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| Wajdi Mouawad | |
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coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Wajdi Mouawad Mar 31 Juil 2007 - 14:02 | |
| Wajdi Mouawad est né en 1968 au Liban. Son enfance c’est Beyrouth, au tournant des années 1960-1970.Une famille chrétienne aisée. Milieu occidentalisé, francophile : "Mais mon père, qui venait de la montagne, a tenu à nous donner des prénoms arabes. Nous étions les seuls, parmi nos cousins et nos camarades de classe, à ne pas avoir de prénoms français. Cela a sonné comme un rappel constant de mon étrangeté. Un signe que je n'étais pas d'ici..."Ce prénom, Wajdi, ( " mon existence" en arabe) va signer définitivement cette étrangeté quand la famille arrive à Paris en 1978, après quatre ans de guerre. " Comme tous les Libanais, nous pensions que la guerre allait se terminer rapidement et que nous repartirions." Mais le conflit s'éternise et les trois enfants Mouawad restent à Paris, avec leur mère. Le père, ruiné par la guerre, tente là-bas de sauver ce qu'il reste de ses affaires. Wajdi Mouawad est un excellent élève, entouré d'amis, bien intégré. "Mais sans le savoir, sans le dire, nous étions totalement défigurés par cette guerre, par cet exil. C'est peut-être la grande illusion des civils : croire que, parce que vous avez quitté un lieu en guerre pour un lieu en paix, vous êtes sain et sauf." Jeune adulte, il part s’installer à Montréal. "Ce nouvel exil a été extrêmement rude. Je me sentais comme quelqu'un qui vient de survivre à une avalanche, qui remonte à la surface et qui reçoit une nouvelle masse de neige sur la tête."Wajdi Mouawad a étudié à l’École Nationale de Théâtre du Canada et obtenu son diplôme en 1991. Il est comédien, auteur et metteur en scène (Il met en scène ses textes. Il met également en scène d'autres textes.). De 2000 à 2004, il dirige le Théâtre de Quat’sous à Montréal. Le 9 mai 2005, le Molière du meilleur auteur francophone de théâtre devait lui être attribué pour la pièce Littoral mais il le refuse afin de dénoncer les théâtres sans comité de lecture et les directeurs de théâtre qui jettent les manuscrits. À partir de septembre 2007, il occupera le poste de directeur artistique du Théâtre Français du Centre National des Arts d'Ottawa. Son œuvre est marquée par l’exil. « L'écriture et l'exil ont partie liée, depuis toujours." Elle est aussi marquée par le visage perdu de sa mère (morte d’un cancer). Dans son unique roman, (Visage retrouvé), il écrit : "Prenez un enfant dont le jouet préféré se casse. Il essaie de recoller les morceaux, mais ce n'est jamais tout à fait comme avant. Maintenant, imaginez que ce n'est pas le jouet qui se casse, mais sa conviction profonde que le monde dans lequel il vit est beau et merveilleux. La peine qu'il en éprouve est tellement profonde qu'il en a pour la vie à essayer de recoller. Et à chaque tentative, cela donne une pièce de théâtre..." Le théâtre de Wajdi Mouawad est d’une grande puissance narrative, il touche aussi souvent à la poésie. Les spectateurs bouleversés (de Forêts notamment), en larmes, ovationnent ses pièces longuement. Bibliographie - Citation :
- Index: (cliquez sur les numéros de page pour y accéder directement)
ThéâtreEn tant qu'auteur dramatique 1992 Partie de cache-cache entre deux Tchécoslovaques au début du siècle, 1996 Alphonse, 1999 Les mains d’Edwige au moment de la naissance, Pages 61999 Littoral, Pages 1, 3, 42000 Pacamambo, 2002 Rêves, Pages 12003 Incendies, Pages 32004 Willy Protagoras enfermé dans les toilettes, 2006 Forêts, Pages 22007 Assoiffés, Pages 22008 Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face, 2009 Ciels, 2011 Temps, Pages 42011 Journée de noces chez les Cromagnons, Romans2002 Visage retrouvé, Pages 2, 42007 Un obus dans le cœur, Pages 32012 Anima, Pages 5, 6, 7, 8, 9, 10Essais et écrits divers2008 Seuls - Chemin, texte et peintures, 2012 Le poisson soi, Pages 4 - Citation :
- mise à jour le 12/03/2015, page 10
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| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mar 31 Juil 2007 - 22:04 | |
| Rêves
Un homme, Willem loue une chambre pour une nuit dans un hôtel un peu minable et déserté. La patronne de l’hôtel, très aimable, est trop heureuse d’accueillir un client (pas tellement pour l’argent, plutôt pour combler sa solitude et son ennui). Elle est bavarde et s’attarde. Elle trouve mille raisons de toujours revenir le voir.
