Lecture en commun - Stendhal : Le rouge et le noir

en religion c'est même pire, les différents Ordres se détestent, l'arrivisme aussi règne peu sont nombreux ceux qui sont écclésiastiques pour la foi, dans le livre l'Abbé Chélan et Pirard.

Nous avons vu que Julien lui-même n'est guidé que par l'ambition.

eXPie a écrit:

Bédoulène a écrit:

quant à son entrée au séminaire Julien pensait y être à vie !

Oui, c'est vrai, mais lui qui s'imaginait bravant le danger dans les guerres Napoléoniennes... Risquer sa vie, c'est risquer de la perdre pour toujours, quand même...

Ah, là, Julien vient de se rendre compte qu'en méprisant ouvertement les autres, au séminaire, ça n'a pas fait augmenter sa cote de popularité.
J'aime bien : "A leurs yeux, il était convaincu de ce vice énorme, il pensait, il jugeait par lui-même, au lieu de suivre aveuglément l'autorité et l'exemple."

oui mais là je préfère tout de même qu'il pense et juge par lui-même, par rapport aux autres il a une personnalité ; ce qui n'est pas admis au séminaire

Bédoulène a écrit:

en religion c'est même pire, les différents Ordres se détestent, l'arrivisme aussi règne peu sont nombreux ceux qui sont écclésiastiques pour la foi, dans le livre l'Abbé Chélan et Pirard.

Nous avons vu que Julien lui-même n'est guidé que par l'ambition.

Oui... Comme il vient de se rendre compte que son apparence le dessert, il tente d'avoir l'air moins intelligent, moins penseur. Mais même après plusieurs mois de cet exercice, il ne le maîtrise pas. "C'était avec colère que Julien se voyait primé dans ce genre par les paysans les plus grossiers. Il y avait de bonnes raisons pour qu'ils n'eussent pas l'air penseur."

Ouf, depuis l'arrivée au séminaire, ça va mieux ; les "m'aime-t-il ?"/"Oh mon Dieu, il ne m'aime pas"/"Oh, bonheur il m'aime"/"Oh, finalement non"/"Oh, finalement oui" de Madame de Rênal commençaient quelque peu à me faire bâiller...

Bédoulène a écrit:

oui mais là je préfère tout de même qu'il pense et juge par lui-même, par rapport aux autres il a une personnalité ; ce qui n'est pas admis au séminaire

J'imagine qu'un certain nombre de séminaristes doivent avoir une personnalité (même si les gens du peuple sont généralement montrés comme des gens grossiers), mais ils sont tellement bien, là, à ânonner leur phrase en latin qu'ils ne comprennent pas forcément, plutôt qu'à travailler durement à l'extérieur...
Julien a plus d'ambition, il ne veut pas se couler dans le moule de la médiocrité.
J'aime bien, aussi "Chazel, qui a plus de science que moi, jette toujours dans ses compositions quelque balourdise qui le fait reléguer à la cinquantième place ; s'il obtient la première, c'est par distraction".
D'autres ont également de la personnalité, mais, plus au fait de la réalité que Julien, dissimulent mieux...

pendant quelque temps Julien ne va pas trop penser à Mme de Rénal.


Il faut bien qu'il se fasse une place au sein du séminaire.

je te laisse pour ce soir à ta lecture.

à demain, bonne nuit

oui Chazel maîtrise mieux !

Il semble que toujours Julien se trouve un "protecteur"

eXPie a écrit:

J'imagine qu'un certain nombre de séminaristes doivent avoir une personnalité (même si les gens du peuple sont généralement montrés comme des gens grossiers), mais ils sont tellement bien, là, à ânonner leur phrase en latin qu'ils ne comprennent pas forcément, plutôt qu'à travailler durement à l'extérieur...
Julien a plus d'ambition, il ne veut pas se couler dans le moule de la médiocrité.
J'aime bien, aussi "Chazel, qui a plus de science que moi, jette toujours dans ses compositions quelque balourdise qui le fait reléguer à la cinquantième place ; s'il obtient la première, c'est par distraction".
D'autres ont également de la personnalité, mais, plus au fait de la réalité que Julien, dissimulent mieux...

Ils ont évidemment tous une personnalité, mais la description est faite du point de vue de Julien, pour lequel ce qui les différencie est moins fort que ce en quoi ils se ressemblent. Et ce passage au séminaire, est pour moi, une sorte de recquisitoire contre l'église, et le séminaire un lieu de formatage. Les jeunes gens sont des outils au service de l'institution, et donc la première qualité est forcement l'obéissance, l'esprit critique est donc le pêché originel. Et Julien est en effet naïf, il s'imagine pouvoir se servir de l'institution sans adhérer à son idéologie, même en la méprisant, en gardant sa liberté. Pour cela il faudrait un talent de dissimulation totalement impossible chez un jeune homme de son âge, et sans expérience du monde. C'est vrai qu'il a l'agacante tendance à considérer que tous les gens qu'ils côtoie sont moins intelligents que lui, et que ce n'est pas forcement vrai évidemment.

d'accord Arabella pour le "formatage" et il est vraisemblable aussi que beaucoup de jeunes voient dans la religion un placement qui les met à l'abri du besoin.

