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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 25 Mai 2010 - 22:00
Albert Roussel: Le départ d'Henri Régnier
Je n'emporte avec moi sur la mer sans retour Qu'une rose cueillie à notre long amour. J'ai tout quitté; mon pas laisse encore sur la grève Empreinte au sable insoucieux sa trace brève Et la mer en montant aura vite effacé Ce vestige incertain qu'y laissa mon passé. Partons! que l'âpre vent en mes voiles tendues Souffle et m'entraîne loin de la terre perdue Là-bas. Qu'un autre pleure en fuite à l'horizon La tuile rouge encore au toit de sa maison, Là-bas, diminuée et déjà si lointaine! Qu'il regrette le clos, le champ et la fontaine! Moi je ferme la porte et je ne pleure pas. Et puissent, si les dieux me mènent au trépas, Les flots m'ensevelir en la tombe que creuse Au voyageur la mer perfide et dangereuse! Car je mourrai debout comme tu m'auras vu, Sur la proue, au départ, heureux et gai pourvu Que la rose à jamais de mon amour vivant Embaume la tempête et parfume le vent.
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Ven 28 Mai 2010 - 22:59
Venise
Dans Venise la rouge, Pas un bateau qui bouge, Pas un pêcheur dans l'eau, Pas un falot. Seul, assis à la grève, Le grand lion soulève, Sur l'horizon serein, Son pied d'airain. Autour de lui, par groupes, Navires et chaloupes, Pareils à des hérons Couchés en ronds, Dorment sur l'eau qui fume, Et croisent dans la brume, En légers tourbillons, Leurs pavillons. La lune qui s'efface Couvre son front qui passe D'un nuage étoilé Demi-voilé. Ainsi, la dame abbesse De Sainte-Croix rabaisse Sa cape aux larges plis Sur son surplis. Et les palais antiques, Et les graves portiques, Et les blancs escaliers Des chevaliers, Et les ponts, et les rues, Et les mornes statues, Et le golfe mouvant Qui tremble au vent, Tout se tait, fors les gardes Aux longues hallebardes, Qui veillent aux créneaux Des arsenaux. Ah ! maintenant plus d'une Attend, au clair de lune, Quelque jeune muguet, L'oreille au guet. Pour le bal qu'on prépare, Plus d'une qui se pare, Met devant son miroir Le masque noir. Sur sa couche embaumée, La Vanina pâmée Presse encor son amant, En s'endormant ; Et Narcissa, la folle, Au fond de sa gondole, S'oublie en un festin Jusqu'au matin. Et qui, dans l'Italie, N'a son grain de folie ? Qui ne garde aux amours Ses plus beaux jours ? Laissons la vieille horloge, Au palais du vieux doge, Lui compter de ses nuits Les longs ennuis. Comptons plutôt, ma belle, Sur ta bouche rebelle Tant de baisers donnés... Ou pardonnés. Comptons plutôt tes charmes, Comptons les douces larmes, Qu'à nos yeux a coûté La volupté !
Alfred Musset
(Premières poésies)
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Lun 31 Mai 2010 - 15:44
Lecture par la compositrice Kaija Saariaho qui comme son compatriote Rautavaara s'est inspirée de cette poétesse finlandaise pour sa musique. Bruden pour la première et A tapestry of life pour le second.
Edith Södergran
Ma vie, ma mort et mon destin Je ne suis rien qu'une immense volonté, une immense volonté - de quoi, de quoi ? Autour de moi tout est ténèbres, je ne peux soulever un fétu de paille. Ma volonté ne veut qu'une chose, mais cette chose je ne la connais pas. Quand éclatera ma volonté, je mourrai : Ma vie, ma mort et mon destin, je vous salue.
