Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Frederick Exley

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Heyoka
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyLun 8 Juil 2013 - 10:49

A force de vous entendre en dire autant de bien, je vais le lire.
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyLun 8 Juil 2013 - 19:30

Kannskia a écrit:
A force de vous entendre en dire autant de bien, je vais le lire.

Moi aussi, c'est sûr, je l'avais déjà noté d'ailleurs... Ils sont contagieux !
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colimasson
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptySam 13 Juil 2013 - 13:54

Le dernier stade de la soif (1968)


Frederick Exley  - Page 3 Le-der10

Il est des époques comme la nôtre où être un écrivain raté peut devenir le plus grand atout pour accéder au succès. Pour un peu de reconnaissance littéraire tardive, il aura fallu que Frederick Exley mène une vie laborieuse, à la fois supporter des Giants, professeur clairvoyant de français, aliéné à Avalon Valley, époux décevant, père simulateur et alcoolique invétéré -comme si ces épreuves incessantes n’auraient pu avoir d’autre conclusion (sublimation ?) que cette épopée biographique qui n’est pas sans rappeler la Crucifixion en rose d’Henry Miller. Menteurs, volages, illuminés, Frederick Exley et son confrère auraient pu s’entendre à merveille… mais peut-être se seraient-ils entredévorés pour deviner qui, de l’un ou de l’autre, pouvait prétendre décrocher le plus légitimement la palme du perdant.


Dans la préface du Dernier Stade de la soif, Nick Hornby s’extasie devant Frederick Exley comme le seul auteur de sa génération capable d’avoir déversé sans pudeur et sans fierté le contenu putride de son existence au vu et au su de tous ses lecteurs potentiels. Ce serait là réduire un peu trop drastiquement le champ des auteurs de la seconde moitié du vingtième siècle, et faire confondre l’engouement à l’ignorance. Dans son principe, le Dernier Stade de la soif n’a rien de révolutionnaire : ce roman est un canal qui permet à Frederick Exley de déverser toute sa bile anti-américaine et de dégobiller toutes les valeurs moisies du rêve américain dans la tronche de ses compatriotes. En appui de ses convictions, il évoque les évènements marquants de son existence et ressasse ses déceptions, convaincu qu’en appuyant sur le caractère désespérant de son parcours, il fera ressortir de manière triomphante la crasse, l’hypocrisie et le malheur que dissimulent les sourires resplendissants des modèles publicitaires. Rien d’original, donc. Rien d’original, dans le principe. Sauf à considérer que se plonger dans la biographie d’un homme aussi sincère, aussi lucide et aussi clairvoyant que Frederick Exley constitue forcément une expérience originale en soi. C’est le cas.


Pendant tout le début de son existence, Frederick Exley, rivalisant avec son père décédé, aura tenté de devenir aussi glorieux que lui. Comprenant très vite qu’il s’agissait en fait, principalement, de faire preuve de prostitution intellectuelle pour correspondre aux modèles vantés par la société américaine, le jeune homme jette les armes, sans délaisser son rêve pour autant. La route vers la déchéance commence… comment rester fidèle à ses convictions et à ses valeurs tout en essayant d’atteindre un but qui leur est opposé ? Entre envie d’inclusion totale et rejet de la société, Frederick Exley virevolte d’une ambivalence à l’autre, se détruisant davantage qu’il ne parvient à faire changer le monde qui l’entoure. Et c’est lorsqu’il cesse enfin de vouloir paraître autre qu’il n’est –lorsqu’il écrit ses mémoires sans oublier aucun passage humiliant, grotesque ou rabaissant de son existence, volant allègrement à contre-courant des marqueurs de la réussite en vigueur dans le Nouveau Monde- que Frederick Exley parvient à nous convaincre de son prodigieux talent par l’usage de sa verve rancunière.


Mais… on sent toutefois que les procédés de séduction traditionnels ne sont pas loin. Même s’il a choisi d’orienter le Dernier stade de la soif sur l’affirmation de sa personnalité réelle au détriment des exigences revendiquées par la société, son livre n’est authentique que partiellement et s’il peut convaincre son lecteur, ce n’est qu’au prix d’une manipulation discrète –qui semble même faire un peu honte à Frederick Exley. Après avoir vivement insulté et moqué ses congénères, l’auteur semble obligé de se moquer de lui à son tour et sur le même ton, avec une tolérance un peu trop marquée pour qu’elle soit vraiment cohérente avec les valeurs et les images de vengeance persistantes qui martèlent d’autre part son esprit. Il est aussi question de femmes, d’enfants et de cunnilingus –prouvant que Frederick Exley, à la manière d’Henry Miller, n’était pas si rejeté du monde qu’il ne voulait bien l’écrire- mais ceci passe encore : chacun a bien le droit de se mettre en scène dans un film écrit à son honneur, afin de revendiquer ses propres gloires. Le plus dérangeant survient dans les dernières pages du livre lorsqu’on se rend compte que progressivement, dans l’échec, Frederick Exley est parvenu à fusionner avec les images de son pire cauchemar : celui du rêve américain. Comme s’il ne pouvait pas se séparer de la conclusion hollywoodienne en « Happy End » des œuvres les plus sirupeuses du septième art, Frederick Exley se croit obligé d’apporter une touche de semi-réconfort à l’écriture de sa biographie romancée. Oui, lecteur ! même dans l’échec, tu peux tirer parti de ta déveine pour pondre un livre… rester productif… te divertir… te rengorger socialement…


