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| Ecrivains rares, écrivains secrets | |
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Invité Invité
| | | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| | | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Jeu 19 Nov 2009 - 21:35 | |
| BLE D' HIVER : Mildred Walker, 10 / 18
Je viens de terminer ce livre et j' ai compris tout de suite que j' en parlerai ici...
Blé d' hiver c'est l' histoire d' Helen Webb, la narratrice, une jeune fille d' une vingtaine d' années, et elle se passe lors de l' entrée guerre des Etats Unis au début de la 2e Guerre Mondiale. C' est l' histoire de ses sentiments pour ses parents, son père et sa mère. De ses sentiments et de leur évolution. On pourrait meme dire que c' est l' histoire d' une éducation sentimentale. La tendresse et l' admiration quasi enfantine qu' elle éprouve pour eux, c' est aussi les sentiments qu' elle éprouve pour les plaines du Montana et le ranch où elle vit. Ces sentiments-là vont etre brutalement mis à mal sous l' influence extérieure du premier amour de sa vie. Pendant quelques mois, elle va les voir à travers les yeux d' un homme de la ville, riche et rafiné, qui ne percevra que l' aspect fruste de la mère, de leur foyer et des paysages austères des plaines à blé. Prise de doutes, elle a brusquement l' impression que ses parents sont trop différents l' un de l' autre, et que l' amour qu' ils ont pour elle est leur seul point commun. Elle a toujours admiré la beauté, l' intelligence de son père et elle pense alors qu' il a été piégé par sa mère et contraint de vivre avec elle un travail trop rude de fermier, qui a ruiné sa santé. Du meme coup, sa mère lui parait dure et possessive. Et elle en conclue qu' ils vivent dans la douleur, l' amertume et l' incompréhension. Une sorte d' imposture qu' ils lui cachent.
La mort de l' homme qu' elle aimait lui ouvre les yeux et lui permettre d' évoluer. Après les avoir interrogés, elle se red compte qu' elle s' est complètement trompée sur la véritable relation de ses parents. De la connivence profonde et secrète qui les unit bien au delà de leurs différences réelles. Au delà du travail. Au delà d' elle-meme. Et cette prise de conscience la réconcilie avec elle-meme, avec eux et aussi avec la terre où elle a toujours vécu. Ce livre est bien autre chose encore. C' est la vision poétique d' un pays en apparence très monotone, mais qui est sublimé par le regard de ceux qui l' aiment et par la levée du blé, le blé d' hiver, si difficile à venir mais si splendide à voir et à récolter.
J 'ai rarement rencontré autant de vérité humaine que dans ce livre, sinon chez les plus grands. Je suis très en deça de ce que je voudrais dire, et les extraits que je cite vous convaincront peut etre que je n' ai pas tout inventé...
La liste des écrivains du Montana est longue : de Stegner à Jim Harrison en passant par McLean, Richard Hugo, Crumley, Brautigan, Ford, Carver, Rick Bass, et d' autres. Ils ont nombreux et souvent brillants. Mais on oublie souvent deux femmes qui sont Dorothy Johnson et Mildred Walker.
J' avais été si sure qu' ils ne se comprenaient pas... Dad avait dit lui-meme : "Quelquefois, c' est difficile de comprendre ta mère, Ellen." Et sans reprendre haleine, comme s' il était embarrassé, il avait parlé de la région, expliqué combien elle était différente de l' Est : " On ne comprend pas pourquoi elle s' empare de vous quand vous vivez avec elle." Voulait-il signifier que c' était ce qu' il éprouvait avec Mom ? Cette pensée me frappa comme si j' avais essayé vainement de lire quelque chose dans la pénombre et que, au grand jour, ce quelque chose fut devenu lumineux... Je commençai à voir ce qui avait du se passer entre eux. Il pouvait regarder Mom sans rien dire et savoir ce qu' elle pensait, meme quand ils parlaient de choses sans importance et quand ils travaillaient dans les champs. Je les regardai avec étonnement à mesure que je comprenais leur étrange amour. Je pensai à cent petites choses dont le sens m' apparaissait maintenant.
