comment honorez-vous vos morts ?

je crois que c'est aussi grace à cet amour de la vie, qui lui aussi, est inéluctable, fortement ancré en nous dès notre naissance, Monilet. Du coup; nous avons le plus souvent la "conscience inconsciente" de rebondir sur la vie, après avoir prtagé des derniers moments.
Nous serions morbides pour le coup, si nous n'utilisions pas cette force humaine,( presque instinctive ? ) pour vivre encore, et bien vivre.

Feuilllle, je ne porte pas de jugement, je constate! Et effectivement, je préfère l'attitude des Tahitiens face à la mort. Sauf que c'est le fruit d'une culture, et qu'on ne change pas de culture aisément.
Comme cela fait partie de mon travail, je m'y suis intéressée. Et me suis efforcée de faire cohabiter les rites plus typiquement locaux avec les nécessités de mon travail. Comme pour les naissances, par exemple, il ne faut jamais oublier de garder les placentas parce que s'ils ne sont pas enterrés les jours suivants sous un arbre, l'avenir de l'enfant est compromis..
Bertrand, il me faudrait des heures.. toutes les coutumes ne sont d'ailleurs pas douces, il y a quelquefois beaucoup de violence primitive. Comme dans la médecine locale, d'ailleurs, qui fait encore beaucoup de morts, surtout chez les enfants.
Je dirais brièvement que le deuil , c'est connu, et pas forcément le deuil de la mort d'un autre ou de sa propre mort, mais aussi la perte de quelque chose d'important, l'acceptation d'un handicap et même le vieillissement, passe par cinq stades
voir ici
Et que je crois beaucoup à l'importance justement de ces rites. Qui font qu'ici, on passe très vite, puisque les polynésiens vivent beaucoup dans l'instant et sont très fatalistes, au stade de l'acceptation.

chez nous pas beaucoup de visites au cimetière (une par an peut être pour ma mère et ma grand-mère... seulement ma mère maintenant ? ... mon père ?) pas non plus de photos vraiment présentes. par contre en pensées, en souvenirs. peu de réticence à parler d'eux. Si il y a eu de la peine il y a eu du soulagement avec les décès, soulagement dans le rythme de vie, dans l'angoisse, la peine de voir souffrir. c'était des décès "naturels". ce que je remarque c'est une sorte de repli sur le "noyau" familial. très très dépouillé dans la façon de faire. minimum de monde, pour ma grand-mère nous étions sept : enfants et parents et ses voisins qu'elle connaissait bien et ne sont pas du genre à en faire trop. L'enterrement lui-même, je l'ai trouvé d'une certaine manière trop rapide, parce que les gars qui font ça c'est un métier que de toute façon... plus longtemps, moins longtemps avant de descendre le cercueil, c'est bon ? ... qu'est ce qu'on peut dire, qu'est ce que ça change, un peu désemparé(s), un peu rapide... c'est l'impression. un peu de colère sur le moment. je pense à mes, à nos, morts souvent. ce sont des personnes qui m'ont construit plus ou moins directement. je pense aussi à ceux que j'ai moins connus.

ce qui a été très important pour moi, ça a été de revoir ma grand-mère avant sa mort. j'aurais certainement mal vécu l'évènement sinon... beaucoup de culpabilité je pense.

Animal, une de mes amies avait ressenti cette même impression de "rapidité" lors de l' ensevelissement de sa grand-mère.
Marie, je n'ai pas pensé une seule seconde à un jugement. je recherchais les points communs, comme les bougies allumées chez nous, (les fenetres de la chambre mortuaire sont fermées pour le respect du mort car il ne voit plus la lumière du jour, mais il y a des bougies) et les présences.
mais je suis d'accord avec toi, Marie, j'ai toujours pensé qu les rites et les rhytmes étaient des repères essentiels de nos vies, quelque soit la culture. ils ont beau être diversifiés, ils sont toujours là.

pour ma part les nombreux deuils , ne ce sont pas vécu de la même manière.

mon père est décédé un lendemain de Pâques. j'étais chez mes parents
et je n'avais pas le goût de partir, je ne sais pas, je suis resté au moins jusqu'à 22:00 avant de quitter. j'ai embrassé mes parents. et mon père est mort dans la nuit. Nous avions pris des photos de mes parents la veille.
mon père était aveugle depuis plus d'un an avant sa mort, lui qui aimait tant faire des mots croisés et des mots mystère. son petit plaisir étais anéanti.
Au salon funéraire, sans même ce concerter, les frères et soeurs avons chanté la chanson que mon père affectionnait particulièrement. ''dans la prison de Londres'', comme s'il nous l'avait demandé une dernière fois.
je pense souvent à mon père. mais je sens qu'il est bien où il est.

