Le Zappa du jour

Igor a écrit:

Toujours très intéressant lorsque un créateur (génie ?) se développe hors d'un milieu, d'une "aristocratie" en rapport à ce qui deviendra son art.

Une histoire de Lisières?

Igor a écrit:

"Zappa par Zappa" (ne pas confondre avec les trois livres sur Zappa par Delbrouck ici) est son propre témoignage.
Beaucoup moins basé sur des lieux ou des personnes mais plutôt ses souvenirs, expériences, sa vision des choses et la période musicale qui le concerne.

Oui, le vieux Sam! toute une époque... On aurait pu s'y rencontrer. On le regrettes

Ah, noté Igor, effectivement je confondais les deux...Je penche plutôt sur le premier (si je le trouve)

Et oui, on aurait pu (Quoiqu'à l'époque -1976- je m'attardais plutôt devant les bacs de la folk musique, style John Denver! )

topocl a écrit:

Igor a écrit:

Toujours très intéressant lorsque un créateur (génie ?) se développe hors d'un milieu, d'une "aristocratie" en rapport à ce qui deviendra son art.

Une histoire de Lisières?

Pas loin en effet

topocl a écrit:

Une histoire de Lisières?

Tout juste! je n'y avais pas pensé. Zappa quoique moins tourmenté que l'auteur de ce roman, a vécu son enfance en périphérie.
Sa réflexion à propos de Varese "qui ne peut habiter qu'à Grenwich Village" en est un exemple!

Zappa par Zappa (extrait):


Le deuxième 33 tours que j’ai acheté était de Stravinsky. J’avais trouvé un enregistrement en série économique du Sacre du printemps (sur Camden), interprété par un machin qui s’appelait le « World-Wide Symphony Orchestra » (ça se pose là, non ?).
Un bidule abstrait vert et noir recouvrait la couverture et l’étiquette centrale était magenta avec un lettrage noir. J’aimai Stravinsky presque autant que Varese.

J’avais également beaucoup d’admiration pour Anton Webern – Je n’arrivais pas à croire qu’on ait pu écrire une telle musique. J’avais un très vieil enregistrement, un disque Dial dont la pochette était signée d’un artiste nommé David Stone Martin – d’un côté, un ou deux quatuors à cordes, et de l’autre, la Symphonie op. 21. Bien qu’il fût on ne peut plus différent de ceux de Stravinsky et de Varese, j’adorais ce disque.

Je ne connaissais rien à la musique dodécaphonique, mais j’aimais la manière dont elle sonnait. Comme je n’avais aucune sorte de formation musicale, écouter Ligthnin’ Slim, les Jewels (un groupe vocal qui chantait « Angel in My Life »), Webern, Varese ou Stravinsky, ça revenait au même.
Tout ça, c’était de la bonne musique.

Aeriale a écrit:

Et oui, on aurait pu (Quoiqu'à l'époque -1976- je m'attardais plutôt devant les bacs de la folk musique, style John Denver! )

76! Époque transitoire pour Zappa (elles le sont toutes ).
Je devais être en pleine illumination (et chiant comme la pluie) et je n'aurais pas manqué de venir t'agiter sous le nez le dernier album en date: Zoot Allures!!!

et moi comme un con je clique des trucs à côté, il fait 'achement bien le guitar hero Zappa, avec une intro qui fait penser à du Black Sabbath (et à d'autres trucs, c'est ça qu'est bien) : Muffin Man

variante ?

Hé oui Animal, Zappa n'est pas à une contradiction près. Ou plutôt de contradiction, son coté volontaire et enthousiaste fait qu'à la guitare il se pose là et il ne s'interdit rien.
Ce que j'aime bien c'est qu'il balaye le maniérisme hard en 2 ou 3 notes/accords pour explorer sans limites l'instrument.
Tranquille, en réponse aux critiques qui le trouvaient trop bavard il sort:
Shut Up & Play Yer Guitar - A l'époque un coffret triple, double cd maintenant (grand prix Académie Charles Cros)
Guitar - double cd
Trance-fusion - double cd
Trois opus uniquement réservés aux chorus de guitare. Concerts ou jam sessions...
Dans son bouquin, il dénonce ses limites:

Citation :

Un virtuose peut tout jouer. Moi non. Je ne peux jouer que ce que je connais. J'ai pu acquérir une dextérité suffisante pour pousser un peu plus loin, mais j'ai dû perdre des cours de route...

