Jacques Audiard

Marko a écrit:

J'ai un peu peur qu'on le cantonne aux rôles de grosses brutes au grand coeur mais il faut reconnaître qu'il a une présence animale qui aimante l'écran. Dans Bullhead il était encore plus impressionnant par la souffrance qu'il dégageait. Ici il est surtout comme un gosse qui ne saurait pas trop quoi faire de sa force et de cette violence qui s'échappe malgré lui. En tout cas pour la belle Marion il est toujours opé Filmer l'intimité et la sexualité avec une femme handicapée était sacrément casse gueule et ces scènes sont parfaites.

J'ai un peu cette crainte également, d'autant plus qu'il semble carburer sur ce mode instinctif :

Citation :

Pour revenir à l'expression par le corps, j'aime ça car je n'aime pas quand les choses sont trop claires. Et je n'aime pas trop intellectualiser. Je préfère y aller de façon intuitive.

Si jouer la comédie commence à ressembler aux mathématiques, ça ne m'intéresse pas. Je ne suis pas un ingénieur. Je bosse sur l'être humain, son ressenti. Et ça, ça ne se calcule pas. Moi, j'aime l'absolu.

Ceci dit, il a déjà vingt ans de carrière derrière lui : c'est un enfant de la balle, il est le fils d'un célèbre comédien en Flandres nommé Julien Schoenaerts avec lequel il est monté sur les planches dès l'âge de huit ans.

Hollywood le courtise pas mal : il vient de faire le remake de Loft aux Etats-Unis et il va tourner Blood Ties avec Guillaume Canet là-bas en juin.
Il a aussi un projet théâtral avec Jan Fabre en 2014, artiste de grande renommée chez nous.

Source : Matthias Schoenaerts, l'acteur belge qui explose

sentinelle a écrit:

Il a aussi un projet théâtral avec Jan Fabre en 2014, artiste de grande renommée chez nous.

Et en France aussi!! Il a même eu sa carte blanche au Louvre il y a quelques temps. Un artiste très important. Je suis curieux de voir ce qu'ils vont faire ensemble.

Marko a écrit:

sentinelle a écrit:

Il a aussi un projet théâtral avec Jan Fabre en 2014, artiste de grande renommée chez nous.

Et en France aussi!! Il a même eu sa carte blanche au Louvre il y a quelques temps. Un artiste très important. Je suis curieux de voir ce qu'ils vont faire ensemble.

Oui mais... dans la langue de Vondel, ce sera loin d'être évident à suivre !

Marko a écrit:

P.S. Petite question pour ceux qui l'auront vu:
La scène où Marion handicapée est devant l'aquarium avec l'orque est très belle mais est-elle réelle ou virtuelle? J'y ai cru mais autour de moi on m'a dit que ce devait être une image de synthèse... Je trouverais ça dommage d'autant que je crois les orques dressées capables de faire ce qui est montré. La séquence pouvant être perçue comme réelle ou comme une rêverie.

Je répondrai naïvement en me persuadant très fort que l'image est réelle; je l'ai effectivement trouve très belle.

Film qui tantôt m'a touchée, tantôt m'a un peu déstabilisée. Le cinéaste aura, à mon sens évité le pathos, , l'étalage inutile. Je place le côté dérangeant (parfois) à l'actif de ce film.
Pour l'instant difficile d'en parler à chaud. J'y reviendrai une fois que j'aurai digéré ma séance

mimi54 a écrit:

Film qui tantôt m'a touchée, tantôt m'a un peu déstabilisée. Le cinéaste aura, à mon sens évité le pathos, , l'étalage inutile. Je place le côté dérangeant (parfois) à l'actif de ce film.
Pour l'instant difficile d'en parler à chaud. J'y reviendrai une fois que j'aurai digéré ma séance

Un peu entre deux pour ce film comme Mimi. Audiard prend le parti du réalisme le plus cru en nous plaçant brutalement et sans fausse pudeur devant la brutalité des faits. On évite le pathos oui, mais avec une légère impression d'excés aussi (les luttes sont assez terribles)

