Michel Houellebecq

Les particules élémentaires

Nous suivons la vie triste et morne, voire désespérée de deux demi-frères, Michel et Bruno. Et en même temps quelques décennies de la civilisation occidentale, la notre, jusqu’à sa mort, provoquée par Michel, ou plutôt par elle-même.

C’est bref comme résumé, mais je ne vois pas ce que je pourrais dire d’autre sans rentrer pour le coup dans des détails finalement d’importance secondaire. Car l’intérêt de ce livre ne se situe pas réellement dans un récit romanesque. Je pense que l’ambition de Michel Houellebecq est d’avantage de faire un tableau, un constat d’une société, que de parler des individus.

Ce qui m’a frappé de prime abord dans ce livre, est l’écriture de l’auteur. Et ce fut une bonne surprise. Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi précis, classique dans la structure de la phrase et dans le vocabulaire utilisé. Et les constats qu’il fait sur la société, sur le monde dans lequel nous vivons sont en partie très justes, et peu d’auteurs les présentent sous cette façon. J’ai même trouvé cela plutôt enthousiasmant pendant un bon premier tiers du livre.

Ensuite l’inconsistance des personnages, qui sont plutôt censés illustrer les mouvements et le dysfonctionnement de la société qu’avoir de l’intérêt en eux-mêmes m’a un peu lassée. Ni Bruno ni Michel ne sont ni sympathique, ni attachant, ni intéressants. Suivre les péripéties de l’existence de Bruno a commencé à franchement m’ennuyer au bout d’un moment. Et il y a quand même dans le livre pas mal de facilités. Cela dit, la fin est habilement construite, et plutôt surprenante.

Donc un bilan mitigé en ce qui me concerne. L’auteur a incontestablement du talent et des choses à dire, même si à mon avis ce livre n’est pas un chef-d’œuvre, des choses pas vraiment convaincantes associées à des parties très réussies. La sociologie ou l’analyse de la société intéressent plus Houellebecq que les gens, ce qui est incontestablement une marque de notre monde, dans lequel on a parfois tendance à oublier qu’un individu peut échapper à des déterminismes sociaux, et que même une majorité de gens y échappent d’une façon ou d’une autre. Et du coup les individus n’en sont pas vraiment, plutôt des traductions de tendances lourdes de l’évolution de la société. Personnellement cela ne me satisfait pas réellement, mais je comprends en même temps que cela puisse séduire fortement, d’autant plus que je le répète l’auteur a du talent.

J'aime bien ton commentaire Arabella

En gros, ce que tu regrettes, c'est que les personnages soient plus des "types" que des individus différenciés qui auraient pu surprendre le lecteur de part certaines réactions ou comportements de leur part qui auraient été inattendus ?

En gros oui. Ce ne sont pas vraiment des personnes avec leurs complexités. Ils servent juste à illustrer des tendances de la société, mais ils n'ont pas de vraie personnalité. Enfin pour moi.

Content que tu aies en grande partie apprécié le roman Arabella malgré tes réserves!

La Carte et le territoire


Des avis très pertinents ont déjà été donnés sur ce livre mais comme je viens juste de le terminer je ne peux m'empêcher d'apporter ma petite contribution.


Je ne suis pas une grand admiratrice de Houellebecq, je n’avais même pas prévu de lire son dernier roman. C’est une personne de mon entourage qui me l’a conseillé. C’est avec beaucoup d’hésitations, presque à contre cœur que je me suis lancée dans sa lecture. Finalement, j’ai été étonnée, oh, il ne s’agit pas d’une admiration totale et inconditionnelle mais on peut dire qu’il y a quelque chose dans ce texte, quelque chose qui interroge le lecteur sur la marche du monde, sur la création.
C’est une œuvre déconcertante de par sa composition : il s’agit d’une sorte de roman de formation car l’on assiste à l’éclosion d’un grand artiste (en tout cas qui se vend très cher) et l’ on peut citer Balzac et ses personnages qui se hissent au sommet de la société, Maupassant avec Bel-Ami (tout de même, le héros réussit grâce à une femme chez Houellebecq) même si Jed Martin est moins cynique que les personnages du XIXème siècle. Il s’agit également , à un moment , d’un roman policier (j’avoue que je n’ai pas encore tout à fait compris le sens que lui donne l’auteur). Et c’est surtout une sorte d’autobiographie (à peine déguisée) : il y a du Houellebecq dans le personnage de Jed (c’est un artiste, un créateur) et il y a Houellebecq qui apparaît comme personnage de fiction soit tellement ressemblant en écrivant dépressif soit reproduisant l’image que l’on attend de lui et qu’il a forgée au fil des années. Enfin, c’est aussi une satire réjouissante des milieux de l’art.
Les plus beaux passages du roman sont ceux qui nous montrent Jed et son père, leurs discussions, leur contact parfois difficile et émouvant ; ce père architecte qui a élevé son fils seul et qui n’aura cessé « de vouloir bâtir des maisons pour les hirondelles ». C’est là que Houellebecq révèle la poésie des choses.

