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 David Cronenberg

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traversay
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyLun 16 Jan 2012 - 10:21

Marko a écrit:
Cronenberg a trouvé un univers visuel à la fois conventionnel en apparence et décalé (il y aurait beaucoup à dire des images qu'il nous montre aussi bien des lieux intérieurs qu'extérieurs) qui donne le sentiment de voir s'illustrer des pensées à l'écran. C'est très curieux et captivant mais je comprends qu'on puisse ne pas le voir ou ne pas s'y intéresser...

Le truc c'est qu'on peut aussi le voir et s'y intéresser (si on n'est pas trop nul, on sait de quoi il s'agit avant d'aller voir le film et on peut même être passionné par le sujet), mais trouver que Cronenberg rate en partie son film pour des raisons de mise en scène et de scénario. Un film n'est pas que contenu, il est aussi forme et là-dessus, chacun, de par sa culture cinématographique, son propre vécu, son environnement, que sais-je ..., a le droit de trouver ou non un récit captivant.
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyLun 16 Jan 2012 - 15:11

traversay a écrit:
Un film n'est pas que contenu, il est aussi forme et là-dessus, chacun, de par sa culture cinématographique, son propre vécu, son environnement, que sais-je ..., a le droit de trouver ou non un récit captivant.

Oui je ne dis pas le contraire. Juste que je le vois sous un angle qui me le rend captivant (autant sur la forme que sur le fond). Et que je comprends qu'on puisse en juger autrement notamment parce qu'il est très bavard et qu'il faut s'intéresser à ces débats d'idée sur la psychanalyse, de la même façon qu'on peut ne pas voir dans la composition des plans ce que j'ai cru y voir. Ce qui me captive c'est qu'il fait de cette fuite des idées interprétatives sont sujet et sa forme. L'univers où se déroule l'action gardant le même aspect étrange, mental et un peu théâtral de la plupart de ses films même s'il s'appuie sur des références graphiques qui évoquent l'élégance un peu aseptisée du post-romantisme. Les intérieurs sont à la fois très documentés et inspirés de la réalité mais en même temps filmés d'une façon qui les déréalise. C'est au-delà de l'académisme pour moi et du pur Cronenberg. Il intègre quand même son récit dans une époque et un milieu conservateurs dont il montre le carcan qui refoule les pulsions du corps. Ce qui a d'ailleurs rendu la psychanalyse si révolutionnaire dans ce contexte bien précis.
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyLun 16 Jan 2012 - 20:27

Je viens de le voir cet après-midi et j'aurais tant voulu partager ton enthousiasme Marko. Mais je rejoins le camp, si camp il y a, des sceptiques tant je me suis souvent ennuyée pendant la vision du film. Pourtant le sujet m'intéressait, les propos également par ailleurs. Mais que de bâillements. Je vais laisser reposer tout ça tant je pense que j'en retiendrais au final plus de positif (le fond, que tu exprimes très bien, ainsi que Coli) que de négatif (la forme). En bref, intellectuellement intéressant (pas non plus transcendant, loin s'en faut), mais pas captivant du tout. Trop rigide ? Trop contrôlé ? Trop cérébral ? Personnages sans réelle épaisseur ? On dirait que tout est tellement chronométré, millimétré, modélisé qu'on en perd tout intérêt. Dommage tant le sujet était prometteur !

Je suis curieuse de connaître l"avis d' Arabella.
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyLun 16 Jan 2012 - 21:51

Dommage que cela ne t'ait pas plu sentinelle... Curieuse aussi de voir ce qu'en pense Arabella !

Marko a écrit:
L'univers où se déroule l'action gardant le même aspect étrange, mental et un peu théâtral de la plupart de ses films même s'il s'appuie sur des références graphiques qui évoquent l'élégance un peu aseptisée du post-romantisme. Les intérieurs sont à la fois très documentés et inspirés de la réalité mais en même temps filmés d'une façon qui les déréalise.

