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| Nancy Huston | |
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coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Nancy Huston Jeu 1 Fév 2007 - 19:39 | |
| Nancy Huston, née le 16 septembre 1953 à Calgary en Alberta au Canada, est une écrivaine franco1-canadienne2, d'expression anglaise et française, vivant à Paris en France depuis les années 1970. Bibliographie - Citation :
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Romans1981 Les Variations Goldberg Pages 5, 91985 Histoire d'Omaya Page 11989 Trois fois septembre 1993 Cantique des plaines Pages 1, 101994 La Virevolte 1996 Instruments des ténèbres Pages 2, 3, 71998 L'Empreinte de l'ange Pages 1, 6, 13, 14, 1999 Prodige Pages 72001 Dolce agonia Pages 12003 Une adoration Pages 7, 10, 122006 Lignes de faille Pages 1, 2, 3, 5, 122010 Infrarouge Pages 9, 12Théâtre2002 Angela et Marina 2009 Jocaste reine Pages 92011 Klatch avant le ciel Essais1979 Jouer au papa et à l'amant 1980 Dire et interdire: éléments de jurologie 1982 Mosaïque de la pornographie 1990 Journal de la création Pages 81995 Tombeau de Romain Gary, commentaire sur le fil de Romain Gary 1995 Pour un patriotisme de l'ambiguïté 1996 Désirs et réalités : textes choisis (1978-1994) 1999 Nord Perdu, suivi de Douze France Pages 10, 14, 2000 Limbes / Limbo 2004 Professeurs de désespoir Pages 1, 132004 Âmes et corps : textes choisis (1981-2003) 2007 Passions d'Annie Leclerc Pages 112008 L'Espèce fabulatrice 2012 Reflets dans un œil d'homme Correspondance1984 À l'amour comme à la guerre 1986 Lettres parisiennes - Citation :
- mise le 23/03/2014, page 14
On a fait une Lecture en commun pour cet auteurLignes de failleUn très très beau livre de Nancy Huston. Dans un récit à plusieurs voix (ce n’est pas la première fois chez Nancy Huston), on remonte le temps de Bush à Hitler. L’Ennemi change au cours du siècle, mais les erreurs se répètent, les leçons ne sont jamais retenues. Des atrocités de la guerre d'Irak aux exactions nazies, en passant par les massacres de Sabra et Chatila, l’humanité est incapable de mettre un terme à la barbarie. Comme dans L’empreinte de l’Ange, Nancy Huston dénonce la puissance destructrice des haines, des guerres. Puis chaque génération subit les séismes, personnels ou politiques, déclenchés par la précédente. Et l’on retrouve ici encore, comme dans La Virevolte, le thème de la puissance destructrice des adultes sur les enfants. Dans ce roman, l'intime se mêle à l'histoire du monde. Faut-il taire un passé douloureux? Tôt ou tard, les choses tues ressurgissent.
Dernière édition par coline le Mar 8 Juil 2008 - 20:03, édité 1 fois | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Nancy Huston Jeu 1 Fév 2007 - 19:47 | |
| Lignes de faille est divisé en quatre grandes parties qui ont toutes pour titre un prénom et une date. Le prénom d’un enfant de six ans, c'est lui qui parle dans la partie qui lui est consacrée. Dans la bouche de chaque enfant, non seulement est évoqué ce qu’il vit mais aussi le contexte historique dans lequel il vit. Et l’on remonte ainsi, sur quatre générations, l’histoire d’une famille américaine. USA et Canada.
-SOL, 2004 : déluré, intelligent, drôle, Sol est encore le petit garçon de sa maman mais Internet n’a pas de secret pour lui…Grâce à Brutal XXX ou à SanglotWeb, il sait tout de l’Irak, la guerre, les séances d’humiliation infligées aux prisonniers (alors que sa Maman ne veut pas qu’il regarde le DVD de Bambi parce qu’elle a peur qu’il soit traumatisé par la mort de la mère de Bambi !)
