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| Eugène Ionesco | |
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Auteur | Message |
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Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Mer 12 Déc 2012 - 18:46 | |
| Oui, c'est vrai, mais l'important dans cet unique roman n'est pas le style... Enfin, je crois! Je te laisse poursuivre...et continuer avec les Journaux qu'il faudrait que je lise, tiens. | |
| | | san.romain Envolée postale
Messages : 190 Inscription le : 08/11/2012 Age : 31 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Jeu 13 Déc 2012 - 19:44 | |
| @Esperluette J'espère que je n'ai pas trop titillé ta curiosité par mon retard.. Je vais tout te dire sur cette mise en scène alors ! En fait, je jouais Mr Smith. Cependant, on avait doublé tous les personnages, ce qui explique que je n'avais que la moitié du texte de Mr Smith. Bien évidemment, on faisait des répliques en écho, en même temps, et certaines histoires ne se déroulaient pas dans les deux salons. Pourquoi pourrais-tu te demander ? C'était pour saisir au mieux la multiplicité des répliques, sachant que chacun des comédiens devaient travailler un aspect de son personnage. Ainsi, les rapports entre les couples divergeaient d'un salon à l'autre. | |
| | | Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| | | | san.romain Envolée postale
Messages : 190 Inscription le : 08/11/2012 Age : 31 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Jeu 13 Déc 2012 - 21:14 | |
| Enfin, maintenant, voilà ta curiosité rassasiée | |
| | | Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Jeu 13 Déc 2012 - 21:24 | |
| - san.romain a écrit:
- Enfin, maintenant, voilà ta curiosité rassasiée
Jamais, hélas! Idée très intéressante et un peu déconcertante pour les spectateurs, non? Avez-vous eu des retours négatifs/positifs? Quels aspects de Mr Smith étais-tu chargé de mettre en lumière? | |
| | | san.romain Envolée postale
Messages : 190 Inscription le : 08/11/2012 Age : 31 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Jeu 13 Déc 2012 - 21:37 | |
| Sur Avignon, ce fut un succès de plus en plus grandissant.. On a commencé à 50 spectateurs, pour finir le festival avec une salle pleine (plus de 120 personnes chaque matin) ! Les retours furent essentiellement positifs.. je ne cache pas que quelques personnes n'ont pas supporté la mise en scène, mais très peu. C'est surtout la première scène qui fut un véritable défi. On jouait en extérieur et on devait installer un pur silence, pour que les répliques des Mrs Smith résonnent dans ce silence pesant (après ça gagne en rythme, je préfère rassurer) Pour ma part, je ne jouais pas du tout l'aspect british de Mr Smith, et je devais exploiter le côté autoritaire du personnage. C'est à dire qu'il se dispute "souvent" ou envoie des pics à sa femme. Tandis que l'autre, au contraire, était rejeté par la sienne. :) Ensuite, on a vu, intrinsèquement, que Mr Smith peut être très proche de Mrs Martin, et par conséquent, je travaillais sur le rapprochement avec elle, tout en essayant de contrôler les ardeurs de ma femme avec le Pompier (Je ne sais si c'est clair !) | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Ven 14 Déc 2012 - 18:08 | |
| - bix229 a écrit:
- Pour l' instant, c' est plutot au ras des paquerettes... je parle du style. On verra si ça s' arrange... Peut etre qu' il a meux fait d' écrire du théatre. N' est pas Beckett qui veut....
Par contre, je crois me souvenir que Journal en miettes (et peut etre aussi Présent passé, passé présent) sont interessants pour ceux qui veulent mieux connaitre Ionesco. Oh, ras des pâquerettes ? Carrément ? ! Je n'ai pas ce souvenir ! Mais comme le dit Esperluette, le style chez Ionesco n'est pas ce qui est le plus important. Ah oui, le Journal en miettes ! Et un livre de plus à lire, un ! | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Ven 14 Déc 2012 - 19:25 | |
| Non, je reviens sur ma première impression à propos de Le Solitaire. L' Homme, le narrateur de ce récit vient de toucher un héritage substanciel qui va lui permttre dans un prmier temps de quitter son boulot merdique et mal payé. il comence par s' acheter un appart dans un quartier populaire. Il le meuble à sa fantaisie, et il commence à se réjouir de n' avoir plus à se lever tot le matin, d' arreter net ce bolot de merde.