Ses personnages sont extrêmement habités, Marion Cotillard est bouleversante et toute en retenue, mais un peu de mal quand même à me faire à la pauvreté des dialogues (même si c'est le but)
Et puis aussi une impression de complaisance dans la façon de filmer. Des gros plans de dos ou de trois quarts permanents, des surexpositions quasi systématiques, tout cela doublé d'une bande son excellente forcément ça accroche, mais en même temps m'ont un peu lassée à la longue ( trop de "naturel" appuyé confère au maniérisme quelquefois)

En bref, je dirais une histoire bien filmée et marquante, mais qui pour moi ne vaut pas la qualification de chef d'oeuvre (voir les étoiles largement distribuées par la presse). J'avais nettement préféré la subtilité de ses précédents films (Sur mes lèvres. Regarde les hommes tomber, entre autres. Un peu moins Le prophète) Coup de chapeau aux acteurs ceci dit!



(Et d'accord avec vous cette séquence avec l'orque, de synthèse ou pas, est sublime)

J’aime beaucoup les films de Jacques Audiard en général et ce n’est pas son petit dernier qui fera exception à la règle tant j’ai aimé De rouille et d'os.

A propos du jeu des acteurs : Mathias Schoenarts est vraiment excellent. Ok il joue beaucoup de son physique de brute (nous sommes au plus près du corps, de la peau, de l’odeur du sang, des pulsions et de l’animalité) mais pas seulement tant il dégage beaucoup de choses à la fois et l’aisance avec laquelle il arrive à donner chair à son personnage force le respect. Je comprends mieux à présent les raisons de son succès.
On pense à la figure de Centaure lorsqu’il porte Stéphanie sur son dos mais aussi au roi des Aulnes (alias Abel Tiffauges de Michel Tournier) lorsqu’il porte son fils dans ses bras après l’avoir délivré des glaces.
Moins en puissance mais tout en nuances et tout aussi convaincant est le jeu de Marion Cotillard.
Bouli Lanners, rien à redire, fidèle à lui-même.
Mais j’aimerais attirer l’attention sur le jeu de Corinne Masiero (la sœur d’Ali), une actrice que j’aime beaucoup et qui n’est pas en reste : une gueule et une voix mais quelle présence aussi. Pour les amateurs des enquêtes du commissaire Adamsberg de Fred Vargas, c’est la fameuse Violette Retancourt dans les adaptations de Josée Dayan. Une actrice que j’aimerais voir plus souvent.

Un sujet casse-gueule qui ne fera sans doute pas l’unanimité mais que j’ai pour ma part beaucoup apprécié. Ceci dit, les scènes où ça cogne dur n'étaient pas faciles à regarder.

J'ai lu en diagonale tout ce qui précède. Audiard est depuis longtemps dans la liste de mes cinéastes préférés contemporains. C'est marrant, j'irai demain avec une copine prénommée Stéphanie (je sais que vous vous en fichez). J'espère que ce sera le point d'orque de sa filmographie

Je reconnais volontiers tourner la tête lorsque cela cogne trop fort; non pas pas que je sois une mauviette, mais parfois, cela me semble au dessus de ce que je puisse regarder.
Les réserves que j’émets, sont d'ordre médicales( oui, je sais, il y a de la déformation professionnelle, mais je ne peux pas toujours mettre cela au placard).
Je trouve la remise sur pieds de Stéphanie un peu trop rapide, tant sur le plan moral, que physique.
Il n'en reste pas moins que la présence des comédiens est forte.

Je n'ai pas été transportée émotionnellement comme j'ai pu l'être pour certains films, mais cela tient à moi, je ne m'enflamme pas facilement. J'ai apprécié ce film, sans en faire un " très grand film", parce que le sujet est bien traité.