Lignes de faille (extraits SOL)
"Dieu m'a donné ce corps et cet esprit et je dois en prendre le meilleur soin possible pour en tirer le meilleur bénéfice. Je sais qu'Il a de grands desseins pour moi, sinon Il ne m'aurait pas fait naître dans l'Etat le plus riche du pays le plus riche du monde, doté du système d'armement le plus performant, capable d'anéantir l'espèce humaine en un clin d'oeil. Heureusement que Dieu et le Président Bush sont de bons amis. Je pense au Paradis comme à un grand Etat du Texas dans le ciel, avec Dieu qui se balade sur son ranch en Stetson et en bottes de cow-boy, vérifiant que tout est sous contrôle, canardant une planète de temps à autre pour s'amuser."
"Mon ordinateur me permet de jouer à des jeux tout seul parce que je n'ai pas de frères et soeurs, c'est surtout pour ça que mes parents me l'ont acheté, pour que je ne souffre pas de solitude. Je peux jouer au Scrabble, aux dames, au morpion, et à des tas de petits jeux électroniques débiles pour les enfants, où on voit par exemple des gens grimper sur les murs et on tire dessus et si on arrive à les tuer on a un point. Mais comme ma chambre est juste à côté de celle de mes parents et comme je contrôle parfaitement tous mes mouvements et sais marcher sur la pointe des pieds sans faire le moindre bruit, c'est facile d'allumer l'ordinateur de maman pendant qu'elle fait le ménage en bas et d'entrer dans Google et d'apprendre ce qui se passe dans le monde réel."
"Maman est contre la violence. C'est juste une personne très positive et je ne vois pas pourquoi je lui enlèverais ses illusions. elle supervise tout ce que je regarde à la télévision, ce qui veut dire: oui pour les Pokémon et non pour Inuyasha, oui pour les Ours Gummi et non pour les Simpson. En matière de cinéma, elle dit que je suis encore un peu trop jeune pour Harry Potter et le Seigneur des anneaux, ce qui est vraiment incroyable. Je me rappelle quand mon amie Diane de l'école maternelle m'a donné le DVD de Bambi pour mon cinquième anniversaire, maman ne voulait pas que je le regarde, elle avait peur que je sois traumatisé par la mort de la mère de Bambi. Elle pense que je suis trop jeune pour comprendre la mort alors j'essaie de la protéger. La semaine dernière on a vu un moineau mort dans le caniveau et elle s'est mise à me caresser les cheveux en disant: "Ne t'en fais pas mon ange, il est au ciel avec Dieu." et je me suis accroché à sa jambe en sanglotant pour lui remonter le moral."_
"Je m'empiffre de Google et deviens le Président Bush et Dieu en même temps...Il suffit de télécharger et on peut voir les filles se faire violer dans le vagin ou dans l'anus par des chevaux ou des chiens ou tout ce qu'on veut, cli clic, clic avec le sperme de la bête sur leurs lèvres souriantes. Maman ne se sert pas souvent de son ordi et comme elle chante tout en passant l'aspirateur en bas, elle n'a aucune chance de m'entendre cliquer avec la souris de la main droite pendant que je glisse la main gauche entre mes jambes et commence à frotter."