mon frère a été malade lontemps avant sa mort, tumeur au cerveau, 47 ans. avant sa mort, chaque membre de la famille allions le garder et s'occuper de lui , il était aussi rendu aphasique. mon frère c'était une bollé
il a travaillé de nombreuses années pour Général Motor
et à chaque idée qu'il trouvait pour améliorer la compagnie il reçevait des montants d'argent. ce qui a aidé dans sa mort, c'est que j'ai pu lui faire mes aurevoirs. j'ai pris soin de lui.
au salon funéraire, nous avions laissé un calepin, tous ses amis, sa famille pouvait y inscrire un mot, un anecdote, une histoire ayant rapport à mon frère. Il y a eu un lien de brisé dans la famille suite au décès de mon frère
car il étais comme le chef. on le suivait. il organisait des soirées,
sa mort aura laissé un grand vide qui plusieurs années plus tard, n'est pas encore comblé. personne n'a su devenir le nouveau chef qui reliait la famille.

mon beau frère ( mon deuxième papa) celui a qui je disais tout,
l'acceptation de sa mort fût très difficile. premièrement car il est mort sans avertissement. (50 ans) tu te couches un soir et dame la mort vient te chercher dans ton sommeil. Je me souviens la dernière fois chez lui un Big Hug , le dernier Big Hug qui restera à tout jamais gravé sur mon coeur.
quand j'ai voulu me donner la mort, c'est vers lui que je me suis tourné.
et il a été d'une grande écoute, et j'ai compris où ça déraillait dans mes amours. Il restera à tout jamais dans mon coeur. dans les personnes que j'aime, que j'ai aimé, il vient tout juste après ma mère et mes enfants.
cette mort fût douloureuse pour toute la famille. On avait pas eu le temps de lui dire nos adieux. mon beau frère étais Arménien. avec un coeur Gros
comme la terre entière. des yeux, des bras qui n'avaient pas peur de te serrer de te montrer qu'il t'aimait. une très grande perte.
et ma soeur ne s'est jamais fait d'amoureux par la suite du déçès de son mari. elle se dit qu'elle a vécu le grand amour avec un grand A.
et qu'aucun autre homme pour l'instant ne pourra le remplacer.

j'ai trouvé difficile au salon que ce soit une urne. donc pas accès au corps.
pas de mots au défunt près du cercueil.
il y avait aussi un calepin pour récolter les petits mots
de ses amis sa famille. comme pour clore sa mort.

Faut-il honorer la mort?
J'aime honorer la vie, celle de Ceux et Celles qui sont parti(e)s aussi!

Marie:

Citation :

Comme pour les naissances, par exemple, il ne faut jamais oublier de garder les placentas parce que s'ils ne sont pas enterrés les jours suivants sous un arbre, l'avenir de l'enfant est compromis..

Très curieux, Marie cette coincidence entre tahitiens et guatémaltèques, avec leur même coutume d´enterrer les placentas de chaque nouveau-né au pied d´un arbre.
Rigoberta Menchu explique dans « Me llamo Rigoberta Menchú y así me nació la conciencia » que
lorsque nait un enfant chez les Quiché-Maya ( société dont elle est originaire), une tante du bébé ira enterrer le placenta sous un arbre. L´endroit restera secret, seul l´enfant aura connaissance du lieu exact, lorsqu´il sera en âge d´en être informé par sa tante.
Personnellement, j´avais aimé cette idée, qui accorde sitôt-né à l´enfant un lieu secret qui n´appartient qu´à lui et dont la mère n´aura jamais connaissance. Un bout de terre où commencer à rêver à construire son indépendance et son autonomie, en marge de ses progéniteurs.
J´avais aussi bien aimé les honneurs faits à cette « première » mère, le placenta de chacun. Cette poche, qui, en cas de nécessité fera office de filtre, protégeant l´enfant des incidences de sa mère ( chute, infection, excès, etc) et que les habitants de ces pays souvent plus respectueux que nous de la nature ont la delicatesse d´honorer, de valoriser.

19 Juin , Il y a 20 ans je perdais mon papa,
Aujourd'hui j'ai pensé à lui fortement.
je lui ai dédié une petite prière et des pensées.
Il me manque terriblement. mais bon... c'est la vie...
la fucking vie.