Illustration musicale de la teneur de ces album avec 1/3 de ce qui pourrait être considéré comme un concerto pour guitare et trio rock (clavier/basse/batterie).
Il s'agit de la partie chorus du morceau Inca Road. La pièce ci-dessous (Shut Up'n Play Yer Guitar) étant enregistrée le 18/02/79 (Londres) suivent (dans l'album) les chorus du même morceau les 17 et 19 enregistré au même endroit. Aucune redite pour ce chorus, une histoire défile dans la tête du musicien et il continue à la développer de soir en soir...
Zappa s'est amusé à nommer ces chorus:
1-Shut Up'n Play Yer Guitar
2-Shut Up'n Play Yer Guitar Some More
3-Return of The Son of Shut Up'n Play Yer Guitar

Zappa par Zappa (extrait):

Pierre Boulez

Lorsque j’ai rencontré Pierre Boulez, je venais de lui adresser des partitions, avec l’espoir qu’il voudrait bien les diriger. Il m’a répondu. Négativement.
Il ne disposait que d’un orchestre de chambre de vingt-huit musiciens, m’a-t-il expliqué en substance, or mes œuvres exigeaient un orchestre symphonique, ce qu’il n’avait pas sous la main en France. (En aurait-il eu un qu’il ne s’y serait pas risqué, m’a-t-il avoué plus tard, parce qu’il n’appréciait pas outre mesure le « son orchestral français », lui préférant celui du BBC Symphony).

J’avais acheté mon premier disque de Boulez vers la fin de mes années de lycée. Un enregistrement CBS du Marteau sans maître, dirigé par Robert Craft, couplé avec Zeitmasse (Temps-masse) de Stockhausen sur l’autre face.
Moins d’un an plus tard, j’ai réussi à me procurer la partition de cette œuvre. J’ai réécouté le disque en suivant les notes, et j’ai constaté que l’interprétation n’était pas d’une très grande rigueur. Puis j’ai trouvé une version du Marteau dirigée par Boulez, chez Turnabout.
Surprise : il avait pris le premier mouvement sur un tempo plus lent que noté sur la partition.
Quand nous nous sommes rencontrés, je l’ai taquiné à ce propos.
Pour paraphraser l’un des mots favoris de Thomas Nordegg (réalisateur vidéo de Vidéo from Hell et Uncle Meat), Boulez est « sérieux comme un cancer », mais il sait aussi se montrer rigolo. Il me fait un peu penser au personnage d’Herbert Lom dans les films de la Panthère rose, le « tic psychopathe » à l’œil en moins, mais avec cette qualité nerveuse qui le poussait au fou rire – justifié par les circonstances.

Avant les enregistrements de Perfect Stranger, nous avons déjeuné ensemble à Paris. Il a commandé un truc appelé brebis du …… (complétez svp !). Jamais vu ça. Ça ressemblait à un morceau de barbaque couché sur un bizarre lit de salade, le tout nappé d’une sauce translucide. Il avait l’air de réellement apprécier. Il m’a proposé d’y goûter. J’ai demandé ce que c’était « du museau de bœuf en vinaigrette ». Je l’ai remercié et suis retourné à mon steak au poivre.

Je suis allé le voir en 86 ou 87 au lincoln Center. Il dirigeait le New York Philarmonic avec Phyllis Bryn-Julson (soprano) en soliste. Le public fut odieux. La première moitié du programme comprenait des œuvres de Srtavinsky et Debussy, la seconde une œuvre de Boulez.
Après l’entracte, le public est revenu et a attendu que commence son morceau – beaucoup plus calme que les deux premiers. Alors une bonne moitié de la salle s’est levée – en faisant du tapage – et s’est dirigé vers la sortie. Lui n’a pas cillé.
J’aurais aimé avoir un micro et crier : « Asseyez vous, bande de cons ! Ce type est une pointure, un vrai de vrai ! »

A suivre: L'enregistrement de "The Perfect Stranger"

j'ai trouvé, avec un peu de mal je dois le dire, une photo qui montre que Boulez, sous ses dehors ours, en effet, sait rire, même si ce n'est pas aux éclats.

Enjoué le Boulez, Le museau fut bon ou la note parfaite...

Zappa par Zappa (extrait):