C'est bien ce qu'il m'a semblé à moi aussi ! Les décors sont rigoureusement plantés, la couleur est pure et jaillit d'une façon presque agressive de chaque scène : j'ai eu l'impression que la maîtrise mentale s'étendait même à la mise en scène. Elle crée une atmosphère clinique qui prolonge la "folie rationalisée" des personnages, et si Cronenberg ne recherchait peut-être absolument rien de ce que je viens de dire, alors il a fait un choix très judicieux qui colle parfaitement avec le propos de son film.
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyLun 16 Jan 2012 - 22:48

L'avis d'Arabella est un grand bôf. Cele ne me donne même pas envie d'être méchante. Juste d'aller dormir très vite. dentsblanches
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyLun 16 Jan 2012 - 23:00

Arabella a écrit:
L'avis d'Arabella est un grand bôf. Cele ne me donne même pas envie d'être méchante. Juste d'aller dormir très vite. dentsblanches
rire
Je ne sais pas pourquoi, mais je m'y attendais. J'ai bien peur de ne pas trop accrocher à ce film ; j'ai opté pour La Colline des Coqueliquots, en j'en suis bien content ! (certes, l'un n'empêche pas l'autre, et de toute façon, je ne suis pas sûr non plus que ce soit pour toi...).
Et, aujourd'hui, un collègue de bureau m'a dit que ça ronflait bien pendant la projection des Acacias rire
Bon, je trolle le fil, j'ai l'impression.
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyLun 16 Jan 2012 - 23:35

C'est vraiment une question de perception, tant pour moi la forme fait vivre le propos. C'est le mouvement des personnages dans le cadre à travers des intérieurs toujours étouffants, ne pouvant absorber la violence et l'intransigeance des dialogues qui révèlent d'incessants bouleversements intimes.
Les scènes d'extérieur offrent d'autres émotions, une fragilité plus marquée avec des regrets et des résignations. La beauté presque idyllique des lacs suisses ne masque pas des failles, des doutes qui apparaissent au grand jour.
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyMar 17 Jan 2012 - 8:26

J'ai aussi perçu tout cela Avadoro, de même ce qu'en disent Marko et Coli. Mais ce qui vous a transporté m'a ennuyée jypeurien
Je n'ai pas trop aimé non plus les remarques à la fin du film. Fallait-il vraiment ne retenir que le cancer de Freud (ceci dit, on ne pouvait pas le rater, pas une scène je pense sans son cigare vissé aux lèvres - que j'ai trouvé ça lourd) et son exil pendant le nazisme ? Alors qu'on insiste sur le fait que Jung fut un psychiatre très réputé jusqu'à la fin de sa vie (il faut dire qu'il les enterre tous puisqu'il meurt en 1961). Des notions comme refoulement, transfert, oedipe et j'en passe sont passées dans le langage courant. Qu'en est-il de l'archétype, la synchronicité, l'inconscient collectif ? Ceci dit, je n'ai vraiment rien contre Jung et trouve même ses critiques judicieuses et quelques-unes de ses idées très intéressantes, bien que souvent un peu trop mystiques et ésotériques à mon goût. Papa Freud est décidément une belle tête à claques, comme souvent. A quand un film sur Jung qui ne prenne pas appui sur son conflit avec Freud ?

Enfin bref, je préfère m'ennuyer en compagnie de Tarkovski qu'en compagnie de Cronenberg, tant l'un me fait bouillir la cervelle tandis que l'autre l'endort sourire


Dernière édition par sentinelle le Mar 17 Jan 2012 - 13:03, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyMar 17 Jan 2012 - 11:28

On pourrait croire que j’ai détesté ce film tant finalement je m’épanche sur ce que je n’ai pas aimé, ce qui serait mensonger. Je rejoins totalement ceux qui disent que ce film est du pur Cronenberg par les thèmes traités. Je prends par exemple la contamination et la propagation via la sexualité. Que dire du docteur Jung qui est sensé soigné le masochisme de sa patiente (Sabina Spielrein) et l’addiction sexuelle de son patient (Otto Gross joué par un Vincent Cassel qui est peut-être le seul à donner vraiment chair à son personnage). Plutôt que guérir ses patients, Jung se laisse totalement absorber par leur pathologie au point d’assouvir ses fantasmes sexuels sans plus aucune entrave en se transformant lui-même en sadique pour satisfaire sexuellement sa patiente. Belle limite de la thérapie que voilà : la folie qui se transmet, la porosité de l’être humain, la contamination et la propagation via la sexualité, l’impuissance de « la science » dans son acceptation large.
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyMar 17 Jan 2012 - 12:19

Le thème de la figure paternelle castratrice semble revenir de plus en plus souvent dans l’œuvre récente de Cronenberg, je pense notamment au chef mafieux de son précédent film Les Promesses de l'ombre (que j’avais beaucoup aimé ceci dit en passant), figure paternelle aussi redoutable que terrifiante.