Blé d' hiver, p. 369
C' était une joie de travailler dans les champs alors que rien ne s' interposait entre le ciel et moi. Il faisait froid le matin et le soir, mais le soleil de midi me chauffait la tete et le cou. J' étais heureuse de conduire le tracteur le long des champs. Le fait de labourer présente un autre avantage : il faut diriger le tracteur en ligne droite et toutes les préoccupations s' effacent devant celle-là. Un moineau s' envole du sillon devant vous ou un faisan male déploie ses couleurs sur la plaine et vous arrache à vos reveries. Je pensai souvent à mes parents, labourant les terres du Montana pour la première fois. Je connaissais le visage d' Anna quand il ne voulait laisser déceler aucune pensée et je connaissais celui de Dad quand il était découragé, fatigué et malade. Je les voyais revenant à la maison de planches et s' étendant le soir l' un près de l' autre. Qu' ils aient pu labourer avec cette haine et cette amertume et affermir leur amour me semblait un plus grand miracle que le printemps.
Blé d' hiver, p. 376 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Lun 8 Fév 2010 - 19:50 | |
| LA SOUCE CACHEE. - Hella S. Haasse J' aime les romans de Hella S. Haasse, et j' aime encore plus La Source cachée parce qu' il touche en moi une fibre sensible. Le narrateur de cette histoire est envouté. Envouté par une femme disparue, Eline, et dont l' absence ne fait que la rendre plus présente dans les lieux qu' elle aima, la foret de Breskel. L' imagination du narrateur se déploie pour essayer de trouver en elle une sorte de double, libre et créatif auquel il s' identifie. Jour après jour, il s' imprègne des lieux qu' elle fréquentait et il fouille la maison vide où elle passa son enfance et son adolescence. A force de revisiter le passé, il trouve ce qu' il ne cherchait pas : des raisons d' aimer mieux sa femme, la fille de la disparue. Le sens des reponsabilités, du devoir quotidien, des normes sociales. Il trouve aussi des traces tangibles de la disparue dans une exposition de peinture. Un tableau de la foret de Breskel, fait et signé de la main d' Eline. Mais un tableau qui reflète toute la laideur et la souffrance du monde. Et il comprend que ce qu' elle a rejeté, maison, famille, enfant, pour etre libre de créér, ne lui a apporté que misère, désenchantement et solitude. L' une des questions qu' on peut se poser en lisant ce livre, c' est de savoir s' il faut se libérer de toute entrave pour essayer de trouver la liberté et la création. Le narrateur conclue négativement. Il doit se plier aux règles et aux normes sociales pour essayer de mieux vivre dans les limites du rasonnable. Mais il sait évidemment que c' est de la résignation. Et la suite est du domaine de la spéculation. Quand j' ai dit cela, je n' ai rien dit. Reste la part de l' ombre et de l' espace de chaque lecteur. Un mot pour terminer sur le style de Hella Haasse dans ce livre. La beauté des descriptions de la nature rappelle celles de Julien Gracq et l' approche du mystère de l' ame des etres humains est digne de Henry James. Maintenant encore, je peux à peine touver les mots pour définir le sentiment qui me pousse sans cesse à emprunter le chemin conduisant à la maison abandonnée. J' ai passé pratiquement les derniers jours dans le voisinage de Breskel, impuissant à me soustraire au charme de cet endroit. Là tout semble s' etre arrété : ce que nous sommes convenus d' appeler le "monde" n' a aucun sens. La senteur des roses est perceptible jusqu' au coeur de la foret. Le silence qui parfois prend possession de la maison et du jardin, cette absence soudaine de bruit et de mouvement contient un élément d' attente tendue, de passion que je ne peux expliquer.. Lorsque tombe cet étrange silence, je sais que je ne suis pas seul. La souce cachée, p. 26 Lorsque je regardai comment les nuages crevaient au dessus du bois de Breskel, elle, Eline, sembla soudain etre présente ; elle requérait à nouveau mon attention... Dans la maison, son influence ne peut pas se faire sentir aussi fortemnt, l' atmosphère n' y est pas saturée de sa personne.... Si l' esprit d' Elione hante les lieux, c' est à la dérobée et fugitivement.. Mais la foret est son domaine ici , où elle a mené une vie libre, loin des regards indiscrets, elle continue à exister. La source cachée, p. 78 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Dim 16 Mai 2010 - 17:40 | |
| LA SOURCE CACHEE. - Hella S. Haasse
J' aime les romans de Hella S. Haasse, et j' aime encore plus La Source cachée parce qu' il touche en moi une fibre sensible.
