Lucian Freud [Exposition]

Marko a écrit:

Jean Rustin est génial mais son univers est beaucoup plus "macabre". Je pense que Lucian Freud est plus "universel". Mais il y a pas mal de correspondances c'est vrai!

Ah mais je suis d'accord, Jean Rustin nous parle surtout de l'exclusion, de la folie, de l'enfermement, de la solitude aussi. Je pense effectivement que l'oeuvre de Lucian Freud est plus large et je ne demande qu'à l'approfondir

sentinelle a écrit:

Je pense effectivement que l'oeuvre de Lucian Freud est plus large et je ne demande qu'à l'approfondir

Je verrais bien une virée "parfumée" à Londres pour sa rétrospective en 2012...

Je suis partante

coline a écrit:

J'ai découvert les oeuvres de ce peintre à travers les articles ou reportages qui annonçaient l'exposition...Je dois dire que j'ai eu une réaction de rejet au premier abord...Et puis il y a vos posts, et je revienssur ce fil, je regarde encore et encoreles oeuvres...Et je me dis que je vais sans doute aller voir cette exposition en mai...
Je ne suis pas encore séduite...Je suis interpelée...

Je te conseille de prendre l'audioguide qui est très bien fait et donne pas mal de pistes d'analyse.
L'expo démarre par ce tableau plus ancien qui reprend toutes les "figures" (les corps humains en moins et le Zèbre à la place des chiens) qu'on retrouve ensuite dans la plupart de ses toiles:

The painter's room (1944)

Parmi ses peintures "naturalistes" j'ai aimé ses forêts et cette cour d'immeuble déserté dont Freud nous dit que la seule présence témoignant d'une vie est ce tas de détritus...

Celle-ci également est très forte:

Lying by the rags

Wa, c'est choc! Merci pour ce très beau fil Marko et tes explications...
Je serais aussi très tentée de voir ce que cela donne en vrai.

Alors d'accord pour une rencontre Parf à Londres moi aussi

Marko a écrit:

sentinelle a écrit:

Je pense effectivement que l'oeuvre de Lucian Freud est plus large et je ne demande qu'à l'approfondir

Je verrais bien une virée "parfumée" à Londres pour sa rétrospective en 2012...

aériale a écrit:

Wa, c'est choc! Merci pour ce très beau fil Marko et tes explications...
Je serais aussi très tentée de voir ce que cela donne en vrai.

Alors d'accord pour une rencontre Parf à Londres moi aussi

Merci pr le fil Marko - qui m'a permis en plus de connaître Rustin et Bacon!
Quant à L.Freud j'irai bien le voir de plus près.
Je serai majeur d'ici deux ans, ça peut se faire!

Marko a écrit:

Et j'ai tout particulièrement aimé cetraines compositions comme ces "Deux lutteurs japonais et lavabo"

D'après un guide qui faisait son baratin pendant ma visite, ce qui semble faire la grandeur de cette toile vient du calcaire... En effet, il n'a pas fait un jet banal, non, il a reproduit la vie (la "dévoration", thème récurrent dans son oeuvre, de sorte que devant chaque toile il parvenait à le replacer).
Bref, le calcaire, c'est ce qui cause le petit jet de côté, du robinet de droite, là, voyez ?
Le petit détail qui insuffle de la vie dans une toile, tout ça.
Il paraît aussi que, pour Freud, l'atelier est un lieu important, ce c'est que disait une des notices explicatives.
Comme si, au contraire, pour les autres artistes, l'atelier n'était pas un lieu important...

Concernant les détritus dont tu parlais...

Marko a écrit:

Parmi ses peintures "naturalistes" j'ai aimé ses forêts et cette cour d'immeuble déserté dont Freud nous dit que la seule présence témoignant d'une vie est ce tas de détritus...

... La cour était toute propre, Freud voulait des ordures, il a donc demandé à ses potes de ramener des déchets.

Je suppose que quelqu'un a nettoyé après

Ses forêts, ses végétaux, c'est assez fascinant de précision ultra-réaliste, je trouve que ça ne rend pas vraiment en reproduction (comme la plupart de ses toiles ; du fait de leurs dimensions, la réduction entraîne la perte de quelque chose).
Il naît - pour moi - une fascination de ces toiles. En même temps, il me semble que ces toiles s'inscrivent dans la continuité d'un certain courant de peinture anglaise, du style John Everett Millais, Ford Maddox Brown, c'est très curieux...

Oui, elle est bien et impressionnante l'expo de Pompidou. Et le vrai permet de mieux voir certains aspects de la peinture... et de découvrir quelques variations comme les tableaux de "jardin(s)", très enchevêtrés, détaillés et mélangent les verts profonds pour glisser vers les marrons des bases mortes. Le regard "plonge" forcément dans ces toiles et c'est difficile de départager l'imitation du naturel (enfoncer son regard dans un buisson ou dans d'autres profondeurs végétales) d'une sensation provoquée par la toile elle même, l'ajout ou regard du peintre en quelque sorte. Et très fin, exact serait-on tenté de préciser, un ensemble plus lisse que les portraits ?

