Lecture en commun - Goethe : Faust

cool.

(c'est plus le bouquin qui pique du nez sur le panda).

Et j'ai passé la préface et le prologue sur le théâtre avec le directeur, le poète et le bouffon sans encombre, donc là j'attaque pour de vrai !

Pareil, j'ai lu les deux prologues. J'attaque la pièce proprement dite.

Pareil...
J'ai bien aimé le Prologue sur le théâtre, où le Directeur explique au Poète ce que veut le public.
"N'oubliez pas l'amour, c'"st par là seulement
Qu'on soutient la recette et l'applaudissement". (page 53, version Livre de poche).

Et il faut du spectacle :
"Ainsi, ne m'épargnez machines ni décors,
A tous mes magasins ravissez leurs trésors,
Semez à pleines mains la lune, les étoiles,
Les arbres, l'Océan, et les rochers de toiles ;
Peuplez-moi tout cela de bêtes et d'oiseaux"

Bref, il faut de l'émotion et du spectacle (ce qui n'a pas changé depuis plusieurs siècles au moins).

Le Prologue n'est pas inintéressant non plus ; Méphistophélès dit au Seigneur qu'il va tenter de ravir l'âme de Faust. Il y a une sorte de jeu au-dessus de Faust qui se dessine. Dans la version de Marlowe, on commençait directement avec Faust. La différence, c'est que chez Marlowe, on a plus l'impression que Faust va de lui-même vers la pente qui conduit à l'Enfer, alors qu'ici on a l'impression qu'il va être tenté, mais "extérieurement", si je puis dire...
Mais ce n'est encore que le début.
En tout cas, le style est très différent de celui de Marlowe. Ca prend son temps, c'est beaucoup plus "bavard" (ce n'est pas forcément une défaut, hein), plus descriptif.

Prologue dans le ciel

Petite conversation entre Méphistophélès et le Seigneur, celui-ci reprochant à celui-là de se plaindre sans cesse, le Seigneur , pour divertir Méphistophélès lui propose un marché: induire le terrestre docteur Faust en tentation

Méphistophélès est ravi et s'adresse au Seigneur :





Je vous remercie, j'aime avoir affaire aux vivants. J'aime les joues pleines et fraîches.Je suis comme le chat, qui ne se soucie guère des souris mortes

en évoquant sa future occupation avec Faust, il ne doute pas de sa victoire et de sa satisfaction :

Je veux qu'il mange la poussière avec délices, comme le serpent mon cousin

Chapitre suivant

La nuit
Où Le docteur Faust se lamente, s'irrite après son valet Vagner , avide de connaissances.
Faust est instruit, érudit même , mais aspire à autre chose, à égaler Dieu, malheureusement voici comme il se voit:



Je n'égale pas Dieu! je le sens trop profondément, je ne ressemble qu'au ver, habitant de la poussière, au ver,que le pied du voyageur écrase et ensevelit pendant qu'il y cherche une nourriture

triste sort, on sent immédiatement cette dualité dans l'âme de Faust, sa foi vacille même en ce jour de Pâques ou la clameur du peuple , les réjouissances, et les chants ne le touchent plus.
La vénération qu'ont pour lui les paysans l'effleure à peine , tout n'est pour lui que tromperie, il veut s'élever, voler, être transporté vers le domaine de ses aïeux.
Se promenant avec Vagner et ruminant ses pensées, brusquement un chien noir apparaît, Faust voit même une trace de feu derrière ses pas , ce que nie Vagner le rationnel qui ne voit là qu'un simple barbet.



Réjouissant début de lecture, prochain chapitre: Cabinet d'étude.

Je pense en effet que la perspective du spectateur ou lecteur de l'époque était forcement différente de la notre, parce que cette histoire, tout le monde la connaissait, plein d'auteurs avant Goethe l'avait traité, et donc difficile de faire abstraction de ça. Certaines choses peuvent du coup paraître rapides, parce qu'elles sont évidentes. Je pense que ce qu'il y a d'intéressant, ce sont aussi les spécificités de Goethe par rapport aux autres auteurs qui ont traité l'histoire. Pour beaucoup de commentateurs que j'ai lu, c'est Le deuxième Faust qui est le plus fort, parce que le plus original.

Personnellement, j'ai eu beaucoup de mal avec Le deuxième Faust.