"Le lendemain matin, pendant que maman se sèche les cheveux dans la salle de bain, ce qui veut dire que j'ai dix bonnes minutes devant moi, je vais sur le Net et absorbe les images d'Abou Ghraïb. Les mecs sont empilés les uns sur les autres, à genoux, c'est un peu comme des acrobates au cirque sauf qu'ils sont costauds et tout nus, on voit beaucoup de chair arabe qui n'est ni noire ni blanche mais d'une couleur brun-or et les soldats US hommes et femmes ont l'air de prendre leur pied à se faire photographier avec tous ces Arabes nus et à se moquer d'eux et à les tenir en laisse et à les accrocher à l'électricité et à les obliger à s'enculer...J'éteins l'ordinateur à la seconde même où maman éteint son sèche-cheveux, et quand elle sort de la salle de bain je suis déjà dans ma chambre en train d'attacher les bandes velcro de mes Nike, prêt à partir pour l'école maternelle. [...] Après l'école je vais sous la véranda avec mes Playmobil et les entasse en pyramide comme à Abou Ghraïb et les accroche à l'électricité et les oblige à s'enculer en haletant et en poussant pendant que moi je me moque d'eux en rigolant comme Lynndie England." | |
| | | Aeriale Léoparde domestiquée
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 14:15 | |
| -Lignes de faille - Magnifique roman qui m'a captée d'emblée et ne m'a plus lachée dans une sorte de montée en puissance jusqu'à l'épilogue où là l'émotion était à son comble! J'ai été épatée par le talent et la maîtrise de l'auteur . Mais aussi par sa capacité à nous retranscrire les pensées et sentiments de ces enfants de façon aussi claire ,aussi vivace ,tout en y imbriquant les grands évènements de leur vie . Il y a une pureté mélée de lucidité qui est profondément touchante . Ils ne sont que les victimes impuissantes et innocentes de leur histoire ,la grande et la plus intime . Lorsque Sol nous parle cruement de la violence qu'il capte au travers d'internet et des médias ,elle n'est que le reflet de notre société un peu déshumanisée , la somme de cette innocence perdue au cours de ces générations précédentes ,le fruit aussi des déchirements et des manques affectifs de ses parents . Les voix des filles sont infinimenent plus vibrantes de cet amour qu'elle réclament . Elles révèlent tous ces sentiments étouffés ,cette quête de reconnaissance incessante par rapport à leur mère ,et c'est profondément poignant ! Lignes de faille ,dont la construcition ingénueuse à rebours peut surprendre , mérite une relecture du début , une fois terminé , pour tout remettre en place et l'apprécier d'avantage . Pour moi , un des romans incontournables de cette rentée littéraire .... | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 14:25 | |
| - Aérial a écrit:
- -Lignes de faille -
Pour moi , un des romans incontournables de cette rentée littéraire .... Je suis entièrement d'accord avec toi...C'est celui qui m'aura le plus marquée... Du coup, cela me donne envie d' évoquer certains de ses précédents livres. | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 15:29 | |
| LA VIREVOLTE
Le lecteur ne peut s’empêcher de se demander, à la lecture d’un roman aussi fort que « La Virevolte », quel est le lien qui unit l’auteur à ses personnages. Le sujet en est si dérangeant, si troublant. Il s’agit d’une belle réflexion sur les femmes qui se sentent un jour frustrées dans leur vie car leur rôle de mère prend une large place comparé à leur vie personnelle, à leurs passions, souvent éclipsées.
Nancy Huston, l’auteur, dit de son livre : « La Virevolte, un livre difficile, beaucoup plus court et qui m'a pris cependant deux fois plus de temps à écrire que les précédents »
La clé est peut-être dans cette interview donnée à Lire :
« Lire -La catastrophe, c'est votre mère qui s'en va pour vivre sa vie quand vous avez six ans. Avez-vous gardé des relations avec elle? -N.H. Je ne la vois plus depuis longtemps, nos relations étaient strictement civiles et cela ne m'intéressait pas d'avoir des relations civiles avec ma mère. Je n'ai commencé à mesurer la perte que lorsque je suis devenue mère. Comment a-t-elle pu couper le lien avec trois enfants: mon frère, ma sœur et moi? C'est devenu de plus en plus opaque; en tout cas, c'est une chose qui ne se répare pas.
-Lire:Elle s'est vraiment volatilisée du jour au lendemain?
