Nicolas Winding Refn

Marko a écrit:

animal a écrit:

ça serait passé dans le coin j'aurai tenté au moins pour voir, pour le plastique sur la ba je suis resté sur l'image métallique à la 300 (et autres)... pour le reste je ne sais pas... ça vaut un bon UFC ? (ouais c'est différent et la question est un peu conne mais pas complètement)

L'image n'a rien à voir avec la photographie formatée, digitalisée et lisse d'un 300! C'est beaucoup plus "organique" si ça veut dire quelque chose.

J'ai pas vu 300. Je ne peux pas comparer. Mais c'est vrai que c'est assez "organique". Même si c'est très travaillé, que ça fait pas naturel, c'est plutôt dans le bon sens. Et y'a de la chair, du corps. C'est pas franchement contemplatif ou réflexif (c'est après qu'on se dit : merde, la claque, faut que je le revois, j'ai rien compris, mais ça m'a touché là, à un endroit, quelque part, qui me plait bien - bravo la comprenure!)

Inside Job (ou Fear X pour le titre original)

Citation :

A la suite du décès brutal de sa femme dans le parking d'un centre commercial, Harry Cain a des visions étranges qui le hantent jour et nuit. Il décide de résoudre lui-même le mystère qui entoure le meurtre présumé de sa femme.

Nicolas Wending Refn a réalisé avec Fear X son Lost Highway. L'influence est évidente et ce sera peut-être sa seule limite. Avec un budget de misère et 28 jours de tournage, il a réussi un trip mental anxiogène, plastiquement très convaiquant, en se faisant d'abord plaisir par le choix de son équipe. Il a co-écrit le scénario avec Hubert Selby junior son écrivain préféré, fait appel à Brian Eno pour une superbe musique atmosphérique envoûtante et flottante (le générique de fin est extra), et obtenu la participation du directeur de la photographie de Kubrick, Larry Smith, qui avait travaillé sur Barry Lindon, Shining et surtout Eyes Wide Shut.

Sur les bonus du DVD on peut voir et entendre Selby Junior qui donne quelques pistes et exprime le plaisir qu'il a eu à travailler avec Refn. Il a apporté un peu de son univers et écrit une partie des dialogues. Refn avait déjà transposé librement "Last Exit to Brooklyn" dans Breeder. On comprend ce qui rapproche ces deux hommes. Il y est question de violence, de morale, de strates de réalité avec une confusion entre le réel et les fantasmes.

John Turturro est un vigile qui n'accepte pas la mort de sa femme assassinée dans les sous-sols du grand magasin où il travaille. Il n'accepte pas surtout de ne pas savoir qui est le meurtrier et tente inlassablement, de manière obsessionnelle, de trouver des indices dans les vidéos de surveillance. Le récit bascule progressivement dans une fantasmagorie où on a rapidement bien du mal à distinguer la réalité de l'imaginaire. Il y est question d'une photographie trouvée dans une maison vide en face de chez lui, d'un policier marié et père d'un enfant qui serait le meurtrier et qu'il redoute de tuer à son tour...



L'atmosphère et les décors sont lynchiens (surtout les séquences oniriques avec ces lampes oranges, ces couloirs d'hôtels avec une étrange chambre 305 et son inverse symétrique 503, un ascenseur ouvrant sur le néant qui l'absorbe comme le couloir sombre de Lost Highway...). La construction également, même si le film est beaucoup plus "lisible" et moins difficile à décrypter. La fin crée le même égarement que dans Mulholland Drive et on se repasse le film 25 fois dans sa tête en se posant plein de questions. J'adore les énigmes et j'aime ce climat onirique et sensoriel. Refn s'en sort très bien même si on n'atteint quand même pas la force et la beauté visuelle des films de Lynch (ou de Kubrick, car il ne faut pas oublier que Lynch lui doit beaucoup). Mais il y a de superbes séquences comme ce rideau qu'une main entrouvre au début du film pour pénétrer un rêve (Lost Highway encore) ou ces passages de l'autre côté de l'ascenseur. Il faut vraiment voir ce film si on aime ce genre de climats.



Et pour ceux qui verront Fear X (le titre français Inside Job se voulant plus explicite, on est bien essentiellement dans la tête de Turturro...) je propose une interprétation de cette histoire pour en rediscuter éventuellement plus tard...

