comment honorez-vous vos morts ?

Chalendon me permet de m'interroger sur la manière dont nous nous séparons des personnes décédées.
De mon côté, je n'ai jamais connu cette proximité avec la mort.
Elle a toujours rejoint les sujets tabous dont on ne parle pas.
Pourriez-vous (sans que cela ne remue trop de souvenirs difficiles pour vous) m'éclairer sur vos coutumes familiales ? Portez-vous le deuil, et ce combien de temps ?

Pas de période de deuil pour moi (genre ne plus sortir et porter du noir, d'ailleurs j'en porte tout le temps et ça ne m'évoque pas la mort!... )...
Et une très grande difficulté à me rendre au cimetière...Je le fais pour mes parents au moins une fois par an, à la Toussaint, en famille...Mais ils ne sont pas là-bas, ils sont dans mon coeur et mes pensées... tous les jours...
Je ne suis jamais retournée, depuis son enterrement, sur la tombe de l'une de mes meilleures amies... Cela ne m'empêche pas de toujours penser à elle et de souffrir de son absence...commede celle de ma mère morte il y a longtemps...

Tout comme Coline, je n'ai pas de période de deuil ...
J'ai vécu 3 enterrements dans ma vie.

- celui de ma grand mère en 1986 (j'avais 6 ans), je me rappelle vaguement quelques images.
- celui de mon cousin, en 1998. Il avait 21 ans. ça a été le plus dur évènement de ma vie. J'ai toujours l'impression qu'il va revenir d'un long voyage.
- celui d'une amie de collège, en 1999, alors qu'elle avait 19 ans. Accident de voiture. Dur aussi.

Le décès de ma grand-mère était naturel, c'est la continuité de la vie. Je sais qu'elle ne m'en voudra pas de penser ça.
Celui de mon cousin et de mon amie ne l'étaient pas. Ce qui me rassure presque, c'est de me dire que là ou ils sont, ils se sont peut-etre rencontrés, et ne sont pas seuls.
ça fait peut-etre un peu bizarre, un peu naif de dire ça, mais c'est un peu une facon d'accepter, même après 10 ans, des décès accidentel prématurés.

Nous portons nos deuils en nous, je trouve vain de les rendre visibles aux autres.

La séparation nous ne la voulons pas, elle est brutale ; même attendue, il y a un monde entre l’idée de la perte et la certitude de ne plus jamais revoir la personne…sinon, je préfère les « honorer » par le souvenir, éventuellement stimulé par des objets, plutôt que d’aller au cimetière.

Mon père avait le culte des cimetières... j'avais même l'impression qu'il s'occupait plus des tombes que des vivants. Quand il est mort, j'ai " hérité" des factures des concessions de mes grands parents et arrière grands parents,qu'il faut régler et dont il faut payer l'entretien... C'est tout ce que je fais.Mais je ne crois pas du tout que mes enfants le feront, et je ne leur demanderai pas! Je ne suis pas retournée sur sa tombe . Ni sur celle de mes frères depuis la mort de mon père, il y a 8 ans. Je préfère m'occuper des vivants.
Ceci dit, je comprend très bien, pour l'avoir éprouvé, qu'on puisse trouver un certain réconfort dans un lieu, et j'aime beaucoup me promener dans les cimetières..

Mes morts? j´en parle. Je les mets en scène. Je raconte de manière intime avec les proches, je les glisse dans la conversation, comme si de rien n´etait, avec ceux qui ne les ont pas connus, quand l´occasion se présente.
Pas de visites aux cimetières non-plus pour moi.
Et puis pour le deuil, toujours cette saine recommandation trouvée chez Philippe Forest:

« Il n'y a pas beaucoup de choses qu'on puisse faire pour une personne endeuillée. Mais il y en a une qu'il faut tout à fait éviter, c'est d'entreprendre de la consoler. Car le réconfort fait violence à celui qui souffre en donnant tort à la douleur qui est devenue sa seule raison d'être »,Philippe Forest ( la mort de Lara).

Merci de vos réponses. A vous entreprendre ainsi, je me souviens à mon tour.
Du côté de mon épousée (Bretagne), la personne est installée dans sa chambre, habillée dans son plus beau costume.
Les visiteurs passent à tour de rôle embrasser le marié.
Ce contact, m'a jeté un froid aux yeux. Je n'ai jamais pu m'y faire, même si le décès est celui d'un proche.

Du côté de mes grands parents maternels (espagnols), ils portent le deuil pendant une année entière, sans sortie, ni musique, ni distraction. Une forme de respect difficile à perdurer aujourd'hui.

