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| Emile Zola | |
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Auteur | Message |
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Lilou Espoir postal
Messages : 40 Inscription le : 07/08/2014
| Sujet: Re: Emile Zola Sam 6 Sep 2014 - 15:27 | |
| Zola me rappelle mes années d'université où je m'étais mise en tête de lire l'ensemble des RM, cette vaste fresque naturaliste et expérimentale. Finalement je n'en ai lu que la moitié, mais pas La joie de vivre. Je garde un vif souvenir de La curée, de L'oeuvre et La faute de l'abbé Mouret, ainsi que de Thérèse Raquin qui ne fait pas partie des Rougon-Macquart. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Lun 8 Sep 2014 - 15:49 | |
| Et tu comptes reprendre un jour la série là où tu t'étais arrêtée ? | |
| | | Lilou Espoir postal
Messages : 40 Inscription le : 07/08/2014
| Sujet: Re: Emile Zola Lun 8 Sep 2014 - 17:54 | |
| Oui, peut-être bien. Tu m'as presque donné envie de m'y remettre avec ton commentaire sur La joie de vivre ! | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Jeu 11 Sep 2014 - 14:13 | |
| A vot' service ! faut pas hésiter si le temps et la motivation sont présents. | |
| | | Sosegalil Espoir postal
Messages : 45 Inscription le : 03/09/2009 Localisation : Ile-de-France
| Sujet: Au bonheur des dames Dim 28 Sep 2014 - 8:57 | |
| Et voilà, je finis la lecture mon troisième roman de Zola ! Après Germinal et L'assomoir il fallait que je lise Au bonheur des dames. Je commence par partager, comme à mon habitude, mes extraits favoris de ce roman, à vous de les dévoiler ou non ! J'y associe un hashtag pour vous guider. - Intrigue:
A partir de ce jour, Denise montra son grand courage. Sous les crises de sa sensibilité, il y avait une raison sans cesse agissante, toute une bravoure d'être faible et seul, s'obstinant gaiement au devoir qu'elle s'imposait. Elle faisait peu de bruit, elle allait devant elle, droit à son but, par-dessus les obstacles ; et cela simplement, naturellement, car sa nature même était dans cette douceur invincible.
- Crise:
La crise finira Dieu sait comment !
- Crise:
Où irait-on, si, sous le prétexte du bonheur général, on engraissait le consommateur au détriment du producteur ?
- Romance:
- (...) Vous aimez quelqu'un. Elle devenait très rouge, son cœur était sur ses lèvres, et elle sentait le mensonge impossible, avec cette émotion qui la trahissait, cette répugnance à mentir qui mettait quand même la vérité sur son visage.
- Intrigue:
Cette petite, c'est le quartier qu'on enterre...
- Intrigue:
Était-ce donc vrai, cette nécessité de la mort engraissant le monde, celle lutte pour la vie qui faisait pousser les êtres sur le charnier de l'éternelle destruction ?
Voilà pour les citations. Je suis un peu mitigée sur ce roman. L'intrigue amoureuse était plaisante, mais j'étais plutôt déçue de me rendre compte que c'était la seule trame qui me donnait envie de continuer ma lecture. Zola nous livre pourtant une description haute en couleurs et bien vivace des débuts de la société de consommation. Malheureusement les multiples descriptions et métaphores autour du tissu sont répétitives et beaucoup trop détaillées à mon goût ; cela prend le dessus sur l'étude sociologique qui me paraît moins réussie dans ce volet des Rougon-Macquart. En clair j'avais plus l'impression de lire un roman "à l'eau de rose" qu'un Zola. Je prends tout de même la peine de lire la préface, peut-être qu'elle m'éclairera sur certains points. Je déplore simplement la multiplication des noms et descriptions des tissus. Que ce ne soit pas une raison pour vous faire passer à côté de cette oeuvre ! Et vous les parfumés, vous avez aimé Au bonheur des dames ? | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Ven 3 Oct 2014 - 16:55 | |
| Tu as raison, Emile Zola est doué pour ses intrigues amoureuses... heureusement qu'elles sont là d'ailleurs pour sauver certains de ses épisodes. Je suis d'accord avec toi, le Bonheur des dames n'est pas palpitant en dehors de ça. | |
| | | Sosegalil Espoir postal
Messages : 45 Inscription le : 03/09/2009 Localisation : Ile-de-France
| Sujet: Re: Emile Zola Sam 4 Oct 2014 - 11:28 | |
| - colimasson a écrit:
- Tu as raison, Emile Zola est doué pour ses intrigues amoureuses... heureusement qu'elles sont là d'ailleurs pour sauver certains de ses épisodes. Je suis d'accord avec toi, le Bonheur des dames n'est pas palpitant en dehors de ça.