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mer 2 Juin 2010 - 8:56
A tous les enfants
A tous les enfants Qui sont partis le sac au dos Par un brumeux matin d’avril Je voudrais faire un monument A tous les enfants Qui ont pleuré le sac au dos Les yeux baissés sur leur chagrins Je voudrais faire un monument Pas de pierre, pas de béton Ni de bronze qui devient vert Sous la morsure aiguë du temps Un monument de leur souffrance Un monument de leur terreur Aussi de leur étonnement Voilà le monde parfumé Plein de rires , pleins d’oiseaux bleus Soudain griffé d’un coup de feu Un monde neuf où sur un corps Qui va tomber Grandit une tache de sang Mais à tous ceux qui sont restés Les pieds au chaud sous leur bureau En calculant le rendement De la guerre qu’ils ont voulue A tous les gras , tous les cocus Qui ventripotent dans la vie Et comptent et comptent leurs écus A tous ceux là je dresserai Le monument qui leur convient Avec le schlague ,avec le fouet Avec mes pieds avec le poing Avec des mots qui colleront Sur leurs faux-plis sur leurs bajoues Des larmes de honte et de boue.
Boris Vian
Chanté par Joan Baez
Invité Invité
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mer 2 Juin 2010 - 12:18
Une chanteuse magnifique, dont les années ont altéré la voix mais pas le charisme...
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Lun 7 Juin 2010 - 9:32
La complainte de Rutebeuf
Que sont mes amis devenus Que j'avais de si près tenus Et tant aimés Ils ont été trop clairsemés Je crois le vent les a ôtés L'amour est morte Ce sont amis que vent me porte Et il ventait devant ma porte Les emporta
Avec le temps qu'arbre défeuille Quand il ne reste en branche feuille Qui n'aille à terre Avec pauvreté qui m'atterre Qui de partout me fait la guerre Au temps d'hiver Ne convient pas que vous raconte Comment je me suis mis à honte En quelle manière
Que sont mes amis devenus Que j'avais de si près tenus Et tant aimés Ils ont été trop clairsemés Je crois le vent les a ôtés L'amour est morte Le mal ne sait pas seul venir Tout ce qui m'était à venir M'est advenu
Pauvre sens et pauvre mémoire M'a Dieu donné, le roi de gloire Et pauvre rente Et droit au cul quand bise vente Le vent me vient, le vent m'évente L'amour est morte Ce sont amis que vent emporte Et il ventait devant ma porte Les emporta
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mer 9 Juin 2010 - 9:16
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Tout est affaire de décor Changer de lit changer de corps À quoi bon puisque c'est encore Moi qui moi-même me trahis Moi qui me traîne et m'éparpille Et mon ombre se déshabille Dans les bras semblables des filles Où j'ai cru trouver un pays. Cœur léger cœur changeant cœur lourd Le temps de rêver est bien court Que faut-il faire de mes nuits Que faut-il faire de mes jours Je n'avais amour ni demeure Nulle part où je vive ou meure Je passais comme la rumeur Je m'endormais comme le bruit. C'était un temps déraisonnable On avait mis les morts à table On faisait des châteaux de sable On prenait les loups pour des chiens Tout changeait de pôle et d'épaule La pièce était-elle ou non drôle Moi si j'y tenais mal mon rôle C'était de n'y comprendre rien Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent Dans le quartier Hohenzollern Entre La Sarre et les casernes Comme les fleurs de la luzerne Fleurissaient les seins de Lola Elle avait un cœur d'hirondelle Sur le canapé du bordel Je venais m'allonger près d'elle Dans les hoquets du pianola. Le ciel était gris de nuages Il y volait des oies sauvages Qui criaient la mort au passage Au-dessus des maisons des quais Je les voyais par la fenêtre Leur chant triste entrait dans mon être Et je croyais y reconnaître Du Rainer Maria Rilke. Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent. Elle était brune elle était blanche Ses cheveux tombaient sur ses hanches Et la semaine et le dimanche Elle ouvrait à tous ses bras nus Elle avait des yeux de faÏence Elle travaillait avec vaillance Pour un artilleur de Mayence Qui n'en est jamais revenu. Il est d'autres soldats en ville Et la nuit montent les civils Remets du rimmel à tes cils Lola qui t'en iras bientôt Encore un verre de liqueur Ce fut en avril à cinq heures Au petit jour que dans ton cœur Un dragon plongea son couteau Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent
Louis Aragon
(In Le roman inachevé)
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Sam 12 Juin 2010 - 10:29
Alexis Kivi : Sydämeni laulu (Song of My Heart) mis en musique par Einojunahi Rautavaara qui a consacré un opéra à la vie de cet écrivain et poète finlandais qui a son fil sur le forum.
