’on en dise, ont trop peu changé pour que la donnée centrale de ce roman ait beaucoup vieilli.

[…]Certains sujets sont dans l’air du temps ; ils sont aussi dans la trame d’une vie. »


Alexis ou le Traité du vain combat est un roman épistolaire qui fut publié en 1929.
Alexis est un jeune musicien .
Dans sa lettre, il s'adresse à sa femme Monique. Il tente de lui confesser ce qu'il n'est jamais arrivé à lui dire. La raison de l’échec de leur mariage.
Pour ce faire, il doit remonter à son enfance, à son adolescence, à sa jeunesse. Evoquer sa famille, son rapport à la musique , au désir, au plaisir, à la vie. Sa culpabilité et sa souffrance. Porter un regard profond sur sa vie et sur lui-même.
Et c’est avec des mots pudiques et élégants qu’il lui révèle le secret de son homosexualité contre laquelle il a mené le « vain combat ».

Le lecteur s’émeut profondément des émotions du personnage. Alexis parle moins de ce qu’il fait que de ce qu’il ressent.
A travers ses tourments, il livre des réflexions sur la vie et sur l’homme : tant de beauté, tant de justesse donne envie de pleurer ...

« La vie est quelque chose de plus que la poésie ; elle est quelque chose de plus que la physiologie, et même que la morale, à laquelle j'ai cru si longtemps. Elle est tout cela et bien davantage encore : elle est la vie. Elle est notre seul bien et notre seule malédiction. Nous vivons, Monique ; chacun de nous a sa vie particulière, unique, déterminée par tout le passé, sur lequel nous ne pouvons rien, et déterminant à son tour, si peu que ce soit, tout l'avenir. Sa vie. Sa vie qui n'est qu'à lui-même, qui ne sera pas deux fois, et qu'il n'est pas toujours sûr de comprendre tout à fait. Et ce que je dis là de la vie tout entière, je pourrais le dire de chaque moment d'une vie. Les autres voient notre présence, nos gestes, la façon dont les mots se forment sur nos lèvres ; seuls, nous voyons notre vie. Cela est étrange : nous la voyons, nous nous étonnons qu'elle soit ainsi, et nous ne pouvons la changer. Même lorsque nous la jugeons, nous lui appartenons encore ; notre approbation ou notre blâme en fait partie ; c'est toujours elle qui se reflète elle-même. Car il n'y a rien d'autre ; le monde, pour chacun de nous, n'existe que dans la mesure où il confine à notre vie. »

« Mon amie, nous croyons à tort que la vie nous transforme : elle nous use et ce qu'elle use en nous, ce sont les choses apprises. »

« On n'est jamais tout à fait seul : par malheur, on est toujours avec soi-même. »

« Tout silence n’est fait que de paroles qu’on n’a pas dites. C’est pour cela peut-être que je devins un musicien. Il fallait quelqu’un pour exprimer ce silence, lui faire rendre tout ce qu’il contenait de tristesse, pour ainsi dire le faire chanter. Il fallait qu’il ne se servît pas des mots, toujours trop précis pour n’être pas cruels, mais simplement de la musique, car la musique n’est pas indiscrète, et, lorsqu’elle se lamente, elle ne dit pas pourquoi. » »

« Le silence ne compense pas seulement pour l'impuissance des paroles humaines, il compense aussi, pour les musiciens médiocres, la pauvreté des accords. Il m'a toujours semblé que la musique ne devrait être que du silence, et le mystère du silence, qui chercherait à s'exprimer. Voyez, par exemple, une fontaine. L'eau muette emplit les conduits, en déborde, et la perle qui en tombe est sonore. Il m'a toujours semblé que la musique ne devrait être que le trop-plein d'un grand silence. »

« Si j’avais osé me confesser aux miens, ce qu’ils m’eussent le moins pardonné, ç’aurait été, précisément, cette confession. J’aurais mis ces gens scrupuleux dans une situation difficile, que l’ignorance leur évitait. »

« Je ne vois pas pourquoi le plaisir serait méprisable de n’être qu’une sensation, puisqu’on ne méprise pas la douleur, et que la douleur en est une. On respecte la douleur parce qu’elle n’est pas volontaire, mais c’est une question de savoir si le plaisir l’est toujours, et si nous ne le subissons pas.

(Les gens qui parlent par ouïe-dire) : « Ils font l’éloge de la pureté ; ils ne savent pas combien la pureté peut contenir le trouble ; ils ignorent surtout la candeur de la faute. »

« Tous nous serions transformés si nous avions le courage d’être ce que nous sommes. »

«Le bonheur n'est peut-être qu'un malheur mieux supporté.»