Un commentaire auquel j'adhère.
Je ne l'ai pas encore terminé, mais je commence à trouver un certain charme à ce regard assez pur sur notre société.

La carte et le territoire

Entendre trop parler d'un auteur sans l'avoir lu pour se faire sa propre idée finit par énerver. J'avais gardé jusque-là une certaine distance avec Houellebecq, rebuté surtout par le battage médiatique autour de lui. Une amie allemande m'a avoué qu'elle le trouvait intéressant, critique perspicace de la société contemporaine. Qu'une personne qui s'intéresse peu à la littérature française ait lu „les particules élémentaires“ m'a convaincu d'aller juger par moi-même. La carte et le territoire est le premier roman que je lis de Houellebecq mais il m'a convaincu.

L'ensemble est d'abord très divertissant. J'ai souri beaucoup à certaines évocations du milieu parisien, à celles des plaisirs du consommateur (les finitions de l'Audi Allroad...), au mélange réalité-fiction qui ne cesse de nous aiguillonner, à la manière dont Houellebecq se met en scène lui-même et se laisse sauvagement assasiner, à la description des mécanismes du marché de l'art... Pourtant il y a aussi une profondeur derrière beaucoup d' ironie et elle est, peut-être, justement dans la distance que le héros garde avec toute chose, sa relation amoureuse comme son travail, avec la vie elle-même... Une désillusion fondamentale qui le laisse en marge du monde, dans une vie sociale minimale. On sent que l'auteur se livre là malgré lui... la relation au père est par ailleurs dans ce livre particulièrement émouvante.
La description rapide à la fin du livre de certaines transformations urbaines dans le futur est aussi assez amusante... ce retour à la campagne, à d'autres valeurs plus près de la nature aura-t-il bien lieu dans 20 ans ?

Ce roman me donne envie de lire „la possibilité d'une île“ (j' adore ce titre)!
C'est toujours le problème quand on se met à aimer un écrivain...

J’ai lu un article très intéressant écrit par Anthony Daniels et paru dans le Books du mois de Février 2011 (numéro 39) à propos de La Carte et le Territoire de notre très cher Houellebecq.
Je vous fais partager quelques passages pour vous mettre en appétit…

Citation :

[…] Houellebecq attire notre attention sur le caractère absurde ou factice du consumérisme moderne (dans La Carte et le Territoire, un policier achète un « wrap saveurs de Provence » dans un relais autoroutier, dont une partie a été fermée parce qu’un homme obèse vient d’y succomber d’une crise cardiaque, sans doute provoquée par la nourriture des relais autoroutiers), je pense à mes patients quand je les interrogeais sur ce qui les intéressait. Certains semblaient effrayés ou effarés par ma question, comme s’ils avaient l’impression qu’on les attaquait ; d’autres réfléchissaient pendant quelques instants, se creusant les méninges à la recherche d’une réponse comme s’il s’agissait d’un grenier abandonné, avant de dire : « Faire les magasins. »

Citation :

Houellebecq plante un stylet dans le cœur de la modernité. Sa critique du monde moderne est existentielle, non politique –la critique d’une vie sans transcendance. Si Ségolène Royal avait remporté la dernière élection présidentielle à la place de Nicolas Sarkozy, Houellebecq aurait-il eu besoin de changer un mot à La Carte et le Territoire ? La question est absurde ; elle contient sa propre réponse. Et ce qui est vrai de la France est vrai de n’importe quel autre pays occidental. La crise économique que nous traversons actuellement n’est pas économique ; elle est civilisationnelle. Nous sommes à Rome, en l’an 409 après Jésus-Christ.