Et si nous préparions la Toussaint, en vers ou en prose peu importe, mais en beauté, toujours!
Je commence avec un classique:

VICTOR HUGO:
Demain, dès l’aube…

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées.
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur

Mon père n’aime pas les cimetières, je crois que cela le rend triste vainement pour quelque chose qu’il ne peut y remédier, alors il préfère éviter une telle douleur. Je partage son avis. Je me rappelle de la fois où il m’a dit « une personne qui vient me consoler pour mes malheurs ne peut rien me faire (m’apporter), j’évite ces gens là, qu’on vienne plutôt me suggérer des solutions ».

Bien que nous portions les personnes qui sont mortes dans nos cœurs, nous devrions faire en sorte que ceci n’alterne pas le cours de notre vie, que nous restions les mêmes, et d’aller de l’avant. Je trouve lâches ceux qui s’abandonnent à l’amertume et laissent la dépression les anéantir, comme si leur vie s’était écroulée, alors que la mort est une certitude pour toute personne. Nous devrions vivre chaque jour, comme si c’était le dernier.

Mais permettez moi d’évoquer un autre type de deuil (si je peux appeler ça ainsi) : le meurtre ; qu’une personne qui nous ait cher soit assassinée. Je crois que ceci meurtris véritablement les cœurs, car souvent on trouve une telle morte injuste. Des gens cruels sont venus saccader notre bonheur ; n’est ce pas ?
J’ai vu cette douleur de près, à travers une amie à qui le frère a été retrouvé étranglé et guillotiné. J’ai vu mon amie, qui était bon vivante et gaie autrefois, changer carrément, et jamais apaisée de sa douleur. Elle était devenue une autre, une autre que je ne reconnaissais plus. D’ailleurs elle s’est retirée de tout le monde, se renfermant sur elle-même, ne parlant plus à quiconque. Une mine maladive s’emportait de son visage, toujours pale, et ses yeux cernaient divulguaient son insomnie. Je me rappelle que pendant les cours, il lui arrivé d’exploser en sanglots à des moments, puis prendre ses affaires et sortir. Ensuite elle a arrêté ses études, quitté son fiancé,…et je ne sais guère ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

Je pense que ceci n’est d’autre que la haine, la rancune, la colère muette qu’on éprouve envers un assassin resté anonyme, sur lequel on voudrait se venger... je crois aussi que ceci est terrible, et que nul être ne voudrait vivre une telle tragédie !

Je continue avec Victor Hugo :

Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessin ferme emplit l’âme et le front,
Ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime,
Ceux qui marchent pensifs, épris d’un but sublime,
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C’est le prophète saint prosterné devant l’arche,
C’est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche,
Ceux dont le cœur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! Les autres, je les plains.
Les châtiments

J’évoque cet extrait, car il est bon de se rappeler de la joie de vivre, et laisser les morts dans leurs tombeaux ; ils ne font plus partis de notre monde. Notre destin reste toujours obscur à nos yeux, mais on peut toujours préparé le lit de notre mort, en faisant en sorte de « ne pas mourir idiot » comme le dit si bien une personne que je connaisse.

Ceux que nous avons aimé et que nous aimons encore restent dans notre
mémoire et c' est là qu' ils vivent encore.
Pas au cimetière... Il a raison ton père Moinonplus ...

L'absence est parfois tellement cruelle qu'on éprouve le besoin de maintenir un lien illusoire avec la personne disparue sur le lieu même où elle se trouvait en dernier (que ce soit au cimetière ou sur un coin d'autoroute...). On a l'impression de lui parler encore un peu jusqu'au jour où on se rend compte qu'on parle surtout avec soi-même dans le vide et là il ne reste plus qu'à se souvenir.

Une chose que je trouve très pénible c'est la musique dans l'église au moment de la cérémonie. C'est probablement nécessaire pour faire sortir les émotions mais comme c'est douloureux...

bix229 a écrit:

Ceux que nous avons aimé et que nous aimons encore est dans notre
mémoire et c' est là qu' ils vivent encore.
Pas au cimetière... Il a raison ton père Moinonplus ...

Bien dit Bix, je l’approuve.

Marko a écrit:

Une chose que je trouve très pénible c'est la musique dans l'église au moment de la cérémonie. C'est probablement nécessaire pour faire sortir les émotions mais comme c'est douloureux...

Je ne connais pas cette musique, mais je connais le chant de l’imam suite à de tels événements…ceci produit presque la même impression.