Les premières joies, la nouveauté le satisfont et le soulagent et lui permettent de se sentir privilégié. Mais il va rapidement déchanter et réaliser que son changemen de statut n'entraine pa de bouleversements dans sa vie et ses habitudes.Il va manger dans un restau popu et après s' etre attardé, boit son beaujolais, à midi et le soir et pour bien faire plusieurs verres de cognac I
l n' est pas en manque d' affection parceque ça ne l' interesse pas d' entrer en relation avec des amis et des emmes. Mais la vérité lui saute au visage, et il se rend compte que le plaisir et le soulagement diu début ont fait long feu. Pire, il s' ennuie, il s' angoisse et dans ses pensées, l' angoisse prend le pas sur tout parce qu' il n' a pas de formation philosphique. Pourtant les pensées qu' il a relèvent de la pensée philolsophique existencielle. Il pense naivement que s' il disposait d' un appareil critique conséquent,il serait à meme de mieux de compendre ce qui l' angloisse et et de le résoudre. Pensée naive, il réalise que les pilosophes ne font que nager dans leur systè sans rien apporter de positif à ce qui les paralyse à moitié.
Et puis à force de remacher ses questions et l'absence de solutions qui pourraient le satisfaire, sa disposition d' esprit l' entraine vers un nihlisme qui détruit tous ses effors vers une plus grande clarté.
C' est curieux, à lire ce livre, on se dit que Ionesco se livre à un exercie intellectul dans le gnre de celui de Sartre ou de Camus, et que comme eux, il écrit à son toiur, son roman exitentiel.
Dernière édition par bix229 le Sam 15 Déc 2012 - 15:29, édité 1 fois | |
| | | Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Ven 14 Déc 2012 - 21:36 | |
| @ San Romain. Merci pour ce témoignage très instructif. L'idée d'avoir "éclaté" les personnages et les lieux est très judicieux car la première scène peut effectivement paraître indigeste alors qu'en la démultipliant le rythme est plus soutenu et les personnages gagne en consistance et épaisseur. De plus l'aspect marionnette des personnages au discours vide de sens apparaît comme en écho un peu discordant pour en accentuer le côté à la tragique et comique. Bonne continuation à toi dans cette belle aventure théâtrale, en tous les cas. | |
| | | Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Ven 14 Déc 2012 - 21:38 | |
| Wow Bix! Mais cette fois c'est moi qui ne suis plus prête! Je rassemble mes esprits pour te répondre dans le week end! Et toi Colimasson, tu es prête? | |
| | | Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Sam 15 Déc 2012 - 14:44 | |
| - Citation :
- Pire, il s' ennuie, il s' angoisse et dans ses pensées, l' angoisse prend le pas sur tout parce qu' il n' a pas de formation philosophique. Pourtant les pensées qu' il a relèvent de la pensée philosophique existentielle.