Julien a eu son entrée dans une maison de l'aristcratie ce qui n'est certainement pas le cas de beaucoup des autres jeunes séminaristes et qui le différencie à ses yeux.

"Julien étudiait, avec une attention voisine de l'envie, les plus grossiers paysans qui arrivaient au séminaire. Au moment où on les dépouillait de leur veste de ratine, pour leur faire endosser la robe noire, leur éducation se bornait à un respect immense et sans borne pour l'argent sec et liquide, comme on dit en Franche-Comté."

[i]"Le bonheur pour les séminaristes, comme pour les héros des romans de Voltaire, consiste surtout à bien dîner."

Recquisitoire contre l'église, c'est certain. D'ailleurs dans le livre voit-on les "directeurs de conscience" user et abuser de l'autorité sur leurs ouailles.


Je pense aussi que Stendhal a une parfaite maîtrise de l'écriture pour sans détail superflu nous donner l'essentiel des personnages et des évènements.

J'avance un peu.
Julien est à Paris, c'est amusant, notamment les circonstances de son duel, et ce qui s'ensuit.
Livre II, chapitre VI (page 375, édition folio)

Citation :

"- Tout cela est affreux, dit-il à son témoin. Il est impossible que j'avoue m'être battu avec un simple secrétaire de M. de La Mole, et encore parce que mon cocher m'a volé mes cartes de visite.
- Il est sûr qu'il y aurait dans tout cela possibilité de ridicule."

Tout le monde passe son temps à critiquer les autres et à essayer de se bien placer.
Ca ne me dépayse pas trop, c'est un peu pareil au boulot

Bref, Julien commence enfin à apprendre deux-trois trucs.

eXPie a écrit:

J'avance un peu.
Julien est à Paris, c'est amusant, notamment les circonstances de son duel, et ce qui s'ensuit.
Livre II, chapitre VI (page 375, édition folio)

Citation :

"- Tout cela est affreux, dit-il à son témoin. Il est impossible que j'avoue m'être battu avec un simple secrétaire de M. de La Mole, et encore parce que mon cocher m'a volé mes cartes de visite.
- Il est sûr qu'il y aurait dans tout cela possibilité de ridicule."

Tout le monde passe son temps à critiquer les autres et à essayer de se bien placer.
Ca ne me dépayse pas trop, c'est un peu pareil au boulot :rire:

Bref, Julien commence enfin à apprendre deux-trois trucs.

Tu as noté sa première visite je pense.

J'avance un peu... Scène de bal rigolote, avec apologie du crime (c'est Julien qui parle) : "[...] du moins quand on fait des crimes, faut-il les faire avec plaisir, ils n'ont que cela de bon, et l'on ne peut même les justifier un peu que par cette raison." (Livre II, chapitre IX). Ca peut se discuter.
En tout cas, la discussion avec un révolutionnaire (qui préfère discuter avec général péruvien qu'avec Mathilde de la Mole), au milieu d'un bal BCBG, est fort intéressante. Mathilde (qui est revenue) passe sa tête entre les deux hommes, la discussion l'intéresse. (une note précise que "Dans les salons, parfois, Stendhal exprimait des idées "atroces", se réjouissant de l'exécution de Louis XVI, ou proposant la relégation des émigrés et que celui qui en sortirait soit "impitoyablement fusillé. "Une jeune femme présente admira mes idées, et surtout l'excès d'imprudence avec lequel je me livrais, elle vit en moi le Huron (roman de Voltaire)" - décidément, Stendhal, l'homme ne m'est pas particulièrement sympathique, et je reste poli).

Ah, Mathilde (cette "grande poupée blonde") ! Elle aurait fait du saut à l'élastique, si cela s'était fait à son époque, du ski hors-piste dans les pires conditions, un petit tour dans l'espace...
Elle s'entiche de Julien.
"Si, avec sa pauvreté, Julien était noble, mon amour ne serait qu'une sottise vulgaire, une mésalliance plate ; je n'en voudrais pas ; il n'aurait point ce qui caractérise les grandes passions : l'immensité de la difficulté à vaincre et la noire incertitude de l'événement." (Livre II, chapitre XII).
Julien change des autres bons gars qui la courtisent. "Ils étaient braves, et voilà tout [...] On brave le danger à la tête d'un escadron tout brillant d'acier, mais le danger solitaire, singulier, imprévu, vraiment laid ?". (Chapitre XIV).
Cela revient plusieurs fois, cette pseudo-bravoure du groupe, et cette lâcheté terne de l'individu, sans originalité. Julien, lui, n'aime pas les groupes, il préfère être lui au-dessus des autres, qui les méprise.
Que c'est original, que c'est neuf, qu'il est beau, l'assassin de... Non, pas l'assassin. Mais il pourrait assassiner, et ça, ah, ça la fait frissonner, la petite Mathilde. C'est un homme, un vrai, comme on en rencontrait à la cour de Henri III. "La vie d'un homme était une suite de hasards. Maintenant, la civilisation et le préfet de police ont chassé le hasard, plus d'imprévu."

