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Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Lars Von Trier Lun 20 Fév 2012 - 15:12
La vidéo de l'ouverture de Mélancholia avec le prélude de Tristan et Isolde de Wagner est maintenant disponible:
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Lars Von Trier Mar 3 Avr 2012 - 18:05
Comparaison entre la scène d'ouverture de Melancholia et des séquences de films de Tarkovski et Kubrick (+ Resnais). Si certaines correspondances sont discutables, le résultat est agréable à l'oeil et Wagner lie l'ensemble:
La scène finale:
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Lars Von Trier Mar 3 Avr 2012 - 18:56
c'est vrai qu'en sortant d'une séance de 2001 on ne peut faire que le rapprochement avec Melancholia, sans doute le côté 'en apesanteur' des deux films et l'importance de la bande sonore (musique/silence). (j'en ai fait l'expérience il y a peu)
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Lars Von Trier Mer 18 Juil 2012 - 15:13
Maintenant que j'ai enfin vu Melancholia, je viens à la suite de tous vos commentaires très élaborés... Superbe réussite pour moi, ce film !
Melancholia (2011)
Lars von Trier s’empare du mot Melancholia et le décline en deux parties, à travers deux références. Ces deux références sont : la mélancolie en tant que trait d’une personnalité, étendu jusqu’à la névrose, et Melancholia, le nom de la planète que les scientifiques ont récemment découvert dans l’horizon de la Terre, et qui risque plus certainement de la détruire que de la frôler sans incidence. Deux parties : la mélancolie confinée à l’intérieur d’un seul personnage –Justine-, et la mélancolie qui trouve une échappatoire face à la concrétisation de ses angoisses –la fin du monde.
Ce mode de résolution de la névrose de Justine marque la victoire du doute. Le triomphe était pourtant loin d’être évident.
Après un prélude des plus fantasmagoriques, présage des visions merveilleuses qui se feront de plus en plus fréquentes au fil du film, la première partie s’ancre dans un réel que n’importe qui d’entre nous pourrait connaître. Sachant qu’elle se marie, et qu’elle est censée vivre le jour le plus heureux de son existence, Justine tente un temps de jouer le jeu de l’insouciance –si ce n’est pour elle, ce le sera au moins pour permettre à son mari et à ses invités de s’épanouir dans une ambiance festive. Face à sa sœur Claire, que le bon déroulement de la cérémonie semble rendre nerveuse, elle représente alors la joie pure, presque enfantine. Mais l’heure tourne et les rôles deviennent moins clairs. Justine devient la proie d’une tristesse que rien dans son entourage –si ce n’est l’esprit cynique de la mère- ne justifie. Alors que tout aurait pu se passer dans les meilleures conditions, Justine transforme son mariage en une entreprise de destruction. Guidée par son naturel mélancolique, elle rejette son époux et fait une croix sur ce qui aurait pu être un brillant avenir professionnel. La planète Melancholia, jamais éloignée mais à peine évoquée, surplombe le paysage et constitue un avatar de Justine. On se prend à imaginer l’influence que la planète pourrait avoir sur certaines personnalités, comme on attribue un pouvoir à la Lune, ou une influence de l’alignement de certaines planètes sur le sort d’une destinée.
Qu’en est-il vraiment ? En se concentrant sur la planète Melancholia, la deuxième partie modère les certitudes que l’on croyait avoir acquises au cours de la première. Certes, la planète s’est encore rapprochée –on la distingue maintenant aussi clairement que la Lune- et Justine s’est installée au plus profond de son sentiment de mélancolie, refusant de manger, de se vêtir et ne trouvant plus la force de tenir debout, malgré les attentions de sa sœur. Mais à mesure que Melancholia se rapproche et que sa menace croît, une nouvelle fois, les rôles deviennent moins clairs. Justine devient de plus en plus sereine, tandis que Claire, en proie à la panique, adopte un comportement irrationnel.
