Et si vous alliez à l'opéra?

J'ai eu la brochure avec l'offre d'abonnement, je pense prendre celui avec toutes les nouvelles productions, nombreuses et intéressantes.

Sortie en double CD de ce très bel opéra de Philippe Boesmans d'après la pièce de Pommerat. La prise de son est idéale et la qualité des chanteurs superlative. Leur français est tellement parfait qu'on comprend le texte sans suivre le livret. Et la musique... un envoûtement. Des sonorités qui prolongent Debussy, Berg, Poulenc ou Strauss. Boesmans n'a jamais été aussi accessible et mélodique sans renoncer à sa complexité et à sa richesse habituelles. A écouter sans modération en se laissant flotter.

Forum opéra a écrit:

Le miracle est accompli : un opéra de notre temps, mais où l’oreille trouve aussitôt des sons qui la charment. Une musique constamment jaillissante, imprévisible, mais où l’on trouvera aussi mille clins d’œil brévissimes, qui ne sont nullement des citations. Quand les trois sœurs chantent ensemble, on croit entendre passer un peu du final du Chevalier à la rose. Quand les armes et les combats sont évoqués, on distingue l’ombre de Massenet ou de Poulenc. Certaines phrases se terminent comme le Ravel des Histoires naturelles. Et bien sûr, il y a Pelléas, inévitable dans la mesure où Joël Pommerat lui-même renvoie à l’univers de Maeterlinck, avec son père de famille, Arkel frappé par Alzheimer, ses trois filles qu’il appelle « Mes princesses », cette première scène où le fils aîné joue les Geneviève, comme s’il allait nous lire la lettre d’Ori-Pelléas, Ori qui devient aveugle…

Citation :

La cohérence de l'œuvre, qui n'en manque pas, est donnée par la chatoyante musique de Boesmans. Comme libéré de ses sources, puisées dans le grand répertoire du XXe siècle, le compositeur propose un parcourt très imaginatif, très coloré où se mêlent les références à Debussy, à Strauss, à Ligeti, mais aussi des incursions dans le domaine de la variété et de la pop music, le tout lié de façon très personnelle et sans complexe. Boesmans n'appartient à aucune école, ne répond à aucun dogme — peut-être les englobe-t-il tous. Il crée sa musique avec ses propres réminiscences, un amour des timbres, un lyrisme juvénile très séduisant pour le public, et trouve sa dynamique propre dans un lumineux kaléidoscope sonore empreint d'une grande nostalgie. C'est la musique qui donne vie aux personnages, qui révèle leur humanité, les habille de chair et de sang quand le texte décrivait surtout des archétypes.

La légende de la cité invisible de Kitège et de la demoiselle Fevronia de Nicolaï Rismky-Korsakov

Citation :

Fevronia vit dans la forêt. Le prince Vsevolod la rencontre en se perdant à l'occasion d'une partie de chasse et en tombe amoureux. Au cours des festivités du mariage, on apprend que les Tatars attaquent la ville du Petit Kitège et projettent de s'en prendre ensuite au Grand Kitège. Celui-ci sera finalement sauvé par un miracle qui le rend invisible. Les Tatars renoncent à leur projet.

Pourquoi ai-je autant attendu pour regarder ce DVD dont on vantait pourtant les mérites en le qualifiant de "Parsifal russe" et de l'un des plus beaux spectacles de 2012?  Je l'avais dans un coin et puis j'ai commencé à regarder les premières minutes...

Le choc vient d'abord de l'extrême beauté lyrique de cette musique qui pourrait se situer au point de rencontre des opéras de Moussorgsky (l'ampleur et la noblesse, les thèmes traditionnels revisités), Janacek (l'univers est très proche) et dans une moindre mesure de Wagner même si son influence est importante (les carillons qui font écho à Parsifal effectivement, le lyrisme romantique ondulatoire, la dimension mystique, les leitmotives).  Dès l'ouverture et l'aria de Fevronia, on est embarqué dans une première demi-heure d'une beauté extatique ininterrompue qui célèbre la nature et le bonheur bientôt perdu. C'est somptueux. Et ce n'est que le début.



Choc également devant la scénographie avec ce décor impressionnant qui a été ovationné dès le lever de rideau à sa création à Amsterdam. Tcherniakov est le nouveau trublion génial de la mise en scène et son travail sur cet opéra est absolument parfait du début à la fin en l'actualisant sans en appauvrir la magie.

Tcherniakov fait de cette tragédie mystique, où la violence du monde affronte la bonté et la foi jusqu'à un final idyllique mais fantasmé, un drame universel sur la survie en temps de guerre et de tyrannie. Chacun tente de faire face à la menace d'anéantissement et le metteur en scène ne juge aucun personnage. Même si Fevronia incarne la bonté et la pureté absolues et qu'elle bénéficie des plus beaux airs de tout l'opéra, il nous montre la fragilité de sa foi et de sa croyance, de son angélisme, car même si le miracle survient c'est au prix de son sacrifice.