Contente de voir que tu partages mon avis Colimasson, je craignais d'avoir viré beaucoup trop fleur bleue ! | |
| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Emile Zola Sam 4 Oct 2014 - 11:32 | |
| - Sosegalil a écrit:
- colimasson a écrit:
- Tu as raison, Emile Zola est doué pour ses intrigues amoureuses... heureusement qu'elles sont là d'ailleurs pour sauver certains de ses épisodes. Je suis d'accord avec toi, le Bonheur des dames n'est pas palpitant en dehors de ça.
Contente de voir que tu partages mon avis Colimasson, je craignais d'avoir viré beaucoup trop fleur bleue ! Je l'ai lu , j'étais en ....CM2 !!!!!!! Bien évidemment emportée par les histoires d'amour : pour le reste je ne pense que j'avais du comprendre grand-chose .....Mais j'en garde un souvenir merveilleux ( en plus la jaquette était belle , c'était Pâques , et je me gavais de chocolat tout en dévorant aussi ce bouquin ! ) | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Lun 6 Oct 2014 - 15:58 | |
| L’œuvre (1886) Le talent d’Emile Zola se déploie ici dans une brillante synthèse de ses capacités à capter en quelques centaines de pages les vies d’une poignée de personnages, à en restituer les dilemmes intérieurs, fondements de leurs particularités psychologiques, et à les relier à cet ensemble de données économiques, politiques, culturelles et historiques qui constituent le paradigme d’une époque. L’histoire qui relie Claude et Christine prend sens dans sa confrontation perpétuelle à la peinture, cette maîtresse irréelle qui est pire que toutes les nudités affriolantes des modèles de pose. D’abord cristallisation de leur liaison, la peinture donne au couple une raison de se vivre ensemble quelles que soient les conditions de vie –souvent misérables- qu’elle leur impose. Mais si la peinture représente pour Christine un divertissement facultatif, Claude semble surtout avoir choisi de vivre avec Christine en croyant que cette épouse en prototype de Muse lui permettrait d’accéder plus rapidement à la grâce de son idéal artistique. Ce n’est pas le cas et la peinture s’échappe sans cesse. L’impossibilité de l’union à trois conduit à la dégradation de l’union à deux. Comme toujours, l’histoire d’amour ne peut se satisfaire d’elle-même, et c’est à cause de cette tendance irréfrénable à la complexité que le bonheur s’échappe. Et si l’histoire de L’œuvre était encore plus tragique que cela ? Il faudrait, par exemple, que les ambitions artistiques de Claude ne soient pas vraiment siennes. Il faudrait que son existence entière ait été faussée par la poursuite d’idéaux qui lui auraient été infligés par la société, ce fameux ensemble de déterminations qui obsède Emile Zola. Arthur Schopenhauer avait affirmé que l’amour était subordonné à la Volonté et que les individus n’étaient rien d’autre que des machines à assurer la régénération de l’espèce humaine ; Emile Zola semble croire que l’art est subordonné à une autre forme de puissance qui condamne les individus à sacrifier leur santé et leur bonheur à l’accomplissement de projets (ici artistiques) qui permettent uniquement de faire évoluer la Culture. Essayant peut-être d’échapper à cette détermination fatale, Emile Zola fait surgir, au milieu de sa troupe de peintres réalistes, le personnage de l’écrivain qui constitue la représentation non dissimulée de Zola lui-même. Sacrifié aussi aux besoins de la Culture, on remarquera cependant que c’est le seul artiste qui parvient à trouver une portion de succès sans y condamner son existence. Emile Zola n’avait sans doute pas tort : son Œuvre est grandiose. - Citation :
- « Ah ! quelle usure mélancolique de l’habitude ! comme l’éternelle nature avait l’air de se faire vieille, dans cette satiété lasse des mêmes horizons ! »
Toute ressemblance avec un écrivain connu serait purement fortuite... - Citation :
- L’hiver précédent, il avait publié son premier livre, une suite d’esquisses aimables, rapportées de Plassans, parmi lesquelles quelques notes plus rudes indiquaient seules le révolté, le passionné de vérité et de puissance. Et, depuis, il tâtonnait, il s’interrogeait dans le tourment des idées, confuses encore, qui battaient son crâne. D’abord, épris des besognes géantes, il avait eu le projet d’une genèse de l’univers, en trois phases : la création, rétablie d’après la science ; l’histoire de l’humanité, arrivant à son heure jouer son rôle, dans la chaîne des êtres ; l’avenir, les êtres se succédant toujours, achevant de créer le monde, par le travail sans fin de la vie. Mais il s’était refroidi devant les hypothèses trop hasardées de cette troisième phase ; et il cherchait un cadre plus resserré, plus humain, où il ferait tenir pourtant sa vaste ambition.