Citation :

La froideur, l’insuffisance et l’impossibilité des relations humaines sont une constante chez Houellebecq ; l’homme y est à tout jamais comme un chien maltraité étant jeune, qui rêve d’affection humaine, et ne peut cependant jamais avoir entièrement confiance en personne, aspirant simultanément à se rapprocher des gens et à s’en écarter pour éviter de nouveaux mauvais traitements.

Citation :

Il y a chez Houellebecq une renonciation quasi bouddhiste à la chaleur humaine en raison de la souffrance qu’elle provoque quand on découvre, comme c’est toujours le cas, qu’elle n’était pas justifiée.

Citation :

Quand Houellebecq écrit que l’éducation universitaire moderne consiste largement à « enseigner des absurdités contradictoires à des crétins arrivistes », il ne proclame pas son indifférence, pas plus qu’il n’énonce une vérité littérale, démontrable scientifiquement ; il décrit une horrible réalité sous-jacente, dans un langage qui nous fait rire à gorge déployée. Mais ses écrits sont avant tout un symptôme de la maladie qu’il diagnostique lui-même si souvent, à savoir une peur morbide de l’amour.

Un article qui relance l’intérêt pour Houellebecq (et qui convaincra peut-être ses détracteurs ?)

La carte et le territoire

J'ai beaucoup hésité avant de donner un avis sur ce livre. Surtout que je ne l'ai pas fini. Je ne sais plus exactement où j'ai laché. Peut être à l'évocation de l'outing de Pernault. Peut-être quand il affirme que tous les français se reconnaissent en Julien Lepers. Plus sûrement lorsqu'il nous assène que comme tous les russes, Olga aimait les chansons de Joe Dassin. Le coup de grâce.
Pourtant, comme je l'ai lu plus haut, les relations entre Jed, personnage principal du roman, et son père laissait présager une possibilité.

Allons-y, en toute mauvaise foi.

Prenez un grand nom de la littérature française ; prenez des noms de l'actualité people, quelques informations croustillantes, des règlements de compte envers une maison d'édition concurrente. Alignez les phrases creuses ; Ajoutez des descriptifs de vin, d'armagnac qu'on pourrait lire dans un guide des vins.
Ah, n'oubliez pas de mettre en italique tous les mots importants, ceux qui soulignent bien le talent de l'auteur (le lecteur pourrait passer à côté).
Qu'est-ce qu'on obtient ?

Un prix littéraire ? Un grand roman ? Un succès des ventes ? Tout ça à la fois ? Ou plutôt seulement deux possibilités sur trois ?

Je dirai plutôt un imposture. Un histoire de cet auteur qui semble orienter son oeuvre vers le burlesque.

Reste le grand nom ? Comment est-il devenu cet auteur de renommée mondiale ? Avec le roman "Les particules élémentaires" que je n'ai pas lu. Mais après ? J'ai lu quleques textes de lui, Rester vivant, Lanzarote et La possibilité d'un île (que je n'avais pas fini non plus. J'avais bien aimé Lanzarote.
Mais dans les deux textes longs, les deux romans que j'ai lu de lui, aucune cohérence n'apaprait. Beaucoup d'inégalité dans la qualité au sein d'une même oeuvre. Des fulgurances, oui, mais noyées dans du n'importe quoi.
Je n'ai pas l'habitude d'être mordant lorsque je n'aime pas un auteur. Je me dis souvent que c'est moi. Je sais aussi le travail que représente l'écriture d'un roman et je respecte cela - la plupart du temps. Mais voir un talent -parce que le talent transparait - se perdre avec autant de désinvolture, j'ai du mal.

A vrai dire, ce roman ne m’a pas laissé un souvenir impérissable
J’en ai quand même retenue une critique d’un certain art contemporain branché, et deux personnages, des vrais paumés de la vie comme on n’en voit pas souvent dans les romans, assez bien mis en situation.
Difficile de lire ce genre de livre sans tout le cotexte médiatique, l'idée pérconsue qu'on a de l'auteur. D'avoir une objectivité sur sa lecture.

Steven a écrit:

J'ai beaucoup hésité avant de donner un avis sur ce livre. Surtout que je ne l'ai pas fini. Je ne sais plus exactement où j'ai laché. Peut être à l'évocation de l'outing de Pernault. Peut-être quand il affirme que tous les français se reconnaissent en Julien Lepers. Plus sûrement lorsqu'il nous assène que comme tous les russes, Olga aimait les chansons de Joe Dassin. Le coup de grâce.