Tuonen lehto, öinen lehto! Siell' on hieno hietakehto, sinnepä lapseni saatan. Siell' on lapsen lysti olla, Tuonen herran vainiolla kaitsia Tuonelan karjaa.
Siell' on lapsen lysti olla, illan tullen tuuditella helmassa Tuonelan immen. Onpa kullan lysti olla, kultakehdoss' kellahdella, kuullella kehräjälintuu.
Tuonen viita, rauhan viita! Kaukana on vaino, riita, kaukana kavala maailma.
-------
Grove of Tuoni, grove nocturnal! Finest sand for sleep eternal; there I'll take my child to slumber. May my child have pleasant hours, in the Dark Lord's fields and bowers, tending the cattle of Tuoni.
May my child have pleasant hours, falling fast asleep 'midst flowers, rocked by the gentle Dark Lady. Happy darling in safekeeping, in a golden cradle sleeping, hearing the song of the nightjar.
Grove of Tuoni, grove of calmness! Far away from worldly madness, far from all strife and beguiling
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Dim 11 Juil 2010 - 17:04
Florent Marchet, lecture d'Edouard Levé (Suicide)
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Lun 20 Déc 2010 - 1:10
Un montage de Mère et Fils de Sokourov pour illustrer "Ich bin der weld abhanden gekommen" de Gustav Mahler. Mille mercis à celui ou celle qui a fait ça...
Me voilà coupé du monde dans lequel je n'ai que trop perdu mon temps; il n'a depuis longtemps plus rien entendu de moi, il peut bien croire que je suis mort !
Et peu importe, à vrai dire, si je passe pour mort à ses yeux. Et je n'ai rien à y redire, car il est vrai que je suis mort au monde.
Je suis mort au monde et à son tumulte et je repose dans un coin tranquille. Je vis solitaire dans mon ciel, dans mon amour, dans mon chant.
Citation :
Selon les termes de John Williamson, ce poème est une « peinture étonnamment épurée d'une paix transcendante ». Et c'est bien sur la transcendance de ce monde isolé, paisible et solitaire, inoffensif et tranquille, que Mahler insiste avec une musique extrêmement méditative, bouleversante d'émotions, douée d'une portée quasi métaphysique. La description de cette dimension extra-ordinaire d'un paradis littéralement coupé du monde se fond tout naturellement dans cette suite de sons majestueusement assemblée par le génie créatif de Mahler ; Mahler fait bien plus que transposer des mots en sons, car il y intègre une amplification épique des émotions que délivre le texte de Rückert, surtout dans la partie finale du chant, où « la vision tout entière doit être résumée dans une libération émotionnelle sous les mots 'In meinem Lieben', chantés pianissimo : un sommet d'intensité retenue » (Williamson). Là où l'émotion est à son comble se trouve pourtant à mon avis sur la note instable, fragile et très aigüe et surtout très inattendue jouée pianissimo tout à la fin. Cette note surgit de façon extraordinaire, très doucement, et crée la surprise car on se demande vraiment comment une retenue musicale aussi magique est possible. Cette note trouve pourtant sa place dans la suite logique de la mélodie développée par Mahler, mais on se demande vraiment comment il est possible de l'atteindre tellement elle constitue un sommet émotionnel des plus éloignés...