Et toujours, la même éternelle interrogation (le dilemme existentiel ?) d'Emile Zola : - Citation :
- « Pourquoi changer ce qui était bon ? est-ce que le bonheur n’était pas dans une joie choisie entre toutes, puis éternellement goûtée ? »
- D'ailleurs, ne serait-ce pas une touchante confession ?:
« Écoute, le travail a pris mon existence. Peu à peu, il m’a volé ma mère, ma femme, tout ce que j’aime. C’est le germe apporté dans le crâne, qui mange la cervelle, qui envahit le tronc, les membres, qui ronge le corps entier. Dès que je saute du lit, le matin, le travail m’empoigne, me cloue à ma table, sans me laisser respirer une bouffée de grand air ; puis, il me suit au déjeuner, je remâche sourdement mes phrases avec mon pain ; puis, il m’accompagne quand je sors, rentre dîner dans mon assiette, se couche le soir sur mon oreiller, si impitoyable, que jamais je n’ai le pouvoir d’arrêter l’œuvre en train, dont la végétation continue, jusqu’au fond de mon sommeil… Et plus un être n’existe en dehors, je monte embrasser ma mère, tellement distrait, que dix minutes après l’avoir quittée, je me demande si je lui ai réellement dit bonjour. Ma pauvre femme n’a pas de mari, je ne suis plus avec elle, même lorsque nos mains se touchent. Parfois, la sensation aiguë me vient que je leur rends les journées tristes, et j’en ai un grand remords, car le bonheur est uniquement fait de bonté, de franchise et de gaieté, dans un ménage ; mais est-ce que je puis m’échapper des pattes du monstre ! Tout de suite, je retombe au somnambulisme des heures de création, aux indifférences et aux maussaderies de mon idée fixe. Tant mieux si les pages du matin ont bien marché, tant pis si une d’elles est restée en détresse ! La maison rira ou pleurera, selon le bon plaisir du travail dévorateur… Non ! non ! plus rien n’est à moi, j’ai rêvé des repos à la campagne, des voyages lointains, dans mes jours de misère ; et, aujourd’hui que je pourrais me contenter, l’œuvre commencée est là qui me cloître : pas une sortie au soleil matinal, pas une escapade chez un ami, pas une folie de paresse ! Jusqu’à ma volonté qui y passe, l’habitude est prise, j’ai fermé la porte du monde derrière moi, et j’ai jeté la clef par la fenêtre… Plus rien, plus rien dans mon trou que le travail et moi, et il me mangera, et il n’y aura plus rien, plus rien ! »
*peinture par Arthémisia, 1612 | |
| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Emile Zola Lun 6 Oct 2014 - 16:35 | |
| L'oeuvre revisitée par Coli, c'est pas mal ! Et comme d'habitude, tu as un angle de vue si personnel ... Moi je n'avais pas retenu les même choses dans mon souvenir ... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Lun 13 Oct 2014 - 16:27 | |
| Qu'est-ce que tu avais retenu ? allez, donne-nous ton interprétation personnelle ! | |
| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| | | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Jeu 16 Oct 2014 - 14:26 | |
| Ah mais oui, carrément ! il y a une critique assez explicite sur la spéculation artistique : - Citation :
- « Le voilà parti, il emporte le tableau dans sa voiture, il le promène chez ses amateurs, parmi lesquels il a répandu la nouvelle qu’il venait de découvrir un peintre extraordinaire. Un de ceux-ci finit par mordre et demande le prix. — Cinq mille. — Comment ! cinq mille ! le tableau d’un inconnu, vous vous moquez de moi ! — Écoutez, je vous propose une affaire : je vous le vends cinq mille et je vous signe l’engagement de le reprendre à six mille dans un an, s’il a cessé de vous plaire. — Du coup, l’amateur est tenté : que risque-t-il ? bon placement au fond, et il achète. Alors, Naudet ne perd pas de temps, il en case de la sorte neuf ou dix dans l’année. La vanité se mêle à l’espoir du gain, les prix montent, une cote s’établit, si bien que, lorsqu’il retourne chez son amateur, celui-ci, au lieu de rendre le tableau, en paie un autre huit mille. Et la hausse va toujours son train, et la peinture n’est plus qu’un terrain louche, des mines d’or aux buttes Montmartre, lancées par des banquiers, et autour desquelles on se bat à coups de billets de banque ! »