Julien a un sens de l'humour bien particulier, et pas très gentil. Il fait descendre sa malle un soir, de sorte que Mathilde pense qu'il va partir dès le lendemain, très tôt. "Il s'endormit fort gai sur cette plaisanterie. Mathilde ne ferma pas l'oeil".
Ce n'est pas la première fois que l'on sait que Julien dort très bien, alors que sa conquête du moment passe une sale nuit.

Et à propos de nuit, Julien emporte la victoire, pour parler un langage stendhalien (épisode de l'échelle, grande question : complot ou pas complot ?).
Mais, son plaisir le plus grand, à notre ami Julien, c'est celui de son amour-propre. Quant à Mathilde, elle l'a fait parce qu'il fallait le faire, mais ça n'a pas eu l'air terrible (Julien n'avait pas l'air très motivé, il faut dire, et elle, de son côté, pas très demandeuse). Pas romantique, tout ça.
Mathilde écoute Julien, et réfléchit. Son air triomphant, ça la défrise. "Il est donc mon maître ! se dit-elle" (chapitre XVI).
Or, elle est libre, Math(ilde) !
La nuit, donc : "Mais jamais l'on ne fit d'un ton plus froid et plus poli des choses aussi tendres. [...] L'amour passionné était bien plutôt un modèle qu'on imitait qu'une réalité".
Leur nuit est donc sinistre, ou comique, c'est selon. En tout cas, pas simple et directe comme avec Madame de Rênal. C'est peut-être la différence entre les provinciaux et les Parisiennes, siiiiii sophistiquées.
Non, c'est surtout Mathilde.
Elle torture un peu Julien, et là, ça va tout de suite mieux : "Ses douleurs étaient une vive jouissance pour elle ; elle y voyait la faiblesse de son tyran, elle pouvait donc se permettre de l'aimer."
Aimer, c'est pour elle une faiblesse, elle se braque donc, n'aime plus, met Julien en position de faiblesse, qu'il est mignon finalement, elle l'aime de nouveau, est donc faible, etc. Un vrai balancier.
Julien, lui, commet une faute, il avoue qu'il l'aime, comme ça, naïvement.
Ca casse tout. "[...] Mathilde, sûre d'être aimée, le méprisa parfaitement." (chapitre XVIII).
Julien la dégoûte.

Bref, pour le moment, Mathilde est un personnage infiniment plus intéressant que la pauvre Mme de Rênal, qui était d'une banalité...
Mathilde, c'est un personnage fort, tordu, de la même espèce que la vilaine fille de Mario Vargas Llosa, par exemple.

Je soliloque là... si ça se trouve, la salle est vide.

Ravie de voir qu'au moins un personnage du livre te plaît

Je suis d'accord pour Mathilde, je la vois très pratiquant le saut à l'élastique. Je crois qu'en fait elle s'ennuie, elle n'a rien à faire, la grand affaire pour elle est de faire un mariage, éventuellement avec conséquence des enfants, mais c'est à peu près tout à quoi elle peut s'attendre. Et compte tenu de sa personnalité, c'est terriblement insuffisant. Alors elle s'occupe comme elle peut, et Julien est infiniment plus apte à lui fournir des distractions que les autres messieurs de son entourage.

Ah Mathilde !

EXPie en est au même point que moi
Aaah la scène du bal....un beau moment...ou comment faire battre le coeur d'une jeune bêcheuse de la noblesse
Et la description de ces jeunes titrés plus insignifiants les uns que les autres...et l'ennui de notre Mathilde (quelle femme derrière son côté chipie rebelle!) en listant ses possibles après un joli mariage. Comme l'amour d'un Julien lui apparaît plus attrayant car rempli de promesses d'un piquant certain!!
J'ai beaucoup aimé aussi la transformation petit à petit de notre Julien au contact de la bonne société parisienne....le papillon sort peu à peu de sa chrysalide.
Bref, que du bonheur à lire entre les portraits des personnages, leurs visions du monde et surtout la présence en filigrane de l'auteur/narrateur qui aime à se perdre au coeur de ses créatures romanesques!

Arabella a écrit:

Ravie de voir qu'au moins un personnage du livre te plaît

Je suis d'accord pour Mathilde, je la vois très pratiquant le saut à l'élastique. Je crois qu'en fait elle s'ennuie, elle n'a rien à faire, la grand affaire pour elle est de faire un mariage, éventuellement avec conséquence des enfants, mais c'est à peu près tout à quoi elle peut s'attendre. Et compte tenu de sa personnalité, c'est terriblement insuffisant. Alors elle s'occupe comme elle peut, et Julien est infiniment plus apte à lui fournir des distractions que les autres messieurs de son entourage.

Julien et la sensation de danger si l'amour naissait...pour le coup, il est certain que cette tête brûlée de Mathilde en aurait fini de son ennui!
Finalement...elle est terriblement moderne cette Mathilde