Pardonnez mes impressions de débutantes, verbaliser mes impressions cinématographiques est pour moi quelque chose de très nouveau, donc plus qu'approximatif.

traversay a écrit:

J'ai lu en diagonale tout ce qui précède. Audiard est depuis longtemps dans la liste de mes cinéastes préférés contemporains. C'est marrant, j'irai demain avec une copine prénommée Stéphanie (je sais que vous vous en fichez). J'espère que ce sera le point d'orque de sa filmographie

Juste un hasard

sentinelle a écrit:

On pense à la figure de Centaure lorsqu’il porte Stéphanie sur son dos mais aussi au roi des Aulnes (alias Abel Tiffauges de Michel Tournier) lorsqu’il porte son fils dans ses bras après l’avoir délivré des glaces.

C'est super que tu rappelles ces aspects très importants parce que c'est bien ce que cherche Audiard à mon avis. Tirer le réalisme social de ses sujets vers la fable, la mythologie. Il y a du lyrisme, des situations à la limite du cliché parce qu'elles cherchent une dimension archétypale. On peut regarder ses films comme des portraits très ancrés dans le réel en même temps que ce sont des contes. Il n'est pas le seul à le faire (Bruno Dumont va bien plus loin dans cette direction d'un point de vue artistique) mais il a trouvé un univers consensuel qui attire les gens dans les salles. Et il fait ça bien même si je ne suis pas forcément un inconditionnel de son cinéma qui n'évite pas toujours le clinquant et l'esbroufe. Ici j'ai bien marché!

Marko a écrit:

C'est super que tu rappelles ces aspects très importants parce que c'est bien ce que cherche Audiard à mon avis. Tirer le réalisme social de ses sujets vers la fable, la mythologie. Il y a du lyrisme, des situations à la limite du cliché parce qu'elles cherchent une dimension archétypale. On peut regarder ses films comme des portraits très ancrés dans le réel en même temps que ce sont des contes.

Mais oui, tu as raison, je n'y avais pas vraiment pensé mais ce film tire énormément vers le conte et la mythologie, raison pour laquelle j'ai fait le lien avec le roi des Aulnes de Tournier qui sature à ce niveau-là !

La référence au Centaure est la plus évidente : mi-homme, mi-animal (l’étymologie ancienne du nom fait d’ailleurs référence au taureau – cf les scènes dans lesquelles Ali se défonce le crâne en projetant sa tête en avant pour évacuer son trop plein d’énergie et de violence), c’est toute cette agressivité, cette puissance brute et cette sauvagerie qu’on peut retrouver dans cette figure, violences contrebalancées par cette part d’humanité qui vient en aide, qui soutient, qui porte sur son dos la femme abîmée ou l’enfant séparé de sa mère.


On pense aussi au colosse aux pieds d’argile tant Ali se délite au fur et à mesure que Stéphanie se reconstruit. La fragilité n’est pas là où on l’attend, il ne faut pas se fier aux apparences.

Mais c’est la scène telle qu’elle est filmée (je ne trouve malheureusement pas l’image correspondante sur le net) dans laquelle Ali occupe tout l’écran dans une sorte de contre-jour si mes souvenirs sont bons, tel un hercule serrant dans ses bras l’enfant sauvé des eaux qui m’a fait tout de suite penser au roi des Aulnes de Tournier. Ali conjugue en effet ces deux facettes, à savoir ce côté ogre monstrueux et violent, limité sur le plan intellectuel mais aussi ce côté saint Christophe, un géant au visage bon, un passeur qui connaîtra l’avènement d’une vie nouvelle suite à sa conversion. Ali, c’est saint Christophe, porteur et sauveur d’enfant, mais c’est aussi le roi des Aulnes, ogre violent et potentiellement assassin par négligence, inattention mais par son agressivité aussi.
Il se rapproche peut-être encore mieux du Christophe oriental, être hybride à la frontière entre l’animalité et l’humanité, et dont le statut d’homme à part entière n’est assuré qu’après avoir dépassé l’ultime épreuve avec son fils. Ce n’est qu’à partir de ce moment là qu’il peut enfin mettre des mots sur ses sentiments à la femme qu’il aime. Son humanité prend le pas sur son animalité en quelque sorte.