Freud, dans A Dangerous Method, occupe cette figure paternelle de manière moins agressive mais tout aussi puissante par son emprise psychologique : une figure paternelle qui infantilise, qui rabaisse, qui domine, qui n’accepte pas la critique, qui ne traite pas en égal. Il est aussi question dans ces deux films de la transmission filiale choisie : si on n’a pas de descendance masculine ou si celle-ci ne convient pas, le patriarche peut toujours choisir l’élu en dehors du cadre familial qui aura la lourde tâche de lui succéder tout en s’assurant qu'il demeure absolument docile avant cette transmission. Soumission, domination, transgression et rupture enfin pour exister par soi et non à travers l’autre. S'affranchir pour mieux exister.

Cronenberg revient aussi sur l'importance de la 'race' dans les relations humaines (russe dans Les Promesses de l'ombre, juive dans A Dangerous Method) en tant que ciment social, familial et professionnel mais aussi avant tout comme entrave, étouffement, frein et rejet de l'autre différent. Avec au final l'insistance sur le génocide juif avec l'exil de Freud et la mort atroce de Sabina Spielrein et ses deux enfants. Des pulsions de mort qui se mettent au service d'une folie au nom d'une justification raciale.


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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyMar 17 Jan 2012 - 18:56

sentinelle a écrit:
Je n'ai pas trop aimé non plus les remarques à la fin du film. Fallait-il vraiment ne retenir que le cancer de Freud (ceci dit, on ne pouvait pas le rater, pas une scène je pense sans son cigare vissé aux lèvres - que j'ai trouvé ça lourd) et son exil pendant le nazisme ? Alors qu'on insiste sur le fait que Jung fut un psychiatre très réputé jusqu'à la fin de sa vie (il faut dire qu'il les enterre tous puisqu'il meurt en 1961).

sentinelle a écrit:
Cronenberg revient aussi sur l'importance de la 'race' dans les relations humaines (russe dans Les Promesses de l'ombre, juive dans A Dangerous Method) en tant que ciment social, familial et professionnel mais aussi avant tout comme entrave, étouffement, frein et rejet de l'autre différent. Avec au final l'insistance sur le génocide juif avec l'exil de Freud et la mort atroce de Sabina Spielrein et ses deux enfants. Des pulsions de mort qui se mettent au service d'une folie au nom d'une justification raciale.

Sur cet aspect je laisse Cronenberg répondre à la question de Michel Ciment dans Positif:

Citation :
Il y a un discours sous-jacent sur la judéité des personnages. Freud félicite Sabina d'avoir rompu avec son "ange aryen", et elle s'éloigne de la musique de Wagner, Siegfried Idyll... On sait que pus tard, à un moment, Jung a été proche de l'idéologie nazie.

Il y a là de nombreuses ironies. Freud était tiraillé, car il savait que pour la survie de la psychanalyse, il devait prendre des distances avec sa judéité. "Nous sommes tous des juifs viennois..." Ce qu'il voulait dire, c'est qu'il devait protéger sa discipline de l'antisémitisme ambiant, pour être pris au sérieux et éviter des réactions du genre: "Encore une invention tordue des juifs..." La connexion chrétienne, pour ne pas dire aryenne, devait être maintenue pour que la psychanalyse soit préservée. C'est pourquoi il tenait beaucoup à ce que Jung continue. Il poussait même Otto Gross à continuer, ce que nous n'avons pas mis dans le film. Gross était considéré par certains comme le plus brillant de tous, Jung et Freud compris. Mais son côté autodestructeur a favorisé Jung. Et Freud voyait bien que Jung dérivait vers ce qu'il craignait le plus, à savoir ce mysticisme aryen qui, pendant un temps, était compatible avec l'idéologie nazie naissante. Ce qui ne faisait que renforcer la paranoïa de Freud sur l'antisémitisme: d'une certaine manière, il s'est senti comme un amant délaissé, et s'identifiait facilement à ce que pouvait éprouver Sabina: deux juifs rejetés de manière différente par le même homme, un Aryen. D'après lui, c'était leur sort, en tant que juifs, d'être trahis par une société aryenne. Ce qui s'avéra fondé, puisqu'il devra quitter Vienne à cause des nazis, et que Sabina sera tuée par eux, ce qui n'aurait pas été une surprise pour Freud qui s'y attendait.