Je rebondis sur ce que tu as écrit, Bix. Une des nombreuses réflexions de ce roman est effectivement de nous plonger en même temps que le héros dans un vaste questionnement philosophique. D’ailleurs à ce propos, l’extrait suivant : - Citation :
« Je philosophe trop. C’est cela mon tort. Si j’avais été moins philosophe, j’aurais vécu plus heureux. On ne doit pas philosopher quand on n’est pas un grand philosophe. Et même ceux-là, quand ils sont grands, sont pessimistes, ou arrivent à des conclusions qu’il nous est impossible de comprendre. Ou alors ils nous proposent l’explosion de tus nos désirs : où arriverions-nous? Il y a au moins une bonne moitié de gens qui ont des désirs exaspérés ou refoulés. » (p.39, éd. Folio) Le ton est donné puisque le héros tout au fil des pages s’interroge et constate dans une sorte de désespérance extrêmement lucide de la vie qui le conduit finalement à se demander : - Citation :
- « Qu’est-ce qui me manquait ? J’aurais voulu tout savoir. C’est cela qui me manquait. De ne pas avoir su. De ne pas savoir tout. J’étais ignorant mais pas assez pour me rendre compte que j’étais ignorant. Les savants savent-ils quelque chose ? Est-ce que ça leur suffit ? Qu’est-ce qu’il y a de plus ? » (p204)
Nous nous sommes tous, plus ou moins un jour ou l’autre, posé ce genre de questions et nous avons pu admettre avec une profonde angoisse qu’effectivement, nous sommes condamnés à ne pas tout savoir. Que faire pour sortir de ce terrible constat ? Ecrire pour le dire ? Créer pour se sentir exister ? | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Sam 15 Déc 2012 - 15:42 | |
| Je viens de relire mon post, je suis totalement consterné de voir les erreurs, les fautes... ça se sent vraiment que je n' étais pas bien ! Bon, je l' ai amendé et,en attendant, je continue ma lecture, piano piano, et je suis toujours agréablement surpris par la densité de ce texte, qui, meme s' il n' est pas toujours neuf, nous en apprend pas mal sur l' homme Ionesco, ses obsesssions -notamment la peur panique de la mort- et rejoint la thématique de ses pièces.
Ce qu' il écrit ne le rend pas forcément plus sympathique, mais c' est frappé de sincérité et de mise à jour progressive de l' homme livré à lui meme. A ses peurs, à ses angoisses, à ses espérances déçues et finalement au rien, au néant. Plus il cherche et moins il trouve ce qui pourait nous motiver à vivre, à s' interesser, à se projeter dans l' avenir ou l' action. Mais en fin de compte, tout est frappé de nullité par l' absurdité de toute vie et qui s' achève dans l' incompréhension, la mort, le néant.
L' univers mental de Ionesco n' était pas gai, mais férocement lucide. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Sam 15 Déc 2012 - 18:38 | |
| Non, je ne suis pas prête Esperluette, mais ça ne fait rien ! Je lis avec attention vos commentaires en préambule à ma future relecture ) | |
| | | Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Sam 15 Déc 2012 - 21:39 | |
| - bix229 a écrit:
- Je viens de relire mon post, je suis totalement consterné de voir les erreurs, les fautes... ça se sent vraiment que je n' étais pas bien ! Bon, je l' ai amendé et,en attendant, je continue ma lecture, piano piano, et je suis toujours agréablement surpris par la densité de ce texte, qui, meme s' il n' est pas toujours neuf, nous en apprend pas mal sur l' homme Ionesco, ses obsesssions -notamment la peur panique de la mort- et rejoint la thématique de ses pièces.
Ce qu' il écrit ne le rend pas forcément plus sympathique, mais c' est frappé de sincérité et de mise à jour progressive de l' homme livré à lui meme. A ses peurs, à ses angoisses, à ses espérances déçues et finalement au rien, au néant. Plus il cherche et moins il trouve ce qui pourait nous motiver à vivre, à s' interesser, à se projeter dans l' avenir ou l' action. Mais en fin de compte, tout est frappé de nullité par l' absurdité de toute vie et qui s' achève dans l' incompréhension, la mort, le néant.