Depuis l’album avec le London Symphony Orchestra, j’avais reçu une quinzaine d’offres de la part d’orchestres de chambre du monde entier, plus ou poins importants, plus ou moins connus, qui me proposaient du fric pour que je leur écrive des œuvres originales. J’aurais été un compositeur débutant, j’aurais trouvé ça géant – mais je n’avais plus le temps, et je redoutais ce qu’ils en feraient si je n’était pas présent aus répétitions.
Pour compliquer le tout, ces offres sous-entendaient que je n’avais qu’à assister à la première du concert – assis béatement à applaudir à tout rompre.
C’est exactement ce qui m’est arrivé quand Boulez a dirigé le premier concert public de « Dupree’s Paradise », « The Perfect Stranger » et « Naval Aviation in Art ? ». Il n’avait pas assez répété.
J’ai franchement détesté cette soirée.
Pierre Boulez a littéralement dû me tirer sur la scène pour saluer. J’avais assisté au concert depuis les coulisses, assis dans un fauteuil, et je voyais la sueur couler du front des musiciens.
Ils devaient entrer en studio à l’IRCAM quelques jours plus tard pour enregistrer.
Au petit jeu de la musique contemporaine, tout le monde doit prendre un risque. Le chef d’orchestre, les musiciens, le public – mais celui qui risque le plus gros, c’est le compositeur.
Les musiciens, c’est sûr, vont saboter l’œuvre (mauvaises dispositions, répétitions insuffisantes). Le public n’aimera pas parce que ça « sonnera faux » (mauvaise acoustique, interprétation médiocre).
Dans ce genre de situation, on ne vous donne pas de « seconde chance » - il n’y aura qu’une soirée, car même si le programme annonce : « Première mondiale », il faut comprendre : « Dernière représentation ».
Avant de pouvoir dire s’il apprécie ou pas une œuvre, tout auditeur doit l’avoir écoutée. Avant de pouvoir l’écouter, il doit savoir qu’elle existe. Pour exister sous une forme audible (et pas seulement sous forme de partition), elle doit être jouée. Enfin, pour que le plus large public puisse en profiter, ce concert doit être enregistré, pressé sur disque et distribué dans tous les magasins.
La musique contemporaine intéressante existe. Sans renier les commentaires un peu sévères que vous venez de lire dans ce chapitre, j’affirme que des gens sincères et optimistes en composent encore. Mais alors, où est-ce que ça coince. Excellente question, je vous remercie de l’avoir posée ! Quand, exceptionnellement, ces gens-là enregistrent des disques, ils passent à coté de la Grande Poussée médiatique (et même du Simple Petit Coup de Pied au Cul, d’ailleurs). De ce fait, les gens qui pourraient être tenté de les entendre ont un mal de chien à les trouver.
M. Le Détaillant n’en a rien à branler – il est là pour écouler un max de Michael Jackson. Moi aussi j’ai mes traites à payer !
« Le concerto super-génial de Joe Blow » qui se trouvait dans le bac 29 – au fond du magasin à gauche ? Désolé, y’en a plus.
Si nous voulons transmettre un tant soit peu de culture musicale de valeur aux futures générations de ce pays, il nous faudra réformer le système qui décide du comment, du pourquoi, du calendrier et des responsables de toutes ces choses.

Intéressant le positionnement par rapport à la diffusion de la musique. Le témoignage date de quand?

Zappa avait une réflexion très poussée sur la musique et sur l'éducation en général.
Le livre est édité aux States en 1989, il y évoque sa dernière tournée "rock" de 88 donc on dira fin 88, début 89.

Et tiens, ses souvenirs de bahu!

Zappa par Zappa (extrait):

Citation :

Mon éducation 100% américaine

Certains professeurs m’ont réellement aidé. Mr Kavelman, qui dirigeait l’orchestre du lycée de Mission Bay, a répondu à l’une des questions musicales les plus brûlantes de ma jeunesse.
Je lui ai apporté un jour « Angel in My Life », mon morceau favori de R’n’B à l’époque. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi je l’aimais tant que ça, mais je m’étais dit que lui, professeur de musique saurait. « Ecoutez ça, lui dis-je. Pourriez vous me dire pourquoi ça me plaît autant ? » « Quartes parallèles », conclut-il.
C’est la première personne qui m’ait parlé de la musique dodécaphonique. Il n’en était pas particulièrement amateur, mais il m’en a mentionné l’existence, et je lui en suis reconnaissant. Sans lui, je n’aurais jamais découvert Webern.

Mr Ballard, lui, était le professeur de musique du lycée d’Antelope Valley. Il m’a laissé une ou deux fois écrire ma musique sur le tableau noir et la faire interprété par l’orchestre de l’école, sous ma direction.
Mr Ballard m’a aussi involontairement rendu un grand service. En tant que tambour, j’étais chargé de l’affreuse corvée de jouer dans la fanfare.
Compte tenu de mon total manque d’intérêt pour le football, il m’était très pénible de rester assis à me geler les couilles tous les week-ends, affublé d’un stupide uniforme, pour faire « da-ta-da-da-ta-ta-taaaah, EN AVANT ! » à chaque coup de pied dans ce ballon à la con.
Mr Ballard m’a exclu pour avoir fumé en uniforme – je lui en serai éternellement reconnaissant.

C’est dans cette même école que je me suis lié d’amitié avec Don Cerveris, mon professeur d’anglais. Fatigué d’enseigner, il a fini par démissionner pour devenir scénariste. En 1959, grâce à lui, j’ai décroché ma première musique de film, celle du western de série Z « Run Home Slow », dont il avait écrit le script.

une petite relance Zappa-Boulez?



(je précise que cette photo-là n’est pas d'Igor )

lors de recherches je suis tombée hier sur cette photo... et elle est trop choupinou pour ne pas la partager avec vous sur ce fil


Jerry Schatzberg


elle existe aussi en couleur...

Spoiler:

kenavo a écrit:

elle existe aussi en couleur...

Spoiler:

il ne lui manque plus que des oreilles roses qui pointent et il sera complètement choupinou