Queenie a écrit:

eXPie a écrit:

coline a écrit:

A Queenie qui hésite: peut-être pourrais-tu commencer par un plus court que Mémoires d'Hadrien?...

Nouvelles Orientales, c'est très bien, et c'est court... J'ai commencé par là. Comment Wang Fo fut sauvé...

Oui, peut-être...

Ou Anna Soror que Coline citait plus haut?
Je me le suis achetée, il fait en gros 100 pages.

coline a écrit:

Marko a écrit:

thomas212 a écrit:

Alexis est une merveille d'écriture,de raffinement et de délicatesse .A tel point que l'on ce demande si l'on saisi bien le propos.

Une lettre incroyablement émouvante, une confession, une rupture qui est un pourtant un message d'amour, le constat d'une vie de malentendu (son homosexualité suggérée presque de façon subliminale) et de compromis. Fabuleux.

En quelque sorte on peut dire cela puisque les mots ne sont pas mis de façon directe et explicite, mais pourtant l'on n'a aucun doute , il me semble que l'on saisit bien le propos...Et c'est bluffant...et bouleversant...Il ne s'agit pas de pruderie du langage mais plutôt d'élégance et de pudeur pour parler de l'intime, de la sensualité...
Dans sa Préface, Marguerite Yourcenar écrit:
"Par sa discrétion même, ce langage décanté m'a semblé particulièrement convenir à la lenteur pensive et scrupuleuse d'Alexis, à son patient effort pour se délivrer maille par maille, d'un geste qui dénoue plutôt qu'il ne rompt, du filet d'incertitudes et de contraintes dans lesquelles ils se trouve engagé, à sa pudeur où il entre du respect pour la sensualité elle-même, à son ferme propos de concilier sans bassesse l'esprit et la chair."



Alexis ou le Traité du vain combat

En 1963, plus de trente ans après sa publication, Marguerite Yourcenar écrivait :

« Il semble en effet que le problème intime d’Alexis ne soit guère aujourd’hui moins angoissant ou moins secret qu’autrefois, ni que la facilité relative, si différente de la liberté véritable, qui règne sur ce point dans certains milieux très restreints, ait fait autre chose que de créer dans l’ensemble du public un malentendu ou une prévention de plus. Il suffit de regarder attentivement autour de nous pour s’apercevoir que le drame d’Alexis et de Monique n’a pas cessé d’être vécu et continuera sans doute à l’être tant que le monde des réalités sensuelles demeurera barré de prohibitions dont les plus dangereuses peut-être sont celles du langage, hérissé d’obstacles qu’évitent ou que contournent sans trop de gêne la plupart des êtres, mais sur lesquels s’enferrent presque immanquablement les esprits scrupuleux et les coeurs purs. Les mœurs, quoi qu’on en dise, ont trop peu changé pour que la donnée centrale de ce roman ait beaucoup vieilli.

[…]Certains sujets sont dans l’air du temps ; ils sont aussi dans la trame d’une vie. »


Alexis ou le Traité du vain combat est un roman épistolaire qui fut publié en 1929.
Alexis est un jeune musicien .
Dans sa lettre, il s'adresse à sa femme Monique. Il tente de lui confesser ce qu'il n'est jamais arrivé à lui dire. La raison de l’échec de leur mariage.
Pour ce faire, il doit remonter à son enfance, à son adolescence, à sa jeunesse. Evoquer sa famille, son rapport à la musique , au désir, au plaisir, à la vie. Sa culpabilité et sa souffrance. Porter un regard profond sur sa vie et sur lui-même.
Et c’est avec des mots pudiques et élégants qu’il lui révèle le secret de son homosexualité contre laquelle il a mené le « vain combat ».

Le lecteur s’émeut profondément des émotions du personnage. Alexis parle moins de ce qu’il fait que de ce qu’il ressent.
A travers ses tourments, il livre des réflexions sur la vie et sur l’homme : tant de beauté, tant de justesse donne envie de pleurer ...

