Christophe Honoré

Les bien-aimés

Citation :

Du Paris des sixties au Londres des années 2000, Madeleine, puis sa fille Véra vont et viennent autour des hommes qu’elles aiment. Mais toutes les époques ne permettent pas de vivre l'amour avec légèreté. Comment résister au temps qui passe et qui s'attaque à nos sentiments les plus profonds ?

Les bien-aimés de Christophe Honoré ce sont Les chansons d'amour en plus ambitieux (trop ?), avec un thème basique : l'amour ou, plutôt, les amours des femmes, forcément compliquées, en l'occurrence celles d'une mère et d'une fille. Et les époques de valser, de 1964 à 2007, à Paris, Prague, Londres, Montréal et ... Reims. Honoré, libre et léger, se fiche bien de paraître mièvre ou d'être comparé à Bunuel et Demy, ce dernier pour les chansons guimauve et pour le style. Si vous n'aimez pas ça, n'en dégoutez pas les autres. Pétillant, le film est moins convaincant quand il devient sérieux et évoque la répression du printemps tchécoslovaque ou le 11 septembre. Il s'autorise des ruptures franches qui coïncident avec la disparition de deux personnages, mais la transition se fait sans heurts, appuyée par des comédiens inspirés. Catherine Deneuve et, surtout, Chiara Mastroianni séduisent, Ludivine Sagnier agace (Louis Garrel aussi), Milos Forman étonne et Michel Delpech se révèle. Alors oui, ce ne sont que des histoires d'amours, au pluriel, mais la patte d'Honoré sublime la chose et donne du bon temps, si l'on n'est pas bégueule, et prêt à se laisser embarquer par une chronique sentimentale élégante et racée de 2 heures 20 que l'on n'a pas le temps de voir passer.

Les Bien-Aimés



Le film aurait tout aussi bien pu s'appeler "Les Mal aimés" car c'est de cette mélancolie de ceux qui aiment sans véritable retour des êtres hantés par des amours fantasmées que nait l'émotion de ce film inégal mais très touchant. Il prolonge finalement le film "Un amour de jeunesse" qui raconte pratiquement la même chose sous une autre forme.

Il y a pas mal de maladresses, d'artifices scénaristiques pas toujours très crédibles, des chansons parfois moyennes, mais le film prend une certaine ampleur progressivement et certaines séquences chantées sont superbes. Je n'ai pas cru à l'amour destructeur de Chiara Mastroianni (magnifique actrice comme toujours) pour cet homme homosexuel dont elle voudrait un enfant. Et ce qui se passe ensuite devient de fait un peu trop fabriqué. Reste qu'il y a des moments de pur cinéma comme cette chanson sur les ponts de Paris, l'entrée de Chiara Mastroinanni dans la discothèque, son arrivée (redevenue brune) à New York pour rejoindre son bien-aimé, le final avec Louis Garrell et Catherine Deneuve qui ont cette complicité de ceux qui restent inconsolés et cultivent le souvenir. Des moments de légèreté aussi avec Milos Forman étonnant. Catherine Deneuve me semble mauvaise dans la comédie et plus vraie dans l'émotion (certains diront peut-être l'inverse). Louis Garrell m'a irrésistiblement rappelé Jean-Pierre Léaud et contrairement à Traversay je l'ai trouvé bon dans ce rôle inhabituel de l'amoureux frustré (et il chante super bien encore une fois!). Ludivine Sagnier n'est pas toujours crédible mais a le regard qui pétille avant de s'assombrir avec une certaine justesse. J'ai aussi aimé les scènes d'intimité sexuelle explorant comme toujours les frontières parfois ténues entre homo et hétérosexualité (le trio avec les 2 garçons et Chiara Mastroinanni à l'hôtel).

A l'arrivée j'ai passé un bon moment (un tout petit peu trop long) et j'ai versé ma petite larme. Un cru moyen chez Honoré reste un film très recommandable...

Les Bien-Aimés

Comme pour ses précédents films, j'ai ressenti beaucoup de contradictions dans la mise en scène de Christophe Honoré. Il recherche une spontanéité par l'expression musicale, mais le discours est trop forcé et maladroit dans son ambition. La proposition est passionnante, mais manque souvent de mesure et de fluidité pour emporter l'adhésion.
C'est dommage, car par son ampleur romanesque, Les Bien-Aimés a beaucoup à offrir...même si l'édifice est forcément inégal. La première heure est plutôt frustrante car l'épisode praguois rate sa cible : il faut attendre la véritable introduction de Chiara Mastroianni pour que le film puisse s'épanouir. Le personnage est poignant dans ses obsessions, jusque dans cette relation improbable avec un remarquable Paul Schneider.
Catherine Deneuve et Louis Garrel livrent une prestation plus convenue, mais ces liens intergénérationnels trouvent une cohérence jusque dans leurs détours. Les chansons d'Alex Beaupain cherchent à révéler ces états d'âme, avec une fortune diverse...tout en construisant une bulle d'euphorie à travers ses meilleurs moments. Même si je suis davantage convaincu par le choix des génériques.