Ce jeu entre les deux Melancholia –le sentiment, la planète- est mené d’une manière habile qui conduit de surprise en surprise, dans une ambiance magique faite de paysages parfois effrayants. La mélancolie, dépeinte dans toute la laideur de ses ravages, devient peu à peu la concrétisation d’une vision lucide et s’achève dans un enchantement apocalyptique. La mélancolie, traitée comme une faiblesse, permet en fait à une force plus grande de se déployer lorsque survient la catastrophe.
Jamais pris au piège d’une vision étroite de ce sentiment, Lars von Trier nous en fournit au contraire une vision riche et nuancée, parfaitement illustrée par le jeu entre la planète et les habitants menacés de la Terre. Le message aurait pu être pessimiste –la mélancolie est la prémonition éclairée d’une catastrophe inévitable à long terme- mais il contraste avec la sérénité et la beauté sans violence d’une fin du monde dont on aimerait presque faire partie…
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Lars Von Trier Mer 18 Juil 2012 - 15:47
C'est vrai qu'elle est belle cette fin du monde fantasmee. Le sursaut de toute puissance destructrice dans l'effondrement mélancolique. Et une tentation romantique étonnante chez un cynique comme Lars Von Trier.
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Lars Von Trier Mer 18 Juil 2012 - 19:35
Marko a écrit:
Et une tentation romantique étonnante chez un cynique comme Lars Von Trier.
J'ai trouvé aussi ! J'ai eu l'impression qu'il se laissait aller au plaisir de composer quelque chose de beau, sans se soucier de savoir si cela sonnerait baroque voire kitsch. C'est plutôt décomplexé. On est souvent proche du mauvais goût mais sans jamais tomber dedans, et ça rend le spectacle encore plus éprouvant !
J'ai aussi lu tes anciens commentaires et je suis d'accord avec toi quant à la deuxième partie qui pourrait aussi être interprétée comme une vision du monde fantasmée et non pas réelle. C'est d'ailleurs ce que je croyais au début : j'imaginais une vision parallèle de la première partie, jusqu'à ce que le déplacement de Melancholia dans le ciel me fasse prendre conscience qu'il y avait eu une évolution dans le temps et que les évènements s'ancraient dans une réalité concrète.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Mer 18 Juil 2012 - 19:59
Ça je ne crois pas justement. La planète Melancholia n'est qu'un fantasme, une allégorie de sa propre mélancolie. Et c'est pour ça qu'il y a autant de répétitions et d'échos d'une partie à l'autre. C' est une reconstruction fantasmatique, mentale. Mais peu importe. On peut aussi croire à la réalité de cette planète. L'ensemble reste une fable.
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Lars Von Trier Jeu 19 Juil 2012 - 22:00
Je n'avais jamais imaginé que la planète puisse n'être qu'une représentation mentale, un fantasme... Ca doit changer pas mal de choses... film à revoir ?
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Lars Von Trier Jeu 19 Juil 2012 - 22:36
Quand elle regarde ce point rouge dans le ciel dans la 1ère partie son beau-frère lui dit à quelle constellation il appartient. Une planète banale qu'elle se prend à imaginer comme une menace et donc une libération potentielle. La seconde partie reprend des motifs de la 1ère avec des répétitions, des scènes qui se rejouent. Et Melancholia devient une force menaçante prête à tout détruire et qu'elle appelle en quelque sorte. Elle s'y abandonne même comme à un merveilleux et terrifiant fantasme qui illustre sa melancolie. Mais j'ai déjà développe plus haut cette perception du film. Encore une fois ce qui m'a trouble c'est la répétition de certaines séquences. De la même façon que le prélude est clairement décrit en cours de film comme un rêve de son héroïne. Lars Von Trier donne vie aux idées de ruine d'une femme mélancolique et suicidaire.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Lars Von Trier Jeu 19 Juil 2012 - 22:55
En cherchant un article sur l'opposition rêve réalité dans Melancholia je tombe sur ce lien que je recommande à tous les fans du cinéaste (et à ses détracteurs). Il n'analyse pas Melancholia tout à fait comme moi mais tout ce qu'il dit de son cinéma est formidable: Lucid dreams: Lars Von Trier
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Lars Von Trier Mer 29 Aoû 2012 - 16:17
Dogville (2003)
Dogville n’est qu’une scène : le plateau noir d’un studio de cinéma sur lequel des traits blancs tracés au sol délimitent les contours d’habitations qui ne s’érigeront jamais, de plantes et d’arbres dont nous ne verrons pas les fruits, de portes qui claquent mais que l’on ne voit ni s’ouvrir ni se refermer.