« La vie est quelque chose de plus que la poésie ; elle est quelque chose de plus que la physiologie, et même que la morale, à laquelle j'ai cru si longtemps. Elle est tout cela et bien davantage encore : elle est la vie. Elle est notre seul bien et notre seule malédiction. Nous vivons, Monique ; chacun de nous a sa vie particulière, unique, déterminée par tout le passé, sur lequel nous ne pouvons rien, et déterminant à son tour, si peu que ce soit, tout l'avenir. Sa vie. Sa vie qui n'est qu'à lui-même, qui ne sera pas deux fois, et qu'il n'est pas toujours sûr de comprendre tout à fait. Et ce que je dis là de la vie tout entière, je pourrais le dire de chaque moment d'une vie. Les autres voient notre présence, nos gestes, la façon dont les mots se forment sur nos lèvres ; seuls, nous voyons notre vie. Cela est étrange : nous la voyons, nous nous étonnons qu'elle soit ainsi, et nous ne pouvons la changer. Même lorsque nous la jugeons, nous lui appartenons encore ; notre approbation ou notre blâme en fait partie ; c'est toujours elle qui se reflète elle-même. Car il n'y a rien d'autre ; le monde, pour chacun de nous, n'existe que dans la mesure où il confine à notre vie. »

« Mon amie, nous croyons à tort que la vie nous transforme : elle nous use et ce qu'elle use en nous, ce sont les choses apprises. »

« On n'est jamais tout à fait seul : par malheur, on est toujours avec soi-même. »

« Tout silence n’est fait que de paroles qu’on n’a pas dites. C’est pour cela peut-être que je devins un musicien. Il fallait quelqu’un pour exprimer ce silence, lui faire rendre tout ce qu’il contenait de tristesse, pour ainsi dire le faire chanter. Il fallait qu’il ne se servît pas des mots, toujours trop précis pour n’être pas cruels, mais simplement de la musique, car la musique n’est pas indiscrète, et, lorsqu’elle se lamente, elle ne dit pas pourquoi. » »

« Le silence ne compense pas seulement pour l'impuissance des paroles humaines, il compense aussi, pour les musiciens médiocres, la pauvreté des accords. Il m'a toujours semblé que la musique ne devrait être que du silence, et le mystère du silence, qui chercherait à s'exprimer. Voyez, par exemple, une fontaine. L'eau muette emplit les conduits, en déborde, et la perle qui en tombe est sonore. Il m'a toujours semblé que la musique ne devrait être que le trop-plein d'un grand silence. »

« Si j’avais osé me confesser aux miens, ce qu’ils m’eussent le moins pardonné, ç’aurait été, précisément, cette confession. J’aurais mis ces gens scrupuleux dans une situation difficile, que l’ignorance leur évitait. »

« Je ne vois pas pourquoi le plaisir serait méprisable de n’être qu’une sensation, puisqu’on ne méprise pas la douleur, et que la douleur en est une. On respecte la douleur parce qu’elle n’est pas volontaire, mais c’est une question de savoir si le plaisir l’est toujours, et si nous ne le subissons pas.

(Les gens qui parlent par ouïe-dire) : « Ils font l’éloge de la pureté ; ils ne savent pas combien la pureté peut contenir le trouble ; ils ignorent surtout la candeur de la faute. »

« Tous nous serions transformés si nous avions le courage d’être ce que nous sommes. »

«Le bonheur n'est peut-être qu'un malheur mieux supporté.»

Le livre se passe à quelle époque?

Il y a une gravité dans ses paroles qu'égaye l'intelligence, qu'entoure la poésie.
ça a l'air magnifique. Yourcenar aime bien les lettres, déjà Hadrien...
Monique ne répond jamais n'est-ce pas?
Oh coline tu me donnes envie, il va falloir que je face de la place dans mon emploie du temps à Yourcenar!

Citation :

Te rends-tu compte du temps que j'aurai mis à le savoir?...Mais pourquoi?...Je me demande pourquoi...

Tout comme toi, je ne sais pas pourquoi tu n'as pas lu Yourcenar avant, mais ne l'avais tu jamais croisée dans tes études de lettres?

C'est agréable de relire tous ces extraits. Je m'attaquerai bientôt à sa trilogie autobiographique. Je l'avais laissée en suspens il y a quelques années et je me sens prêt à y revenir. D'autant que dans la biographie sur Roussel que j'ai lue récemment il y a une belle citation de Souvenirs pieux:

La plage est presque déserte. Dix à douze bateaux de pêcheurs viennent le soir jeter leurs ancres sur le sable, déchargeant les poissons de forme étrange que recèle l'océan. Comme toujours, on se fait conduire au bord de l'eau dans une roulotte traînée par un bon gros cheval blanc à qui l'enfant a réservé des morceaux de sucre du déjeuner. Laissant sa tante installée derrière lui dans un fauteuil-guérite pour recevoir ce qu'il faut et pas plus, de bon air marin, il va seul vers la marée basse. Il veut, comme il le dit, écouter frémir l'étendue. Il est triste.