Et sur la difficulté de créer aussi... c'est presque une confession - Citation :
- « Mon Dieu ! que d’heures terribles, dès le jour où je commence un roman ! Les premiers chapitres marchent encore, j’ai de l’espace pour avoir du génie ; ensuite, me voilà éperdu, jamais satisfait de la tâche quotidienne, condamnant déjà le livre en train, le jugeant inférieur aux aînés, me forgeant des tortures de pages, de phrases, de mots, si bien que les virgules elles-mêmes prennent des laideurs dont je souffre. Et, quand il est fini, ah ! quand il est fini, quel soulagement ! non pas cette jouissance du monsieur qui s’exalte dans l’adoration de son fruit, mais le juron du portefaix qui jette bas le fardeau dont il a l’échine cassée… Puis, ça recommence ; puis, ça recommencera toujours ; puis, j’en crèverai, furieux contre moi, exaspéré de n’avoir pas eu plus de talent, enragé de pas laisser une œuvre plus complète, plus haute, des livres sur des livres, l’entassement d’une montagne ; et j’aurai, en mourant, l’affreux doute de la besogne faite, me demandant si c’était bien ça, si je ne devais pas aller à gauche, lorsque j’ai passé à droite ; et ma dernière parole, mon dernier râle sera pour vouloir tout refaire… »
J'imagine Zola partagé entre deux tentations : celle de se dédier entièrement à son oeuvre et celle de tout foutre en l'air pour avoir enfin la paix. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Jeu 6 Nov 2014 - 13:08 | |
| La Terre (1887) Malgré sa louable ambition de refléter la situation des paysans français à la fin du 19e siècle, Emile Zola parvient moins à atteindre l’essence réelle de ce monde rural que le reflet qui s’en échappe, devenant vérité aux yeux de l’écrivain alors qu’il « s’est contenté de parcourir la Beauce en calèche ». En-dehors des impressions ethnologiques cumulées au cours de ce parcours touristique, les fantasmes et légendes folkloriques sont esquissés à gros coups de brosse : le sang, le sexe et la mort fricotent dans un sordide mélange d’inceste, de zoophilie et de consanguinité. Ni jouissive ni répugnante, cette soupe doit se boire avec une cuillère en argent. Emile Zola observe de loin ses paysans et pardonne leurs péchés imaginaires avec l’indulgence du privilégié qui a échappé aux vices de la misère et de l’ignorance. Si quelques scènes sincèrement troublantes émergent de l’ensemble –l’évolution des relations entre le grand-père Fouan et le petit-fils Jules déterminée par la fatalité du jugement social- et si quelques mauvaises prédictions du piètre agronome Zola parviennent à nous faire sourire en cette époque où la décroissance semble plus raisonnable qu’un développement infini de l’agriculture industrielle, le reste de la Terre flotte dans un entre-deux trouble, ne parvenant jamais à atteindre la représentation percutante du monde de Jacques Bonhomme ou une représentation mythique, digne héritière des pastorales antiques. Il restait encore de l'espoir... - Citation :
- « Un paysan serait mort de faim, plutôt que de ramasser dans son champ une poignée de terre et de la porter à l’analyse d’un chimiste, qui lui aurait dit ce qu’elle avait de trop ou de pas assez, la fumure qu’elle demandait, la culture appelée à y réussir. Depuis des siècles, le paysan prenait au sol, sans jamais songer à lui rendre, ne connaissant que le fumier de ses deux vaches et de son cheval, dont il était avare ; puis, le reste allait au petit bonheur, la semence jetée dans n’importe quel terrain, germant au hasard, et le ciel injurié si elle ne germait pas. Le jour où, instruit enfin, il se déciderait à une culture rationnelle et scientifique, la production doublerait. Mais, jusque-là, ignorant, têtu, sans un sou d’avance, il tuerait la terre. Et c’était ainsi que la Beauce, l’antique grenier de la France, la Beauce plate et sans eau, qui n’avait que son blé, se mourait peu à peu d’épuisement, lasse d’être saignée aux quatre veines et de nourrir un peuple imbécile. »