Malgré cette conclusion un peu contradictoire qui nous indique que Frederick Exley n’est pas totalement guéri de l’american dream, il serait dommage de cracher sur son plaisir… l’auteur a tout de même de quoi être fier de lui. Son talent pour rendre vivantes les scènes de son existence est immense et son humour parvient à transcender le désespoir pourtant bien tenace qui a dû le cheviller à de nombreuses reprises. Et puis, surtout, Frederick Exley parvient à nous séduire en nous montrant qu’il n’est pas mieux que nous, et que nous ne sommes pas meilleurs que lui… après tout, nous sommes tous aussi corrompus que lui, modulant nos humeurs en fonction de nos besoins entre reconnaissance et indépendance, et on comprend qu’à défaut d’avoir pu accomplir le rêve américain, Frederick Exley ait voulu tout du moins se façonner sa propre petite gloriole –attachante parce que personnelle, à défaut d’être rentable.


Frederick Exley  - Page 3 Andy_r10
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« Telles des starlettes de cinéma tout justes fabriquées, ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau : tous mesurent un mètre quatre-vingt-cinq ; tous ont une peau hâlée, tous ont une coupe de cheveux parfaite, tous sont vêtus de chemises proprettes et de pulls en V en cachemire, et tous portent des bermudas iridescents dévoilant de jeunes et jolies jambes musclées. a les regarder, je comprends qu'’ls sont la génération à qui le président Johnson a promis sa Grande Société ; la génération qui ne connaîtra jamais la honte de la pauvreté, l’angoisse de la défaite l’ironie fatidique de la maladie inopinée ; la génération qui se rendra sur la lune déserte et la trouvera, puisqu’on leur aura dicté leur réaction, plus belle que cette rivière qui coule inaperçue à leurs pieds ; la génération qui prendra sa retraite dans le Sud-Ouest américain, où ils vivront jusqu’à cent cinquante ans sous le soleil brillant et inamovible, à regarder les rediffusions d’Ed Sullivan sur des postes de télévision couleur de cinq mètres de haut. »
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptySam 13 Juil 2013 - 15:53

Ah enfin, je l'attendais ce commentaire, Coli!

Parfaitement développé et argumenté comme à ton habitude, et toujours plus nuancé que la moyenne. Tu es un peu moins bon public que nous ne l'avons été, et c'est pas plus mal, sans quoi ce roman perdrait de sa crédibilité, ce qui serait dommage!

Je retiens que sa sincérité t'a tout de même séduite. A vous autres à présent Heyoka, Domreader Wink
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptySam 13 Juil 2013 - 19:55

C'est vrai, même si je n'ai pas eu la même lecture, ton analyse est fine et nuancée. Il faudrait que le relise pour pouvoir répondre (ça fait plus d'un an et demi que je l'ai lu). Merci !
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyDim 14 Juil 2013 - 0:58

Aeriale a écrit:
A vous autres à présent Heyoka, Domreader Wink
Il va passer à la casserole oui 
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyLun 15 Juil 2013 - 19:57

Aeriale a écrit:
Ah enfin, je l'attendais ce commentaire, Coli!

Parfaitement développé et argumenté comme à ton habitude, et toujours plus nuancé que la moyenne. Tu es un peu moins bon public que nous ne l'avons été, et c'est pas plus mal, sans quoi ce roman perdrait de sa crédibilité, ce qui serait dommage!

Je retiens que sa sincérité t'a tout de même séduite. A vous autres à présent Heyoka, Domreader Wink

Merci Aériale content 

Le plaisir d'une lecture est toujours ambivalent... et pour ce Dernier stade de la soif, ç'a clairement été le cas. L'écriture est géniale, prenante, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir certaines discordances, et lorsque ce n'est pas assumé ça me fait un peu grincer des dents.