L' univers mental de Ionesco n' était pas gai, mais férocement lucide. Ne sois pas consterné Bix, cela arrive, va. Ce n'est que passager. Pour toi : Oui, ce roman est intrigant à plus d'un titre. Il est en effet un peu angoissant de constater que le vide existentiel traverse la vie du héros comme celui de l’écrivain. Mais il y a fort à parier que nous avons tous vécu cette étrange sensation à un moment donné de notre vie. D’ailleurs d’autres écrivains se sont livrés à ce petit jeu et l’ont à leur tour raconté. C’est malin, ayant lu ce livre, je me dis qu’il faudrait relire un peu de Sartre et un peu de Camus ! C’est toujours la même histoire en somme … Je me suis même fait peur en retrouvant des allusions aux Lettres Persanes dans ce roman ! Je crois que mon cerveau est en surchauffe ! A un moment en effet, le narrateur fait l’étrange expérience de se sentir autre et commence à regarder les autres avec le regard d’un étranger et je repense à un passage la lettre 30 des Lettres Persanes dans laquelle Rica fait part à Ibben de sa comique et parodique aventure dans le Jardin des Tuileries . Je vous mets la lettre là : - Spoiler:
Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance. Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel : vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres ; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi; les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait. Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure : enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux : Il faut avouer qu'il a l'air bien persan. Chose admirable ! Je trouvais de mes portraits partout ; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.
Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge : je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare; et quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement. Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique ; car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche ; mais, si quelqu'un par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement : " Ah ! ah ! monsieur est Persan ? C'est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ? "
Et maintenant voici le passage du Solitaire : - Spoiler:
« Je fis un effort de concentration, essayant d’oublier tous les chemins que j’avais vus et toutes les villes et toutes les rues et tous les gens et toutes les choses. J’étais jeté dans le monde et j’en prenais conscience comme si c’était pour la première fois. Je voulais retrouver cette étrangeté du monde qu’il m’arrive parfois d’obtenir. C’est comme si on se trouvait à un spectacle, c’est-à-dire comme si j’étais à l’écart, distance, ne prenant plus part, n’étant plus cet acteur ou se figurant que je suis, que nous sommes d’habitude, par habitude. Entouré par le monde mais pas au monde. Quelques fois cela accroissait mon angoisse, mais le plus souvent cela la faisait disparaître, au contraire. Plus de jugement involontaire et permanent, car chaque fois il nous semble que cette machine universelle et que ces gens et que ces rues et que ces mouvements sont laids ou beaux, bons ou mauvais, favorables ou défavorables, dangereux ou rassurants. J’arrivais à obtenir une sorte de neutralité morale. Ou une neutralité esthétique. « Ils » n’étaient plus mes semblables, je m’efforçais de ne plus comprendre les paroles que prononçaient les gens dans le restaurant. Ainsi, tout cela n’était que du bruit ou les sons d’une langue étrangère. Tout cela devenait, n’était plus que des apparitions fugitives, une sorte d’illusion du néant. Les autres passaient dans la rue, dans une sorte de rue, dans une sorte d’espace, pour la première et dernière fois, Il n’y avait plus que moi à exister réellement. Le reste était indistinct, c’était « tout cela ». De nouveau j’étais devant le mur du non-concevable. Où se trouve-t-on? Où me trouvais-je? Oui, que les assiettes, les couteaux et les fourchettes et les autobus et les passants soient des choses ou soient quelque chose dont on ne sait plus que faire, dont on ne peut plus se servir! J’étais le seul à être. À mesure que les autres passaient et s’éclipsaient, je me sentais unique dans ce tourbillon qui ne pouvait être réel. Le réel devenait une sorte d’espace vide que je remplissais.