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Ven 7 Jan 2011 - 21:34
Jean de La Ville de Mirmont(1886-1914)
Dernière strophe extraite de son long poème "L'horizon chimérique", qui sera publié à titre posthume en 1920 grâce à son ami d'enfance, François Mauriac.
Je me suis embarqué sur un vaisseau qui danse Et roule bord sur bord et tangue et se balance, Mes pieds ont oublié la terre et ses chemins Les vagues souples m'ont appris d'autres cadences Plus belles que le rythme las des chants humains.
A vivre parmi vous, hélas ! Avais-je une âme ? Mes frères, j'ai souffert Sur tous vos continents
A vivre parmi vous, hélas ! Avais-je une âme ? Mes frères, j'ai souffert Sur tous vos continents
Je ne veux que la mer, je ne veux que le vent Pour me bercer, comme un enfant, au creux des lames. Hors du port qui n'est plus qu'une image effacée Les larmes du départ ne brûlent plus mes yeux Je ne me souviens pas de mes derniers adieux
Ô ma peine, ma peine où vous ai-je laissée ? Voilà, je suis parti plus loin que les Antilles Vers des pays nouveaux lumineux et subtils Je n'emporte avec moi pour toute pacotille Que mon coeur Mais les sauvages en voudront-ils ?
Ô ma peine, ma peine où vous ai-je laissée ? Voilà je suis parti plus loin que les Antilles Vers des pays nouveaux lumineux et subtils Je n'emporte avec moi pour toute pacotille Que mon coeur
Que mon coeur
Mais en voudront-ils ?
Je me suis embarqué sur un vaisseau qui danse
Gabriel Fauré s'est inspiré de quatre extraits de ce poème pour écrire son opus 118.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Dim 23 Jan 2011 - 23:28
Marc-André Dalbavie (voir sur le fil Boulez) a composé des "Sonnets de Louise Labé pour contre-ténor et orchestre" avec Philippe Jaroussky donnés en concert à Pleyel en février 2010. Pas encore disponible au disque mais merci Youtube... J'ai l'impression par contre que les vidéos doivent être regardées directement sur youtube. Elles sont inactivées ici. Il suffit de cliquer "Visionner sur Youtube".
O longs désirs, O esperances vaines, Tristes soupirs et larmes coutumieres A engendrer de moy maintes rivieres, Dont mes deus yeus sont sources et fontaines :
O cruautez, o durtez inhumaines, Piteus regars des celestes lumieres : Du coeur transi o passions premieres, Estimez vous croitre encore mes peines ?
Qu'encor Amour sur moy son arc essaie, Que nouveaus feus me gette et nouveaus dars : Qu'il se despite, et pis qu'il pourra face :
Car je suis tant navree en toutes pars, Que plus en moy une nouvelle plaie, Pour m'empirer ne pourroit trouver place.
O beaus yeus bruns, ô regars destournez, O chaus soupirs, ô larmes espandues,
Clere Venus, qui erres par les Cieus, Entens ma voix qui en pleins chantera, Tant que ta face au haut du Ciel luira, Son long travail et souci ennuieus.
Mon oeil veillant s'atendrira bien mieus, Et plus de pleurs te voyant getera. Mieus mon lit mol de larmes baignera, De ses travaus voyant témoins tes yeus.
Donq des humains sont les lassez esprits De dous repos et de sommeil espris. J'endure mal tant que le Soleil luit :
Et quand je suis quasi toute cassee, Et que me suis mise en mon lit lassee, Crier me faut mon mal toute la nuit.
Pour le retour du Soleil honorer, Le Zephir, l'air serein lui apareille : Et du sommeil l'eau et la terre esveille, Qui les gardoit l'une de murmurer, En dous coulant, I'autre de se parer De mainte fleur de couleur nompareille. Ja les oiseaus es arbres font merveille, Et aus passans font l'ennui moderer : Les Nynfes ja en mile jeus s'esbatent Au cler de Lune, et dansans l'herbe abatent : Veus tu Zephir de ton heur me donner, Et que par toy toute me renouvelle ? Fay mon Soleil devers moy retourner, Et tu verras s'il ne me rend plus belle.
