Lecture en commun - Hermann Lenz : Les yeux d'un serviteur

Oui, le Père Engelsleben était bien du mauvais cité: même dans l'organisation de la déportation, si je comprends bien les allusions! C'est dans ce contexte-là que Fanny aussi va se suicider...
En arrière-fond on entendra plus tard de l'attentat manqué sur Hitler.

Wasik va perdre dans un bombardement pendant la guerre Elise, sa femme. A la suite je souligne qu'on dit bien que cette perte de sa femme va manger de la substance, quelque chose de son "indifférence": cette mort va mettre en question les distances établies.

J'ai beaucoup moins noté de la troisième partie, je ne sais pas pourquoi. Wasik se trouve être un retraité et c'est chez lui que loge aussi Edouard, le fils Engelsleben. Lui, il est devenu controleur dans les trams, et je me demande si ici on n'a pas un certain point final de l'histoire:
Les rapports du passé se sont dissolus; l'ancien "comte" est simple ouvrier, accueilli par un ancien serviteur qui prend pas seulement un rôle de nourricier, mais même de père, pas seulement à travers la relation entre Maria et Edouard, mais par la confiance directe qu'Edouard a pour lui.

De l'autre coté, Kemmler va dire à Edouard dans le cimétière à propos de Wasik: "c'est un homme avec une certaine tenue,...un Monsieur!"

Le passé reste important, joue certainement un grand rôle pour Wasik, mais au moment d'un café chez lui, il va dire qu'"autrefois ce n'était pas bien commode toujours. Aujourd'hui ça me plaît mieux."

En ce qui concerne la vie d'un couple, on remarque la grande différence entre Edi et Maria avec les couples du passé...: eux, ils se trouvent bien ensemble, se sont choisis!

Et dans la dernière phrase du roman on retrouvera le fauteuil du premier chapitre du livre...

J'ai bien aimé ce roman, le style de Lenz. J'ai déjà acheté d'autres livres de lui, et un jour je vais les attaquer!

Un jour après cette lecture je reste toujours sur mon avis mitigé en ce qui concerne la 3e partie.. même si Lenz arrive à écrire en une phrase la Ière Guerre Mondial qui m'a impressionnée.. là je trouve qu'il 'termine' le tout un peu trop vite.. où peut être j'aurai voulu voir Wasik avec beaucoup plus de 'changements'
Mais néanmoins une lecture que j'ai bien aimé contrairement à une autre lecture en commun faite en même temps mais surtout: j'ai découvert un écrivain dont je veux lire d'autres livres!!


Merci à vous pour cette lecture

Wasik ne peut pas changer à mon avis, il est le souvenir, la mémoire d'un monde disparu et qui survit d'une certaine façon en lui. Et j'aime bien cette idée, le couple qu'il n'a pas pu former avec Fanny, a pu exister entre sa fille et le fils de Fanny. Et le fils de Fanny, pour qui à un moment donné il a remplacé le père indigne, est devenu son beau fils. Une famille recomposée en quelque sorte.

Arabella a écrit:

Wasik ne peut pas changer à mon avis, il est le souvenir, la mémoire d'un monde disparu et qui survit d'une certaine façon en lui.

oui.. tu as raison.. je ne m'attendais pas à trouver la 'révolution' sur les dernières pages.. mais j'ai quand même toujours un peu de mal avec des vies 'gâchis'..
oui - je sais, qui ne le sont pas pour ces gens..

Arabella a écrit:

Et j'aime bien cette idée, le couple qu'il n'a pas pu former avec Fanny, a pu exister entre sa fille et le fils de Fanny. Et le fils de Fanny, pour qui à un moment donné il a remplacé le père indigne, est devenu son beau fils. Une famille recomposée en quelque sorte.

même idée - un peu trop de gâchis pour moi.. et même si les enfants peuvent vivre les rêves de leurs parents.. cela me donne du mal de devoir le lire

Je ne trouve pas que cela soit si triste, en fait Wasik a une grande dignité, et il a quand même passé de bons moments, avec Fanny, (le café du dimanche par exemple), avec sa femme et sa fille, avec Edi enfant, et devenu son beau fils. Je ne trouve pas que sa vie était gachée, il a d'une certaine façon refusé les choses honteuses, il est resté fidèle à lui-même.

Arabella a écrit:

Je ne trouve pas que sa vie était gachée, il a d'une certaine façon refusé les choses honteuses, il est resté fidèle à lui-même.

d'accord.. pas gachée.. mais en quelque sorte quand même vécu à côté de son rêve..
et je suis consciente qu'on ne peut pas tous vivre et avoir ce qu'on veut et demande.. mais peut être c'était aussi son caractère trop satisfait avec la situation telle quelle qui m’a donné du mal.

