Pardonnez moi, Marie, Kenavo, Aeriale, Coline, j'ai eu une journée pénible, et c'est pour cela que je vous ai fait attendre...
Je vous parlais des rencontres amicales que j'ai faites à la bibliothèque où je travaillais...
Un après midi d'automne, j'ai fait la connaissance d'Adalberto. C'était au début des années 9O et j'étais alors de permanence au bureau des renseignements dans le hall de la bibliothèque.
Il devait etre environ 5 heures et je commencai à accuser sérieusement
le poids de la fatigue. Les insomnies et aussi l'incessant défilé des étudiants, très nombreux à ce moment de l'année.
En plus, je sortais à 6 h. 3O ce soir-là. J'avais vaguement les yeux sur un livre et je baillais.
Là dessus est arrivé un étudiant qui s'est planté devant mon bureau et m'a demandé à s'asseoir. Pendant qu'il le faisait, je l'ai examiné rapidement. Physiquement, c'était un peu le mélange -sympathique- du chien de berger du Génie des alpages de F'Murr, si vous voyez le genre, et du chanteur Arno...!
Je ne me souviens plus des questions qu'il m'a posées, mais j'ai rapidement
compris qu'il se sentait seul, qu'il avait un coup de saudade et qu'il avait envie de parler...
Ca tombait bien, puisque je somnolais et puis j'aime écouter volontiers. Je considérais, contrairement à ma directrice, que ça faisait aussi partie de
notre travail de service public. En plus, moi qui ne voyage presque jamais,
j'adore que des gens me parlent de leur pays.
Adalberto était brésilien, d'Espirito Santo, je crois. Depuis peu en France, il parlait un français correct et musical. Le Brésil était loin et sa mère et ses deux soeurs lui manquaient...
Je ne me souviens pas très bien de ce dont nous avons parlé, meme si la conversation s'est engagée aisément. De livres certainement. Adalberto
était un littéraire, et s'il s'était inscrit en droit, c'était pour devenir l'avocat des pauvres.
J'ai du lui faire part de mon enthousiasme pour Joao Guimaraes Rosa et
son chef d'oeuvre Diadorim. J'ai du parler sans doute aussi de Machado de Assis. Des bandits d'honneur et du sertao.
Il a du embrayer sans doute sur Lula, alors candidat à la présidence du Brésil et des espoirs qu'il mettait en lui. Il était jeune, idéaliste. je comprenais tout à fait ses aspirations... Mieux, je les partageais.
Il a parlé de Tom Jobim et de la bossa nova, c'est certain, car il adorait
la musique.
Le temps passait. Agréablement. De temps en temps, un étudiant nous interrompait et j'essayais de le renseigner au mieux. Mais, il était temps de rentrer chez moi.
Quand j'en fis part à Adalberto, il me dit avec vivacité et chaleur qu'il me considérait désormais comme un ami. Que c'était formidable, et qu'il fallait feter cela. Il allait appeler une copine brésilienne et ils allaient me chanter quelques chansons. D'ailleurs, il avait sa guitare avec lui.
Inutile d'objecter que j'étais crevé, et puis son enthousiasme spontané
était touchant.
La copine arriva et bientot, on était attablés tous les trois dans un petit café du centre ville. Et là, ils me chantèrent en effet quelques chansons devant
quelques consommateurs étonnés mais ravis.
La suite donna raison à Adalberto. Nous devinmes amis... J'aime beaucoup me souvenir cette histoire, surtout quand je doute de l'humanité...