Amusons-nous encore un peu dans le jeu des ressemblances : le Christophe des origines prendrait ses sources dans une légende d’un monstre anthropophage à tête de chien qui, par le baptême, prend le nom de Christianus ou Christophorus. Quelle coïncidence tout de même tant les chiens reviennent souvent dans ce film : Ali ne les aime pas, il leur donne des coups de pieds, il est furieux lorsque son fils s’enferme dans la niche etc bref la figure du chien est omniprésente dans ce film et suscite un rejet de sa part. Rejet de l’animalité qui est en lui ? Je ne sais pas, c’est très flou en ce qui me concerne mais le réalisateur veut certainement faire passer un message à travers cette répétition. Référence aux mythes anciens dans lesquels le chien est associé à la mort dont il assure la garde ? Animal de mauvaise augure et au mauvais présage en tant qu’animal psychopompe dans la mythologie, guidant les âmes jusqu’au royaume des morts ?


Ou encore le chien proche du loup, avatar de l’ogre ? Bref on peut s’amuser longtemps à ce jeu-là

Eh ben ! Quel regard sur ce film...
Je suis épatée, et totalement en accord avec ce que vous dites... mériterez que je le vois sous un autre regard du coup. Parce qu'hier... c'était plutôt : je suis en train de voir un bon film, bien foutu, mais le sens profond m'échappe. Et cette tendresse pour les personnages me lasse.

Je n'ai rien à reprocher à ce film, si ce n'est que je suis un peu restée en surface, comme mimi.
Il est probable qu'il me manquait des clés, ou probable qu'il est un peu trop chrétien pour moi - enfin, moral et tout le bordel quoi.

Et c'est un film qui ne sait pas tellement choisir entre le tout doux et le violent, je trouve. Alors que dans les autres films d'Audiard, je trouve que les duos de ce type fonctionnaient toujours parfaitement, dans celui-ci je n'y ai pas cru. Mais je n'aime pas le jeu de Marion Cotillard. Ici, ça allait, mais pas assez pour que j'y crois. Elle ne fait pas vibrer cette petite corde d'authenticité, de force et de fêlure qu'elle aurait du. Je trouve.
Et Mathias Schoenarts, que je ne connaissais pas, a un jeu un peu trop brut pour moi. L'impression d'un roc grossièrement sculpté.

Finalement, ce film je l'aurais certainement adoré si ça n'avait pas été ces acteurs-là. Je n'ai pas tellement cru en eux.
Allez savoir.


Et puis... vraiment... tellement too much la scène de la glace et du gamin à la fin... c'était vraiment nécessaire ? Bof.

Queenie a écrit:

Et puis... vraiment... tellement too much la scène de la glace et du gamin à la fin... c'était vraiment nécessaire ? Bof.

Je me suis posée la même question mais si on reprend le film sous l'angle de la fable ou du conte, je pense que oui, elle était vraiment nécessaire. Cette expérience ultime sert de pivot pour Ali, il en sort transfiguré, il n 'est plus porteur de mort mais porteur de vie, il était passeur entre deux mondes et il a choisi son monde, celui de l'humanité, celui "des mots pour le dire" en quelque sorte. Cette expérience lui sert de conversion. Lorsqu'on le voit sous cet angle, on accepte du coup plus facilement cette outrance nécessaire pour atteindre cette dimension archétypale comme le souligne si bien Marko.

Queenie a écrit:

Eh ben ! Quel regard sur ce film...

Je n'ai rien à reprocher à ce film, si ce n'est que je suis un peu restée en surface, comme mimi.



Et puis... vraiment... tellement too much la scène de la glace et du gamin à la fin... c'était vraiment nécessaire ? Bof.

oui, surtout, que j'ai un peu de mal à croire à un retour à la vie aussi facile....mais bon, comme dit l'autre, c'est du cinéma

d'ailleurs j'ai un gros doute, tout d'un coup sur l'issue.....comme quoi je doute que dans quelques semaines, il m'en reste beaucoup en mémoire