sentinelle a écrit:
On pourrait croire que j’ai détesté ce film tant finalement je m’épanche sur ce que je n’ai pas aimé, ce qui serait mensonger. Je rejoins totalement ceux qui disent que ce film est du pur Cronenberg par les thèmes traités. Je prends par exemple la contamination et la propagation via la sexualité. Que dire du docteur Jung qui est sensé soigné le masochisme de sa patiente (Sabina Spielrein) et l’addiction sexuelle de son patient (Otto Gross joué par un Vincent Cassel qui est peut-être le seul à donner vraiment chair à son personnage). Plutôt que guérir ses patients, Jung se laisse totalement absorber par leur pathologie au point d’assouvir ses fantasmes sexuels sans plus aucune entrave en se transformant lui-même en sadique pour satisfaire sexuellement sa patiente. Belle limite de la thérapie que voilà : la folie qui se transmet, la porosité de l’être humain, la contamination et la propagation via la sexualité, l’impuissance de « la science » dans son acceptation large.

Sauf que cette expérimentation à 5 (avec l'épouse de Jung qui est aussi devenue une importante psychanalyste), où chacun est le cobaye de l'autre pour découvrir ensemble une nouvelle façon de communiquer et de réagir qui influence encore nos comportements aujourd'hui dans une certaine mesure, apparait plus constructive que néfaste à l'arrivée. Une contamination un peu folle, un peu effrayante, mais qui devient une création potentiellement libératrice pour chacun. Sabina exorcise ses pulsions masochistes et devient ensuite une grande analyste en Russie, Freud a la renommée qu'on lui connait, Jung également, Emma Jung a priori femme trompée acceptera que son mari ait d'autres maîtresse en toute complicité et participera à l'aventure analytique. Otto Gross, trop souvent négligé alors qu'il est au moins aussi important que les autres, a par contre un parcours plus contrasté et autodestructeur. Il était peut-être trop libre justement et surtout trop accro aux drogues. Reste que ces victoires respectives ne se sont pas réalisées sans souffrance et n'excluent pas une certaine mélancolie que le film traduit.

Evidemment qu'aujourd'hui ces expériences qui n'excluaient pas qu'un thérapeute couche avec une patiente pour leur bien mutuel supposé est inconcevable mais ils ont apporté ce vent de liberté qui consiste à se rendre compte que le carcan social et les conventions conjugales et affectives ne sont pas nécessairement le meilleur modèle d'épanouissement personnel. "Crash" parlait déjà de cette quête de nouvelles formes de désir, de communication et de liberté entre les êtres. C'est un des sujets principaux de Cronenberg, cette volonté d'émancipation du corps qui se heurte au principe de réalité. Il serait plutôt un freudien d'ailleurs en ce sens.

Le film montre ce bouillonnement créatif et Cronenberg choisit non pas d'illustrer seulement le parcours de ces personnages et de leur environnement mais de créer un espace théâtral qui fait s'incarner ces concepts abstraits et mentaux à travers leur parole et l'utilisation de l'espace. Le critique de Positif Jean-Christophe Ferrari exprime formidablement bien ce que j'ai ressenti à travers ces images même si je ne partage pas complètement le pessimisme qui découle de son analyse. Elle me semble plus vraie sur le plan artistique que sur le plan de l'expérience analytique en elle-même:

