Béatrix Beck [Suisse]

Confidences de gargouille

Recueillies par Valérie Marin La Meslée. Qui fait partie de celles et ceux qui se sont sentis attirés par les drôles d'histoires de drôles de personnage de cette auteur de caractère. C'est inévitablement composite tout en étant assez ordonné d'un point de vue thématique. Une occasion pour Béatrix Beck de revenir avec un certain détachement sur de nombreuses parts de sa vie. Pour le lecteur qui la connait à travers ses livres il y a un envers du décors de l'autobiographie romancée qui dessine plus précisément et la personne et l'écrivain. La vie souvent compliquée, l'absence du père puis les hauts et les bas de la vie d'auteure...

Ce qui surprend un peu c'est la manière très directe d'évoquer et la famille et les connaissances, en bien comme en mal, mais simplement. On découvre à l'occasion un volet littéraire people son emploi de dernière secrétaire de Gide et son travail d'écrivain, et les prix d'un côté et de l'autre de la barrière l'ayant en plus de l'héritage paternel amenée à côtoyer beaucoup de personnalités et d'auteurs. Pour certains il s'agit de beaux portraits (Roger Nimier et le prêtre en tête). Cependant la peoplisation est dans l'oeil du lecteur (et un peu dans le volume de présence quand même) puisque les anonymes qui ont été des points de départs pour certains livres ou histoires sont très présents eux aussi (Josée dite Nancy). C'est aussi pêle-mêle des réflexions sur l'identité, la sexualité, la religion le lien qui peut exister entre les gens, avec un constant souci de vérité et de simplicité.

Sur le fil Melville j'évoquais ses désaccords avec l'adaptation... ce qui me sert au passage de transition pour aborder l'écriture qui a tenu une place très importante dans la vie de Béatrix Beck. Il y a d'un côté les nombreuses références de cette lectrice assidue et critique, et l'image d'une littérature perçue dès l'enfance et de l'autre son travail à elle. Un travail pour lequel on sent une certaine fierté, comme d'un travail accompli de façon juste. Mais aussi une absence d'absolu, une forme de doute qui est pour partie de l'humilité pour partie une relativisation ou un refus (légitime) de trop en faire. Écriture blanche ou Nouveau roman sont présents dans ce rapport qui se recentre sur l'amour des mots et des sons. Une idée, tenace, de la littérature cohabite avec une volonté de simplicité et de se ressembler. On aurait pu aimer plus de développements encore sur ce sujet qui est un fil rouge. ça suscite la réflexion sur l'évolution de l'écriture, sur une période révolue maintenant de XXème siècle et sa succession d'influences.

Et toujours l'indépendance et le caractère, des portes qui se sont fermées (Gallimard) et beaucoup de recul sur les prix (Femina et Goncourt surtout), une vision pratique (ça fait des sous pour vivre et écrire, ça facilite d'autres publications).

On en apprend aussi un peu plus sur ses entre deux de journalisme ou d'enseignement aux États-Unis et au Québec.

Une lecture qui complète l'image de cette personne attachante aux visions singulières. Je ne sais pas vraiment conclure. Ce n'est pas la plus grande auteure de tous les temps, elle n'a probablement pas non plus la belle des écritures (elle laisse d'ailleurs volontiers aux autres ce qu'elle dit ne savoir faire)... alors où se situe son souci littéraire si on doit dissocier tant bien que mal la littérature du rapport humain, de l'intérêt porté l'autre, d'une certaine attention ? Surtout qu'elle est très autobiographique ou avec une grande proximité des inspirations... peut-être la manière, propre, l'attention et le besoin de vérité qui se traduise dans l'écriture, même simple et pas seulement dans les juxtapositions parfois violentes dont elle est capable. Et l'imaginaire, le monde autre et réel, en fin de compte.

(ça plairait à Bix son rapport au rêve et à l'imaginaire).

Message reçu en tous cas, on va y revenir à BB.

OK, merci pour la piqure de rappel, Animal !