Dans ce décor minimaliste vivent quelques poignées d’habitants. Dogville est un village perdu au fin fond des Rocheuses. Une seule route permet d’y accéder, mais rares sont les visiteurs. Lorsque Grace arrive au milieu de cette quasi-fratrie à l’existence bien campée, tous la considèrent avec suspicion. Seul Tom, qui se définit comme un « philosophe à l’étude des comportements humains » accepte de lui faire confiance. Lors d’une assemblée avec les villageois, il propose à ceux-ci de mettre la jeune femme à l’essai pendant deux semaines. Au cours de cette période, elle se rendra utile à la communauté en effectuant diverses tâches. Si à l’issue des quinze jours, un seul villageois s’oppose à sa présence, Grace quittera Dogville. Cela ne se produira pas.
L’histoire, découpée en neuf chapitres, suit un cheminement terrifiant. Si les visages méfiants des villageois se drapent bientôt de sourires épanouis lorsqu’ils réalisent que Grace est une domestique efficace, qui leur rend la vie plus agréable, ils ne tardent pas à retrouver leurs traits angoissés lorsqu’un avis de recherche est placardé sur les murs du village. Grace serait une dangereuse criminelle et parce qu’ils consentent, bon gré mal gré, à continuer de l’héberger, les villageois se croient permis d’exiger de leur domestique une dose accrue de services, en même temps que le respect qu’ils lui accordent se réduit à peau de chagrin.
Lars von Trier met en place un crescendo de perversion et de cruauté qui ne semble jamais devoir s’arrêter. Grace devient une figure du martyr. Alors qu’elle se tue à la tâche, la plus minime de ses erreurs est désignée comme un crime terrible dont elle devra payer les conséquences. Chaque habitant exige d’elle des peines infinies, sans aucune considération pour l’énergie qu’elle doit déployer par ailleurs pour les autres villageois. Et son labeur seul n’est pas recherché… Son corps devient à son tour une propriété commune sur lequel les hommes tristes et sales de Dogville viennent essuyer la frustration de leurs vies rabougries. Quoi que Grace fasse, le regard que portent sur elle les villageois est devenu tel qu’il n’est plus possible de lui accorder le moindre mérite. Et pendant tout ce temps, point culminant du martyre : Grace subit sans broncher. Sa capacité à endurer la bassesse des comportements à son égard semble aussi inhumaine que la cruauté dont elle est victime. La terreur grandit encore lorsqu’on songe au moment inéluctable où Grace finira par craquer et par se décharger de l’animosité contenue et amplifiée en elle.
Au cours de ce processus, on réalise alors que le choix de mise en scène minimaliste de Lars von Trier est judicieux. Il ne s’agit pas d’un exercice de style gratuit. L’absence de décors envahissants empêche l’attention de se détourner du principal : l’observation des comportements et des psychologies des personnages. L’absence de murs, de cloisons et de portes donne l’impression d’un village constitué sur la base d’une unité. Les tortures, silencieusement subies par Grace dans diverses pièces confinées des habitations, deviennent des consentements implicites des autres habitants que l’on voit continuer à vivre, comme si de rien n’était, dans leurs maisons respectives.
Lars von Trier, comme Tom le « philosophe », semble prendre un véritable plaisir à animer les villageois de son invention pour leur faire prendre la direction d’un sadisme délicatement consommé. Et si l’on s’observe à son tour, l’hypothèse d’être le dernier représentant de ces villageois n’est pas improbable. Qu’est-ce qui est le plus jouissif finalement ? L’ascension de cruauté des villageois ou la vengeance totale de Grace ? Lars von Trier a créé un film totalement désespérant qui ne met pas sa foi en l’humanité. Là où on pourrait douter des effets bénéfiques de ce film pour la psyché du spectateur, on se retrouve finalement totalement épuisé et apaisé par sa fougue cathartique.
