Lecture en commun - Goethe : Faust

animal a écrit:

La fin de cette scène est très bonne aussi avec l'arrivée d'un écolier à la recherche d'un maître et qui tombe sur Méphistophélès déguisé en Faust. Cet écolier devient un reflet de Faust, avide de savoir et farci de certitudes qui n'en sont pas vraiment car elles manquent d'objet. Faust est aussi l'écolier mais d'une façon plus dramatique, le temps a passé pour lui... il en est également comme tout aussi neuf à l'aube de ce voyage qui s'annonce.



Tom leo, c'est avec plaisir que nous lirons tes remarques ! (et n'hésite pas à développer pour les pas doués, genre panda).

Bien contente d'avoir compris la même chose, j'en suis au même niveau
Oui moi aussi Tom Léo, je suis comme l'écolier qu'était Faust, avide de connaissances

animal a écrit:

Tom leo, c'est avec plaisir que nous lirons tes remarques ! (et n'hésite pas à développer pour les pas doués, genre panda).

Genre Bob l'éponge

Vos commentaires sur Faust sont très étoffés, et j'ai un peu honte du coup des remarques que j'ai écrites et de mon jugement qui était sans doute un peu trop rapide.
Je vais certainement relire ce livre d'une manière un peu plus approfondie du coup, en prenant en compte tous vos commentaires. Ca me permettra peut-être de revoir les choses d'une autre façon.

Ces LC sont vraiment bénéfiques

Dans la cave d'Auerbach la répétition continue. Les habitués se dépêchent de trouver une joie aussi temporaire que répétitive et non sans un certain mépris pour le prochain : Le voilà bien avec son gros ventre et sa tête pelée ! comme son malheur le rend tendre ! Dans ce rat qui crève, il voit son portrait tout craché ! ... le bonhomme dont il est question nous ferait bien penser à Faust. Faust qui ne tarde pas trop à arriver avec Méphistophélès.

Faust n'est pas à l'aise et ne se sent pas à sa place, Méphistophélès cependant cherche l'occasion d'une démonstration de son pouvoir... il choisit un petit miracle pour se jouer de l'assemblée : il fait apparaitre le vin souhaité par chacun avant de leur jouer un mauvais tour pour non respect des clauses du pacte. Instructif ? On voit clairement qui mène la danse avec la plus grande décontraction.

S'en suit un passage chez la sorcière et ses animaux qui semblent voir clair, eux, en Méphistophélès. La préparation de la potion s'accompagne de formules explicatives qui sont un écho aux ruminations de Faust sur sa science. Méphistophélès s'en moque mais derrière l'absurdité un peu de sagesse pourrait pointer le bout de son nez :

La science la plus profonde
N'est donnée à personne au monde ;
Par travail, argent, peine ou soin :
La connaissance universelle
En un instant se révèle
A ceux qui la cherchent le moins.

je ne sais pas trop quel sens arrêter à ce court passage : nouvelle annonce de la suite : le changement de voie de Faust le mènera à bon port (et le super plan de Méphistophélès tombe à l'eau, il précipite l'entretien) ? un certain constat de vanité et vacuité sur les quatre intermédiaires énoncés ? plus généralement que la recherche de Faust serait vaine de toute façon ?

on ne peut ne pas remarquer que Faust reste "scotché au miroir" qui lui montre une jeune femme qui disparait quand il s'approche, le reflet de sa plus grande tentation, de son plus grand trouble certainement. Une image de plus pour renforcer la certitude de l'inévitable aveuglement de Faust... avec aussi le fait que c'est là qu'il échappe le plus à son guide, qui ne peut guère que suivre le goût de Faust ?

adoré l'ambiance lourde et la présence des animaux, ça faisait quelques temps que mon imagination n'avait pas tourné comme ça !