Je pense à eux, beaucoup. Regarder les photos me procure aussi toujours beaucoup d'émotions. J'en parle aussi avec les personnes qui les ont connus. Ils font toujours partie de ma vie, ils font toujours partie de moi. Je n'aurai pas été moi si je ne les avais pas connus.

Pas de deuil non plus, et peu de visite au cimetierre.

Mes Parents souhaitaient une crémation et dispersion des cendres dans la Nature, souhait respecté pour ma Mère, mon Père est en vie.

Je pense à ceux que j'ai aimé et parle d'eux et des choses vécues ensemble.

J'écris pour moi des poëmes, prose qui les raconte ; des détails qui font que seuls des proches pourraient les deviner.

Je ne rate pas une occasion de glisser les paroles d'une chanson de Barbara...

C'est trop tard

C'est trop tard pour verser des larmes,
Maintenant qu'ils ne sont plus là.
Trop tard, retenez vos larmes.
Trop tard, ils ne les verront pas
Car c'est du temps de leur vivant
Qu'il faut aimer ceux que l'on aime,
Car c'est du temps de leur vivant
Qu'il faut donner à ceux qu'on aime.
Ils sont couchés dessous la terre
Dans leurs maisons froides et nues
Où n'entrera plus la lumière,
Où plus rien ne pénètre plus.

Que feront-ils de tant de fleurs,
Maintenant qu'ils ne sont plus là ?
Que feront-ils de tant de fleurs,
De tant de fleurs à la fois ?
Alliez-vous leur porter des roses
Du temps qu'ils étaient encore là ?
Alliez-vous leur porter des roses ?
Ils auraient préféré, je crois.
Que vous sachiez dire je t'aime,
Que vous leur disiez plus souvent,
Ils auraient voulu qu'on les aime
Du temps, du temps de leur vivant.

Les voilà comme des statues
Dans le froid jardin du silence
Où les oiseaux ne chantent plus,
Où plus rien n'a plus d'importance.
Plus jamais ne verront la mer,
Plus jamais le soir qui se penche,
Les grandes forêts en hiver,
L'automne rousse dans les branches,
Mais nous n'avons que des regrets,
Mais nous n'avons que des remords,
Mais ils ne le sauront jamais.
Ils n'entendent plus, c'est trop tard,
Trop tard, trop tard...

Les ressentis sur les coutumes liées à la mort et sur le deuil sont deux choses différentes.
Mes chers absents, ils sont tjrs avec moi, des regrets bien sûr parfois de ne plus les voir, un manque quoi, mais sans chagrin au fil du temps qui passe. Le temps fait que nous acceptons l'inéluctable.

Dès la mort la veillée funèbre commence. Le (ou la) mort ne reste jamais seul avant la cérémonie d’adieu (ce mot est trop catholique à mon goût mais bon...)
Cela peut durer jusqu'à trois jours au domicile, fenêtres fermées, avec la visite des voisins, amis et famille.
Un tour de garde est arrangé, de deux ou trois personnes à la fois. C’est un recueillement. Et là, le mot va bien, car on y recueille plein d'anecdotes sur la vie du mort, on va jusqu'à sourire malgré la peine au rappel de certains évènements.
Cela fait toujours beaucoup de bien à tous, de mettre en partage les souvenirs de chacun, car évidemment, sans jouer sur les mots, la mort est invivable si elle fait disparaître le souvenir de l'être aimé. On s'entraîne donc à préserver les traces de la vie collectivement pour renforcer la vie tré-passée.
Cela a presque un sens de fête, c'est en tout cas un grand respect pour la personne décédée et ceux et celles qui l'aimaient.
Certains trouvent ce réconfort dans cette réunion, d'autres au travers une messe. Peu importe la cérémonie, de toute façon, pourvu qu'elle serve à partager les émotions et soulager (sans consoler cependant), par la présence.



La coutume chez nous avant l'incinération ou l'enterrement est de saluer d'une manière ou d'une autre le défunt (e) dans son cercueil où il repose vêtu de ses plus beaux vêtements.
Il a aussi avec lui de petits mots ou des dessins faits par les proches (famille ou amis), de menus objets qui lui appartenaient, etc...
Personne n'est obligé de le saluer ; mais enfants comme adultes ont le droit d'y participer. Certains l'embrassent sur le front, d'autres se contentent de lui murmurer quelque chose ou de caresser sa main ou même le bois du cercueil.
Puis tout est refermé.

Je ne juge pas cette coutume ni morbide, ni effrayante.
c'est juste une vision finale, après l'accompagnement de la fin d'un être aimé, certaines personnes trouvent même cela reposant après des jours d'une agonie /souffrance.
Je n'aime cependant pas y intervenir, ni participer, tout simplement car je préfère garder des souvenirs de vie de ces personnes.