Les appétits charnels... - Citation :
- « Sa femme devenait énorme, un tas à remuer ; et elle nourrissait, elle avait toujours Laure pendue aux tétines ; tandis que l’autre, la petite belle-sœur, sentait bon la chair jeune, de gorge aussi élastique et ferme que les pis d’une génisse. D’ailleurs, il ne crachait pas plus sur l’une que sur l’autre : ça lui en ferait deux, une molle et une dure, chacune agréable dans son genre. Il était assez bon coq pour deux poules, il rêvait une vie de pacha, soigné, caressé, gorgé de jouissance. Pourquoi n’aurait-il pas épousé les deux sœurs, si elles y consentaient ? Un vrai moyen de resserrer l’amitié et d’éviter le partage des biens, dont il s’épouvantait, comme si on l’avait menacé de lui couper un membre ! »
Et les appétits de chair : - Citation :
- « Déjà les cuillers tapaient ferme au fond des assiettes. La soupe était froide, couverte d’yeux de graisse qui se figeaient. Ça ne faisait rien, le vieux Fouan exprima cette idée qu’elle allait se réchauffer dans leur ventre, ce qui souleva une tempête de rires. Alors, ce fut un massacre, un engloutissement : les poulets, les lapins, les viandes défilèrent, disparurent, au milieu d’un terrible bruit de mâchoires. Très sobres chez eux, ils se crevaient d’indigestion chez les autres. La Grande ne parlait pas pour manger davantage, allant son train, d’un broiement continu ; et c’était effrayant, ce qu’engouffrait ce corps sec et plat d’octogénaire, sans même enfler. »
Appuyons encore le trait avec un peu d'irréligiosité : - Citation :
- « Ce n’était point qu’ils fussent plus religieux que les autres : un Dieu de rigolade qui avait cessé de les faire trembler, ils s’en fichaient ! Mais pas de curé, ça semblait dire qu’on était trop pauvre ou trop avare pour s’en payer un ; enfin, on avait l’air au-dessous de tout, des riens de rien qui n’auraient pas dépensé dix sous à de l’inutile. Ceux de Magnolles, où ils n’étaient que deux cent quatre-vingt-trois, dix de moins qu’à Rognes, nourrissaient un curé, qu’ils jetaient à la tête de leurs voisins, avec une façon de rire si provocante, que ça finirait certainement par des claques. Et puis, les femmes avaient des habitudes, pas une n’aurait consenti bien sûr à être mariée ou enterrée sans prêtre. Les hommes eux-mêmes allaient des fois à l’église, aux grandes fêtes, parce que tout le monde y allait. Bref, il y avait toujours eu des curés, et quitte à s’en foutre, il en fallait un. »
Peinture de Peter Bruegel l'Ancien | |
| | | pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
| Sujet: Re: Emile Zola Jeu 6 Nov 2014 - 18:45 | |
| - colimasson a écrit:
Malgré sa louable ambition de refléter la situation des paysans français à la fin du 19e siècle, Emile Zola parvient moins à atteindre l’essence réelle de ce monde rural que le reflet qui s’en échappe, devenant vérité aux yeux de l’écrivain alors qu’il « s’est contenté de parcourir la Beauce en calèche ».
Ni jouissive ni répugnante, cette soupe doit se boire avec une cuillère en argent. Emile Zola observe de loin ses paysans et pardonne leurs péchés imaginaires avec l’indulgence du privilégié qui a échappé aux vices de la misère et de l’ignorance.
Il n'avait pas les atouts dans sa poche pour pouvoir brosser un portrait proche de la réalité, on dirait. Pas le meilleur Zola alors? Pas très enthousiasmant donc.... | |
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