Sans doute par manque de savoir nécessaire.

Mais je ne veux pas interférer dans votre lecture.

Arabella a écrit:

Personnellement, j'ai eu beaucoup de mal avec Le deuxième Faust.

Sans doute par manque de savoir nécessaire.

Mais je ne veux pas interférer dans votre lecture.

Oui, de ce que j'ai vu, c'est archibourré de références... C'est un peu frustrant...
Pour moi, le Second Faust, c'est la deuxième partie de la Symphonie n°8 de Mahler :

... très bien quand on a envie d'écouter un petit truc léger
J'aime bien, je serais curieux de l'écouter en concert, on doit en avoir plein les oreilles.

La symphonie des Milles. Je viens de réaliser que moi non plus je ne l'ai jamais entendu en concert.

On la donne le 8 juin, au Châtelet.

Arabella a écrit:

La symphonie des Milles. Je viens de réaliser que moi non plus je ne l'ai jamais entendu en concert.

On la donne le 8 juin, au Châtelet.

Merci pour l'info !
Le 8 juin, ça fait dans un bout de temps, je ne sais pas du tout où je serai à ce moment-là...

Votre discussion est très intéressante. Le Faust est un tel summum de connaissances que chacun peut y apporter sa part d'explication et de perception.

Restez avec le 1er Faust et ne pensez pas au second. C'est une tout autre œuvre. Méphistophélès promet à Faust de lui monter le petit et le grand monde. La 1ère partie de la tragédie représente justement ce petit monde plein de jouissances toutes crues – attendez la scène dans la cave d'Auerbach – et surtout le drame de l'amour entre Faust et Gretchen.

Le grand monde de la 2e partie de la tragédie doit démontrer l'universalité de Faust comme homme moderne. C'est aller bien plus loin. Ne courrez pas à la lecture, profitez de la 1ère partie.

Je vais suivre vos commentaires avec beaucoup d'intérêt. Vous me permettez de dire des choses quand je "vois" quelque chose? Le "Faust", pour le dire du point de vue d'un Allemand, est un oeuvre tellement mounmentale... En le lisant on s'aperçoit que la moitié des paroles sont entré dans des aphorismes, proverbes etc, qui sont cités à gauche et à droite, sans qu'on sait toujours, d'où cela nous vient.

J'avais lu le Faust il y a quelques années, et puis dernièrment, j'ai écouté avec stupéfaction la version de Gründgens en Audio-Livre. De là mes impressions sont encore assez fraîches...

eXPie a écrit:

Le Prologue n'est pas inintéressant non plus ; Méphistophélès dit au Seigneur qu'il va tenter de ravir l'âme de Faust. Il y a une sorte de jeu au-dessus de Faust qui se dessine.

Avec un arrière-fond de savoir biblique on ne peut que penser à l'histoire de Job. Un pari?

Donc, dans ce cas, Faust est dans ce prologue, malgré ou à cause de tout, aussi de ses recherches (!) un fidèle ami et serviteur du Seigneur!

Donc, l'histoire est toujours plus complexe qu'elle ne paraît...

tom léo a écrit:

Vous me permettez de dire des choses quand je "vois" quelque chose?

je ne fais pas partie de cette lecture.. mais je pense que les lectures en commun sont ouvertes à tous les membres... je ne vois pas de raisons pourquoi tu ne pourrais pas poster tes impressions

eXPie a écrit:

Bref, il faut de l'émotion et du spectacle (ce qui n'a pas changé depuis plusieurs siècles au moins).

C'est vrai que cette introduction reste encore très actuelle. Les règles du jeu dans le domaine du spectacle n'ont pas changé avec les siècles. J'ai bien aimé ce passage moi aussi, dommage que la suite de l'histoire vienne un peu la contredire avec l'intrusion d'une histoire d'amour un peu fade...

Cabinet d'étude

Le barbet entre avec Faust dans sa demeure
En fait de barbet c'est de Méphistophélès dont il s'agit qui, après des manoeuvres assez cocasses apparaît sous la forme d'un étudiant ambulant
Faust étonné lui demande qui il est.