-N.H. Oui, elle a fondé une autre famille. Nous ne vivions plus dans le même pays. Mon père s'est installé aux Etats-Unis avec sa nouvelle femme. Le lien que j'avais, petite, avec ma mère était un lien d'absence, exclusivement nourri d'imaginaire et d'évocations à travers ses lettres, ses mots. J'en parle dans Nord perdu... C'est pour cela que je suis devenue écrivain, parce qu'il y avait dans ma vie quelque chose d'incompréhensible qui requérait un immense et perpétuel effort d'imagination pour tenter de le comprendre. Dans La virevolte, je me suis efforcée de me mettre à la place d'une mère qui abandonne ses enfants. Ecrire permet de tout voir en face... »
Alors, dans ce livre Nancy Huston raconte l’histoire de Lin, danseuse de ballet, chorégraphe, professeur de danse et mère de deux petites filles Et son histoire se divise en deux parties.
Dans la première partie, « La soliste », on ressent le bonheur de Lin, son émerveillement face à sa première fille Angela, puis ses difficultés face à sa cadette, Marina, qui dès sa naissance la déconcerte. On ressent aussi la tendre complicité qui l’unit à son mari Derek. Nancy Huston évoque également ses amitiés, ses relations avec son père et sa belle-mère… ... Et puis, on sent, presque insensiblement, que les choses se mettent à changer, que Lin a besoin d'autre chose. Qu’elle balance constamment entre l'amour qu'elle porte à ses filles et la passion qu'elle a pour son art. ...Un jour, elle choisit… elle abandonne les deux enfants et leur père.
Dans la seconde partie, « La compagnie », Lin dirige un ballet à Mexico.
A aucun moment, l’auteur ne juge cette mère qui pourrait paraître indigne dès lors qu’on mesure combien chacun est fracassé, déchiré par cette séparation …Lin elle-même qui pourtant a fait ce choix. Et malgré le drame, Nancy Huston ne sombre pas dans le pathos. La vie continue…difficilement certes, mais avec ses peines et ses joies. | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 15:45 | |
| Dolce agonia .
On retrouve dans Dolce agonia un des personnages importants de « La virevolte ».C’est Sean Farrell, poète et professeur de poésie à l’Université… Il a invité chez lui pour le repas de Thanksgiving de l’An 2000 ses amis proches…parmi lesquels Sarah , elle aussi rencontrée dans « La virevolte »… Ils sont douze…La bande d’amis a vieilli et chacun est porteur d’une intense histoire personnelle.
La neige se mettant à tomber abondamment, il ne reste qu’à dîner bien sûr, parler longuement, se souvenir puis rester dormir sur place.
Un narrateur commente la soirée, informe sur chacun, et révèle temps qu’il leur reste à vivre et ce que sera leur mort…. C’est Dieu bien sûr ! Et c’est la première originalité du récit… « Souvent,dit-il, à regarder les êtres humains accomplir leur destinée sur terre, je me laisse emporter presque au point de croire en eux. Ils me donnent l’impression singulière d’être dotés de libre arbitre, d’autonomie, d’une volonté propre… Je sais bien que c’est une illusion, une notion saugrenue »
La seconde originalité réside dans le puzzle de ces vies qui se croisent : pas de chronologie pour les évoquer, seulement un rapport des faits importants qui ont marqué l’existence des uns et des autres, par flashes-souvenirs bien souvent. Et les portraits se dessinent peu à peu et deviennent familiers. -Le passé remonte pour le plus âgé à la Russie des années vingt. -Un autre a vécu en Irlande dans les années soixante. -Un autre a connu les années Martin Luther King . -Il y a encore un Ukrainien juif dont la famille est passée par l’Afrique du Sud. -un avocat et sa femme médecin urgentiste. -un professeur noir. -une secrétaire de l’université. -une prof de philo très forte sur Aristote. - un peintre venu de Biélorussie. - une très jeune femme, une ancienne junkie de Vancouver
Leçon d’Histoire que leurs histoires… | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 15:49 | |
| L'empreinte de l'Ange
L'histoire commence en mai 1957, à Paris. Saffie, une jeune allemande, énigmatique et belle, aux yeux vert d'eau a répondu à une petite annonce "ch.b.à tt.f. pour petit ménage, logée, sach. Cuisiner". Cette annonce a été passée par Raphaël, un flûtiste professionnel. Dès leur première rencontre, Raphaël est troublé par la jeune fille qui paraît indifférente à ce qui l'entoure, le regard "sans reflet et sans mouvement". Rien ne semble pouvoir illuminer son visage fermé et triste, éclairer ses yeux de silence. Il tombe immédiatement amoureux d'elle, et quelques jours plus tard lui demande de l'épouser, espérant arriver à percer le mystère de la jeune femme. Mais Saffie va rester toujours aussi lointaine, mystérieuse, indifférente et apparemment soumise à son mari...