Dans les films de Lynch, de Lost Highway à Inland Empire surtout, un personnage est en proie à un sentiment violent (pulsion de meurtre, culpabilité, peurs diverses). Et il tente, à travers ses rêves et ses fantasmes, de résoudre ce conflit pour s'en libérer. Refn appelle son film "Fear X" pour évoquer ce sentiment de peur qui habite le personnage principal et surtout cette peur de l'inconnu (X) qui l'empêche de connaître la vérité (qui a tué sa femme?) et donc de s'apaiser pour vivre à nouveau. Il va donc mentalement élaborer un scénario dont le point de départ est une révélation que la police lui a faite en suggérant une possible infidélité de son épouse et la culpabilité potentielle de cet amant supposé. La première scène montre un rideau qu'une main entrouvre pour découvrir une femme sous la neige qui regarde vers la maison d'en face. Turturo va explorer cette maison, y découvrir une pellicule photo qu'il fait développer et qui montre une femme blonde avec un enfant et un restaurant qui lui permet d'identifier une région éloignée de chez lui. Par une succession de plongées oniriques (la caméra pénètre très clairement dans la nuque de Turturro) qui alternent avec des séquences réelles, on perçoit bien ce qui relève de la réalité de ce qui est imaginé. C'est ainsi qu'après avoir visionné ces photographies finalement insignifiantes, Turturro part mentalement explorer cette région éloignée à la recherche de cette femme dont il imagine que le mari était probablement l'amant de sa femme et son meurtrier. Il est en tout cas un policier reconnu et médaillé. Sa femme ressemble à l'épouse de Turturo mais n'est pas identique, et ils ont un enfant né de leur union (alors que la femme de Turturro était enceinte lorsqu'elle a été tuée...). Comme dans Lost Highway il y a des correspondances et le couple décrit est un miroir idéalisé, le meurtrier qui devrait être repoussant s'avère touchant et humain, tandis que Turturro redoute de ne pas être capable de se retenir de le tuer. "Mais je ne suis pas un meurtrier" dit-il à plusieurs reprises. Son scénario mental le conduit finalement à l'affronter, dans ces fameux couloirs d'hôtel (lui, occupant la chambre 305, et l'autre la 503), le flic le blesse puis il croit l'avoir tué en se réveillant ensuite sur un lit d'hôpital. Leurs identités semblent s'être inversées et on finit par lui dire qu'en fait il n'a tué personne et il se met à pleurer... Prenant ainsi conscience qu'il est en train de sortir d'un rêve (ou de ses rêveries éveillées plutôt). Il est allé jusqu'au bout de son désir de connaitre le meurtrier qui impliquerait un désir de vengance et de meurtre. Il sait qu'il n'est pas capable de tuer et il peut peut-être enfin renoncer à sa quête absurde, en jetant toutes les photos prises à partir des vidéos de surveillance qu'il a accumulées depuis des mois. Il pourra passer à autre chose. On retrouve les projections fantasmagoriques des personnages de Selby dans certains de ses romans.

J'ai à peine parcouru quelques lignes de ton commentaire Marko, et wa: mais ce que ça donne ENVIE !
tu peux m'expliquer pourquoi j'ai jamais entendu parler de ce film AVANT ?!

Queenie a écrit:

J'ai à peine parcouru quelques lignes de ton commentaire Marko, et wa: mais ce que ça donne ENVIE !
tu peux m'expliquer pourquoi j'ai jamais entendu parler de ce film AVANT ?!

Parce que Refn n'était pas encore super connu. Pourtant je me souviens que la presse était plutôt bonne (partagée disons). Je l'avais raté moi aussi. Franchement ça vaut le coup rien que pour le plan hallucinogène vers la fin... encore du rouge partout comme dans Le Guerrier Silencieux!

Et pourquoi modifier un titre en anglais, par un autre titre en anglais... ?

Queenie a écrit:

Et pourquoi modifier un titre en anglais, par un autre titre en anglais... ?

Fear X c'est le choix de Refn et de Selby. Inside Job celui des maisons de production, je suppose, qui ont eu du avoir peur que les gens ne comprennent rien au film. Le titre souligne donc que tout se passe dans la tête de Truturro (Inside Job). Pourquoi Job d'ailleurs? Mon anglais n'est pas assez bon!

Ou ils avaient peur de l'association avec les films pornographiques...

Queenie a écrit:

Ou ils avaient peur de l'association avec les films pornographiques...

Je vais mener mon enquête!

J'ai vu que le film Accident de Soi Cheang avait pratiquement le même sujet qu'Inside Job... Traversay en avait parlé et j'attends sa sortie DVD pour comparer.