L’homme s’installe à sa table et se met à écrire. C’est un auteur. Autour de lui dans la chambre vont surgir les personnages nés de son imagination. Les personnages du roman en cours d’écriture… Toutes les facettes de son héros, Soulaymaan, « l’homme qui marche pour aller vers la mer ». Des doubles de lui-même. Se côtoient l’ univers du réel et celui du rêve.
Rêves est un texte bouleversant, où se dit la révolte, la violence et aussi la tendresse et l’émotion. Il nous va droit au cœur. C’est une pièce sur le phénomène de l’écriture qui a une dimension indéniablement autobiographiqueElle est empreinte de poésie et on y trouve de fréquentes touches d’humour. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mar 31 Juil 2007 - 22:16 | |
| Je sais bien que les textes écrits pour le théâtre trouvent peu de lecteurs en dehors de ceux dont c'est le métier: metteurs en scène et comédiens. Et pourtant c'est de la littérature!
Comme je suis à peu près certaine que personne n'ira chercher le bouquin mais que je trouve le texte de Rêves absolument magnifique, j'ai eu envie de vous en recopier des passages...Ce fut un peu long mais je l'ai fait avec plaisir parce que taper un à un les mots de Wajdi Mouawad m'a permis d'approcher au plus près son texte et ses personnages.
Voici donc des extraits de ce que disent plusieurs personnages de la pièce. En regard de la biographie de Wajdi Mouawad, ils prennent toute leur importance. Faites vous votre petit théâtre et lisez-les à voix haute, cette écriture est faite pour l'oralité! :)
L’HOMME ECROULE : J’ai mille raisons de verser des larmes. Et parmi ces mille raisons, Une prévaut sur toutes les autres. Ecris-la pour me faire exister : Je ne peux pas aimer. Je ne sais pas aimer. Je suis incapable d’aimer. Je ne peux pas croire que l’on m’aime. Je n’ai jamais aimé. Il ne m’est pas donné d’aimer. On ne m’a jamais aimé. On ne peut pas m’aimer.
Je suis devant l’amour Comme l’assoiffé au milieu du désert : A perte de vue, les dunes, Et des mirages pour seule oasis.
Le philosophe me dit me dit : raisonne. L’anthropologue me dit : observe. Le sage me dit : accepte. Et le psychanalyste me dit : assume. Et moi qui désire simplement Que, Par amour, On touche ma peau pour y laisser la marque de la tendresse. Je marche, et je pense à tous ceux qui s’aiment, Encore endormis, Blottis l’un contre l’autre. Je ne suis pas eux, et, déjà, je suis hors du monde.
LA FEMME DECHARNEE
La récompense est grande, Lorsque après une longue journée de marche On entend le mugissement des vagues Qui s’entrelacent jusqu’au rivage, Lorsqu’on les entend, les vagues, Haleter, haleter, haleter, haleter vers la jouissance Qui ne viendra jamais, Voir alors la mer se soulever, Folle de colère, Folle de désir, Imaginer un instant qu’elle est le sexe du monde tourné vers le ciel, Puis plonger dans ses profondeurs, S’y perdre, S’enfoncer plus loin encore, Là où personne n’a su aller, Descendre, descendre, descendre encore Jusqu’au silence de Dieu, Puis, Juste avant la noyade, Remonter éveillée vers la surface, Et plus loin encore, Vers le ciel, Être alors pourfendue par le soleil, Lutter contre les vagues, S’élever avec le vent, Courir sur les flots, Pour aller s’écrouler, S’endormir sur le sable, Epuisée d’amour. … J’aurais tant aimé savoir marcher sur l’eau moi aussi, Pour pouvoir continuer, Continuer pour ne plus souffrir, Ne pas m’arrêter, Pouvoir aller plus loin. … Le mouvement apaise ma douleur, Le déplacement donne du vent à ma douleur. Qu’à peine je m’arrête, et c’est la souffrance extrême du feu ! Alors je marche, je marche comme on respire !
LA FEMME IMMOBILE
Je ne sais plus faire un pas ! J’attends l’arrivée de l’autre, Celui qui saura m’arracher à moi-même ! Mais jamais personne ! Toujours personne ! Sans cesse personne !