Ce n'est pas un révolté, sinon en effet il n'aurait pas pu être serviteur. Cela l'arrangait de ne pas être plus acteur, mais observer. Cela montre en quelque sort toute la perversion de cette relation maître valet.

Arabella a écrit:

Ce n'est pas un révolté, sinon en effet il n'aurait pas pu être serviteur. Cela l'arrangait de ne pas être plus acteur, mais observer.

oui.. et moi j'avais bêtement pensé qu'il ferait une évolution plus.. impressionante

Arabella a écrit:

Cela montre en quelque sort toute la perversion de cette relation maître valet.

absolument.. cette phrase me fait un peu penser au film Gosford Park dans lequel ont peu voir aussi très bien cette relation..

Je ne peux pas voir dans "l'autre coté du miroir" un rêve attractif qu'il aurait fallu préféré. Je n'ai pas "pitié" de Wasik, car je pense qu'il n'en veut pas.
Ce que je constate avec amusement, c'est que peut-être on voit dans ce serviteur un homme pas libre. Je ne le vois pas ainsi. Je peux me tromper, mais il agit avec plus de liberté que d'autres.
Son bonheur à lui me semble honnête et bon. Même si cela ne plaît plus aujourd'hui à tout le monde...
Avec cela je ne dis pas que j'aimerais être à sa place, mais on peut le laisser, lui, à sa place. Un changement plus radical n'aurait pas collé avec l'ensemble du texte.

tom léo a écrit:

Je n'ai pas "pitié" de Wasik, car je pense qu'il n'en veut pas.

j'ai probablement moins de 'pitié' pour Wasik que pour cette situation dans laquelle il se trouve.. mais comme vous dites, il se sent probablement bien là dedans.. et demande pas mieux..

tom léo a écrit:

Un changement plus radical n'aurait pas collé avec l'ensemble du texte.

bien sûr.. par rapport au texte, cela n'aurait pas collé.. mais comme je dis.. un peu plus de changements m'aurait plu.. on peut toujours rêver

Arabella a écrit:

Et j'aime bien cette idée, le couple qu'il n'a pas pu former avec Fanny, a pu exister entre sa fille et le fils de Fanny. Et le fils de Fanny, pour qui à un moment donné il a remplacé le père indigne, est devenu son beau fils. Une famille recomposée en quelque sorte.

C'est tout à fait ainsi que je le vois aussi.

Arabella a écrit:

Je ne trouve pas que cela soit si triste, en fait Wasik a une grande dignité, et il a quand même passé de bons moments, avec Fanny, (le café du dimanche par exemple), avec sa femme et sa fille, avec Edi enfant, et devenu son beau fils. Je ne trouve pas que sa vie était gachée, il a d'une certaine façon refusé les choses honteuses, il est resté fidèle à lui-même.

Tout à fait, Wasik a eu une vie honorable et à aucun moment il ne suscite la pitié ou le mépris, parce qu'il faut beaucoup de courage pour assumer les renoncements.

tom léo a écrit:

Ce que je constate avec amusement, c'est que peut-être on voit dans ce serviteur un homme pas libre. Je ne le vois pas ainsi. Je peux me tromper, mais il agit avec plus de liberté que d'autres.
Son bonheur à lui me semble honnête et bon. Même si cela ne plaît plus aujourd'hui à tout le monde...

Absolument, sa liberté est intérieure...Là réside l'intérêt du livre, de déplacer les valeurs et d'accorder à un serviteur une grande force morale, comme l'esclave Epictète qui a été l'un des plus grands philosophes stoiciens.
Cela me rappelle la pensée de Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique. Il disait, il me semble: "Il y a contrat. Dans les limites de ce contrat, l'un est le serviteur et l'autre le maître; en dehors, ce sont deux citoyens, deux hommes." Ce n'est jamais la position sociale qui fait la valeur d'un individu mais ce qu'il est.

Merci de cette lecture commune, j'ai trouvé cela très enrichissant. Cela donne à la lecture une compréhension et un intérêt encore plus forts.

Cachemire a écrit:

Cela me rappelle la pensée de Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique. Il disait, il me semble: "Il y a contrat. Dans les limites de ce contrat, l'un est le serviteur et l'autre le maître; en dehors, ce sont deux citoyens, deux hommes." Ce n'est jamais la position sociale qui fait la valeur d'un individu mais ce qu'il est.

Cachemire a écrit:

Merci de cette lecture commune, j'ai trouvé cela très enrichissant. Cela donne à la lecture une compréhension et un intérêt encore plus forts.

de même pour moi

Oui, grand merci de ma part aussi!!!

Ce fut une expériece enrichissante, merci à vous.