La curiosité s'empare très vite du lecteur qui veut comprendre son mutisme, comprendre pourquoi elle essaie de se débarrasser de son enfant alors qu'il n'est pas encore né, comprendre enfin pourquoi elle est vidée de tout sentiment. "Que lui est-il arrivé ?" se demande Raphaël. Mais lui ne saura jamais.
C’est pour Andras, l'amour fou qui l'embrase. Andras le luthier de Raphaël, un juif hongrois qui devient son amant. Et c’est à lui que Saffie va ouvrir les portes de son passé douloureux. Alors que d'autres combats font rage, en Algérie, la jeune femme ne s'est jamais remise de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant des années,entre Raphaël et Andras, Saffie va mener une double vie.. Le seul lien entre ses deux existences : Emil, l'enfant de Raphaël.
Le récit se passe en grande partie près de la rue des Rosiers, dans ce quartier que Nancy Huston habite depuis vingt ans .
Nancy Huston nous entraîne dans l'aventure du XXe siècle en nous rappelant tous les crimes de notre temps, le nazisme bien sûr, les chambres à gaz, mais aussi la guerre d'Algérie, la torture instituée, le massacre du 17 octobre 1961, la haine, la révolte, la responsabilité de chacun, l'innocence perdue….
Extrait:
« Du bout de son index, Andras se met à dessiner son profil, commençant par le front, à la naissance des cheveux, puis descendant délicatement entre les sourcils, suivant la fine crête du nez et se glissant dans la fossette entre la racine du nez et les lèvres. - C'est ici, dit-il, que l'ange pose un doigt sur les lèvres du bébé, juste avant la naissance - Chut! - et l'enfant oublie tout. Tout ce qu'il a appris là-bas, avant, en paradis. Comme ça il vient au monde innocent… »
Nancy Huston dit : « Les personnages de L'Empreinte « squattaient » mon cerveau. J'ai commencé à rêver d'eux. C’était comme un don d'ailleurs, de l'extérieur, comme si c'était vrai et que je n'avais que la responsabilité de l'écrire, de mon mieux. Mais comme j'étais assez ébahie par l'histoire et sa violence, j'ai longtemps hésité à l'écrire. Et j'ai écrit, contrainte et forcée et... à toute vitesse! Jamais je n'ai écrit aussi vite. . J'ai eu une vision dans un train - la scène finale dans le train était en fait la scène initiale -, et là j'ai vu tout le roman du début à la fin, clair, inexorable, comme un véritable événement ou comme un film que j'aurais vu. J'ai pris des notes dans mon petit carnet. Je connaissais toute l'histoire. Jamais ça ne m'était arrivé." | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 15:50 | |
| L'histoire d'Omaya
D'un fait divers arrivé dans la vie d'une famille nord-américaine, Nancy Huston a fait un roman poignant sur la violence sexuelle faite aux femmes (le viol) et sur la façon très inadéquate dont les tribunaux jugent ces agressions..