Il y a quand même quelque chose d'incroyable avec Beatrix Beck (prononcez Béatri comme perdrix, c'est elle qui le dit) c'est que plus j'en lis, plus j'ai envie d'en lire.
Et ça tient à sa façon de s'exprimer, de dire simplement les choses mais avec des mots bien choisis, d'ailleurs elle le dit dans ces confidences, c'est la recherche du mot avant tout qui compte pour elle, travaillant avec un dictionnaire quand elle écrit (d'ailleurs elle a la passion des dictionnaires Littré ou autres)

Pourquoi des autobiographies lui demande la journaliste ? parce c'est le domaine que je connais le mieux, ma vie en sorte lui répond-elle et elle ajoute que n'importe qui peut écrire à partir de sa vie, on en a tous une non ?
Ce qui n'a pas empêché BB d'écrire d'autres livres (contes par exemple) moins en rapport avec ce qu'elle a vécu mais quand même on retrouve l'essentiel de sa vie dans ses livres qui sont souvent des autobiographies romancées, ce qui lui a valu pas mal de brouilles notamment (relatées ici).

Donc ces confidences ne nous font pas "découvrir" BB car l'essentiel est dans ses livres, mais on en apprend quand même pas mal sur son parcours, sa vie pas facile commençant par son enfance auprès d'une mère qui n'hésitait pas à la qualifier de laide, je crois que ça l'a beaucoup marquée, ça revient souvent dans ses dires.

Le suicide de sa mère, la mort mystérieuse de son jeune époux communiste sur le front, la naissance de sa fille, ses galères pour essayer d'obtenir la nationalité française, ses innombrables emplois précaires, la faim, les déménagements, puis enfin le Goncourt, sa démission du jury du fémina, bref je ne vais pas faire un catalogue de sa vie , car il faut lire ses mots à elle, sa façon si personnelle de raconter (elle se dit "rurale" elle aime les aphorismes et certaines expressions toutes faites des gens, elle les "écoute" et note ce qui l'interpelle, les descriptions ne l'intéressent pas, elle se nourrit ce que disent les gens, on n'est pas dans un salon littéraire, les gens sont sa voisine, sa tante, sa marraine....)

Elle aime entre autres Stendhal, Proust, les film "Les jeux interdits", "Casque d'or", Nathalie Sarraute, Rimbaud, n'aime pas Zola (il n'aime pas ses personnages dit-elle) ni Victor Hugo, est attirée par le nouveau roman, le surréalisme, le "merveilleux"(les fées) qu'elle préfère largement au fantastique, je dis tout ça en vrac car même dans ces confidences elle passe vite d'un sujet à l'autre.

Attirée par la religion par son côté "recherche de l'absolu"ou d'une certaine béatification ou transcendance (là je m'arrête car je vais dire n'importe quoi)
Communiste convaincue, travailleuse acharnée, elle écrit avec un Bic, noircit des tonnes de brouillon, écrit le jour, jamais sur un bureau.
Préfère de loin la campagne à la ville, n'aime pas les mondanités même si son travail de secétrariat chez Gide l'amène à fréquenter des auteurs ou des cinéastes.

Un recueil de confidences qui intéressera ceux qui la connaissent et qui l'aiment, j'ai adoré ce livre car j'ai eu la sensation de mieux la connaître ou la comprendre, mais l'essentiel se trouve dans ses romans et ses contes.
Ceux qui l'ont rencontrée ont bien de la chance.

Et merci Animal qui l'aime autant que moi et qui me l'a fait découvrir.

Idem pour "une mort irrégulière"
qui n'a pour reproche que le faible nombre de page.
Barny suit sa vie, qui n'est pas de tout repos. Dans la lignée des autobios.

Trop naze pour en dire plus...

ça me fait plaisir. et c'est vrai, il faut la lire dans ses romans et ses contes.

Je vais lire Béatrix Beck.
J'ai envie mais je sais pas encore par quoi commencer.

Lara a écrit:

Je vais lire Béatrix Beck.
J'ai envie mais je sais pas encore par quoi commencer.