C'est pourquoi la reconstitution historique n'a ici rien d'empesé. Si le film est documenté, s'il se soucie du détail (la reproduction de la clinique de Jung, celle du bureau de Freud), c'est pour mieux s'éloigner du réalisme. Dès qu'il le peut, Cronenberg vide et tord l'espace. Il privilégie les angles aux plans frontaux de sorte à prolonger la perspective, à faire glisser le regard vers un point de fuite (l'inconscient?). De manière, aussi, à accentuer l'électricité qui passe entre les êtres. Qu'ils soient assis côte à côte sur un banc, face à face sur un bateau ou l'un derrière l'autre pendant la cure, la relation entre Jung et sa maîtresse est tension (tension qu'exacerbe l'opposition entre le noir du costume et le blanc de la robe). En préférant les plans larges et les gros plans aux plans moyens, la mise en scène enlève au décor toute substance anecdotique. La clinique de Zurich n'est pas montrée dans son fonctionnement, dans son quotidien, mais comme un emboîtement de lieux désingularisés. De même, la Suisse est davantage filmée comme une abstraction inquiétante (des matières, des liquides, des couleurs vives) que comme un paysage sensuel, apaisant ou radieux. Cronenberg y découpe et y isole des surfaces (un lac, une façade, une pelouse, un chemin) de façon à les déconnecter de l'ensemble bucolique dans lequel ils s'inscrivent. A leur donner une dimension mentale.

C'est pourquoi le film n'a rien de lourdement didactique. Certes, le scénario de Christopher Hampton laisse à plusieurs reprises l'occasion à Freud et à Jung d'exprimer leurs différends théoriques. Mais l'auteur s'arrange pour que la matière de la "disputatio" excède sans cesse son contenu abstrait. Pour qu'elle résonne sourdement avec la belle et étrange complicité entre le psychanalyste suisse et sa patiente hystérique. De plus, le récit, régulièrement ponctué d'ellipses, n'a en aucun cas la linéarité d'une histoire des idées ou de l'exposition d'un conflit théorique. La narration distribue des éclats d'idées; elle ne décrit pas leur mûrissements. Eclats, c'est-à-dire prismes, démultiplication d'affects.

Démultiplier les affects, voilà ce qui rend la méthode dangereuse. Il faut bien entendre ce titre. Il faut le débarrasser de ce qu'il suggère de thriller érotique, d'attrait pour l'interdit. Il faut rappeler que si la méthode est dangereuse, c'est d'abord parce que ses praticiens ne s'entendent ni sur son sens ni sur son application. Surtout, elle n'a pas laissé indemnes ceux qui, comme Jung ou Freud, ont tâtonné pour l'établir et en préciser les protocoles. Si Jung et sa patiente s'abandonnent l'un à l'autre, ce n'est ni par goût de la transgression ni par phénomène de transfert ou de contre-transfert, mais plutôt parce qu'ils s'interrogent tous deux sur le sens de la cure analytique. Ce sont ces questions qui troublent leur existence. Ce sont ces doutes qui en font, malgré eux, les cobayes de leur propre recherche. Cronenberg sent fortement qu'on ne peut étudier le psychisme avec passion, se plonger dans ses mystères, sans en souffrir en retour. Sans que cela devienne une "passion" (dans toute son oeuvre, les personnages ont quelque chose de christique).

A Dangerous Method nous dit que la tonalité de la vie psychique relève d'une affectivité dolente et anxieuse. Que le psychisme, dans sa définition même, n'est rien d'autre que ce qui est toujours sur le point de s'effondrer.
(...)
Or le récit n'a cessé, par le biais de discussions exaltées sur le mythe de Siegfried, d'établir un lien discret entre la vitalité de leur amour et le thème de la rencontre des races (elle est juive, il est aryen). A la fin tout est deuil: deuil de l'amour, deuil d'une amitié scientifique, deuil d'une impossibilité pour la psychanalyste (la synthèse entre les théories freudienne et jungienne ne se fera jamais), deuil de la paix. Oui, c'est cela le psychisme: ce qui toujours est sur le point de s'effondrer.

