Nicolas Winding Refn

Marko a écrit:

Couvrir Drive de louanges et vouer Only God forgives aux gémonies ? Bof, les deux films se rejoignent finalement dans une certaine vacuité narrative, une sur-stylisation et un goût pour l'ultra violence injustifiable. Ceci dit, le premier se laisse regarder, si l'on n'est pas trop ... regardant, et le deuxième fascine à sa manière par son auto-destruction au ralenti. Mais bon, ces filtres rouges, ces personnages inutiles (la fiancée de Ryan), cette "gore attitude", cette imperturbabilité (hyper cool ?) de Gosling, à quoi ça sert si ce n'est se la jouer : "je suis un auteur, je suis radical et je déstructure, j'abstracte et j'épure. Si vous n'aimez pas ça, n'en dégoutez pas les autres." Tiens, on est finalement pas si loin du cinéma de Gaspar Noé, les deux réalisateurs s'appréciant d'ailleurs. L'un des projets du duo Refn/Gosling est de tourner un film muet. Ce n'est pas une mauvaise idée, cela évitera un dialogue aussi affligeant que celui-ci : "- Billy a violé et tué une fille de 16 ans. - Il devait avoir ses raisons !"
PS : Kristin Scott-Thomas est quasi cassavetienne dans le film. Elle en fait beaucoup mais comme tout le monde en fait très peu à côté d'elle, cela crée un appel d'air qui ne fait pas de mal.

traversay a écrit:

L'un des projets du duo Refn/Gosling est de tourner un film muet. Ce n'est pas une mauvaise idée, cela évitera un dialogue aussi affligeant que celui-ci : "- Billy a violé et tué une fille de 16 ans. - Il devait avoir ses raisons !"

(ou , d'ailleurs... un peu des deux !)

On devrait (mais ça existe peut-être ?) remettre un prix au dialogue le plus tarte, le plus nul. Mais il y a peut-être trop de candidats. Là, quand même, on a un candidat très sérieux au prix.

Sauf que cette tirade de la mère est volontairement excessive et monstrueuse comme son personnage. Il fait partie de ces films qui visent le cauchemar ou le conte horrifique en nous faisant croiser quelques créatures dangereuses et dévorantes. Le film est volontairement à la fois caricatural et à rebours de ce qu'on attend du film de genre par sa lenteur et sa ritualisation. Il y a des images qui restent comme ce gamin étrange dans son fauteuil par exemple. Il y a une influence de Lynch évidente (même plastiquement). Mais il me manque quelque chose. Je le trouve trop vite expédié. Il aurait du pendre plus de temps pour élaborer quelque chose de plus complexe.

Nicolas Winding Refn aurait dû se contenter d’être photographe. En dehors de magnifiques scènes éclairées par des lumières qui ne vont pas sans rappeler Blade Runner, peuplées d’illusions d’optiques et de jeux de juxtaposition admirables ; hormis un sens de la narration très personnel qui rend les gestes de chaque personnage semblables à ceux d’une mécanique, Only God Forgives vaut peu de choses. Nicolas Winding Refn aurait pu se contenter d’être photographe car il ne sait pas écrire de scénario intéressant. Il aurait pu se contenter d’être photographe car, de toute façon, la majorité de ses scènes sont fixes, sauf lorsqu’il s’agit de faire mumuse au sabre et de trancher les vilaines pattes qui traînent.

Only God Forgives aurait peut-être mieux fait de ne pas exister. Ce film est triste. Il déchaîne une violence gratuite que je n’arrive pas à m’expliquer. Première hypothèse, la moins affligeante : nous prendrait-on pour des bourgeois anesthésiés qu’il faut à tout prix réveiller à grands renforts d’électrochocs ? Nicolas Winding Refn pense peut-être que c’est la seule manière de retenir l’attention d’un public saturé d’audiovisuel et donc moins capable de se souvenir des images qui n’auraient aucune intention provocatrice. Encore une fois, je citerais mon brave Nietzsche qui est toujours utile dans ces cas-là :


« Par contre m’offusque indiciblement une tournure vulgaire dans les œuvres nordiques, par exemple dans la musique allemande. Il s’y mêle de la honte, l’artiste s’est avili à ses propres yeux et n’a pas même pu s’empêcher d’en rougir : nous avons honte avec lui, et sommes offensés de sentir que c’était à cause de nous que l’artiste croyait devoir s’avilir. »


La violence gratuite est le moyen le plus facile pour susciter des remous. D’autres moyens plus originaux, plus courageux, plus intelligents auraient pu être déployés. Mais pourquoi se casser la tête… il suffit de bluffer par ailleurs avec de belles images pour faire croire au génie.