Fameux portraits nus ou habillés, décalés, abandonnés ou absents... ou natures ? beaucoup posés dans des décors torturés, en fait aux perspectives soigneusement louches... ce qui renforce le côté louche de certaines poses a l'air souvent partiellement contraintes (des articulations étranges parfois a l'air cassées)... pourtant et en arrivant à la question du niveau de détail anatomique ça ne plaisante pas, en tirant sur le peu complaisant ! mais étrangement il n'est pas évident que les tableaux provoquent le rejet. point de vue personnel : toute la bizarrerie dans la mise en scène, le choix de montrer les "défauts" physiques, employons le mot pour son usage courant, révèlent les personnages dans un abandon d'eux-même qui peut être vu comme leur révélation (propre ?) dans toute leur humanité (partagée ?). ça se noie très bien dans l'harmonie des couleurs de ces grandes surfaces. et dans leurs flous les regards sont bien rendus.

Les autoportraits sont plus secs, certains du moins.

Les paysages urbains subtilement contraints eux-aussi, c'est probable, sont très beaux également.

Finalement une harmonie forte se dégage et c'est plus que facile à regarder, au moins chacun doit pouvoir assez facilement trouver son chemin dans cet ensemble...

animal a écrit:

Fameux portraits nus ou habillés, décalés, abandonnés ou absents... ou natures ? beaucoup posés dans des décors torturés, en fait aux perspectives soigneusement louches... ce qui renforce le côté louche de certaines poses a l'air souvent partiellement contraintes (des articulations étranges parfois a l'air cassées)... pourtant et en arrivant à la question du niveau de détail anatomique ça ne plaisante pas, en tirant sur le peu complaisant ! mais étrangement il n'est pas évident que les tableaux provoquent le rejet. point de vue personnel : toute la bizarrerie dans la mise en scène, le choix de montrer les "défauts" physiques, employons le mot pour son usage courant, révèlent les personnages dans un abandon d'eux-même qui peut être vu comme leur révélation (propre ?) dans toute leur humanité (partagée ?). ça se noie très bien dans l'harmonie des couleurs de ces grandes surfaces. et dans leurs flous les regards sont bien rendus.

Je partage entièrement ton ressenti. Ces nus sont à la fois "naturels" et théâtralisés pour mieux les "révéler". Ils ne sont pas repoussants, ils sont humains et en dehors du mensonge des critères esthétiques dominants d'une beauté anti-naturelle. Beaucoup cherchent le "beau" même s'il est trafiqué alors que Freud montre le "vrai" . Toutes ces poses artificielles finissent par donner une dimension hiératique et presque "divine" à ces portraits. Faire d'un corps a priori disgracieux, selon le goût dominant, une oeuvre d'art et une figure humaine universelle a un impact très fort. Il abolit les frontières du beau et du laid, de la vie et de la mort, du naturel et de l'artificiel en les faisant coexister.

Et ça me fait penser à cette installation vidéo vue au Tri Postal à Lille qui montrait des femmes nues dans un Hammam. On voyait des corps de toutes sortes, des plus décharnés au plus obèses, des plus jeunes aux plus âgés et c'était intéressant d'écouter les réactions. Certaines adolescentes filiformes étaient horrifiées devant la vérité de ces corps et pourtant tout cela était vrai et beau par son absence de mensonge.

eXPie a écrit:

Marko a écrit:

Et j'ai tout particulièrement aimé cetraines compositions comme ces "Deux lutteurs japonais et lavabo"

D'après un guide qui faisait son baratin pendant ma visite, ce qui semble faire la grandeur de cette toile vient du calcaire... En effet, il n'a pas fait un jet banal, non, il a reproduit la vie (la "dévoration", thème récurrent dans son oeuvre, de sorte que devant chaque toile il parvenait à le replacer).

Tout subit l'altération du temps dans ses tableaux et pourquoi pas aussi un lavabo effectivement. Encore un sujet pas très glamour dont il fait un tableau impressionnant (en réel c'est plus parlant). Je n'ai pas encore bien compris en revanche le lien avec les lutteurs japonais (sur la photo) ...

Idem pour la cour d'immeuble. Le fait qu'il ait fait venir tous ces détritus va bien dans le sens de ces "mises en scène" qu'il organise autour de son sujet. Il veut amener de la vie dans le tableau et il choisit ces ordures. C'est assez logique dans son cheminement.

Plus énigmatique, ces jambes qui dépassent de sous le lit dans ce tableau... Sunny morning, eight legs (en comptant les pattes du chien!)

Marko a écrit:

Plus énigmatique, ces jambes qui dépassent de sous le lit dans ce tableau... Sunny morning, eight legs (en comptant les pattes du chien!)

Il y a souvent de l'humour dans ses titres, ce qui semble a priori contradictoire avec le caractère pas drôle de ses toiles.

L'effet de perspective (on a l'impression qu'il peint sur un truc genre escabeau, un peu comme Schiele, si je me souviens bien) est étonnant, souvent le sol est peint selon une perspective, et les meubles sous une autre perspective, le tout donnant une impression de vertige (du fait de la taille des toiles).
Le réel a souvent l'air plus réel que la réalité (je ne comprends pas ce que j'écris), ça m'a assez fasciné, sans trop savoir pourquoi.

Une citation de Lucian Freud qui résume assez bien son travail:

Je veux que la peinture fonctionne comme la chair. (...) Je voudrais que mes portraits soient ceux des gens mais ne soient pas comme eux. Pas l'apparence du modèle mais le modèle. (...) Pour moi, le tableau est la personne. Je veux qu'il fonctionne comme la chair.

C'est plutôt réussi...

Très beau fil, Marko.
Je connais l'oeuvre de L.Freud de façon très sporadique, cela donne envie d'approfondir.