Au loin la poussière de la route ! Et moi, assise au milieu de l’inconnu ! … Je me consume dans l’incapacité, Je me consume dans l’ennui, Je me consume dans cette écoute que j’ai de l’existence ! Car personne à l’horizon encore, Personne à l’horizon de ma vie, Personne à l’horizon de mon cœur Pour m’arracher à ma stupeur ! … et la mer est si loin ! Et le temps passe ! Et le temps file ! Et mon abasourdissement est comme un lent suicide ! … L’existence est partie. Solitaire, mon cœur reste. Il flotte au milieu de rien, Mon cœur mis à nu, Mon cœur bat de peur.
L’HOMME ENSANGLANTE
Le bruit des canons M’a arraché à ma terre envahie, Arraché au jardin de notre maison à la montagne. Voilà la source même de toute ma peine et de toute ma colère. Malheur à celui qui me dit : « oublie » ! Malheur à celui qui me dit : « assume » ! Malheur à celui qui tourne en dérision La peine d’enfant de ceux qui sont devenus grands ! … Je remercie mon père de m’avoir permis, Quelquefois, De bêcher la terre de ce petit jardin, De bêcher la terre de mon enfance. … Mon père me disait tout bas : « La bombe est tombée, demeure caché, Ne regarde pas, ne regarde pas. » Dans ses bras, j’ai pleuré ; J’ai longtemps pleuré… Pleurer sur ce qui allait devenir le plus grand chagrin de ma vie, Le chagrin inconsolable de ma vie. Je remercie mon père, Car mon premier chagrin fut un jardin. Tout le monde ne peut pas en dire autant.
LA FEMME DECAPITEE
Il m’arrive de penser que le déluge n’est pas terminé, Et que nous dérivons toujours, Prisonniers de l’arche… … Si seulement je pouvais savoir d’où je viens, Si seulement je pouvais trouver la clé, Si seulement je pouvais me souvenir… Mais comment se souvenir Lorsqu’on vous a coupé la tête, Comment se reconnaître Lorsqu’on n’a plus de visage ?
LA FEMME ENSEVELIE
Après une longue journée de marche, Je trouverai un village côtier, Je passerai dans un magasin et j’achèterai un cahier, Des crayons qui écrivent bien, Puis je trouverai un petit hôtel, Avec une chambre qui donne sur la mer. Je m’assoirai et je tenterai d’écrire l’histoire d’un homme Qui, un matin, Tenta de marcher le jour durant pour arriver jusqu’à la mer. Ainsi, l’écriture saura me sortir de mon tombeau, Je ne serai plus ensevelie ! Et depuis que la perte fut nommée, Depuis que la colère fut hurlée, Ma peine est brûlante ! Il devient fou, celui qui ne fait rien de sa peine ! … (s’adressant à l’auteur) Soulaymâân, c’est toi ! Le marcheur, c’est toi ! L’écroulé, l’immobile, l’ensanglanté, la décapitée, C’est toi ! Tu t’écris, Tu te hurles, Tu te peines, Tu te pertes, Tu te crées ! | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mer 1 Aoû 2007 - 1:19 | |
| C'est très beau...et extrêmement triste.. Merci Coline. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mer 1 Aoû 2007 - 12:12 | |
| C'est le théâtre que j'aime...L'écriture qui libère la souffrance des hommes en la laissant s'exprimer... Ce que dis La femme ensevelie:
"Ainsi, l’écriture saura me sortir de mon tombeau, Je ne serai plus ensevelie ! Et depuis que la perte fut nommée, Depuis que la colère fut hurlée, Ma peine est brûlante ! Il devient fou, celui qui ne fait rien de sa peine !"
Vers la fin de la pièce, Willem (l'écrivain...Wajdi Mouawad?) dit:
"Je suis Soulaymâân aux yeux liquides! Et je suis debout face à la mer. Le vent est fort, La pluie est ravageuse, Et la mer se soulève en mille furies. ... J'écris toute la douleur dont je peux témoigner: Toute la douleur de mon frère, Toute la douleur de ma soeur, Toute la douleur de mon père Et toute la douleur que je peux encore lire Au fond des yeux de ma mère!
Je fais don à la mer de la douleur de mon enfance, Pour qu'elle puisse l'attraper à marée haute, Et pour qu'elle puisse ainsi L'entraîner avec elle Au fond de son sexe liquide.