Le narrateur de cette histoire est envouté. Envouté par une femme disparue, Eline, et dont l' absence ne fait que la rendre plus présente dans les lieux qu' elle aima, la foret de Breskel. L' imagination du narrateur se déploie pour essayer de trouver en elle une sorte de double, libre et créatif auquel il s' identifie. Jour après jour, il s' imprègne des lieux qu' elle fréquentait et il fouille la maison vide où elle passa son enfance et son adolescence.
A force de revisiter le passé, il trouve ce qu' il ne cherchait pas : des raisons d' aimer mieux sa femme, la fille de la disparue. Le sens des reponsabilités, du devoir quotidien, des normes sociales. Il trouve aussi des traces tangibles de la disparue dans une exposition de peinture. Un tableau de la foret de Breskel, fait et signé de la main d' Eline. Mais un tableau qui reflète toute la laideur et la souffrance du monde. Et il comprend que ce qu' elle a rejeté, maison, famille, enfant, pour etre libre de créér, ne lui a apporté que misère, désenchantement et solitude.
L' une des questions qu' on peut se poser en lisant ce livre, c' est de savoir s' il faut se libérer de toute entrave pour essayer de trouver la liberté et la création. Le narrateur conclue négativement. Il doit se plier aux règles et aux normes sociales pour essayer de mieux vivre dans les limites du rasonnable. Mais il sait évidemment que c' est de la résignation. Et la suite est du domaine de la spéculation.
Quand j' ai dit cela, je n' ai rien dit. Reste la part de l' ombre et de l' espace de chaque lecteur.
Un mot pour terminer sur le style de Hella Haasse dans ce livre. La beauté des descriptions de la nature rappelle celles de Julien Gracq et l' approche du mystère de l' ame des etres humains est digne de Henry James.
Maintenant encore, je peux à peine touver les mots pour définir le sentiment qui me pousse sans cesse à emprunter le chemin conduisant à la maison abandonnée. J' ai passé pratiquement les derniers jours dans le voisinage de Breskel, impuissant à me soustraire au charme de cet endroit. Là tout semble s' etre arrété : ce que nous sommes convenus d' appeler le "monde" n' a aucun sens. La senteur des roses est perceptible jusqu' au coeur de la foret. Le silence qui parfois prend possession de la maison et du jardin, cette absence soudaine de bruit et de mouvement contient un élément d' attente tendue, de passion que je ne peux expliquer.. Lorsque tombe cet étrange silence, je sais que je ne suis pas seul.
La souce cachée, p. 26
Lorsque je regardai comment les nuages crevaient au dessus du bois de Breskel, elle, Eline, sembla soudain etre présente ; elle requérait à nouveau mon attention... Dans la maison, son influence ne peut pas se faire sentir aussi fortemnt, l' atmosphère n' y est pas saturée de sa personne.... Si l' esprit d' Elione hante les lieux, c' est à la dérobée et fugitivement.. Mais la foret est son domaine ici , où elle a mené une vie libre, loin des regards indiscrets, elle continue à exister.
La source cachée, p. 78 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Dim 16 Mai 2010 - 17:44 | |
| Je n' ai jamais très bien su pourquoi certains écrivains ou certains livres que j' ai lus avaient une palce à part. Ici. Mais je sais que Le Toit de tole de Nirmal Verma en fait partie... Peut etre finirai-je par le savoir. Ou peut etre pas. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Jeu 20 Mai 2010 - 22:08 | |
| Nirmal Verma : Le toit de tole rouge... Ce livre est tellement beau que je ne sais pas si je vais en parler... Trop peur de l' abimer... Je réfléchis ! | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Ven 28 Jan 2011 - 19:45 | |
| JULIUS WINSOME : Gerard Donovan. - Points/Seuil De ce livre non plus, je ne dirai pas grand chose, tout simplement parce qu' il ne faut surtout rien en dire, dans l' interet meme du récit. Sachez seulement que c' est un livre sur la douleur, la solitude et la perte. Un récit qui vous va droit au coeur. Qu' il perfore votre système immunitaire fait d' habitudes, de repères, de précautions, de préjugés et de confort moral. Il faut le suivre comme un russeau limpide et froid de montagne. C' est un récit sur le fil du rasoir entre raison et folie. Je me suis rarement senti aussi proche d' un personnage de roman, ne serait-ce qu' à cause de la profonde compassion fraternelle que je ressens pour lui. | |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Ven 28 Jan 2011 - 19:51 | |
| - bix229 a écrit:
- JULIUS WINSOME : Gerard Donovan. - Points/Seuil
Tu as un tout petit extrait pour nous? Please...Cela pourrait bien me plaire. Une précision: Winsome, c'est bien l'auteur? | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Ven 28 Jan 2011 - 20:05 | |
| - Cachemire a écrit:
- bix229 a écrit:
- JULIUS WINSOME : Gerard Donovan. - Points/Seuil
Tu as un tout petit extrait pour nous? Please... Cela pourrait bien me plaire. Une précision: Winsome, c'est bien l'auteur? Bonne question ! Donovan est l' auteur et comme son nom l' indique, il est irlandais, meme si le livre se passe du coté du Maine et du New Brunswick. J' ai mis deux extraits sur le fil : Au fil de nos lectures... | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Ven 28 Jan 2011 - 20:27 | |
| - Cachemire a écrit:
- Cela pourrait bien me plaire.