Citation :

Accident démarre comme un épisode de Destination Finale (structure alambiquée pour retranscrire un accident mortel) avant de progresser comme un thriller paranoïaque. C'est exactement le même sujet que Inside Job, de Nicolas Winding Refn, qui à la manière de Blow Up, d'Antonioni, cherchait à décrypter la conspiration secrète d'un monde invisible pour exorciser des peurs enfouies et montrer des détails du quotidien que l'on ne voit pas. Pendant l'écriture du scénario, Pou-Soi Cheang, connu pour avoir co-réalisé la partie de Tsui Hark dans le cadavre exquis Triangle, s'est intéressé aux cas de ceux, anonymes, qui mourraient dans des accidents. Pour les besoins de la fiction, il les a transformés en meurtres. A l'écran, ça passe par une lente réinterprétation d'un monde urbain en pleine ébullition. Pendant la première heure, le cinéaste dispense une tonne d'informations avec la précision d'un orfèvre avant de se focaliser sur le véritable enjeu du film : un drame humain, où un homme n'arrive pas à faire le deuil de son épouse et éprouve la culpabilité d'avoir privilégié sa vie professionnelle au détriment de son couple.

De fil en aiguille, Pou-Soi Cheang efface les frontières entre la réalité objective et le monde mental de son héros mal en point qui veut aller au-delà des artifices (lumière, ambiance) pour découvrir la vérité. La force de Accident, c'est de donner une épaisseur humaine et psychologique aux archétypes du film de genre. A un moment donné, une scène sous la pluie très stylisée accentue les contours flous de la réalité pour manier le doute et l'ambiguïté. Ce que l'on retient, c'est qu'il est impossible de savoir. C'est aussi une manière de ménager le suspense (a-t-il raison ou est-il fou ?). Le film est sobre, sans fioritures, excellemment filmé et photographié. La bande-son de Xavier Jamaux (compositeur de Mad Detective et Sparrow, de Johnnie To) exacerbe le climat de suspicion. Les scènes spectaculaires d'accident sont réalisées comme des gunfights, avec une virtuosité proche des films de Brian de Palma dans les années 70 (Pulsions). C'est sa véritable influence formelle puisque comme De Palma, Pou-Soi Cheang est fasciné par l'exploration et la destruction des images. Le réalisateur de Scarface étant lié à Antonioni pour avoir signé Blow out, la version américaine de Blow up (le son à la place des photos). Pour une production Milkyway, c'est le haut du panier.

Sophie Avon a recommandé Le Guerrier silencieux en fin d'émission du Masque et la Plume en disant que c'était "hallucinant"... Tellement hallucinant qu'elle a ajouté que c'était un film métaphysique sur des vikings en noir et blanc Sophie, le film est en (très belles) couleurs!!! Si si!

Marko a écrit:

Sophie Avon a recommandé Le Guerrier silencieux en fin d'émission du Masque et la Plume en disant que c'était "hallucinant"... Tellement hallucinant qu'elle a ajouté que c'était un film métaphysique sur des vikings en noir et blanc Sophie, le film est en (très belles) couleurs!!! Si si!

C'est curieux comme il y a certains films dont on jurerait qu'ils sont en noir et blanc, alors qu'ils sont en couleurs et inversement.

eXPie a écrit:

Marko a écrit:

Sophie Avon a recommandé Le Guerrier silencieux en fin d'émission du Masque et la Plume en disant que c'était "hallucinant"... Tellement hallucinant qu'elle a ajouté que c'était un film métaphysique sur des vikings en noir et blanc Sophie, le film est en (très belles) couleurs!!! Si si!

C'est curieux comme il y a certains films dont on jurerait qu'ils sont en noir et blanc, alors qu'ils sont en couleurs et inversement.

C'est vrai qu'il a quand même une lumière un peu sombre dans des tonalités gris bleuté mais on est loin du noir et blanc. Et il y a surtout ces scènes oniriques rouge sang!

Le guerrier silencieux

j'aurai du aller voir un autre film, j'ai hésité. mais j'ai fait des efforts. et je suis quand même resté jusqu'au bout... alors que très rapidement on se sent pressé que ça se termine !

l'image. j'ai espérer un petit peu de se côté là, se raccrocher à la brume qui capte le regard. problème, c'est un effet unique. et l'image est bien cette saloperie gris bleu métallisée tellement tendance. (dans 300 c'était moins bleu parce que c'était pas le même genre de pays !). et puis les personnage en croute de crasse, cheveux tout collés, barbes taillées et visage marqués mais lisses... hum. ça va mal. les effets gore à quatre sous et la tendance pseudo impact réaliste... ça ne sert à rien. comme l'ensemble du film.

mauvais clip sans rythme et sans âme d'une longue heure et trente minutes avec une catastrophique absence de fond et des dialogues ... mais des comme ça c'est collector, avec les voix qui collent avec, collection de punchlines de supermarchés, extra.