Le soir Faust croise Marguerite parée de toutes les vertus... effet de la potion de la sorcière, réalité, ou nature de Faust, mystère... jusqu'où est-ce important ? n'est-ce pas le chemin de Faust qui nous préoccupe, et la curiosité qui nous tenaille ?

j'apprécie de plus en plus terriblement le fourmillement de cette histoire, ce canevas serré et vaporeux.

Fort bien ce que tu as écrit là, animal, tu me replonge dans Faust. J'ai toujours pensé à la scène chez la sorcière comme une sorte de prologue à la tragédie de Marguerite. C'est bien l’intention de Méphistophélès qui dit à la fin « Avec cette boisson dans le corps, tu verras, dans chaque femme, une Hélène. » Il va chercher à inoculer à Faust la passion pour le sexe et essayer de l'empoissonner moralement en même temps.

Pour ne pas alourdir l’atmosphère de la pièce et la charger trop en métaphysique, Goethe a su merveilleusement se servir de tout un attirail grotesque et satirique comme la sorcière elle-même et ses acolytes. Un bon moment de répit au théâtre ... et la tragédie prend son envol.

animal a écrit:

(et tu me permets d'aller chercher sur la référence à Hélène, problème des références qui échappent à moitié et qu'on oublie souvent de compléter... ).

C'est la Hélène de la mythologie grecque, celle qui est à l'origine de la guerre de Troie, et qui fut promise à Pâris par Aphrodite lors du jugement sur la plus belle déesse par ce dernier.

La cave d'Auerbach

Comme Animal, je pense que c'est un chapitre de transition, où Méphistophélès démontre ses pouvoirs, et fait miroiter (c'est le cas de le dire puisque la 1ère fois que la femme rêvée de Faust apparaitra lorsqu'il se regardera dans un miroir présenté par Méphistophélès) le merveilleux à "Faust"

Donc avec les joyeux drilles de la cave, il s'en paie à coeur joie et la démonstration est facile pour Méphistophélès qui les abreuve d'un vin factice, qui sera fatal, l'ayant bu trop vite et un peu répandu sur le sol, le vin se transformera en flamme courant sur le plancher, et obéissant aux ordres de Méphistophélès qui peut la faire disparaître et réapparaître.

Faust reste impavide, peu à l'aise devant ces démonstrations, et ne se déridera que quand "la femme" lui apparaît dans le miroir, c'est là son souhait, c'est là que le véritable pacte va prendre forme.


Cuisine de sorcière

Ce chapitre est un véritable condensé de fantastique, tout y est, la marmite, les effluves , les animaux (mythiques comme le chat) qui se comportent comme des humains (touillent le breuvage, chantent, répondent aux questions de Méphistophélès), sont irrévérencieux et se moquent de même de Méphistophélès quand il les questionne:

Il ne connaît pas le pot
Le pot à faire la soupe...
Vit-on jamais pareil sot ?

Faust toujours maussade, assiste à la préparation du breuvage sans passion, seule l'image de la femme aperçue dans le miroir l'obsède.
L'apparition de la sorcière qui est toute interdite d'avoir Satan en personne chez elle vaut son pesant également.

La potion est prête, Faust ne croit toujours à rien, Méphistophélès mène le bal et promet la rencontre avec la Femme.

C'est pour l'instant le chapitre le plus drôle et qui a la plus grande force de représentation.
Comme Maline, je crois qu'il ne faut pas trop interpréter, mais se laisser guider un peu par son imagination et se laisser faire comme si on nous racontait un conte.

tom léo a écrit:

Avec un arrière-fond de savoir biblique on ne peut que penser à l'histoire de Job. Un pari?

Donc, dans ce cas, Faust est dans ce prologue, malgré ou à cause de tout, aussi de ses recherches (!) un fidèle ami et serviteur du Seigneur!

Oui, la notice Pléiade que je lis actuellement met en parallèle le vrai Faustus et Luther. Alors que Luther utilise le rempart de la foi contre le Diable, Faust, lui, va accepter de lui parler.