Une précision: Winsome, c'est bien l'auteur? L'auteur s'appelle Gérard Donovan, si tu vas visiter son fil - click ici - et lire le sublime commentaire de Marko - avec en ajout des extraits - je suis sûre que tu vas succomber | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Ven 28 Jan 2011 - 20:32 | |
| Des paroles d' affection, de tendresse, d' amour, oui, Claire m' en avait prodigué, et aujourd' hui je pense que j' étais censé lui rendre la pareille. Or je n' en avais pas l' habitude, ne savais pas qu' un sentiment était plus ou moins fort selon le nom qu' on lui donnait, mais j' aurais du en dire assez pour lui faire comprendre que j' appréciais sa compagnie, qu' elle me manquait durant son absence, et si c' était ça l' amour, alors tant mieux. Elle n' a plus jamais dit quelque chose pour découvrir ce que j' allais répondre, ou ce qu' on pourait lui offrir en retour. J' aurais du savoir que les gens deviennent parfois assez intimes pour s' apercevoir qu' ils ont des étrangers l' un pour l' autre. Julius Winsome, p. 116 | |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Ven 28 Jan 2011 - 21:27 | |
| - bix229 a écrit:
- Des paroles d' affection, de tendresse, d' amour, oui, Claire m' en avait prodigué, et aujourd' hui
je pense que j' étais censé lui rendre la pareille. Or je n' en avais pas l' habitude, ne savais pas qu' un sentiment était plus ou moins fort selon le nom qu' on lui donnait, mais j' aurais du en dire assez pour lui faire comprendre que j' appréciais sa compagnie, qu' elle me manquait durant son absence, et si c' était ça l' amour, alors tant mieux. Elle n' a plus jamais dit quelque chose pour découvrir ce que j' allais répondre, ou ce qu' on pourait lui offrir en retour. J' aurais du savoir que les gens deviennent parfois assez intimes pour s' apercevoir qu' ils ont des étrangers l' un pour l' autre. Julius Winsome, p. 116 Bel extrait. Merci! Je vais le lire. | |
| | | Igor Zen littéraire
Messages : 3524 Inscription le : 24/07/2010 Age : 71
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Sam 29 Jan 2011 - 9:34 | |
| Un autre livre où l'animal de compagnie est prétexte à la description/dénonciation d'une société, d'un monde: " Niki, l'histoire d'un chien" de Tibor Déry (1894-1977 seul livre en français de cet auteur hongrois) En excellent échange entre Pierre Pachet et Claude Habib en ce moment dans l'émission Répliques sur France Culture . Le Podcast - Citation :
- Présentation de l'éditeur
" Pour autant qu'on pouvait le distinguer dans le crépuscule où baignait le jardin, c'était un fox-terrier, sans doute un croisement de fox à poil dur et de fox à poil ras. Son corps svelte était recouvert d'un poil blanc court et lisse, sans tache ni éclaboussure. Seules les oreilles étaient noisette, avec un trait noir à la naissance. Par une de ces coquetteries dont la nature est prodigue, le dessin et la couleur, à l'attache de chacune des oreilles, n'étaient pas symétriques. De l'oreille gauche, une raie noisette descendait jusqu'aux cils en passant par le dessus de la tête. Au-dessous de l'oreille droite, la gueule était d'une blancheur immaculée, mais derrière l'oreille le trait noir, comme pour faire un contraste amusant avec la blancheur de la gueule, descendait profondément sur la nuque, dépassant la ligne où, d'habitude, les chiens portent le collier. Là, il s'élargissait en une sorte de carré noir, pour autant que la nature consente à former des carrés et autres figures géométriques régulières. Ajoutons deux grands yeux luisants à la base d'une tête allongée en triangle, à la pointe duquel brillait un petit nez noir comme astiqué au cirage, et nous aurons dessiné à grands traits la gracieuse silhouette qui venait de s'installer aux pieds d'Ancsa. " L'histoire de Niki, une chienne ordinaire, et des Ancsa, un couple non moins ordinaire, est une parabole extraordinairement émouvante, sans jamais donner dans la sensiblerie, sur l'attention, la gentillesse et la résistance de l'amour. Tibor Dery: | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Ecrivains rares, écrivains secrets Dim 10 Avr 2011 - 17:09 | |
| Un appartement, une femme, un roman : Wilhelm Genazino...