Ce qui rend le dernier tableau d'autant plus bouleversant par cette illusion d'un bonheur retrouvé qui donne droit à une nouvelle demi-heure sublime.



Entre ces deux actes idylliques, des scènes de terreur, de ferveur religieuse, de cruauté et de sainteté. Des choeurs somptueux, des rythmes lancinants sur des airs adaptés de chants traditionnels. C'est magnifique.



Bref il faut voir cette production parfaite et croiser les doigts pour qu'elle soit montrée encore et encore sur toute la planète.

Du coup je me suis commandé le coffret des 5 opéras de Rimsky-Korsakov par Gergiev. Dire que le spectacle repasse à St Pétersbourg en mai!!



A noter que Werner Herzog s'est intéressé à cette légende dans son documentaire Les cloches des profondeurs



Extraits de l'opéra:

Ouverture:



(Peinture de Constantin Gorbatov: La ville de Kitège)

Présentation de la production Tcherniakov:

J'ai pris un plaisir fou, mais fou, à assister à Garnier au Cid de Massenet. Très peu joué, incontestablement en partie à rattacher à l'esthétique du grand opéra à la française, qui n 'a pas bonne presse (et on peut se demander pourquoi). Une mise en scène assez conventionnelle, même si elle jongle entre Napoléon trois et l'entre deux guerres, mais il y a la musique, superbement joué par l'Orchestre de l'Opéra, et dirigé par le connaisseur suprême qu'est Michel Plasson. On peut chipoter et dire qu'Alagna n'a pas complètement les moyens du rôle (mais le problème c'est que sans doute personne ne les a), mais il est tellement Rodrigue, et cette diction, qui dans un oeuvre qui suit beaucoup Corneille (nous retrouvons quelques vers célèbres : Rodrique, as-tu du coeur ? /O rage  ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! / Va, je ne hais point. etc) c'est quand même essentiel. J'ai été moins convaincue par la Chimène Sonia Ganassi, mais c'est loin d'être horrible. Et les secondes rôles excellents, en particulier Annick Massis dans une Infante de grand luxe.

C'est un peu comme voir un film en technicolor, on sait un peu ce qui va se passer, mais on reste scotchés, en retrouvant son âme d'enfant.  

Les Indes galantes – Opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau
Théâtre National de Bordeaux – Diffusion le 8/04/15 sur France 2
Résumé : Prologue. Hébé, déesse préposée aux plaisirs des dieux, et Bellone, patronne de la guerre, se livrent à une lutte d'influence. - Le Turc généreux. Un prince turc laisse partir la femme qu'il aime avec son amant. - Les Incas du Pérou. Une princesse inca tombe amoureuse d'un guerrier espagnol. - Les Fleurs. Intrigues amoureuses lors d'une fête persane. - Les Sauvages. En Amérique, une jeune indienne attise la convoitise de deux officiers, un Espagnol et un Français.
Dans ce prologue, sur une scène à la jungle de rochers et de plantes de caoutchouc aux larges feuilles en arrière-plan, se meuvent des sauvages tels que les imaginait Rousseau : innocents et nus. Dans une chorégraphie qui me rappelait des enfants qui auraient subitement grandis et auraient été transposés à l’époque du flower power, la cantatrice jouant Hébé appelle au jeu de l’amour et se joint de manière mutine aux jeux. Faut avouer que cela fait drôle de voir des femmes et des hommes à poil se trémousser alors qu’on voit une œuvre créée à au XVIIIeme siècle. Mais c’était à l’époque de Louis XV qui avait un intérêt reconnu pour la chose, alors … Puis arrive Bellone, militaire ressemblant à Futé d’Agence tous Risques chevauchant un quad, suivie par un cortège initié par le pape mangeant des chips, des cardinaux, des militaires, des footballeurs, un dictateur à la Hergé, une cocotte, une chinoise en habit de bleu de chauffe avec le petit livre rouge sous le bras … Plus question d’amour, il faut se hâter et s’armer …Cette cohorte part en laissant ses accessoires civilisés au grand désarroi de nos hommes sauvages qui commencent à s’habiller de casque de chantier, de cravate, d’attaché case, de tronçonneuse ou de mitraillette …Leurs compagnes tentent bien de les retenir mais l’attirance pour ces nouveautés est trop forte. Hébé en appelle à Cupidon qui arrive en kaira vétu d’un joli t-shirt I love U. Muni de son passeport et de ses flèches, il passe les contrôles de sécurité avant de s’envoler pour la Turquie.
Le turc généreux se révèle être une sorte de mafioso type balkanique qui nage dans sa piscine pendant que sa femme se prélasse sur un transat à la lecture de Psychologie. D’un cargo échoué par la tempête survient le réfugié kossovar, l’ancien amant ….
STOP … Si c’était amusant avec le prologue, le côté loufdingue devient lourd après une heure … Je n’insiste pas.