Je suis donc dans la notice, et je posterai mes avis au fur et à mesure. (C'est a priori la manière en vigueur ici )

Onuphrius a écrit:

je posterai mes avis au fur et à mesure. (C'est a priori la manière en vigueur ici )

un petit vademecum sur notre façon de faire les lectures en commun et les Lectures Communes est ici

J'ai pris du retard...
Le texte est dense, oui, les notes explicitent un peu les nombreuses allusions.

Dans le cadre de la comparaison Goethe/Marlowe, j'ai noté que dans la scène de la cave d'Auerbach, à un moment Méphistophélès chante une histoire de puce.

Citation :

"Une puce gentille
chez un prince logeait,
Comme sa propre fille,
Le brave gomme l'aimait,
Et (l'histoire l'assure)
Par son tailleur, un jour,
Lui fit prendre mesure
Pour un habit de cour."

Ce qui est curieux, c'est qu'on trouve aussi une puce dans un passage "'rigolo" du Faust de Marlowe : Si vous me changez en quoi que ce soit, donnez-moi l'apparence d'une jolie puce frétillante pour que j'aille ici et là et partout. Oh ! je chatouillerai les jolies filles sous leurs jupes, je m'y promènerai, je vous le garantis !"
La puce est un classique des poèmes grivois (The flea, de John Donne, par exemple).
Bref, la puce est restée, mais l'allusion grivoise a totalement disparu, je crois. Je ne sais pas si c'est une question d'époque ou une question culturelle, ou bien encore les deux.

La version de Marlowe me paraît plus immédiatement accessible, moins truffée de références, ou bien on sent moins qu'il y a plein de références, je ne sais pas.

Je ne peux m'empêcher de mettre un extrait musical correspondant au texte :

pas simple pas simple entre les présents et les parlottes au jardin de ces "deux couples", tout un attirail d'apparences et un fort besoin de possession matérielle qui débarquent pour brouiller les cartes... manque de temps pour reprendre, et manqué de temps pour bien décanter ces épisodes avant de poursuivre.

eXPie a écrit:

Dans le cadre de la comparaison Goethe/Marlowe, j'ai noté que dans la scène de la cave d'Auerbach, à un moment Méphistophélès chante une histoire de puce.

J'ai lu hier dans la notice Pléiade que Goethe a véritablement découvert la version de Marlowe en 1818, soit dix ans après la parution de Faust I. Donc je ne sais pas si Goethe connaissait certains fragments, mais ton rapprochement est intéressant

J'ai fini la notice, et m'attaque dès cet après-midi au texte.

Une rue, Un soir et Promenade

Où Faust manigance avec Méphistophélès pour sa Marguerite, chez qui il fera introduire par ce dernier une cassette de parures.
La belle est émue et plus encore par le mystérieux donateur.
Malheureusement la mère de celle-ci s'oppose à ce cadeau qu'elle considère comme une incarnation du mal, et le donne à un prêtre qui a tôt fait de s'en emparer (au passage une légère satire sur l'église, la royauté et....le juif)

La maison de la voisine,Une rue, Un jardin et Une petite cabane du jardin

Badinage, badinage, badinage
Rien que les titres des scènes sont largement évocateurs, nous sommes dans la légèreté, et on folâtre à tout va.
Méphistophélès par un stratagème dicté par Faust (les rôles s'inversent), provoque la rencontre de Marguerite et de celui-ci, par l'intermédiaire de Marthe, la voisine et amie de Marguerite.
Un mensonge ehonté de Méphistophélès appuyé et approuvé par Faust sur l'époux de Marthe, conduit à réunir ce quatuor.
On se promène , on bavarde, Méphistophélès et Marthe d'un côté, Faust et Marguerite de l'autre, c'est le jardin d'Eden.
Marguerite est au comble du bonheur devant un Faust éperdu d'amour.