Nicolas Winding Refn

pour l'esthétique qui claque pour le plaisir (et plus si affinités) on peut toujours se consoler avec un tour chez Seijun Suzuki par exemple. curieux de l'effet que ça te ferait Aeriale c'est japonaiseries bizarres

Chymère a écrit:

En même temps, est-ce qu'une "provocation" a besoin d'être utile ?...  (déjà, est-ce bien une provocation ?...)

Je pense aussi que c'est une question de point de vue, mais j'ai trouvé que la dernière demie-heure tournait à vide, uniquement remplie d'images chocs. Le terme "inutile" servait à souligner la sensation d'une impasse.
Sur la notion de rêve, le film manque pour moi de spontanéité et d'humilité pour aller jusqu'au bout de cette impression. Les personnages restent des objets ou des pantins, au sein d'un récit tout de même très linéaire et manipulateur.

animal a écrit:

pour l'esthétique qui claque pour le plaisir (et plus si affinités) on peut toujours se consoler avec un tour chez Seijun Suzuki par exemple. curieux de l'effet que ça te ferait Aeriale c'est japonaiseries bizarres

Suis allée voir, eh oui...ça m'a l'air super beau, et très novateur pour l'époque (1966?!) "De la folie esthétique furieuse" comme tu dis, à priori ça a l'air tentant, encore que ce ne doit pas être très courant de tomber sur un de ses films

Avadoro a écrit:

Chymère a écrit:

En même temps, est-ce qu'une "provocation" a besoin d'être utile ?...  (déjà, est-ce bien une provocation ?...)

Je pense aussi que c'est une question de point de vue, mais j'ai trouvé que la dernière demie-heure tournait à vide, uniquement remplie d'images chocs. Le terme "inutile" servait à souligner la sensation d'une impasse.
Sur la notion de rêve, le film manque pour moi de spontanéité et d'humilité pour aller jusqu'au bout de cette impression. Les personnages restent des objets ou des pantins, au sein d'un récit tout de même très linéaire et manipulateur.

Bien d'accord avec toi Avadoro! Je ne trouve pas cette fin indispensable pour la compréhension de l'ensemble, cela m'a paru surchargé et vain. (Je regardais ma montre)

Et oui pour le manque d'humilité, clairement. Quand on meuble trop le vide, forcément ça vire vers le pontifiant. Mais bon, je suis sans doute passée à côté de cette oeuvre peut être magistrale?

Je ne suis pas sûre qu'il faille se poser ce genre de question... Enfin, je ne me la pose pas....
Idem pour ce qui est censé être vain ou pas...

Moi j'ai vu une sorte de rêve tordu filmé, avec une parabole sur la vanité de la beauté... Et avec, probablement, des symboles dont je n'ai pas toutes les clés (un peu comme dans les rêves), et d'autres qui me semblent plus clairs.

Chymère a écrit:

Moi j'ai vu une sorte de rêve tordu filmé, avec une parabole sur la vanité de la beauté... Et avec, probablement, des symboles dont je n'ai pas toutes les clés (un peu comme dans les rêves), et d'autres qui me semblent plus clairs.

Je l'ai vu comme ça également et après une première impression à chaud un peu mitigée, le film m'a travaillé un moment avec une impression globale finalement très favorable.

Il y a un malentendu autour des films de Refn que leur sélection à Cannes entretient. Les critiques après avoir plutôt encensé "Drive" se mettent à trouver son cinéma creux et clinquant. Une forme très élaborée mais trop ostentatoire s'opposant en gros à une absence de psychologie subtile ou de profondeur philosophique... Qu'auraient-ils dit si les films de Dario Argento ou de Carpenter avaient été eux-mêmes présentés à Cannes en leur temps. On se serait moqué de leurs scénarios de série B et de leur absence totale de profondeur apparente. On aurait peut-être vaguement reconnu leur atmosphère... et encore! Et pourtant maintenant on les adule et on leur reconnaît un certain talent de visionnaire ou en tout cas de faiseurs doués dont les images restent profondément ancrées dans notre mémoire.

Refn est dans cette même mouvance en y ajoutant une certaine cinéphilie et surtout une densité empruntée à Kubrick, Lynch et tout un cinéma qui cherche à explorer la nature humaine à travers les archétypes, les métaphores, l'inconscient ou le rêve, le conte de fée plus ou moins horrifique. Il n'est pas question de psychologie mais d'expérience plastique proche du trip où les pulsions animales submergent ou sont vomies par des créatures pures ou angéliques, souvent vides au départ (sans histoire, sans psychologie) avant de se remplir d'une violence environnante qu'elles renvoient en miroir à ceux qui les approchent. Il y a des monstres et des bonnes fées, des espaces mentaux à traverser et des sensations fortes à vivre, parfois macabres, plus ou moins cathartiques.

Neon Demon revisite toute une filmographie sur la féminité et l'adolescence qui va de Carrie au bal du diable à Black Swan en passant par Mulholland Drive et Suspiria. Autant de fictions qui prennent la forme du conte ou du rêve pour raconter des histoires d'adolescentes ou de jeunes femmes qui découvrent la sexualité, le désir et confrontent leurs aspirations de réussite ou de reconnaissance à la brutalité du monde comme à leurs propres peurs et à leurs fantasmes. Carrie vivait ses premières menstruations comme une scène de meurtre ou de viol, partagée entre effroi et humiliation. L'héroïne de Black Swan comme celle de Mulholland Drive se dédoublait dans une plongée onirique pour assouvir des fantasmes de toute puissance. Carrie y parvenait dans une séquence finale de destruction infernale. Les deux autres étaient plutôt poussées vers le suicide réel ou symbolique.