J'attends les avis des autres à mon tour ! swing 
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyLun 15 Juil 2013 - 20:02

En tout cas, j'ai vu que tu as quand même mis trois coeurs ! Cela m'a fait plaisir.
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyMer 17 Juil 2013 - 20:27

Oui, c'était une lecture très agréable et les défauts de Frederick Exley sont les défauts de tout le monde... on ne peut pas lui reprocher d'être humain !
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptySam 31 Aoû 2013 - 10:49

Je vous montre la couverture de 10-18 pour Le dernier stade de la soif :

Frederick Exley  - Page 3 Ledern10

Je parle souvent de cette lecture un peu comme un bruit de fond... Pour le moment, j'ai repris cette lecture à raison de 10 pages à chaque fois. J'ai moi-même en ma possession l'édition de Monsieur Toussaint Louverture. Je dois dire que la mise en page de ce livre m'exténue. Toutefois, le style de l'écrivain ressort. Nous pouvons dire qu'Exley est authentique dans ses aspirations. Authentique dans le sens qu'il s'enfonce volontairement dans des conduites d'échec. Cette image du publicitaire que nous pouvons trouver en remontant le fil est quelque chose à lire. Il m'a semblé en tout cas que l'édition 10-18 était plus agréable à aborder. Quand même, elle fait 456 pages, comparativement à 446 pour Toussaint Louverture. Ça doit sans doute être une question d'habitude.

Avec l'édition 10-18, vous n'avez plus d'excuses pour le lire... Wink


Dernière édition par jack-hubert bukowski le Sam 31 Aoû 2013 - 12:14, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptySam 31 Aoû 2013 - 11:26

Je l'ai fini il y a peu (c'est marrant, moi j'aime beaucoup la mise en page de Toussaint Louverture - mais j'ai lu Le dernier stade de la soif chez 10-18).

C'est complètement Foutraque comme bouquin : on passe facilement d'un moment à un autre, des anecdotes qui s'enchaînent pas toujours chronologiquement, qui éclairent un aspect, en embrouillent un autre.
Si on accepte ce parti-pris, on est facilement plongé dans un tourbillon de folie douce et moins douce.
Un mec avec de vrais bons problèmes psychiatriques qui te racontent des bouts de sa vie, c'est forcément intense, troublant, flippant, marrant, grinçant.

Tout le monde en prend plein la tronche, et le narrateur en premier. Il ne s'épargne rien. N'essayera pas de montrer un aspect de sa personnalité qui serait cool, sympa, gentil. Non. Il est entièrement à essayer de sortir le nez de sa crasse, et d'y replonger sans cesse. Dans un égoïsme destructeur.

De l'alcool, du sexe, de la pauvreté, des matchs de foot (le sport comme leitmotiv, comme stimulant, comme ce qui le rattache à la vie, lui donne un but : ressembler à son héros, un espoir, l'envie de).

Des descriptions terribles, regard acéré et sans pathos, sur l'humanité. Les moments en hôpital psychiatriques font frémir. Quelques moments qui frôlent la poésie de la solitude, du désespoir, de l'incompréhension, de l'incommunicabilité.

C'est écrit dans le vif, dans la chair, dans les neurones qui s'électrisent, disjonctent.

Un livre sur l'Amérique, les rêves qu'elle porte, le pouvoir de tout recommencer à zéro, toujours, quand on veut. Et de s'écrouler plus bas que terre, aussi.
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyDim 1 Sep 2013 - 21:46

Merci pour le rappel de ce bon souvenir de lecture Very Happy
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyDim 1 Sep 2013 - 21:53

Cela dit, il m'a plu mais je lui ai trouvé des défauts : répétitions, quelque chose de pas clair aussi (nous manipule-t-il ou est-ce complètement sincère, du mal parfois à situer l'ironie du reste), et puis je n'ai pas réussi à l'apprécier ce gars, pas vraiment (trop grande distance ? Trop de narcissisme ?)

J'ai L'épreuve de la faim chez moi, peut-être que ça confirmera certains doutes ou que ça les effacera.
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyDim 1 Sep 2013 - 22:25

Apparemment, seul "Le dernier stade de la soif" est connu (et reconnu) en Amérique. Mais j'ai aussi "A l'épreuve de la faim". Je verrai bien.
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MessageSujet: Re: Frederick Exley    Frederick Exley  - Page 3 EmptyVen 6 Sep 2013 - 23:58

Queenie a écrit:
Cela dit, il m'a plu mais je lui ai trouvé des défauts : répétitions, quelque chose de pas clair aussi (nous manipule-t-il ou est-ce complètement sincère, du mal parfois à situer l'ironie du reste), et puis je n'ai pas réussi à l'apprécier ce gars, pas vraiment (trop grande distance ? Trop de narcissisme ?)
C'est étrange, ton commentaire laisse croire que tu as adoré.

Il donne envie de le lire en tout cas.
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