Le départ du domicile avec le cercueil se fait toujours avec les l'endroit des pieds du mort placés devant, pour "que le mort ne veuille pas revenir chez lui" (peur des fantômes?) ; on n'oublie pas de fermer à clefs toutes les portes de la maison derrière lui.
Pour ce genre de cérémonie, j’ai observé que chacun porte quelque chose de noir, ou sombre, mais pas forcément une tenue complètement noire, à notre époque.
J’ai également pris conscience que les gens avaient toujours froid. La mort donne froid, et pas seulement dans le dos !


C’est un peu le même procédé si la personne est décédée en secteur hospitalier, sauf que la présence post mortem est organisée en chapelle ardente, comme on dit, soit dans les locaux hospitaliers, soit en funérarium.


Je ne vais généralement pas aux messes (je ne suis pas croyante) sauf si je sens que cela compte pour les autres proches. Dans ce cas je m'éloigne discrètement à un moment propice et j'attends dehors. Il m'arrive aussi de devoir y lire un texte. Puis je quitte sans bruit l'église ou le temple.


Les cimetières donnent une place figée aux morts, ce qui n'est pas non plus dans mes aspirations! Je n'ai pas besoin d' eux pour me souvenir!

Mais en dehors du fait que ces lieux suppriment des terrains qui pourraient être arborés d'autre manière qu'avec des plaques tombales et des croix, il m'arrive d'en admirer aussi l'architecture, à la manière d'une passante qui visiterait un musée.

Dans ma famille proche, et de ma génération, nous refusons de voir abattre des arbres pour nos corps morts.
Nous avons pris chacun des décisions officielles dans ce sens.

La vie stoppée ne devrait pas se figer à des images, des stèles ou autres formes visibles à mon avis.
Je pense respecter infiniment la vie en lui laissant davantage de place effective, et respecter profondément ceux que j'ai appréciés et aimés après leur mort en les faisant exister dans des histoires, en en parlant, en les visionnant pourquoi pas? Mais surtout en pensant à tout ce qu'ils m'ont donné et appris durant leur vie.

Je pense que beaucoup de gens fonctionnent ainsi, et que les coutumes se ressemblent un peu partout, non ?

Citation :

et que les coutumes se ressemblent un peu partout, non ?

Il y a des coutumes partout, bien sûr. Mais pas toujours les mêmes, notamment dans le rapport au deuil. En Polynésie, par exemple, j'ai été frappée par certains aspects. D'abord, personne ne meurt seul. La famille, les voisins, se rassemblent autour du mourant, le massent, lui parlent, chantent. L'enterrement a lieu très vite- pays chaud oblige- et tout le monde est en blanc. Et une fois le mort enterré, on n'y repense qu'à la Toussaint , occasion de faire la fête dans les cimetières, fleurs, bougies allumées partout. Et là, c'est pareil, guitares, chants, etc.
En fait, les coutumes d'accompagnement aux disparus sont très intéressantes à étudier!

voilà feuilllle et marie à nous en parler. Plus encore, marie, plus encore. Souvient toi de tout

feuilllle a écrit:

s.
Mes chers absents, ils sont tjrs avec moi, des regrets bien sûr parfois de ne plus les voir, un manque quoi, mais sans chagrin au fil du temps qui passe. Le temps fait que nous acceptons l'inéluctable.

Oui, feuilllle, ce que je note c'est cette absence de chagrin et cette acceptation.
J'ai été très très proche d'une personne toute sa vie - très importante pour moi- , je l'ai ramenée près de moi les dernières années afin de veiller sur elle, entièrement . Et quand la mort est venue, brutalement malgré tout, après l'inhumation, j'ai été extrêmement surpris de l'absence de chagrin.
Une seule fois, lorsque des proches ont évoqué cette personne devant moi. Une autre fois je suis allé sur sa tombe pour lui dire une chose des plus importantes pour moi.
Etrange cette absence de chagrin sans remords : peut-être le sentiment d'avoir eu beaucoup de temps pour témoigner mon affection, la certitude que c'était su, la satisfaction d'avoir toujours agi au mieux envers elle...
L'inéluctable, comme tu dis, feuilllle.
En revanche je parle encore beaucoup de cette personne.

Oui l'accompagnement au mourant est assez important par chez moi aussi, et encore maintenant.

Je me souviens de cet homme agonisant à qui on avait apporté des branches de peuplier argenté à sa demande.
il est décédé environné de branchages, il adorait ces arbres là.

Je trouve plutôt une bonne idée, marie, de'chanter avec des fleurs et des bougies dans ces cas là.
Evidemment, les coutumes changent avec les données climatiques ;
les points communs avec ma Polynésie sont donc les lumières et les présences.