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Lars Von Trier Mer 29 Aoû 2012 - 16:28
sousmarin a écrit:
Concernant Dogville, le thème m’a effectivement attiré mais sa construction m’a ennuyé…et je ne parle pas des personnages beaucoup trop manichéens (pour plaire aux américains encore ?)…
Manichéens, les personnages de Dogville ? Au contraire, j'adore le petit jeu de masques qu'ils mènent... leur côté fourbe bien aguerri, qu'ils ont si bien développé que Grace en devient la première victime...
Babelle a écrit:
Questions en suspens, auxquelles les spectateurs de Dogville ou connaisseurs de Lars Von Trier pourront répondre... 1)- Le "scénario" de Dogville se situe dans les années 1930 au Nord des EU, les conditions de vie sont rudes durant la crise économique, les populations les plus démunies se déplacent à la recherche des loueurs de main d'oeuvre... Aussi, à la fin de ce "film", durant le générique, des photographies d'archives défilent, datant de la crise de 1930 au Etat-Unis. Pourquoi?
Le générique de fin m'a surprise moi aussi. Il nous ramène brutalement à la réalité. Après s'être laissé embarquer par la fiction, l'atterrissage est brutal. C'est aussi une preuve que Lars von Trier a réussi à mener son jeu d'illusionniste...
Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
Sujet: Re: Lars Von Trier Jeu 30 Aoû 2012 - 9:03
Ça fait bien longtemps que je n'ai pas re-regardé Dogville. Il est toujours très ancré dans mes souvenirs. Ce film marque, touche, laisse une vraie trace.
Peut-être parce que, comme tu le soulignes, LVT parvient à faire du spectateur un membre à part entière du village. Il se retrouve impliqué dans tout. Aussi passif et observateur que n'importe lequel d'entre eux. Donc, aussi coupable.
Ce film est une vraie tragédie, une allégorie, et un puissant trouble mystique.
Ce rôle de martyr pour sauver ou non l'humanité est terrible, ce test très "dieu grec" est impitoyable.
L'absence de décor met aussi en avant la fragilité du corps, de la vie humaine, sans tout ce que l'homme construit pour se protéger. Et se cacher. Le terrifiant dans ce film, c'est que LVT n'y sauve personne. C'est d'un pessimisme à vous faire avoir une chair de poil sombre plantée dans l'échine.
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Lars Von Trier Jeu 30 Aoû 2012 - 22:12
Ce film semble vraiment t'avoir marquée Queenie. Et je comprends bien !
D'accord avec toi : l'absence de décor met vraiment les personnages au premier plan et dévoile toute la fragilité de leurs existences. Et ce d'autant plus que les corps sont malmenés, dans leur misère comme dans les crimes qu'ils subissent.
Queenie a écrit:
Le terrifiant dans ce film, c'est que LVT n'y sauve personne. C'est d'un pessimisme à vous faire avoir une chair de poil sombre plantée dans l'échine.
Tu as peut-être oublié le chien ?
Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
Sujet: Re: Lars Von Trier Ven 31 Aoû 2012 - 8:14
colimasson a écrit:
Ce film semble vraiment t'avoir marquée Queenie. Et je comprends bien !
D'accord avec toi : l'absence de décor met vraiment les personnages au premier plan et dévoile toute la fragilité de leurs existences. Et ce d'autant plus que les corps sont malmenés, dans leur misère comme dans les crimes qu'ils subissent.
Queenie a écrit:
Le terrifiant dans ce film, c'est que LVT n'y sauve personne. C'est d'un pessimisme à vous faire avoir une chair de poil sombre plantée dans l'échine.
Tu as peut-être oublié le chien ?
Ah oui, tiens. J'ai oublié le chien. Faut donc que je le revois sous peu !