» Bon c’est du Montesquieu revu et corrigé par Ionesco qui a digéré, Sartre et Camus !! - colimasson a écrit:
- Non, je ne suis pas prête Esperluette, mais ça ne fait rien ! Je lis avec attention vos commentaires en préambule à ma future relecture )
Bon on commence un peu alors! Je n'ai pas fini d'assembler mes notes ... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Eugène Ionesco Mer 20 Fév 2013 - 18:50 | |
| Le Solitaire (1973) Le Solitaire d’Ionesco est un admirable condensé de tous les personnages les plus marquants des pièces du dramaturge… Figure du perdant qui n’essaie pas même de se battre ( « A trente-cinq ans il est temps de se retirer de la course ») ; du pudique maladroit qui virerait presque homosexuel si on ne remarquait pas plus tard que son aversion s’étend en réalité à l’humanité entière ( « Le sexe féminin m’a toujours paru être une sorte de blessure au bas du ventre entre les cuisses ») ; du misanthrope, donc, Eugène Ionesco semble se rattraper, à travers son personnage, de toutes les déceptions d’une vie sociale qui apporte peu de réconforts et qui demande beaucoup de sacrifices, en premier lieu celui de cette sincérité qui fait dire à son solitaire tout ce qui lui aurait coûté cher, en termes de relations, dans l’existence réelle. Le postulat de départ fonctionne-t-il à la manière d’un « fantasme appliqué ». Il ne semblerait pas étonnant qu’il découle d’une pensée vengeresse qu’Eugène Ionesco aurait pu former à chaque fois que la vie en société lui semblait trop contraignante. Le solitaire est un homme banal de trente-cinq ans, employé dans un bureau. Ses taches sont mal définies : on sait seulement qu’il remplit des fiches et des formulaires en compagnie d’une poignée de collègues. Ceux-ci sont plutôt amicaux et le personnage semble leur inspirer des élans de sympathie. Où se loge la déception là-dedans ? Elle se trouve dans la friabilité des liens, dans l’indifférence mutuelle qu’éprouvent les hommes et qui les poussent à s’abandonner lorsqu’ils ne se savent plus utiles ou quotidiens les uns aux autres. Le solitaire, apprenant qu’il a hérité de la fortune miraculeuse d’un oncle inconnu, se demande tout d’abord comment utiliser cette manne à bon escient. Pas besoin d’une liste de ses envies. En une phrase, le tour est joué : il se retirera du monde et vivra sur ses (larges) réserves. Du jour au lendemain, tout déserte son existence. Plus d’obligation à rendre au bureau, plus d’obligation à lier des amitiés professionnelles, et tout ce qui suit –heures de lever, heures de repas, chemin à parcourir- disparaît en même temps. Etait-ce ce désœuvrement que recherchait le personnage angoissé du solitaire ? Certainement pas… Et on retrouve la grande thématique absurde d’Ionesco à travers cet homme qui, pris a piège de ce qu’il croyait être sa « liberté », se trouve condamné à meubler tant bien que mal son existence recluse. Le plus dur, peut-être, étant de reconnaître que son existence n’est plus indispensable à personne, mais qu’il faut cependant conserver un minimum de foi en soi pour continuer à s’accorder l’affection nécessaire qui permettra d’assurer sa survie. Toute cette première partie du roman est digne des meilleures pièces d’Ionesco. Son écriture ne dépare pas de celle qui parcourt sa dramaturgie, peut-être parce que le solitaire est un homme double (voire polymorphique) qui discute et controverse énormément avec lui-même, et que chaque page semble représenter un débat éperdu entre les différentes opinions qui se querellent en lui. Le rêve du Solitaire vire bientôt au cauchemar. Exclus du monde, les hommes « actifs » qui continuent de le peupler, et qu’il observe depuis la place qu’il s’est réservée au restaurant du quartier, lui deviennent complètement étrangers. Il les observe comme des êtres inconnus, tantôt frappé par l’absurdité de leurs préoccupations, tantôt envieux de ce qu’il imagine être leurs réussites –tandis que lui ne subit que des échecs. La misanthropie vire souvent à la condescendance voire à la prétention en fait parée d’ignorance. Lorsqu’Ionesco fait dire à son personnage : « Tant de gens vivaient. Jusqu’à