Et afin de ne plus jamais verser une larme, Aux nuages, Aux étoiles, Aux galaxies et aux trous noirs, Je lève haut mon poing ganté de sang, De tout le sang qui noya mon enfance. ... Et je revendique la douleur ancestrale De tous les êtres qui attendent de naître, Je les appelle et les supplie! Je les supplie de ce lieu incompréhensible qu'on appelle la vie, De ce lieu sans pitié qu'on appelle la vie. ... La douleur voyage au coeur de l'homme! N'oubliez pas cela! Et comme la chaleur voyage au coeur du métal, La douleur voyage au coeur de l'homme!"
La force de ces mots!... Je pleure en les lisant... Rien à voir, bien sûr, avec le théâtre "divertissant"...Mais je crois, au fond, que je n'aime pas beaucoup le théâtre qui divertit... | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Lun 6 Aoû 2007 - 21:26 | |
| LITTORAL
Wilfrid est un jeune homme. Sa mère est morte en le mettant au monde. Il a perdu de vue son père. Ce dernier n’a pas joué son rôle, marqué à jamais par la naissance tragique de Wilfrid. Un jour le téléphone sonne chez le jeune homme pour lui apprendre que son père est mort. Il se rend à la morgue, reconnaît son père et se voit remettre des bagages qui contiennent quantité de lettres que le père lui a écrites sans jamais les lui envoyer. Dans ces lettres, l’amour du père pour son fils…et l’amour infini du père pour la jeune femme qui est morte en couche…et l’amour du père pour son pays d’origine dont il s’est exilé… « J’ai passé la nuit à lire ces lettres, beaucoup parlaient de la terre, du pays, de l’enfance. Toujours la mer, souvent la mer. Avec ma mère. Parfois de la mort, souvent de l’amour. Beaucoup d’amour. »
Alors Wilfrid décide de ramener le corps de son père vers la terre natale pour l’enterrer. Il en demande la permission au juge : « Vous savez, les morts, il faut juste les aider à trouver un peu de repos, parce qu’ils vont devoir se reposer longtemps et l’éternité c’est long. Ici, mon père serait dans une position inconfortable. Mon père, son amour est là-bas, son bonheur est là-bas, et moi, je viens un peu de là-bas aussi. »
Et ce voyage va devenir pour lui un voyage initiatique. Un voyage entre onirisme et évocation des dures réalités.
Onirisme car le père mort dialogue encore avec Wilfrid et ses compagnons de rencontres. Onirisme parce que Wilfrid est un rêveur et qu’il se sent toujours accompagné par le chevalier Guiromelan, venu tout droit des contes de son enfance, ami fidèle qui vole à son secours, le guide et le conseille. « Wilfrid : Je commence à être fatigué de traîner un rêve avec moi pour me sentir moins seul ! Je commence à trouver ça pathétique ! - Guiromelan : Je ne partirai pas de ton rêve, je ne ferai pas de toi un être froid et rustre, tu continueras à délirer malgré toi, tu continueras à rêver coûte que coûte, tu continueras à divaguer envers et contre tous, tu continueras malgré toi, et si tu refuses, tu meurs. Je n’ai pas envahi l’âme d’un scélérat ! D’un de ceux qui, confortables, sont embusqués en arrière et vivent leur bonheur aux dépens du sang des autres ! »
Wilfrid, arrivé au pays natal de son père, découvre des villages ravagés par la guerre. Une terre qui ressemble au Liban. Où chacun tente d’oublier et de survivre en agissant chacun pour soi. « Tous les terrains sont minés. Plusieurs ont sauté en s’y aventurant, tu le sais. Quant aux autres places, elles sont réservées aux gens du village et non pas aux étrangers ! Il a fui le pays. Il n’avait qu’à se faire enterrer ailleurs, là où il a fui. Alors quoi ? Un homme revient et on doit se jeter à ses pieds ? Nous sommes des vaincus et aujourd’hui, chacun pense à se sauver lui-même et c’est bien. Il n’y a pas de place pour les autres. »
Heureusement Wilfrid va faire quelques rencontres . Des jeunes gens comme lui. Qui ont vécu l’horreur. Mais veulent se tourner vers l’avenir tout en allant témoigner de ce qui s’est passé.
