Terrence Malick

je vais quand même préciser ce que j'avais en tête (et j'ai relu l'article que tu cites à la page 11). Il y a bien une interrogation sur la foi face au mal, tout ça et une nuance sur une société us un peu paumée ou hypocrite. Mais ensuite et par l'image le film retombe sur ses pieds d'une certaine vision (question : sinon pourquoi une naissance de l'univers ? ou la vision de cycle ou d'analogie entre vie de l'univers et vie à échelle humaine). Par l'image par la grâce surtout (la mise en image de la grâce) et cette image repose il me semble sur une imagerie chrétienne (les deux aspects de la mère sont ceux qu'on retrouve dans les représentations religieuses entre une vierge à l'enfant et une mater dolorosa). Ce rapport là me semble effectivement plus intéressant que le parcours un peu lourd (même si c'est beau et touchant rappelons le) du gamin.

Et la question n'est pas dans un bien ou pas bien de la foi potentiellement montrée par le film mais bien sur la présentation. Après tout il y a beaucoup de films chargés de ce côté là qui (ça pourrait se discuter) n'amène pas ce genre de recul, sans doute parce qu'il restent proches des individus (ce qui n'exclut pas non plus les visions plus larges). Un exemple de représentation différente : Abel Ferrara (beaucoup de rédemption mais de la grâce aussi !).

J'espère que ça va passer par chez moi Badlands (on a eu Days of Heaven alors...).

Je trouve que la force du montage permet à chaque image d'être en perspective par rapport à la précédente, de provoquer une remise en question et d'incarner une émotion à la fois précise et fugitive. Sans tomber dans le piège d'un discours, d'une représentation de la foi...la sensibilité de Malick s'imprègne d'une mystique, d'une grâce, mais le film parvient à vivre de bout en bout avec ses personnages (la naissance de l'univers répondant à une perte affective et individuelle).

Avadoro a écrit:

(la naissance de l'univers répondant à une perte affective et individuelle).

En même temps qu'elle ramène par la mémoire à la propre naissance du "narrateur" (terme insuffisant evidemment puisque plusieurs voix se superposent) au moment même où il se souvient de la douleur de sa mère qui demandait à Dieu pourquoi il lui infligeait une telle épreuve (Où étais-tu?). Cette fusion entre l'histoire intime et l'histoire cosmique est un moment magique.

Je suis sortie de la salle il y a une demie heure et je ne suis pas stupéfiée -je le regrette amèrement.
Où étais-tu, Terrence ?
J’y suis allée sans idée (commentaire, article) préconçue. Et je voulais cette palme pour The Tree of life que j’attendais déjà l’an dernier alors qu’il n’était soit disant pas achevé.
Terrence peaufine jusqu’au millimètre-près et ce fut un émerveillement pour les Moissons du ciel. Mais ce soir je me demande s’il ne devrait pas se lâcher un peu. Des fois. Surtout si son besoin de perfection tend vers un intemporel aussi infini et indéfinissable que le parcours entre le big bang et la perte d’un être cher.
Ce que je veux dire c'est que, souvent, c'est la première idée, la première réponse, la première image, qui donne dans le mille. Et qu'il ne faut jamais en rajouter, comme il ne faut jamais rayer pour recommencer.
Celles et ceux qui sont sorti de salle après la première demi-heure de séance ne connaitrons jamais cette fusion entre « l'histoire intime et l'histoire cosmique » qu’évoque Marko lol, mais ils ont raté le meilleur (des pas sur une certaine plage. Ou quitter la maison par la fenêtre grande ouverte.
C’est vrai que cette première demie-heure induit une diminution progressive du tonus musculaire. Pour moi elle fut un peu longue : j’avais envie de revenir sur Sean Penn et non sur ce retour à l’avant préhistoire où les dinosaures sautillent après avoir épargner leur proie.
La notion de compassion, je la découvre ici, sur ce fil, et je ne m’en réjouis pas. Nous ne sommes pas les enfants de prédateurs carnassiers. Ce numéro est ridicule et tend à faire oublier ce qui reste à sauver : la relation père-fils et une entrée dans le deuil digne de l’After Life de Kore-eda Hirokazu chez qui l’aller-retour dans la genèse ne fut pas nécessaire tant les petites gens avaient de la voix, avaient de la gueule. Ils nous ressemblaient. On se voyait coincé là dans les limbes sans avoir besoin d’un retour à cette Odyssée de l’espace où Kubrick seul a déjà excellé.
Il n’y a pas une voix off mais deux. D’abord la femme, puis le fils. Ça me gêne.
Les nébuleuses, je ne les ai même pas vues. On hésite sans cesse entre hippocampe marin et fœtus des années 50, date de la naissance de Jack. Je me suis plutôt promenée en échographie périnatale.