O beaus yeus bruns, ô regars destournez, O chaus soupirs, ô larmes espandues, O noires nuits vainement atendues, O jours luisans vainement retournez :
O tristes pleins, ô desirs obstinez, O tems perdu, ô peines despendues, O mile morts en mile rets tendues, O pires maus contre moy destinez.
O ris, ô front, cheveus, bras, mains et doits : O lut pleintif, viole, archet et vois : Tant de flambeaus pour ardre une femmelle !
De toy me plein, que tant de feus portant, En tant d'endrois d'iceus mon coeur tatant, N'en est sur toy volé quelque estincelle.
Je vis, je meurs : je me brule et me noye. J'ay chaut estreme en endurant froidure : La vie m'est et trop molle et trop dure. J'ay grans ennuis entremeslez de joye : Tout à un coup je ris et je larmoye, Et en plaisir maint grief tourment j'endure : Mon bien s'en va, et à jamais il dure : Tout en un coup je seiche et je verdoye. Ainsi Amour inconstamment me meine : Et quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me treuve hors de peine. Puis quand je croy ma joye estre certeine, Et estre au haut de mon desiré heur, Il me remet en mon premier malheur. *******
Lut, compagnon de ma calamité De mes soupirs témoin irreprochable, De mes ennuis controlleur veritable, Tu as souvent avec moy lamenté : Et tant le pleur piteus t'a molesté Que commençant quelque son delectable, Tu le rendois tout soudein lamentable, Feingnant le ton que plein avoit chanté. Et si te veus efforcer au contraire, Tu te destens et si me contreins taire : Mais me voyant tendrement soupirer, Donnant faveur à ma tant triste pleinte : En mes ennuis me plaire suis contreinte, Et d'un dous mal douce fin esperer
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Jeu 17 Fév 2011 - 12:38
Helmut Haenchen qui nous a donné un superbe Parsifal dirigeait hier soir un concert Gustav Mahler qui a mis la salle debout. Notamment la 2e partie avec l'oeuvre de jeunesse de Mahler et qu'il considérait comme son opus.1: "Das Klagende Lied" pour orchestre, choeur, voix solistes de femmes, d'hommes et d'enfants. Une oeuvre monumentale et splendide de près d'1 heure composée entre 18 et 20 ans! Le génie ça existe.
Et en première partie il y avait d'abord un poème symphonique qui est devenu ensuite le premier mouvement de la 2e symphonie: "Todtenfeier", puis 5 des "Knabenwunderhorn" mis en musique à partir de ce recueil de textes de plus de mille chants populaires rassemblés par Brentano et Achim Von Arnim. Dont ce très beau Urlicht:
O Röschen rot, Der Mensch liegt in größter Not, Der Mensch liegt in größter Pein, Je lieber möcht' ich im Himmel sein. Da kam ich auf einem breiten Weg, Da kam ein Engelein und wollt' mich abweisen. Ach nein, ich ließ mich nicht abweisen! Ich bin von Gott und will wieder zu Gott, Der liebe Gott wird mir ein Lichtchen geben, Wird leuchten mir bis [in]1 das ewig selig' Leben!
Ô Petite rose rouge, L'humanité gît dans une très grande misère, L'humanité gît dans une très grande souffrance. Toujours j'aimerais mieux être au ciel. Une fois je venais sur un large chemin, Un ange était là qui voulait me repousser. Mais non, je ne me laissais pas repousser ! Je viens de Dieu et je retournerai à Dieu, Le cher Dieu qui me donnera une petite lumière Pour éclairer mon chemin vers la vie éternelle et bénie !