ces derniers temps, ils paraissaient assez contents ou résignés. En tout cas, ils ne se posaient pas de problèmes. Ils n’avaient pas peur de la mort ou plutôt ils ne pensaient pas qu’ils devaient mourir un jour. Moi, j’avais vécu tout le temps dans cette hantise », prend-il vraiment la position puérile du prophète qui croit détenir une vérité que les autres ignorent, ou se moque-t-il de son personnage qui a été obligé de se reclure du monde pour prendre conscience à son tour, et sur le tard, de cet aspect absurde de l’existence ? A partir de la moitié du roman, Eugène Ionesco introduit du délire psychotique chez son personnage. Est-ce la solitude ? Est-ce l’enfermement ? Le Solitaire imagine des guerres civiles qui éclatent dans la zone restreinte de son quartier. Lorsqu’il descend dans son troquet habituel, tout le monde parle révolution. Les êtres humains s’unissent ou s’opposent en clans distincts. La lutte prend une allure allégorique : elle est la représentation de l’alliance contre l’absurdité, et il n’est pas anodin que le solitaire refuse de livrer bataille. S’enfermant chez lui de plus belle, il semble s’extirper de son emprise psychotique du jour au lendemain. Il sort de chez lui, se rend compte que des décennies sont passées et que la guerre civile n’est plus qu’un lointain souvenir amusant pour les vieux comme lui qui se rappellent. C’est une fois que tout est passé que le solitaire se rend compte que l’existence n’était peut-être pas aussi désagréable qu’elle lui avait paru jusqu’alors. D’ailleurs, lui avait-elle vraiment semblé insupportable de bout en bout ? On pourrait croire que le roman d’Ionesco est terriblement désespérant : il l’est, effectivement, mais dans une moindre mesure, car le défaitisme est toujours tempéré par les moments de grâce que le solitaire connaît, notamment sous l’emprise de l’alcool. Peu importe que cet état ne soit pas accessible autrement que par la substance. Le scepticisme, qui invite à tout remettre en question, ne s’importune pas avec des questions aussi dérisoires que celle de savoir si la vérité est davantage éprouvée à travers la sobriété ou à travers l’ivresse ; dans les deux cas, les sentiments sont tout aussi vifs. Cachés entre deux paragraphes de découragement, la joie virulente, qui éclate soudain au moment où on l’attendait le moins, revêt ses plus beaux atours… « Mais oui, mais oui, le monde ensoleillé nous l’avons en nous-mêmes, la joie pourrait éclater à tout instant continuellement, si on savait, je veux dire si on savait à temps. Qu’elle est belle la laideur, qu’elle est joyeuse la tristesse, comme l’ennui n’est dû qu’à notre ignorance ! »Ceux qui connaissent bien l’œuvre d’Ionesco ne seront pas déboussolés par la découverte de ce roman –mais un roman ! tout de même, cette forme de texte dépare dans la bibliographie de l’auteur, lorsque tout le reste n’est pratiquement que théâtre. On trouve des avantages à découvrir Ionesco sous cette forme –intrusion plus profonde dans la psyché des personnages, exploration plus intense des domaines de l’absurde- mais on peut se montrer ennuyé par les longueurs qui s’accumulent en fin de livre et le ton trop didactique employé par un solitaire qui semble un peu trop accaparé à la tâche de bien se faire comprendre à ses lecteurs… Intéressant condensé, limite entre les pièces impersonnelles d’Ionesco et son Journal en miettes intime, Le Solitaire se livre du bout des lèvres et ose affronter le paradoxe de l’absurde et de la solitude, qui pousse agir en prenant la plume et à se livrer aux autres si terriblement méprisés. « Comme il est difficile de pénétrer l’âme des autres ! Pourtant, cette fois, j’aurais voulu être plus près d’eux. Que se passerait-il si j’étais plus près d’eux, avec eux ? Comme ce serait intéressant ! Je vivrais. Ils étaient séparés de moi comme par une vitre épaisse, incassable. »Le « fantasme appliqué » du Solitaire n’ayant abouti qu’à des conclusions décevantes, la publication de ce livre semble alors s’apparenter à l’étape préliminaire de l’abolition de cette vitre épaisse… | |
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