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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyMar 17 Jan 2012 - 19:56

Marko a écrit:
Sauf que cette expérimentation à 5 (avec l'épouse de Jung qui est aussi devenue une importante psychanalyste), où chacun est le cobaye de l'autre pour découvrir ensemble une nouvelle façon de communiquer et de réagir qui influence encore nos comportements aujourd'hui dans une certaine mesure, apparait plus constructive que néfaste à l'arrivée. Une contamination un peu folle, un peu effrayante, mais qui devient une création potentiellement libératrice pour chacun.
Marko a écrit:
Reste que ces victoires respectives ne sont pas réalisées sans souffrance et n'excluent pas une certaine mélancolie que le film traduit.
Il s’agit bien à chaque fois de s’affranchir de l’autre pour mieux exister soi-même, cet affranchissement (cet accouchement de soi dans la douleur) étant à chaque fois précédé par une sorte de contamination d’idées mais je retiens avant tout cette mélancolie que le film dégage, mélancolie traduisant je pense un constat d’échec ou du moins une grande déception quant à l’espoir thérapeutique qu’offre la psychologie en général.
Citation :

A la fin tout est deuil: deuil de l'amour, deuil d'une amitié scientifique, deuil d'une impossibilité pour la psychanalyste (la synthèse entre les théories freudienne et jungienne ne se fera jamais), deuil de la paix. Oui, c'est cela le psychisme: ce qui toujours est sur le point de s'effondrer.
Je partage assez bien le point de vue de Jean-Christophe Ferrari de Positif, plus qu’une révélation en s’affranchissant dans la douleur, on trouve surtout un constat d’échec et un deuil à tous niveaux. Freud et Sabina Spielrein qui n’échappent pas à leur judéité, avec les conséquences que l’on sait. Sabina Spielrein a complètement été oubliée, en tout cas je n’en avais jamais entendu parlé avant ce film. Puis j’ai du mal à croire qu’ Emma Jung ait accepté réellement l’infidélité de son mari, je la vois plutôt bien faire contre mauvaise fortune bon cœur, accepter l’inacceptable par humilité et soumission que par réel acceptation. Jung, j’ai du mal à dépasser ma vision du coureur de jupons invétéré, j’avoue, ce qui me le rend toujours un peu antipathique à mes yeux. Jung et Freud restent chacun sur leur position, deuil aussi d’une synthèse et d’une possibilité de progression. Alors oui, il y a bien quelques lueurs d’espoir, quelques fulgurances et dépassements de soi mais que d’échecs cuisants aussi. Le prix à payer me semble bien lourd au final.

Je crois que je vais me procurer ce magazine, le sommaire du numéro du mois de janvier me tente beaucoup en tout cas.
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyMar 17 Jan 2012 - 20:10

Et il y a un super dossier sur Raoul Ruiz !
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyMar 17 Jan 2012 - 20:25

Oui, il est vraiment alléchant ce sommaire ! Je crois que je n'ai jamais lu Positif, c'est le moment où jamais (j'espère qu'il est facilement disponible par ici).
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 EmptyMar 17 Jan 2012 - 21:50

Merci pour vos commentaires Sentinelle et Marko !

sentinelle a écrit:
On pourrait croire que j’ai détesté ce film tant finalement je m’épanche sur ce que je n’ai pas aimé, ce qui serait mensonger. Je rejoins totalement ceux qui disent que ce film est du pur Cronenberg par les thèmes traités. Je prends par exemple la contamination et la propagation via la sexualité. Que dire du docteur Jung qui est sensé soigné le masochisme de sa patiente (Sabina Spielrein) et l’addiction sexuelle de son patient (Otto Gross joué par un Vincent Cassel qui est peut-être le seul à donner vraiment chair à son personnage). Plutôt que guérir ses patients, Jung se laisse totalement absorber par leur pathologie au point d’assouvir ses fantasmes sexuels sans plus aucune entrave en se transformant lui-même en sadique pour satisfaire sexuellement sa patiente. Belle limite de la thérapie que voilà : la folie qui se transmet, la porosité de l’être humain, la contamination et la propagation via la sexualité, l’impuissance de « la science » dans son acceptation large.

Tu as parfaitement su traduire ce qui m'a plu dans ce film ! cheers
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MessageSujet: Re: David Cronenberg   cronenberg - David Cronenberg - Page 6 Empty

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