Difficile pour moi de répondre, je les aime tous
Bizarrement celui auquel j'ai le moins accroché c'est peut-être "Léon Morin, prêtre", parce que je ne suis pas très sensible au sujet sûrement.
Donc je te conseillerais soit "Barny", qui est une autobiographie romancée et permet de bien rentrer dans l'univers de l'auteur ou "La décharge" qui ne manque pas de pittoresque.

"L'enfant chat " est un régal également.
Bref, fonce!

Vous m'avez tentée !!! Prochain emprunt à la bibliothèque ou élément d'une future commande mais je vais découvrir, c'est certain !!

Suite de la série des Barny si l'on peut dire, autobiographie donc de Beatrix Beck.
Période de guerre, Vim son mari est au front, Barny doit donc élever seule sa fille France et faire face à la situation: trouver un logement, du travail, se dépatouiller avec son statut d'étrangère.
Un télégramme arrive chez sa voisine qui doit lui annoncer "avec ménagements" la mort de Vim, dûe à un coup de mousqueton, pas plus de précision.

Dans "Confidences de gargouille", BB se livre en disant que la mort d'un être cher ne doit pas révolter, c'est idiot, elle attriste, terrasse, anéantit oui, mais elle ne révolte pas.
Ce qui la révolte là, c'est que c'est cette madame Sinant qui lui apprend, qu'elle est obligée de sortir de chez elle pour apprendre de la bouche de cette femme qu'elle n'aime pas, l'horrible nouvelle.

S'ensuit une série de démarches de Barny pour tenter de découvrir les causes de la mort de Vim qui restera mystérieuse jusqu'au bout.

Un passage à l'ironie cruelle, quand un inspecteur vient fouiner et lui poser des questions sur son communiste de mari aux relations et activités suspectes, le surlendemain de la nouvelle de sa mort:

L'inconnu tira une carte d'inspecteur de la sûreté, s'assit, sortit de la serviette des papiers qu'il posa sur ses genoux et annonça:
- Votre mari se livre à une activité subversive.
- Il ne se livre à aucune activité répondit Barny, grinçant d'une joie de damnée. Elle tenait la plus belle plaisanterie de sa vie ravagée.
- Une enquête a été prescrite sur les agissements de votre mari.
- Je souhaite beaucoup de succès à votre enquête, Monsieur, répondit Barny du ton le plus obséquieux.
- Votre mari est incorporé à une unité de l'armée française.
- Non, Monsieur, il ne l'est plus, répondit gaiement Barny.
- ça ne vous sert à rien de faire la maligne. On l'interrogera lui-même".
- On ne l'interrogera pas claironna Barny. Elle explosa triomphalement.
- Vous ne pouvez plus rien contre lui: il est mort
- Il est mort ? répéta l'inspecteur stupéfait. Et il regarda avec consternation le dossier sur ses genoux. Mais tout de suite, un éclair d'espoir dans ses yeux:
- Quelles sont les personnes que votre mari fréquentait ?
- Il ne fréquentait personne.
- Faites attention à vous. Je veux des adresses.
- Vous venez me menacer le surlendemain du jour où j'ai appris la mort de mon mari. ça ne vous servira à rien: je ne sais rien. Tuez moi, ça m'est égal, ajouta-t-elle naïvement.

Surréaliste ? non en temps de guerre, je ne pense pas.
Cruauté du désespoir chez Barny toute résumée dans ces quelques phrases qui font de ce livre le plus dur que j'aie lu de BB et certainement le plus beau.

oui, celui là est difficile, il a une ombre de ça passe ou ça casse. c'est encore plus troublant d'imaginer la part d'écriture et de détachement à demi fictionnel de cette autobiographie Barny.

Stella Corfou, c'est un très beau livre sur la Passion, celle qui nourrit une vie.
Et celle dont la perte rend taré. Le tout avec burlesque, humour et légereté.

Un roman émouvant.

Et pour faire honneur à Stella :

Spoiler:

ça fait envie (même avec la couverture de film d'horreur des années 80). Mais c'est Josée dite Nancy qui sera ma prochaine lecture de BB.

Il est bien, il reste à Maryvonne "Confidences de gargouille"
ça navigue les BB, je ne sais plus quoi est à qui.

les titres sont tout de même improbables.