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 22 Fév 2011 - 8:27
Profitant de ma lecture d'Une mort dans la famille, de James Agee, je vais évoquer l'oeuvre (pour voix et orchestre) Knoxville : Summer of 1915, de Samuel Barber. Le compositeur utilise des extraits (quasiment son dernier tiers) de la nouvelle, éditée comme ouverture d'Une mort dans la famille (publié après la mort d'Agee, en 1957).
Le texte est un peu long mais je ne résiste pas à le citer...celui-ci se dévoile presque comme une improvisation constante, semble mélanger le récit de l'enfant et les souvenirs de l'adulte qui "revit" son enfance. C'est un regard tour à tour mélancolique et d'une grande lucidité. Et je dois dire que le dernier paragraphe m'émeut toujours particulièrement.
"It has become that time of evening when people sit on their porches, rocking gently and talking gently and watching the street and the standing up into their sphere of possession of the trees, of birds' hung havens, hangars. People go by; things go by. A horse, drawing a buggy, breaking his hollow iron music on the asphalt: a loud auto: a quiet auto: people in pairs, not in a hurry, scuffling, switching their weight of aestival body, talking casually, the taste hovering over them of vanilla, strawberry, pasteboard, and starched milk, the image upon them of lovers and horsemen, squaring with clowns in hueless amber. A streetcar raising its iron moan; stopping; belling and starting, stertorous; rousing and raising again its iron increasing moan and swimming its gold windows and straw seats on past and past and past, the bleak spark crackling and cursing above it like a small malignant spirit set to dog its tracks; the iron whine rises on rising speed; still risen, faints; halts; the faint stinging bell; rises again, still fainter; fainting, lifting, lifts, faints foregone: forgotten. Now is the night one blue dew.
Now is the night one blue dew, my father has drained, he has coiled the hose. Low in the length of lawns, a frailing of fire who breathes... Parents on porches: rock and rock. From damp strings morning glories hang their ancient faces. The dry and exalted noise of the locusts from all the air at once enchants my eardrums.
On the rough wet grass of the back yard my father and mother have spread quilts. We all lie there, my mother, my father, my uncle, my aunt, and I too am lying there.…They are not talking much, and the talk is quiet, of nothing in particular, of nothing at all in particular, of nothing at all. The stars are wide and alive, they seem each like a smile of great sweetness, and they seem very near. All my people are larger bodies than mine,...with voices gentle and meaningless like the voices of sleeping birds. One is an artist, he is living at home. One is a musician, she is living at home. One is my mother who is good to me. One is my father who is good to me. By some chance, here they are, all on this earth; and who shall ever tell the sorrow of being on this earth, lying, on quilts, on the grass, in a summer evening, among the sounds of the night. May God bless my people, my uncle, my aunt, my mother, my good father, oh, remember them kindly in their time of trouble; and in the hour of their taking away.
After a little I am taken in and put to bed. Sleep, soft smiling, draws me unto her: and those receive me, who quietly treat me, as one familiar and well-beloved in that home: but will not, oh, will not, not now, not ever; but will not ever tell me who I am."
Si Samuel Barber fut une personnalité discrète par rapport à sa vie et son intimité, il a souvent rappelé la dimension affective que représentait pour lui ce texte. Composé alors que son père était sur le point de mourir, il lui est dédié....et Barber (né en 1910) était de la même génération qu'Agee. C'est un contexte, une ambiance, un vécu par rapport auquel il a pu s'identifier.
Sur le plan musical, c'est une pièce magnifique d'une très belle sensibilité. Cela commence tel un balancement incessant d'une grande tendresse : la musique fait renaître cette sensation d'un idéal de l'enfance, intense dans la mémoire même si une grâce, une innocence est à jamais perdue.
Créée en 1948 par Eleanor Steber, la version que je propose (aussi de référence) est celle de Leontyne Price (avec le New Philharmonia Orchestra, dirigé par Thomas Schippers).
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 22 Fév 2011 - 8:48
Merci beaucoup pour cela.. extra
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Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales