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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mer 2 Mar 2011 - 20:39
Hector Berlioz a composé six mélodies opus 7, pour mezzo-soprano et orchestre sur des poèmes de Théophile Gautier, qui ont été regroupées sous le titre de "Les nuits d'été".
Le spectre de la rose
Soulève la paupière close Qu'effleure un songe virginal, Je suis le spectre d'une rose Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée Des pleurs d'argent de l'arrosoir, Et parmi la fête étoilée Tu me promenas tout le soir.
O toi, qui de ma mort fut cause, Sans que tu puisses le chasser, Toutes lesnuits mon spectre rose A ton chevet viendra danser.
Mais ne crains rien , je ne réclame Ni messe ni De Profundis ; Ce léger parfum est mon âme, Et j'arrive du Paradis.
Mon destin fut digne d'envie, Et pour avoir un sort si beau Plus d'un aurait donné sa vie, Car sur ton sein j'ai mon tombeau,
Et sur l'albâtre où je repose Un poète avec un baiser Ecrivit : Ci-gît une rose Que tous les rois vont jalouser.
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Dim 6 Mar 2011 - 18:51
Les poètes de sept ans
Et la Mère, fermant le livre du devoir, S'en allait satisfaite et très fière, sans voir, Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences, L'âme de son enfant livrée aux répugnances.
Tout le jour il suait d'obéissance ; très Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies. Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies, En passant il tirait la langue, les deux poings A l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points. Une porte s'ouvrait sur le soir : à la lampe On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe, Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été Surtout, vaincu, stupide, il était entêté A se renfermer dans la fraîcheur des latrines : Il pensait là, tranquille et livrant ses narines. Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet Derrière la maison, en hiver, s'illunait, Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne Et pour des visions écrasant son oeil darne, Il écoutait grouiller les galeux espaliers. Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers Qui, chétifs, fronts nus, oeil déteignant sur la joue, Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue Sous des habits puant la foire et tout vieillots, Conversaient avec la douceur des idiots ! Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes, Sa mère s'effrayait ; les tendresses, profondes, De l'enfant se jetaient sur cet étonnement. C'était bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment !
A sept ans, il faisait des romans, sur la vie Du grand désert, où luit la Liberté ravie, Forêts, soleils, rives, savanes ! - Il s'aidait De journaux illustrés où, rouge, il regardait Des Espagnoles rire et des Italiennes. Quand venait, l'oeil brun, folle, en robes d'indiennes, - Huit ans - la fille des ouvriers d'à côté, La petite brutale, et qu'elle avait sauté, Dans un coin, sur son dos en secouant ses tresses, Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses, Car elle ne portait jamais de pantalons ; - Et, par elle meurtri des poings et des talons, Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.
Il craignait les blafards dimanches de décembre, Où, pommadé, sur un guéridon d'acajou, Il lisait une Bible à la tranche vert-chou ; Des rêves l'oppressaient chaque nuit dans l'alcôve. Il n'aimait pas Dieu ; mais les hommes, qu'au soir fauve, Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg Où les crieurs, en trois roulements de tambour, Font autour des édits rire et gronder les foules. - Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or, Font leur remuement calme et prennent leur essor !
Et comme il savourait surtout les sombres choses, Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes, Haute et bleue, âcrement prise d'humidité, Il lisait son roman sans cesse médité, Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées, De fleurs de chair aux bois sidérals déployées, Vertige, écroulements, déroutes et pitié ! - Tandis que se faisait la rumeur du quartier, En bas, - seul, et couché sur des pièces de toile Écrue, et pressentant violemment la voile !
Arthur Rimbaud
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Sam 19 Mar 2011 - 11:25
La prière
Par le petit garçon qui meurt près de sa mère Tandis que des enfants s'amusent au parterre Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment Son aile tout à coup s'ensanglante et descend Par la soif et la faim et le délire ardent
Je vous salue, Marie.
Par les gosses battus, par l'ivrogne qui rentre Par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre Et par l'humiliation de l'innocent châtié Par la vierge vendue qu'on a déshabillée Par le fils dont la mère a été insultée
Je vous salue, Marie.
Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids S'écrie: Mon Dieu ! par le malheureux dont les bras Ne purent s'appuyer sur une amour humaine Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène Par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne
Je vous salue, Marie.
Par les quatre horizons qui crucifient le monde Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains Par le malade que l'on opère et qui geint Et par le juste mis au rang des assassins
Je vous salue, Marie.
Par la mère apprenant que son fils est guéri Par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid Par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée Par le baiser perdu par l'amour redonné Et par le mendiant retrouvant sa monnaie
Je vous salue, Marie.
Francis Jammes
(In Clairières dans le Ciel /NRF Poésie/ Gallimard)
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Sam 19 Mar 2011 - 11:57
Merci de vos participations à ce fil sur lequel j'ai du plaisir à revenir. Je ne commente pas forcément derrière mais je vous lis et j'écoute tous les extraits.
Très sensible à Samuel Barber aussi dont j'attends toujours une production de son opéra Vanessa en France... Peut-être un jour.
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Sam 19 Mar 2011 - 12:31
Marko a écrit:
Merci de vos participations à ce fil sur lequel j'ai du plaisir à revenir. Je ne commente pas forcément derrière mais je vous lis et j'écoute tous les extraits.
Je pense que nous en sommes tous là ... bien souvent, j'aimerais également déposer des commentaires, mais je m'en abstiens, afin d'éviter de me voir attribuer la palme d'or de la floodeuse ...
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 22 Mar 2011 - 21:03
J'enchaîne avec Samuel Barber, en proposant cette fois-ci "Dover Beach" (1931), oeuvre composée pour baryton et quatuor à cordes, transposition musicale du poème sombre et méditatif de Matthew Arnold (1822-1888). Face à un texte poignant mais complexe, dense par ses métaphores et ses références historiques, Barber offre une partition riche en nuances. La douleur est sèche, lancinante, et l'intensité expressive mêle dans son ampleur colère et tendresse.
(interprété par Dietrich Fischer-Dieskau et le quatuor Juilliard)
"The sea is calm to-night. The tide is full, the moon lies fair Upon the straits; on the French coast the light Gleams and is gone; the cliffs of England stand; Glimmering and vast, out in the tranquil bay. Come to the window, sweet is the night-air!
Only, from the long line of spray Where the sea meets the moon-blanched land, Listen! you hear the grating roar Of pebbles which the waves draw back, and fling, At their return, up the high strand, Begin, and cease, and then again begin, With tremulous cadence slow, and bring The eternal note of sadness in.
Sophocles long ago Heard it on the Aegean, and it brought Into his mind the turbid ebb and flow Of human misery; we Find also in the sound a thought, Hearing it by this distant northern sea.
The Sea of Faith Was once, too, at the full, and round earth's shore Lay like the folds of a bright girdle furled. But now I only hear Its melancholy, long, withdrawing roar, Retreating, to the breath Of the night-wind, down the vast edges drear And naked shingles of the world.
Ah, love, let us be true To one another! for the world, which seems To lie before us like a land of dreams, So various, so beautiful, so new, Hath really neither joy, nor love, nor light, Nor certitude, nor peace, nor help for pain; And we are here as on a darkling plain Swept with confused alarms of struggle and flight, Where ignorant armies clash by night."
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 22 Mar 2011 - 21:55
Avadoro a écrit:
J'enchaîne avec Samuel Barber, en proposant cette fois-ci "Dover Beach" (1931), oeuvre composée pour baryton et quatuor à cordes, transposition musicale du poème sombre et méditatif de Matthew Arnold (1822-1888). Face à un texte poignant mais complexe, dense par ses métaphores et ses références historiques, Barber offre une partition riche en nuances. La douleur est sèche, lancinante, et l'intensité expressive mêle dans son ampleur colère et tendresse.
Excellent!
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Sam 26 Mar 2011 - 12:07
Printemps
Il y a, sur la plage, quelques flaques d'eau. Il y a, dans les bois, des arbres fous d'oiseaux. La neige fond dans la montagne. Les branches des pommiers brillent de tant de fleurs Que le pâle soleil recule.
C'est par un soir d'hiver, Dans un monde très dur, Que tu vis ce printemps, Près de moi, l'innocente.
Il n'y a pas de nuit pour nous. Rien de ce qui périt, n'a de prise sur moi Mais je ne veux pas avoir froid.
Notre printemps est un printemps qui a raison, Notre printemps est un printemps qui a raison, Notre printemps est un printemps qui a raison, Notre printemps est un printemps qui a raison ...
Paul Eluard
(In Le phenix)
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 29 Mar 2011 - 12:01
Le Douanier Rousseau La carriole du père Junier (1908)
Complainte du petit cheval blanc
Le petit cheval dans le mauvais temps, qu'il avait donc du courage ! C'était un petit cheval blanc, tous der- rière et lui devant.
Il n'y avait jamais de beau temps dans ce pauvre pay- sage. Il n'y avait jamais de printemps, ni derrière ni de- vant.
Mais toujours il était content, menant les gars du vil- lage, à travers la pluie noire des champs, tous derrière et lui devant.
Sa voiture allait poursuivant sa belle petite queue sau- vage. C'est alors qu'il était content, eux derrière et lui devant.
Mais un jour, dans le mauvais temps, un jour qu'il était si sage, il est mort par un éclair blanc, tous der- rière et lui devant.
Il est mort sans voir le beau temps, qu'il avait donc du courage ! Il est mort sans voir le printemps ni der- rière ni devant.
Paul Fort
Texte de la chanson de Brassens
Le petit cheval dans le mauvais temps Qu'il avait donc du courage! C'était un petit cheval blanc Tous derrière, tous derrière C'était un petit cheval blanc Tous derrière et lui devant!
Il n'y avait jamais de beau temps Dans ce pauvre paysage! Il n'y avait jamais de printemps Ni derrière, ni derrière, Il n'y avait jamais de printemps Ni derrière ni devant! Mais toujours il était content Menant les gars du village A travers la pluie noire des champs Tous derrière, tous derrière A travers la pluie noire des champs Tous derrière et lui devant!
Sa voiture allait poursuivant Sa belle petite queue sauvage C'est alors qu'il était content Tous derrière, tous derrière C'est alors qu'il était content Tous derrière et lui devant! Mais un jour dans le mauvais temps, Un jour qu'il était sage Il est mort par un éclair blanc Tous derrière, tous derrière Il est mort par un éclair blanc Tous derrière et lui devant!
Il est mort sans voir le beau temps Qu'il avait donc du courage! Il est mort sans voir le printemps Ni derrière, ni derrière Il est mort sans voir le printemps Ni derrière, ni devant !
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 5 Avr 2011 - 11:09
Robert le diable
Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval Quand tu parlais du sang jeune homme singulier Scandant la cruauté de tes vers réguliers Le rire des bouchers t'escortait dans les Halles Tu avais en ces jours ces accents de gageure Que j'entends retentir à travers les années Poète de vingt ans d'avance assassiné Et que vengeaient déjà le blasphème et l'injure
Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne
Debout sous un porche avec un cornet de frites Te voilà par mauvais temps près de Saint-Merry Dévisageant le monde avec effronterie De ton regard pareil à celui d'Amphitrite Enorme et palpitant d'une pâle buée Et le sol à ton pied comme au sein nu l'écume Se couvre de mégots de crachats de légumes Dans les pas de la pluie et des prostituées
Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne
Et c'est encore toi sans fin qui te promènes Berger des longs désirs et des songes brisés Sous les arbres obscurs dans les Champs-Elysées Jusqu'à l'épuisement de la nuit ton domaine O la Gare de l'Est et le premier croissant Le café noir qu'on prend près du percolateur Les journaux frais les boulevards pleins de senteur Les bouches du métro qui captent les passants
Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne
La ville un peu partout garde de ton passage Une ombre de couleur à ses frontons salis Et quand le jour se lève au Sacré-Cœur pâli Quand sur le Panthéon comme un équarissage Le crépuscule met ses lambeaux écorchés Quand le vent hurle aux loups dessous le Pont-au-Change Quand le soleil au Bois roule avec les oranges Quand la lune s'assied de clocher en clocher
Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne
Louis Aragon
(Les Poètes)
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 12 Avr 2011 - 17:24
Marie Laurencin (Apollinaire et ses amis, 1908)
Marie
Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mère-grand C'est la maclotte qui sautille Toute les cloches sonneront Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux Et la musique est si lointaine Qu'elle semble venir des cieux Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine Et mon mal est délicieux
Les brebis s'en vont dans la neige Flocons de laine et ceux d'argent Des soldats passent et que n'ai-je Un coeur à moi ce coeur changeant Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s'en iront tes cheveux Crépus comme mer qui moutonne Sais-je où s'en iront tes cheveux Et tes mains feuilles de l'automne Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine Un livre ancien sous le bras Le fleuve est pareil à ma peine Il s'écoule et ne tarit pas Quand donc finira la semaine
Guillaume Apollinaire
(Poème écrit en 1912, peu après sa rupture avec Marie Laurencin, In Alcools)
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mer 20 Avr 2011 - 18:18
Le coucher du soleil romantique
Que le soleil est beau quand tout frais il se lève, Comme une explosion nous lançant son bonjour ! - Bienheureux celui-là qui peut avec amour Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve !
Je me souviens ! J'ai vu tout, fleur, source, sillon, Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite... - Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite, Pour attraper au moins un oblique rayon !
Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire ; L'irrésistible Nuit établit son empire, Noire, humide, funeste et pleine de frissons ;
Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage, Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage, Des crapauds imprévus et de froids limaçons.
Charles Baudelaire
(Les épaves)
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 26 Avr 2011 - 17:18
La Cigale et la Fourmi, illustration de Gustave doré
La Cigale et la Fourmi
La Cigale , ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. "Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'oût, foi d'animal, Intérêt et principal." La fourmi n'est pas prêteuse; C'est là son moindre défaut. "Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant Je chantois, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j'en suis fort aise : Eh bien ! dansez maintenant."
Jean de La Fontaine
(Livre premier, fable 1 )
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Ven 13 Mai 2011 - 11:09
L'albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid ! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
Charles Baudelaire
(Les fleurs du mal)
Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales Mar 14 Juin 2011 - 18:38
Gaspard Hauser chante
Je suis venu, calme orphelin Riche de mes seuls yeux tranquilles, Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m’ont pas trouvé malin.
À vingt ans un trouble nouveau, Sous le nom d’amoureuses flammes, M’a fait trouver belles les femmes : Elles ne m’ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi Et très brave ne l’étant guère, J’ai voulu mourir à la guerre : La mort n’a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop tard ? Qu’est-ce que je fais en ce monde ? Ô vous tous, ma peine est profonde : Priez pour le pauvre Gaspard.
Paul Verlaine
(Extrait de Sagesse, 1881)
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Sujet: Re: Littérature et poésie dans les oeuvres musicales