traversay a écrit:

Les bien-aimés

Retrouvé avec un certain plaisir la touche spéciale de Christophe Honoré, ce mix d'élégance un rien décalée et de modernité dans les dialogue ou les situations, qui en font son charme. Avec lui c'est un peu comme si on retrouvait les mêmes personnages embarqués dans une autre histoire, ils nous sont presque familiers, toujours un peu égarés entre la légèreté et la gravité de l'existence.
Bien sûr il y a des petites lourdeurs, l'arrivée des chars à Prague, ou les clichés du 11 septembre, quelques longueurs et des mélodies plus ou moins inégales, mais l'ensemble passe relativement bien dans le contexte un peu irréel tout en recadrant le récit, alors pourquoi pas. Les chansons sont là pour le rappeler, on est dans la comédie romantique et Honoré peut se permettre bien des écarts, pour peu qu'on ne soit pas réfractaire au genre, ce qui est mon cas.

Par contre comme Marko je n'ai pas cru non plus à l'histoire d'amour contrarié entre Chiara Mastroianni (que j'adore, au passage) et son batteur de rock. Du coup la suite et fin m'ont paru complètement inutiles et placardées là sans vraiment de raison. Beaucoup aimé par contre la complicité innée qui émane de leurs scènes à deux, et le jeu de Garrel pour qui je commence à avoir un attachement certain. Donc une jolie petite comédie que je vous conseille si vous êtes sensible aux héros romantiques et forcément malheureux. Mes préférés de lui restant tout de même les deux derniers...

Comme Aériale je me laisse facilement conquérir par les films d'Honoré. J'accepte ses maladresses (les gros évènements historiques abordés avec tant de superficialité qu'on se demande ce que ça fait là) parce qu'ils ne traînent pas dessus, j'accepte le rythme un peu lent parce qu'il correspond tellement à toutes les déambulations de ses personnages, j'aime les dialogues, ses phrases incroyablement vraies sur l'amour, les relations humaines, la communication entre les gens. C'est juste, tout le temps.
Des scènes de sexe incroyablement maîtrisées.
Des acteurs qui me plaisent (Ah Chiara, magnifique) même si certains sont parfois proches d'une limite qu'heureusement ils ne franchissent pas (Catherine Deneuve, Ludivine Sagnier, Louis Garrel).
Petit vrai bémol sur l'histoire entre Véra et Anderson : dommage, il aurait fallut nous en donner plus à croquer dès le départ. Là on y croit difficilement à cause d'ellipses importantes, par contre dès qu'ils sont à l'écran, ensemble, ça fonctionne avec une beauté, une tendresse et plein de sensibilité.

Et ce que j'adore ces marches dans Paris, dans le Vrai Paris, loin des clichés, et pourtant tellement ancré dans un parisianisme.

Honoré m'a encore charmée. Et Chiara y a beaucoup aidé.

Sorti en DVD
J'ai trouvé, comme Avadoro, que l'ensemble manquait un peu de fluidité sur la durée , que les chansons sont gentillettes, sans plus ( sauf celle sur les quais), mais que ces acteurs rattrapent toutes les maladresses , et je rejoins Queenie quand elle dit:

Citation :

Honoré m'a encore charmée. Et Chiara y a beaucoup aidé.

Pas mieux!!!

N'empêche que j'en garde un bon souvenir, de douces sensations, et que je pense que je finirais par me l'acheter.
Il y a toujours des petites perles qui donnent envie de déguster chez Honoré.
Et puis, c'est vrai, Chiara Mastroianni est tellement jolie...

Entretien avec Christophe Honoré(2h! J'ai pas encore eut le temps de tout regarder)

Queenie a écrit:

Entretien avec Christophe Honoré(2h! J'ai pas encore eut le temps de tout regarder)

Christophe Honoré met en scène l'opéra de Poulenc Dialogues des Carmélites d'après Bernanos. C'est à Lyon en octobre et j'y ferais bien un saut ...

Les métamorphoses, librement adapté d'Ovide, est dans les salles... J'y vais demain.



