Lucian Freud [Exposition]

pas trop d'accord avec toi; d'accord il y a des couleurs joyeuses mais aussi des cadavres, des christs crucifiés à l'aspect de cire.

je partage en partie au moins le point de vue sur le ou les fonds de commerce culturel(s), il y en a d'autres, mais dans ce cas précis (même si je n'y connais pas grand chose) je trouve qu'il arrive avec de la consistance. ce ne sont pas des pâtés improvisés quoi. et les jardins m'ont laissé eux aussi une forte impression. Et la peinture implique parfois plus de retenue que la littérature ou le cinéma dans le domaine. L'aspect est misérable ou banal (serait-ce vraiment le mot ?) en fin de compte mais par la peinture, la représentation il oriente une vision cohérente (au moins au premier abord) qui fait preuve d'un certain esthétisme, voire d'une certaine beauté.

par contre je te rejoins complètement quand je suis braqué sur des intentions que je prête à un auteur je suis abominablement difficile à changer d'idée.

dans les citations du message de colimasson il y a aussi une différence marquée entre celles du peintre et celle qui n'est pas du peintre.

non mais je suis d'accord qu'on a le droit de ne pas aimer! (et encore heureux)
Quand je suis rentrée dans l'expo, il a fallu que je dépasse quelques secondes de rejet mais c'est une expo qui m'a poursuivi pendant quelques jours justement à cause du questionnement que ses peintures soulèvent.

Quel genre de questionnement ?

Qu'est-ce qui peut susciter un tel plaisir à représenter le difforme, le repoussant, le grotesque ?

Gudule a écrit:

Quel genre de questionnement ?

ce dont on parle, la question de l'esthétique en art, ce qui est beau, ce qui ne l'est pas, ce qui provoque le rejet, la question d'essayer de tenter ou pas d'aller au-delà de ça.

colimasson a écrit:

Qu'est-ce qui peut susciter un tel plaisir à représenter le difforme, le repoussant, le grotesque ?

et qu'est-ce qui peut laisser froid alors que l'esthétique est parfaite, les proportions harmonieuses? Finalement l'idéalisation des corps m'a t-on dit, est assez récente: la Renaissance (s'appuyant sur l'esthétique romaine -grecque en fait) Le baroque et la peinture du Nord auraient même presque pratiqué une espèce d'esthétique du laid.

Theo a écrit:

colimasson a écrit:

Qu'est-ce qui peut susciter un tel plaisir à représenter le difforme, le repoussant, le grotesque ?

et qu'est-ce qui peut laisser froid alors que l'esthétique est parfaite, les proportions harmonieuses? Finalement l'idéalisation des corps m'a t-on dit, est assez récente: la Renaissance (s'appuyant sur l'esthétique romaine -grecque en fait) Le baroque et la peinture du Nord auraient même presque pratiqué une espèce d'esthétique du laid.

Pour l'esthétique du laid, je ne suis pas sûr. Les canons de beauté changent parfois un peu selon les époques, enfin surtout à l'époque de Rubens, disons.
Concernant la beauté ou le plaisir qu'on peut prendre à voir des toiles "objectivement" pas belles, c'est un vaste sujet ; E.H. Gombrich en parle notamment dans son introduction à sa célèbre Histoire de l'Art : "Nous comprenons assez vite que la beauté d'un tableau ne coïncide pas avec l'agrément de son sujet".
Juste avant, il écrivait : "Le grand peintre allemand Albrecht Dürer a sans doute dessiné le portait de sa mère

avec autant d'amour et de dévotion que Rubens retraçant le visage de son fils. Cette étude pénétrante de la vieillesse sur le déclin peut nous heurter, mais si nous luttons contre cette répugnance instinctive, nous en seront grandement récompensés. Car, dans sa terrible sincérité, le dessin de Dürer est un chef-d'oeuvre."

Pour revenir sur la représentation du corps, elle a bien sûr toute une histoire dans la peinture. L'invention du Corps (collection Flammarion - Tout l'art) retrace la représentation de l'homme du MoyenAge à la fin du XIX0 siècle ; il traite par exemple de l'invention de l'ombre dans l'art (c'est le premier chapitre). Et, pour recoller au sujet, il y a un chapitre sur La fascination de la laideur. Il y a par exemple un Quentin Metsys, La Vieille Femme grotesque ou l'Affreuse Duchesse, 1525-1530.

"Si important soit-elle entre le XV° et le XVIII° siècle, la recherche de la beauté ne constitue pas l'unique préoccupation des théoriciens et des artistes : au moment où le concept d'individu s'affirme dans la pensée humaniste, alors qu'à la faveur des grandes découvertes se révèlent une faune et une flore, des femmes et des hommes inconnus, une tension se produit entre un idéal d'harmonie univoque et le constat de la diversité de la nature. [...]
Mais le goût pour une réalité qui intègre la diversité autant que le type et les disgrâces n'est pas seulement lié à un petit groupes d'hommes éclairés. Il est manifesté aussi par un public plus large qui éprouve, à partir de la fin du Moyen Age, ce sentiment inconnu jusqu'alors d'attachement pour la réalité des choses, qui conditionne l'invention du corps comme objet artistique."

Le livre montrait auparavant comme la représentation du corps avait évolué entre les premiers siècles du Moyen Age (silhouettes sans os ni muscles, athlètes cachés sous les plus de vêtements), Cimabue, les écorchés... Michel-Ange.

Mais bon, pour revenir au sujet du fil, je suis un peu d'accord quand même : là où d'autres peintre peignaient parfois le "laid" (à défaut d'une autre appellation), Freud s'en est fait une spécialité (encore plus que Goya, qu'il ne faut pas oublier).
Et c'est bien vrai aussi qu'une esthétique parfaite peut amener à une toile parfaitement académique et sans intérêt... tout dépend du peintre, finalement ! Le "beau" ou le "laid", sous les doigts d'un grand peintre, donneront des toiles fascinantes !

J'ai empruntél’hors-série de Beaux-Arts Magazine consacré à Lucian Freud au centre Pompidou.



J'en retire quelques photos, extraits de textes et peintures...