Marko –tu me fais peur :
« fusion, paix intérieure, voyage mentale, élévation mystique, dimension spirituelle, communion avec la nature… »
Et tout ce dont je peux être nostalgique de Boonmee, ici, à l’occidentale, me dérange.
Sauf la plage finale où chaque famille accompagne son mort. Un moment tellement beau et intime que je me demande si on ne devrait pas aller chercher dans la biographie de Malick pour comprendre mieux. Il me semble que Tree of life aurait gagné à démarrer par ces images-là.

Babelle a écrit:

Sauf la plage finale où chaque famille accompagne son mort. Un moment tellement beau et intime que je me demande si on ne devrait pas aller chercher dans la biographie de Malick pour comprendre mieux. Il me semble que Tree of life aurait gagné à démarrer par ces images-là.

Ce final, je ne l'ai pas trouvé beau, mais c'est parce que je voyais Lost en surimpression...

Ca peut parasiter, parfois, les références...

Le passage avec les dinosaures, c'est sûr que ce n'est pas le meilleur du film. Mais le problème, c'est que c'est censé être un des moments les plus importants. Là où Kubrick a marqué avec l'invention de l'outil, on est dubitatif face à la découverte de la compassion... Même sur le papier, c'était ridicule.
Ca aurait été chez un singe, ça serait peut-être mieux passé, je ne sais pas. Mais Malick voulait sans doute montrer que ça remontait à bien avant...

(au passage, je suis drôlement content : tous les jours, en rentrant du boulot, hop, je suis la suite de la Saga Malick ).

Plus qu'avant le "autre" doit compter, ce qui en fait un choix logique. plus moche que ridicule même si un peu incongru. Assez révélateur dans mon ressenti des choix démonstratifs du réalisateur. Je suis plutôt d'accord avec Avadoro que le film tient sur ses personnages mais la présence des morceaux de dinosaures est assez significative pour y voir une esquisse d'autre chose, que la vision soit interprétée comme fantasmée ou non d'ailleurs, sans doute... et finalement les personnages tiennent aussi sur le cycle et le fait que quelque part c'est cousu de fil blanc (ce qui devient plus un compliment qu'un reproche). (et en mettant de côté qu'il s'est payé des beaux clips mystico-cosmiques).

Ou bien c'est une version longue qu'il faudrait qui développerait le résumé de l'histoire de la création ? pour mieux comprendre les choix qui sont faits. La notion de profit par exemple, ou darwinisme en vision simple ou vraiment historique, et logique de profit personnel et commercial... c'est trop court cette partie, elle est moins le sujet du film tout en pesant comme source antagoniste (c'est elle qui plombe le père qui plombe le gamin). On ne peut pas dire que ce soit faux culturellement mais sur l'absolu cosmico-gonique c'est plus gênant. Pour faire plaisir à Marko on va ouvrir une nouvelle porte : celle d'un vertige de celui qui regarde vers le haut, soleil écrasant, idéal de réussite, idéal paternel. Plusieurs étages de tension. Les visions solaires sont strange et réussies, inquiétantes tout de même. En étant vicelard on peut projeter beaucoup de supposition et relativisé beaucoup des idéaux possibles à partir de là mais je crains que ce ne soit que faire tourner les idées à vide. Le film dans l'immédiat n'en donne d'ailleurs pas envie. Deux jours après il reste le souvenir d'un mouvement qui berce.

J'attends la version DVD de 4 heures, avant une ressortie de cette version en salles dans 20 ans ! (version qui sera bien sûr gonflée en 3D).

Babelle a écrit:

Marko –tu me fais peur :
« fusion, paix intérieure, voyage mentale, élévation mystique, dimension spirituelle, communion avec la nature… »
Et tout ce dont je peux être nostalgique de Boonmee, ici, à l’occidentale, me dérange.