Ce film est triste parce que sa violence gratuite, extrême, semble également vouloir nier la violence quotidienne et dissimulée d’une réalité qui ne se mêle ni de kung-fu, ni de métaphysique à deux balles. On a l’impression que Nicolas Winding Refn ne s’en rend pas compte, que rien n’a grâce à ces yeux que la mort brutale et la violence inutile. Mais je m’implique peut-être trop personnellement dans un film qui n’a sans doute pas d’autre intention que de paraître décomplexé à l’heure où les sentiments un peu plus nobles et humains paraissent ringards.


Mentionnons tout de même Kristin Scott Thomas, formidable en mère castratrice, dont la verve et les airs tranchants restent la dernière trace d’humanité de ce film –et encore…

eXPie a écrit:

traversay a écrit:

L'un des projets du duo Refn/Gosling est de tourner un film muet. Ce n'est pas une mauvaise idée, cela évitera un dialogue aussi affligeant que celui-ci : "- Billy a violé et tué une fille de 16 ans. - Il devait avoir ses raisons !"

(ou , d'ailleurs... un peu des deux !)

On devrait (mais ça existe peut-être ?) remettre un prix au dialogue le plus tarte, le plus nul. Mais il y a peut-être trop de candidats. Là, quand même, on a un candidat très sérieux au prix.

Pour les dialogues tartes, on en tient une ribambelle dans ce film...

Marko a écrit:

Il y a des images qui restent comme ce gamin étrange dans son fauteuil par exemple.

Ah, tiens, je l'avais oubliée.
(l'image qui me reste c'est l'arrivée de la mère à l'hôtel : enfin il se passe quelque chose d'intéressant sans qu'il n'y ait besoin de montrer un sabre à l'écran).

Je suis en train de lire un numéro de L'avant Scène cinéma sur Le Guerrier Silencieux et le cinéma de Refn (no 592 de mars 2012).. C'est passionnant. Un cinéaste à ne pas réduire superficiellement trop rapidement. En tout cas ce magazine est génial. On y trouve des analyses de fond et le scénario du film choisi.

Je crois beaucoup au fait que c'était une étape jusqu'au-boutiste par laquelle il avait besoin de passer, et que Winding Refn reviendra avec de bonnes choses.
J'ai un peu la trouille qu'il mette peut-être du temps, vu qu'il connaît pas mal de bonnes critiques. Il peut se dire que là est sa voie, pendant un temps... trop long... (et peut-être, à prendre le melon aussi).

Wait&See.

Marko a écrit:

Je suis en train de lire un numéro de L'avant Scène cinéma sur Le Guerrier Silencieux et le cinéma de Refn (no 592 de mars 2012).. C'est passionnant. Un cinéaste à ne pas réduire superficiellement trop rapidement. En tout cas ce magazine est génial. On y trouve des analyses de fond et le scénario du film choisi.

C'est peut-être l'auteur de l'article qui est très fort ? (je suis mauvaise langue : je ne connais pas les autres films de Refn).

colimasson a écrit:

Marko a écrit:

Je suis en train de lire un numéro de L'avant Scène cinéma sur Le Guerrier Silencieux et le cinéma de Refn (no 592 de mars 2012).. C'est passionnant. Un cinéaste à ne pas réduire superficiellement trop rapidement. En tout cas ce magazine est génial. On y trouve des analyses de fond et le scénario du film choisi.

C'est peut-être l'auteur de l'article qui est très fort ? (je suis mauvaise langue : je ne connais pas les autres films de Refn).

Il y a plusieurs articles sur les différents aspects du film (Le guerrier silencieux) et sur le cinéma de Refn jusqu'a Drive. Le plus intéressant étant celui de Sam Azulys qui est philosophe (scénariste et réalisateur aussi) et qui a déjà publié un excellent livre sur Kubrick: Une Odyssée philosophique. Je copierai quelques passages si j'en ai le courage. Il s'intéresse au thème du héros et à la fonction de la violence chez ce cinéaste. Il montre aussi ses emprunts (ou variations) à Kubrick C'est une analyse assez élaborée et qui me semble pertinente. J'en ai profité pour commander le numéro de l'Avant Scène consacré aux Harmonies Werckmeister de Bela Tarr.

Tu nous tiens au courant Marko, ça m’intéresse aussi ! De même concernant Les Harmonies Werckmeister de Bela Tarr que j'ai vu il n'y a pas longtemps (j'ai le DVD à la maison).

Aaaaaargl. on m'achève.

un extrait des 20 % restants :

Spoiler:

Oui (essayons d'imaginer) mais jaloux de quoi ?

(Gosling ce n'est pas non plus Kris Kristofferson).

Huhu.

animal a écrit:

(Gosling ce n'est pas non plus Kris Kristofferson).

Soupir.

Kris Kristofferson.

Re soupir.