« Amé : On poserait des bombes ; Simone : Bonne idée. Amé : ¨Pendant la guerre, je posais des bombes. Simone : Ecoute-moi, la bombe que je veux aller poser est encore plus terrible que la plus terrible des bombes qui a explosé dans ce pays. Amé : On en posera dans les autobus…dans les restaurants… Simone : Non, non, cette bombe ne peut exploser que dans une seule place. Amé : Où ? Simone : Dans la tête des gens. Amé : Dans la tête des gens ? Simone : Oui Amé : Qu’est-ce que tu veux dire ? Simone : On va aller leur raconter des histoires. Des histoires telles qu’ils seront obligés de nous arracher le visage ou de venir avec nous ! Amé : Quel genre d’histoires ? Simone : Notre histoire. Chacun racontera son histoire. Amé : Mais les gens s’en foutent des histoires ! De la tienne en particulier ils s’en foutent. Ils disent, les gens : trop d’histoires ! Plus d’histoires ! On va faire sauter plutôt ! Simone : Je trouverai bien une façon pour leur raconter aux gens ce qui s’est passé, ils verront alors, ils sauront alors qu’ils n »’ont pas été les seuls, qu’ils ne sont pas seuls. Tu viens ? -Amé : Je viens. »
Le père de Wilfrid devient le père universel, le père de tous ces jeunes gens. Et son enterrement devient l’affaire de tout le groupe. Ils unissent leurs souffrances autour de ce père mort, et chacun va renaître à lui-même.
Leur chemin va les conduire jusqu'à la mer. C’est là qu’ils enterreront le corps du père. Et pour qu’il ne parte pas à la dérive, ils vont lui attacher les sacs de Joséphine, les sacs contenant les bottins où Joséphine inscrit les noms , tous les noms « des vaincus, de ceux que l’histoire va oublier. ». Ils lui serviront « d’ancre. Une ancre solide. Lourde. » Le père deviendra pour l’éternité le gardien de ce « troupeau »…
Prenant congé des jeunes gens, le père leur dit : « Il est l’heure de vous mettre en route. Avancez sur les chemins, Epuisez-vous à la marche, Partez avant le jour Et ragez, enragez, Au bout des routes, Au bout des villes, Au bout des pays, Au bout des joies, Au bout du temps. Tout juste après les amours et les peines, Les joies et les pleurs, Les pertes et les cris, Il y a le littoral et la grande mer Qui emporte tout Et qui m’emporte d’ailleurs, Qui m’emporte, qui m’emporte… »
Une histoire magique où les vivants et les morts errent ensemble… Une pièce de théâtre en forme de conte ou même d'essai philosophique…Un récit de rage et de tendresse, d’humour et de violence, un récit désespéré et lumineux. Une pièce où la langue peut se faire parfois vulgaire…et le plus souvent livrer de purs moments de poésie. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Lun 6 Aoû 2007 - 21:51 | |
| LITTORAL
Parmi les personnages rencontrés par Wilfrid, les deux filles, Simone et Joséphine:
- SIMONE : Elle est en colère alors elle joue du violon en chantant : « A la croisée des chemins, il peut y avoir l’autre ! ». Les gens du village disent d’elle : « Elle veut nous consoler de ce dont on ne devra jamais nous consoler ! » Elle réplique : « Il n’y a pas si longtemps vous m’assuriez que la guerre était une chose mauvaise qui devait disparaître, se terminer justement pour que naisse la liberté. Aujourd’hui la guerre est terminée et je suis encore en prison. Vous me dites encore ne joue pas, ne parle pas, ne rêve pas. Vous me dites tais-toi, Simone, tais-toi ! Vous êtes des menteurs ! »
Et Simone envoie aussi des bouteilles dans la rivière avec des messages.
A ceux qu’elle a convaincus de parir avec elle : « Les choses sont plus grandes que nous. Il y a un courant, une vague immense qui s’est levée il y a longtemps et qui nous entraîne dans un raz-de-marée de minutes, de jours, de mois, d’années, de siècles, et nous, nous sommes dedans. Au même titre que nos ancêtres il y a dix mille ans. Eux aussi entraînés par cette vague immense. Alors nous devons être plus forts que nous-mêmes, nous combattre nous-mêmes, pour laisser au monde notre pauvre témoignage, pour que le monde sache ce qui s’est passé ! »
- JOSEPHINE Elle, elle parcourt les villages pour collecter les noms…Ceux des vivants, ceux des disparus, ceux dont on se souvient encore…Tous les habitants de son pays. Elle porte avec elle de grands et lourds sacs de noms, elle les récite. « Je t’avoue que je ne sais plus ce que c’est qu’un joli nom. Mais je sais que le malheur est grand pour celui qui avance dans la vie sans personne pour l’appeler par son nom. Simone. Simone. Tu entends comme ça résonne ? Longtemps j’ai marché en répétant mon prénom parce qu’il n’y avait plus personne pour le dire. J’avais tellement peur de l’oublier Joséphine, Joséphine, Joséphine, Joséphine… J’ai l’impression parfois d’être un bateau qui navigue en une mer inconnue, par temps sombre, sans port, sans étoiles. Ces noms, tous ces noms, Simone, sont mon étoile. »
« Je vais vous dire mon rêve. Mon grand rêve. Je voudrais que dans dix mille ans, des archéologues retrouvent ces bottins et qu’ainsi, en les retrouvant, ils retrouvent aussi nos noms, ils retrouvent les noms de ceux qui, dix mille ans plus tôt, ont été vaincus. » | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Lun 6 Aoû 2007 - 21:52 | |
| LITTORAL
La pièce a connu un immense succès. Elle a été jouée au Québec, en France et au Liban.