Ha ha, c'est marrant.
Lu comme ça, je dirais que c'est de l'humour, mais d'après ce que tu en dis, ça n'en était pas...
Il va falloir que je me motive un peu pour en lire un, quand même...

eXPie a écrit:

Steven a écrit:

J'ai beaucoup hésité avant de donner un avis sur ce livre. Surtout que je ne l'ai pas fini. Je ne sais plus exactement où j'ai laché. Peut être à l'évocation de l'outing de Pernault. Peut-être quand il affirme que tous les français se reconnaissent en Julien Lepers. Plus sûrement lorsqu'il nous assène que comme tous les russes, Olga aimait les chansons de Joe Dassin. Le coup de grâce.

Ha ha, c'est marrant.
Lu comme ça, je dirais que c'est de l'humour, mais d'après ce que tu en dis, ça n'en était pas...
Il va falloir que je me motive un peu pour en lire un, quand même...

Arrête ouais, ça fait envie de lire ça !

colimasson a écrit:

eXPie a écrit:

Steven a écrit:

J'ai beaucoup hésité avant de donner un avis sur ce livre. Surtout que je ne l'ai pas fini. Je ne sais plus exactement où j'ai laché. Peut être à l'évocation de l'outing de Pernault. Peut-être quand il affirme que tous les français se reconnaissent en Julien Lepers. Plus sûrement lorsqu'il nous assène que comme tous les russes, Olga aimait les chansons de Joe Dassin. Le coup de grâce.

Ha ha, c'est marrant.
Lu comme ça, je dirais que c'est de l'humour, mais d'après ce que tu en dis, ça n'en était pas...
Il va falloir que je me motive un peu pour en lire un, quand même...

Arrête ouais, ça fait envie de lire ça !

Je me souviens quand même que, étant dans un hôtel à Riga, le bar belge d'en face diffusait tous les tubes de Joe Dassin, fenêtres ouvertes. Conclusion : tous les Belges de Lettonie sont fans de Joe Dassin.

Je vais être précis et le citer exactement :
Il parle de Lepers :

Citation :

..... Les gens se reconnaissaient en lui, les élèves de première année de Polytechnique comme les institutrices à la retraite du PAs de Calais, les bikers du Limousin comme les restaurateurs du Var, il n'était ni impressionnant ni lointain, il se dégageait de lui une image moyenne, et presque fantastique de la France des années 2010.

Subversif et osé, non ? Sans compter de l'usage avant-gardiste de la virgule.

Les Russes, déjà :

Citation :

On croit souvent que les Russes ont accompli la grande révolutionqui leur a permis de se débarrasser du communisme dans l'unique but de consommer de McDonald's et des films de Tom Cruise ; c'est assez vrai, mais chez une minorité d'entre eux existait, aussi, le désir de déguster du Pouilly-Fuissé ou de visiter la Sainte-Chapelle.

Et oui, c'est assez vrai comme dirait mon ami Julien.

Pour l'outing :

Citation :

Il reprit alors habilement sur l'outing de Jean-Pierre PErnaut, sujet évident, énorme, lui-même en tant que téléspectateur avait été boulversé, son "oui, c'est vrai, j'aime David" en direct devant les caméras de France 2 resterait à ses yeux un des moments incontournables de la télévision des années 2010...

Pour Joe Dassin et les Russes :

Citation :

Au loin, le soleil couchant illuminait les marronniers d'une extraordinaire nuance orangée, chaude - presque un jaune indien, se dit Jed, et involontairement les paroles du Jardin du Luxembourg lui revinrent en mémoire :

Encore un jour
Sans amour
Encore un jour
De ma vie

Le Luxembourg
A vieilli
Est-ce que c'est lui ?
Est-ce que c'est moi ?
Je ne sais pas

Comme beaucoup de Russes, Olga adorait Joe Dassin, surtout les chansons de son dernier disque, leur mélancolie résigné. Jed frissonnait, sentait monter un crise irrépressible et lorsque lui revinrent en mémoire les paroles de Salut les amoureux, il se mit à pleurer.

Ma mauvaise foi m'a fait affirmer comme tous les Russes, alors qu'il écrit comme beaucoup de Russes...

Page 117 quand même. C'est là que j'ai abandonné.

Ah, merci Steven, ça m'a fait beaucoup rire !

Je ne suis effectivement pas sûr que ce soit très subversif.
C'est juste de l'humour à deux balles (après dévaluation), et je suis assez preneur... ça ma changera d'un Paasilinna !