Réponse du barbet -méphistophélès:

Je suis une partie de cette force qui tantôt veut le mal et tantôt fait le bien
Je suis l'esprit qui toujours nie; et c'est avec justice, car tout ce qui existe est digne d'être détruit, il serait donc mieux que rien n'existât. Ainsi tout ce que vous nommez péché, destruction, bref tout ce qu'on entend par mal, voilà mon élément



Voilà la force de ce récit, des phrases qui marquent , qui interpellent, on est au coeur du sujet.

Suivent des mini épisodes assez drôles sur les difficultés pour Méphistophélès à sortir de l'antre de Faust , faisant appel à la panoplie parfaite du diable qui ne peut sortir que par où il est entré

Etonnement de Faust:


L'enfer a même donc ses lois ?

Méphistophélès ne veut pas s'attarder et promet à Faust un art divertissant, on n'en sait pas plus
Il sort péniblement par le seuil rongé par un rat, sans quoi il serait prisonnier.

Toujours passionnant , les ingrédients du conte fantastico-philosophique ne manquent pas, les rituels entourant la personne de Méphistophélès sont là pour nous le rappeler.

le rapport entre le volume de texte et le sens fait que les répliques les plus longues sont souvent bigrement denses.

la promenade aux portes de la ville continue de nous situer le personnage. au milieu d'une multitude de caractères affamés de nourriture, de boisson, de pouvoir ou du sexe opposé, Faust reconnu comme un grand homme, parce qu'il ne court pas lui ? dévoile malgré tout son amertume et sa part de mensonge. son doute, sa tentation.

O bienheureux qui peut encore espérer de surnager dans cet océan d'erreurs ! On use de ce qu'on ne sait point, et ce qu'on sait, on n'en peut faire aucun usage. Cependant ne troublons pas par d'aussi sombres idées le calme de ces belles heures !...

et la suite est une assez jolie expression d'une impossible faim de beauté mais aussi de certitude, de permanence.

c'est un peu compliqué entre le besoin terrestre de Faust qui est une haute aspiration finalement, car c'est bien ce qui le pousse à chercher encore, et les besoins terrestres plus bas des autres... mais pas sans parenté aucune.

Dans le cabinet d'étude on retrouve (peut-être, ça me vient en tapotant) ce mélange avec des contraintes physiques du lieu et de la condition de méphistophélès et l'objet de leur entretien sur un tout autre plan, d'esprit et de... durée.

Eh bien ! puisque des sons bien doux et bien connus m'ont arraché à l'horreur de mes sensations, en m'offrant, avec l'image de temps plus joyeux, les aimables sentiments de l'enfance... je maudis tout ce que l'âme environne d'attraits et de prestiges, tout ce qu'en ces tristes demeures elle voile d'éclat et de mensonge ! Maudite soit d'abord la haute opinion dont l'esprit s'enivre lui-même ! Maudite soit la splendeur des vaines apparences qui assiègent nos sens ! Maudit soit ce qui nous séduit dans nos rêves, illusions de gloire et d'immortalité ! Maudits soient tous les objets dont la possession nous flatte, femme ou enfant, valet ou charrue ! Maudit soit Mammon, quand, par l'appât de ses trésors, il nous pousse à des entreprises audacieuses, ou quand, par des jouissances oisives, il nous entoure de voluptueux coussins ! Maudite soit toute l'exaltation de l'amour ! Maudite soit l'espérance ! Maudite la foi, et maudite avant tout, la patience !

pêle-mêle révélateur. après c'est du gâteau pour méphistophélès... Faust parcourt le chemin presque tout seul. La fin de cette scène est très bonne aussi avec l'arrivée d'un écolier à la recherche d'un maître et qui tombe sur Méphistophélès déguisé en Faust. Cet écolier devient un reflet de Faust, avide de savoir et farci de certitudes qui n'en sont pas vraiment car elles manquent d'objet. Faust est aussi l'écolier mais d'une façon plus dramatique, le temps a passé pour lui... il en est également comme tout aussi neuf à l'aube de ce voyage qui s'annonce.

c'est presque trop riche, j'essaye de faire attention mais j'en perds certainement. Il y a une sorte de grand vide, celui qui rend Faust proche du lecteur (de tout lecteur ?) qui est prodigieusement décrit et mis en jeu.

Tom leo, c'est avec plaisir que nous lirons tes remarques ! (et n'hésite pas à développer pour les pas doués, genre panda).