Littoral a valu à Wajdi Mouawad le Molière du meilleur auteur francophone 2005 – récompense qu’il a refusée pour défendre les auteurs vivants démunis face aux théâtres sans comité de lectures ou aux directeurs de théâtres qui "jettent les manuscrits". | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mer 8 Aoû 2007 - 22:50 | |
| je prends le temps, avec un peu de retard, de passer te dire coline que suite à la lecture de ton extrait de rêves, je l'ai immédiatement copié (que c'est pratique l'informatique pour ça...) et envoyé à une amie... me disant que si elle trouvait le temps de le lire cela lui parlerai probablement quelque part... il fallait bien te le dire, puisque tu avais l'air de douter... merci | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mer 8 Aoû 2007 - 23:00 | |
| - animal a écrit:
- je prends le temps, avec un peu de retard, de passer te dire coline que suite à la lecture de ton extrait de rêves, je l'ai immédiatement copié (que c'est pratique l'informatique pour ça...) et envoyé à une amie...
me disant que si elle trouvait le temps de le lire cela lui parlerai probablement quelque part...
il fallait bien te le dire, puisque tu avais l'air de douter... merci :) Tu es adorable animal...de venir me préciser que tu as lu mes longues tartines... Tu me diras la réaction de ton amie? J'en demande beaucoup...je sais...:) | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mer 8 Aoû 2007 - 23:06 | |
| je te dirai si je connais un jour cette réaction mais rien n'est moins sûr ! quoique... peut être un jour où je ne m'y attendrai pas hahaha, ça vaut le coup de lire vos tartines, manque un peu de temps des fois, je ne note toujours pas tout ce qui retient mon attention mais franchement... ça serait bête de ne pas lire les tartines | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mer 8 Aoû 2007 - 23:12 | |
| - animal a écrit:
- ça vaut le coup de lire vos tartines, manque un peu de temps des fois
Les tiennes aussi animal! | |
| | | Fantaisie héroïque Sage de la littérature
Messages : 2182 Inscription le : 05/06/2007 Age : 37 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Dim 9 Sep 2007 - 10:09 | |
| Un de ses pièces (Incendies) va être jouée en novembre au TNB de Rennes . Mise en scène par Stanislas Nordey. J'essaierai d'y aller mais avant j'aimerais lire quelques unes de ses pièces (c'est ça aussi de créer des sujets aussi alléchants ); elles sont faciles à trouver ? | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Dim 9 Sep 2007 - 10:56 | |
| - Fantaisie héroïque a écrit:
- Un de ses pièces (Incendies) va être jouée en novembre au TNB de Rennes . Mise en scène par Stanislas Nordey.
J'essaierai d'y aller mais avant j'aimerais lire quelques unes de ses pièces (c'est ça aussi de créer des sujets aussi alléchants ); elles sont faciles à trouver ? Oui, elles sont faciles à trouver...lorsqu'elles ne sont pas épuisées...Editées chez Actes Sud. J'ai commandé et reçu très vite celles dont je parle ici. Fantaisie Héroïque, je n'ai pas vu Incendies et je le regrette vivement (je m'y suis prise trop tard, il n'y avait plus de places lorsque je me suis décidée)...Prends ton billet à l'avance, si tu le peux, et si tu as envie de la voir à Rennes...Tu nous raconteras. Mise en scène de Stanislas Nordey...une référence aussi! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Wajdi Mouawad Dim 9 Sep 2007 - 10:57 | |
| Question à nos amis canadiens: que représente Wajdi Mouawad au Canada où il a élu domicile? | |
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| Sujet: Re: Wajdi Mouawad | |
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| | | | Wajdi Mouawad | |
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