ça fait 2 fois que je te fais peur! C'est gentil de t'inquiéter pour moi mais vraiment il ne faut pas Bien sûr que des films comme 2001, Boonmee ou Tree of Life sont des "trips" à la fois mentaux, sensoriels, métaphysiques, ou même spirituels à condition de ne pas réduire la spiritualité à la religion. On est plus proche du mouvement transcendantaliste dans le cas de Tree Of Life d'ailleurs et il est intéressant de voir que c'est une approche qui n'est pas forcément si éloignée du bouddhisme (d'où le rapprochement que je fais avec Boonmee). Le bouddhisme en est même une des influences principales. On retrouve ça aussi chez Wagner, certains poètes et philosophes comme Thoreau, Emerson... Malick me semble directement issu de ce mouvement esthétique et philosophique. C'est une approche qui va bien au-delà d'une réduction dogmatique à une quelconque forme de religion. Et bien que parfaitement athée, c'est un regard sur le monde et l'être humain qui me parle et me touche. Tree of Life m'a surtout procuré une jouissance esthétique de chaque instant et c'est quelque chose qui fait du bien!

Je t'envie pour cette jouissance esthétique, que j'attendais aussi.
Dans quatre mois le DVD va sortir. Est-il vrai que ce sera une version longue de quatre heures (ou Expie se moque)?
Sur DVD parfois j'ai une autre vision, surtout quand le temps a passé.

Babelle a écrit:

Je t'envie pour cette jouissance esthétique, que j'attendais aussi.
Dans quatre mois le DVD va sortir. Est-il vrai que ce sera une version longue de quatre heures (ou Expie se moque)?
Sur DVD parfois j'ai une autre vision, surtout quand le temps a passé.

Je n'espère pas que le film sera plus long. A moins d'insuffler quelques petits fragments qui s'intègreraient harmonieusement à l'ensemble. Parce qu'il y a une telle perfection dans la fluidité d'enchainement des séquences et la cohésion d'ensemble que Malick a du passer des mois et des mois avec ses 5 monteurs pour sélectionner, retirer, fusionner tout ce qui était de nature à permettre cette ascension incroyable. Il devait être à Cannes l'an dernier déjà et il ne pouvait pas se contenter d'un à peu près. Et le plus merveilleux c'est que cette perfection non seulement ne nuit pas à la force émotionnelle de l'histoire humaine mais elle la renforce. C'est très opératique finalement. J'ai lu que Lars Von Trier avait cherché aussi cette fusion entre intimité et cosmos dans Mélancholia en construisant le film autour de la musique de Tristan et Isolde de Wagner. Le romantisme n'est pas mort!

Quelqu'un aurait un lien direct sur la BOF? Sur Deezer?

Babelle a écrit:

Quelqu'un aurait un lien direct sur la BOF? Sur Deezer?

Pas trouvé... Elle va bientôt sortir en tout cas.

Une photo (officielle?) de son prochain film (dont le tournage serait déjà achevé) "The Burial" (titre provisoire):

Babelle a écrit:

Dans quatre mois le DVD va sortir. Est-il vrai que ce sera une version longue de quatre heures (ou Expie se moque)?

C'était pour rigoler.
Mais en même temps, ça ne m'étonnerait qu'à moitié qu'il essaye "autre chose", un montage alternatif, enfin quelque chose...

j'ai quand même un doute, d'abord parce qu'il n'y a pas vraiment de raison pour que la religion soit une tare (ou une religion plus qu'une autre) ensuite parce que de dériver vers un truc plus universel (ou supposé tel) ça fait un peu réhabillage du film pour le rendre recevable. Il est aussi prof théologie non ? pourquoi il n'y aurait que le "philosophe" et le "poète" à l'arrivée (sachant que dans tous les cas de figure il n'y pas de synonyme de génie dans la liste). (et surtout pourquoi il ne serait pas capable d'être un peu lourd et redondant ? et bassement cinématographique. pourquoi pas le parallèle avec Lars von Trier (pas déjà faite celle là ?) à tirer beaucoup sur la corde de la nana éplorée ? plus avoué c'est peut-être moins gênant d'ailleurs...).

(je quitte la série je crois, je ferai ptet un come back dans les flashbacks de recyclages de chutes)

c'est en 3D le prochain ?