Comme les autres livres que j' ai cité ici, ce roman là m'a enchanté dés le début et j' ai eu du mal à sortir de cet enchantement. Je le lisais très lentement, je le relisais, comme pour m' empecher de terminer... J' en ai très mal parlé. Mais comment faire autrement ? Meme si j' avais été plus réceptif et si j'avais su traduire mon plaisir par les mots, je serais resté très en deça de ce que j' ai éprouvé. On ne peut pas parler du bonheur. On peut souhaiter le partager..Au mieux...
Deux jours plus tard, c' était le week end. Le dimanche, je n' avais pas besoin de travailler. Je songeai à aller voir mes parents, mais finalement, j' abandonnais cette idée. C' était étrange de vivre dans la meme ville et de ne pas vouloir les voir. La journée était légère et claire et chaude. Je décidai de prendre mon petit déjeuner sur une terrasse du centre-ville. Les rues grouillaient de monde et de sons et de visions. Devant moi marchait une femme entre deux ages. Un morceau de ruban adhésif marron était resté collé au talon de sa chaussure gauche, ce qu' elle ne semblait pas remarquer, bien qu' à chacun de ses pas, le morceau de Scotch trainant par terre provoquant un bruit bref. Ou bien ce bruit lui était-il indifférent ? Peut etre se fichait-elle de tout ? Cette idée éveilla mon interet pour cette femme. Depuis toujours, je désirais rencontrer un etre humain qui se fichait de tout. Les gens que je connaissais ne faisaient que dire qu' ils se fichaient de tout. Mais il suffisait de les observer un peu pour se rendre compte qu' ils ne se fichaient de rien. Alors que je réfléchissais encore à la question de savoir s' il existait un seul etre humain qui se fichait de tout, je perdis de vue la femme au ruban adhésif. J' observais alors les mouvements de déglutition d' un oiseau qui buvait dans une flaque d' eau. Tous ces détails autour de moi me ravissaient. Y etre impliqué me mettait à mon tour dans un état de vie romanesque. Au bord d' une petite place, j' entrai sur une terrasse de café. Je me mis à la table libre et commandai un grand café et deux croissants... Devant mes yeux, un enfant passa avec une grande miche de pain ronde. Des deux mains, l' enfant serrait le pain contre sa poitrine. En descendant du trottoir, l' enfant tomba. Dans sa chute, il ne lacha pas le pain. L' enfant tomba en avant, mais réussit à éviter que le pain n' entre en contact avec la saleté de la rue. Rapidement, il se releva et examina d' abord le pain puis lui-meme...Le pain n' était pas endommagé, il n' avait été que légèrement écrasé. Les bras de l' enfant n' étaient pas blessés, juste un peu écorchés. Quelques secondes plus tard commença une chaine de regards. L' enfant découvrit ses spectateurs et les regarda brièvement les uns après les autres... Dans cette chaine de regards, la vie secrète et la vie publque se heurtaient en douceur. L' enfant, jouissant de l' hommage qui lui était rendu par les spectateurs, leva brièvement le pain en l' air puis disparut. Je ne doutais pas que je me trouvais dans un roman qui n' était pas écrit. Je baissait le regard sur mon petit déjeuner et attendis le jaillissement du premier mot.
Un appartement, une femme, un roman, p.p. 177-178
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