Du coup j'écoute Les Métamorphoses dans ma voiture en audio et c'est un régal

Métamorphoses


Je me propose de dire les métamorphoses des formes en des corps nouveaux (Ovide)

Les métamorphoses d'Ovide transposées dans le monde contemporain, ses cités de banlieues et ses terrains vagues avec une jeunesse dont il montre la beauté plurielle et la sensualité en les transformant en dieux et demi-dieux. Tentative d'inscrire l'actualité des mythes dans nos vies modernes avec ludisme et imagination.

Le résultat divise profondément la critique comme il divisera forcément ici les parfumés. Parce que le parti pris d'Honoré peut autant séduire qu'agacer, faire rêver que paraître trop littéral. Le jeu volontairement artificiel et faux des acteurs pourra charmer comme dans les films de Rohmer ou lasser devant l'amateurisme de jeunes gens dont on préfèrerait contempler la beauté que les écouter parler...

Alors où me situer dans ces ressentis contradictoires? J'ai été charmé, souvent amusé et intrigué, parfois admiratif devant certaines idées visuelles, parfois sceptique devant des choix plus contestables.

Je trouve le démarrage illustrant le mythe d'Actéon magique dans son décalage (une Diane transsexuelle se lavant dans une bassine derrière sa caravane et un Actéon en chasseur envoûté). C'est peut-être la plus belle métamorphose avec celle de Philémon et Baucis, d'Atalante et Hippomène, de Syrinx, ou encore le suicide de Narcisse.  Le mythe de Callisto et Arcas par contre m'a beaucoup manqué. C'est un de mes préférés et il ne pouvait malheureusement pas tout mettre. Peut-être une version longue en DVD??

J'ai beaucoup aimé la bande son qui est un assemblage intelligent de morceaux pop (Baxter Dury) et surtout de musiques classiques qui créent une atmosphère magique en déclinant toutes sortes de variations autour du thème de la métamorphose et des échos aux mythes abordés (les Métamorphoses de Richard Strauss, La nuit transfigurée de Schoenberg, Daphnis et Chloé de Ravel...).

On sent derrière cet exercice de style la volonté de transmettre la tradition aux jeunes générations pour en montrer la poésie et l'universalité (le petit frère d'Europe découvrant le livre d'Ovide à la fin) et de rappeler combien ces textes antiques concevaient le désir sous ses aspects les plus divers. Il est d'ailleurs d'hommage que le rapt de Ganymède ne soit qu'évoqué plutôt qu'illustré. Peut-être Honoré avait-il peur d'être redondant après avoir suggéré l'attirance que Narcisse exerçait déjà sur d'autres garçons.

Une façon très personnelle donc de revisiter ses thèmes de prédilection et de montrer de nouveaux visages et de nouveaux corps à contempler et désirer. Jeunesse reflétant aussi la variété des ethnies qui composent la société moderne. Ce n'est pas pour rien que le personnage principal qui circule de métamorphose en métamorphose soit celui d'Europe.

Je retiens enfin une belle façon de montrer la nature, l'eau et les forêts. Des scènes en apesanteur et d'autres plus terre à terre. C'est de ces contrastes et de ces maladresses que naît le charme de ce film qui à l'arrivée m'a emporté dans son univers et sa fluidité malgré quelques réserves.

Une parodie qui pourrait bien plaire à Maryvonne

Métamorphoses

Christophe Honoré prend beaucoup de risques et son dispositif de mise en scène ne m'a pas toujours convaincu. J'ai été gêné par son choix de décors contemporains (des bords d'autoroute aux quartiers désaffectés) car l'intention est sans cesse surlignée : il tente de réenchanter les mythes, de renouveler un regard par un décalage souvent pesant tant l'actualisation d'un contexte s'impose au détriment de la clarté de chaque situation.

Il y a tout de même des temps forts, déjà évoqués par Marko. C'est un film qui fonctionne par instants, par effets de surprise avec l'ampleur et la magie d'une métamorphose. J'ai eu du mal à cerner un équilibre à travers cet ensemble d'idées : certaines sont étonnantes et d'autres déçoivent, à l'image d'une interprétation à l'artificialité assumée qui prête parfois à sourire.

Le projet est en tout cas courageux et donne envie de se replonger dans la mythologie. Les maladresses du film m'ont empêché d'y trouver mon compte mais les avis seront logiquement contrastés.

Du coup j'hésite à demander au père Noël le livre de chevet de Sei Shonagon ou bien plutôt Les Métamorphoses d'Ovide dans une édition magnifique avec de nombreuses illustrations tirées de la peinture baroque... Ovide permet en tout cas de réviser la mythologie avec beaucoup de poésie. Le passage sur Phaéton est très beau. Celui sur Callisto aussi.