très mauvais film d'exploitation qui lorgne effectivement du côté de Aguirre ou John Carpenter.... mais le remâché sans fond c'est dégueulasse (et Aguirre ça ressemble difficilement à une promenade pour le genre, et Snake Plissken est un personnage pieds dans le plat), la légèreté des très moins que probables réflexions (forcément profondes ?) sur la société, la religion et la croyance que ce petit groupe de croisés vikings amènent est ... ah ? y en a pas. y a rien. du gris métal et des bruits isolés de nature, des espaces tronqués malgré la distance et certains horizons éloignés... gâchis du principe même de nature.

oui on peut se rappeler les films de sf fauchés à la Pyun, sauf que. l'image branché ça ne sert à rien, le vide ne fait pas un film surtout quand les acteurs ne servent à rien non plus. (le rôle principal... ).

trois grammes d'esbroufe dans un produit salement formaté. ça sera mon avis définitif.

un film à se demander pourquoi mettre les pieds dans un cinéma qui aura par contre le mérite de voir d'un meilleur œil beaucoup d'autres production.

pourquoi un rejet aussi catégorique ? parce que je sature de plus en plus vite du pré-mâché et de ces images de pub. la crasse et l'aspect rustique grand guignol extra kitschou (non mais ce film... ) ne sont qu'un mensonge de plus.

animal a écrit:

Le guerrier silencieux
mauvais clip sans rythme et sans âme d'une longue heure et trente minutes avec une catastrophique absence de fond et des dialogues ...

Bon... Voilà un ressenti sans appel que je ne partage pas mais ça tu l'avais déjà compris. Je conçois mal qu'on puisse l'assimiler à tous ces ersatz clipesques de peplums aux scénarios de bande dessinée (comme bien des films qui sortent habituellement dans ce registre mythologique). J'y ai vu au contraire un film plastiquement novateur qui cherche une sorte de transe métaphysique qu'on pourra trouver creuse ou une sorte d'alibi purement conceptuel mais qui m'a semblé surtout incroyablement "habitée". J'ai développé au-dessus ce qui j'y avais vu et qui n'est pas exhaustif. Une relecture mythologique sensorielle et abstraite, volontairement presque non verbale (ce qui semble t'avoir dérangé comme Kubrik te dérange peut-être aussi) sur le passage d'un dieu parmi les morts pour les conduire au Valhalla. Le film "300" m'avait terriblement ennuyé dès les premières secondes alors qu'ici j'en avais des frissons presque tout le temps. Ils me paraissent à des années lumières.

Pas graves ces divergences mais peut-être sont elles symptomatiques de ce qui diffère entre nos sensibilités cinéphiliques. Tu rejettes souvent les films aux univers très conceptuels où la recherche esthétique est non seulement prédominante mais constitue l'essence même du projet. Forme et fond ne faisant qu'un. Le scénario, la narration disparaissant en partie au bénéfice d'une approche plus poétique ou symbolique du récit. Comme la différence entre roman et poésie?

novateur ? l'écran titre en fuchsia fluo maybe ?

pour avoir ce que tu appelles transe métaphysique (pas sur de comprendre le terme mais je dois pouvoir me faire une idée) je crois qu'il y a besoin d'un objet à l'image... les relectures mythologiques peuvent m'échapper mais pour arriver à en trouver lourd dans la poignée de vikings christianisés (plus ou moins déguisés en hardos trempés dans la boue) qui se retrouvent chez les indiens... fin bref, on ne se comprendra pas non plus sur l'histoire. je retrouve mal la métaphysique dans la punchline pourrie avec voix rocailleuse. pour l'image du film est celle là, mauvais cocktail. comme quand on te dit qu'une despé c'est une bière. non c'est un bordel avec du sucre et de l'alcool qui prend les gens (les jeunes surtout) pour des cons.

et mettre ça sur le dos d'une vision différente... la sensibilité je veux bien mais jamais comme une raison de ne pas aussi réfléchir. je te vois venir avec le rapprochement avec la discussion sur la poésie mais c'est quand même vraiment trop simple. la forme et le fond qui ne font qu'un c'est la forme et le fond, et un fond de préférence qui ne va pas se contenter de flatter des automatismes (avec des images toute faites et modernisées de guerriers, une image façon yab...).

c'est pas parce qu'on peut coller une étiquette vaguement (ou faussement) artistique que ça vaut mieux qu'un film comme Cyborg (pour prendre un titre qui fait se rouler par terre et garder la comparaison avec un monde filmique de seconde zone, qui n'empêche d'ailleurs ni plaisir ni savoir faire).