Arabella a écrit:

J'ai pris un plaisir fou, mais fou, à assister à Garnier au Cid de Massenet.

Je ne l'ai jamais vu ou entendu. Je guetterai une version DVD à défaut de le voir sur scène.

GrandGousierGuerin a écrit:

Le turc généreux se révèle être une sorte de mafioso type balkanique qui nage dans sa piscine pendant que sa femme se prélasse sur un transat à la lecture de Psychologie. D’un cargo échoué par la tempête survient le réfugié kossovar, l’ancien amant ….
STOP … Si c’était amusant avec le prologue, le côté loufdingue devient lourd après une heure … Je n’insiste pas.

Ce que tu en dis me donnerait plutôt envie paradoxalement. J'ai d'ailleurs lu de très bonnes critiques du spectacle. ça fait du bien parfois de voir le baroque un peu dynamité par des mises en scènes bordéliques même si je ne rechigne pas devant une belle adaptation classique en costumes. C'est un genre tellement calibré malgré ses beautés!

Marko a écrit:

Ce que tu en dis me donnerait plutôt envie paradoxalement. J'ai d'ailleurs lu de très bonnes critiques du spectacle. ça fait du bien parfois de voir le baroque un peu dynamité par des mises en scènes bordéliques même si je ne rechigne pas devant une belle adaptation classique en costumes. C'est un genre tellement calibré malgré ses beautés!

On va dire que j'ai décidé de m'essayer à l'opéra et que j'ai pris ce que j'avais sous la main. J'aimais vraiment bien la première partie. Mais pour s'initier et y prendre goût, j'avais plus envie de faire mes gammes avec du classique, en tout point .... Ce n'est que partie remise !

Marko a écrit:

Arabella a écrit:

J'ai pris un plaisir fou, mais fou, à assister à Garnier au Cid de Massenet.

Je ne l'ai jamais vu ou entendu. Je guetterai une version DVD à défaut de le voir sur scène.

Moi non plus je ne l'avais jamais vu ou entendu, et j'avais quelques doutes....ce fut donc vraiment une excellente surprise. J'espère un DVD moi aussi. J'aimerais réentendre.

GGG, Les Indes galantes c'est vraiment particulier : grande importance des ballets, des scènes différentes sans continuité dans l'histoire...Peut être pas le plus évident pour commencer.

GrandGousierGuerin a écrit:

Marko a écrit:

Ce que tu en dis me donnerait plutôt envie paradoxalement. J'ai d'ailleurs lu de très bonnes critiques du spectacle. ça fait du bien parfois de voir le baroque un peu dynamité par des mises en scènes bordéliques même si je ne rechigne pas devant une belle adaptation classique en costumes. C'est un genre tellement calibré malgré ses beautés!

On va dire que j'ai décidé de m'essayer à l'opéra et que j'ai pris ce que j'avais sous la main. J'aimais vraiment bien la première partie. Mais pour s'initier et y prendre goût, j'avais plus envie de faire mes gammes avec du classique, en tout point .... Ce n'est que partie remise !

A suivre !

Cette installation m'a donné envie de voir si, par hasard, Orfeo ne serait pas au programme dans notre théâtre...
et qu'est-ce que je vois - il l'était!!! En décembre!
pffff... cela m'apprendra de ne pas vérifier le programme au début de la saison!

Pris un abonnement à l'Opéra de Paris pour la saison prochaine (un petite folie et toujours un peu galère pour les provinciaux qui bossent, car seulement possible le dimanche ou à la rigueur le samedi soir). Au programme :
Platée
La Damnation de Faust
Die Meistersinger von Nürnberg
Der Rosenkavalier
Aïda

Je te souhaite beaucoup de plaisir, Arensor.

Est-ce que l'un de vous a été voir ou va aller voir Le Roi Arthus d'Ernest Chausson à l'Opéra Bastille ? Je suis déjà curieuse de connaître votre avis...

Je l'ai vu hier, et un peu évoque sur le fil Le nouveau piano bar.

C'est musicalement splendide, direction, orchestre, interprètes et rend vraiment justice à Chausson. La mise en scène est inexistante, pas de direction d'acteurs, un bric à brac hideux sur la scène, aucune utilisation de l'espace, même avec le choeur, en un mot le néant total. Mais musicalement c'est si fort, que je suis très heureuse d'être allée le voir. Et que j'espère un enregistrement audio.