Elle Fanning incarne cette pureté sortie de l'enfance que chacun rêve de posséder ou de dévorer littéralement. Elle est Blanche-Neige, Aurore ou Cendrillon dont la beauté, la candeur et les valeurs positives qu'elles représentent font l'objet de convoitise de la part de Marâtres, de soeurs ou de sorcières qui les jalousent et veulent les détruire. Bonté et cruauté s'affrontent comme les deux faces a priori inconciliables mais qui pourtant coexistent en chacun de nous. Les deux triangles qui apparaissent régulièrement dans Neon Demon symbolisent cette dualité et tout le film est une variante de ces contes de fées.



Refn transpose ces contes à notre époque où la tyrannie du paraître et de la beauté n'a jamais été aussi violente, les exutoires narcissiques jamais aussi accessibles (facebook, la téléréalité...). Et particulièrement paroxystique et absurde dans le monde de la mode où, comme le dit l'un des personnages, des femmes sont capables de se damner, de s'affamer ou de se torturer pour posséder de façon illusoire une part de cette beauté parfaite éphémère que représente ce passage de l'enfance à l'âge adulte. A peine cette beauté atteinte il est déjà trop tard et Elle Fanning perd sa pureté au moment même où elle en prend conscience et où elle découvre ses propres pulsions sexuelles. Le récit nous montre alors l'envers de sa psyché et l'horreur qui se libère. Ce n'est pas simpliste mais une illustration ludique et archétypale de ce que cette dualité représente. Le film devient une film de vampires où cannibalisme et nécrophilie illustrent littéralement ces métaphores. Jusqu'à cette scène finale qui peut sembler grotesque mais qui a le courage de mener cette logique symbolique jusqu'à son extrémité. Les contes de fées ne font-ils pas la même chose avec ces grands méchants loups déguisés en grand-mère!



Refn crée un univers visuel psychédélique, entre mauvais goût volontaire (celui des néons et des paillettes) et inspiration graphique qui confine à l'hypnose, renforcé par la musique planante (entre naïveté de comptine et cauchemar aseptisé), qui explore jusqu'au bout le cauchemar de l'artifice et de la perte de l'innocence. On y rencontre des mannequins cannibales, un gérant de Motel à la virilité menaçante, un puma qui suggère l'irruption du refoulé et des pulsions, un photographe vampire... et il crée un conte horrifique stimulant, inquiétant autant que séduisant, qui digère lui-même toute une filmographie antérieure pour creuser son propre sillon personnel. J'ai envie de le revoir!

Marko a écrit:

J'ai envie de le revoir!

Et moi de le voir.

Bien vu...

Merci Marko...

J'ajouterai 2 ou 3 trucs...
Déjà, le félin qui entre dans la chambre de Jessie, ce n'est pas un léopard, mais un puma (il n'y a pas de léopard sur le continent américain, sauf dans les zoos... ). C'est pas très important mais quand-même...

Sinon, pour le côté vampirique, je suis étonnée qu'elle n'ai pas cité la Comtesse Bathory : c'est peut-être le cas le plus célèbre et le plus ancien de meurtre-vampirique dans le but de garder une éternelle jeunesse, et qui a inspiré pas mal d'histoires de vampires en tout genre...

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lisabeth_B%C3%A1thory

Et enfin, quand j'ai vu le tout dernier plan

Spoiler:

Marko a écrit:

Bien vu...

J'ai dit tout pareil en sortant de la salle.
Malgré tout, il me tourneboule beaucoup moins que les réalisateurs à qui il fait penser (lynch, de palma, cronenberg). Peut-être à cause du manque d'épaisseur des personnages...? Ici, ils sont vraiment très superficiels. Ils ne sont que des représentations.

C'est ce qu'il vise. Dans les contes les personnages ne sont que des archétypes ou des symboles. Ils n'ont pas de psychologie. Il fait un peu comme Lynch. C'est l'inconscient, les peurs, les pulsions qui l'intéressent. Et l'imagerie qu'on invente autour.

Oui, mais lynch et les derniers cronenberg, c'était pareil. Des personnages ultra archétypaux et pourtant, ils étaient plus denses.
Chais pas.
Ou alors c'est Flanning qui ne m'a pas accrochée...

The Neon Demon

La beauté fait envie. Ceux qui sont beaux ont surement beaucoup de mal, on veut leur attention et quand c’est impossible, l’humiliation mène aux ressentiments, l’envie de faire mal. On pense aux célébrités qui sont vampirisées par des foules de fans. Cela ressemble bien à une envie de manger l’autre, de l’avaler pour faire partie de sa vie.

Dans ce film cette petite jeune fille, très belle, très seule et donc très fragile, a "quelque chose" de plus que les autres. Elle est la petite dernière, elle a la candeur que les autres n’ont pas, elle est naturellement fabuleuse et elle est comme beaucoup de très jeune fille spontanée, peu méfiante avec une petite pointe de besoin d’attention. Elle tombe sur trois hyènes. La maquilleuse, qui a un désir maladif d’elle. Un personnage très étrange et que l’on ne cerne pas du premier coup. Parce que…Cette maison dans laquelle elle habite, qui ne lui appartient pas et qu’elle se contente « d’entretenir », arroser les plantes par exemple. A qui appartient-elle? Y-a-t’il eu d’autres jeunes filles qu’elle a désirées maladivement? Et ces deux mannequins merveilleusement belles mais qui sont sur le retour. Des invisibles qui veulent être elle, manger ce qu’elle est….

J’ai entendu des gens faire des gloups bien des fois dans la salle. Mais je n’en ai pas fait. Il y a certaines scènes qui pourraient choquer si on les prend littéralement mais il faut laisser les choses redescendre et en comprendre la signification. Un film qui se révèle après coup.