« Ce livre a pour point de départ un événement réel, et pourtant j'ai choisi d'en faire un roman. L'entreprise comportait des risques. Dans la "vraie vie", en dehors des livres, cet événement a été traité comme un fait imaginaire ; le faire entrer dans une fiction, c'était risquer d'entériner à tout jamais ce statut fictif. Mais il existe une vérité autre, plus vraie que celle des journaux, plus permanente que le vacarme des faits ; et pour approcher cette vérité-là, la littérature est le seul chemin que je connaisse.". (Extrait du prière d'insérer écrit par l'auteur lors de la parution, en 1985 au Seuil, de son deuxième roman aujourd'hui réédité.) »
On est prévenu sur la quatrième de couverture, « texte kaléidoscopique ». La forme est originale, certes…Mais , à mon goût, déroutante et un peu lassante…Peut-être le moyen de rendre cette sordide histoire supportable à lire... | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 15:55 | |
| Professeurs de désespoir
Les Professeurs de désespoir dont parle Nancy Huston sont les nihilistes (néantistes).
Voici (d'après elle, mais ce ne peut guère être contesté il me semble) leurs thèmes de prédilection:
- être en vie est insupportable. " Il n'y a rien à tirer de l'existence sur la terre. Les activités du commun des mortels ont en réalité un seul but, qui est de dissimuler la vérité épouvantable: solitude, mortalité, temps qui passe, chair qui pourrit, etc..."
-l'amour est une bêtise abjecte
-les femmes sont coupables de la reproduction: "c'est la mère qui nous "jette" dans le temps et dans le monde. La naissance qu'on lui reproche, est la seule chose qu'on reconnaît avoir reçu d'elle. La femme entrave la liberté de l'homme. Marie et Eve, tentaculaire et tentatrice, maman et putain, elle profite de sa beauté pour entraîner l'homme dans son piège, le mener là où il ne veut pas aller, à savoir dans la reproduction."
-le passage du temps est une chose effoyable
-il vaudrait mieux être mort
-si seulement on pouvait se résoudre au suicide! "On rêve de se supprimer; en même temps, on a très peur de la mort et l'on aspire, par le truchement d'une oeuvre spirituelle, à l'immortalité."
"Selon les nihilistes, étant donné que tous les agissements humains sont dérisoires et tous les espoirs voués à l'échec, on ferait mieux de se suicider tout de suite; à défaut, on peut écrire." | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 15:56 | |
| Professeurs de désespoir
"Lentement, progressivement, mes enfants me l'ont rendue impossible à tenir, cette pose où j'étais figée depuis ma propre enfance. Non pour les raisons qu'on pourrait croire: non qu'à force de bêtifier avec mes petits, j'aie oublié la méchanceté, la lâcheté et la bêtise inépuisables de l'espèce humaine. Mais, parce que, vivant auprès des enfants, j'ai vu la lente émergence du langage, de la personnalité, l'hallucinante construction d'un être, sa façon d'ingurgiter le monde, de le faire sien, d'entrer en relation avec lui: bouche bée, j'ai vu arriver les premiers mots, les premiers jeux de mots, et puis les études, et puis le choix du métier, j'ai vu le cycle, et j'ai vu que c'était passionnant. Pas "bien", comme Dieu qui regarde sa Création. Mais passionnant, oui: je déclare que la vie est digne d'intérêt, et plus aucun nihiliste ne m'en fera démordre." | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 15:59 | |
| Professeurs de désespoir
Nancy Huston n'est pas une utopiste non plus! Son regard sur l'humanité n'est pas absolument et naïvement optimiste!
Tout simplement, ce qu'elle dit, c'est qu'elle n'est pas aveugle et connaît les travers de l'espèce humaine, elle ne voit pas les hommes purs. Elle est, comme les nihilistes dans leur ensemble, marquée par un parcours de vie difficile.(Mais pour qui le parcours de vie est-il facile? Et faut-il en arriver à dire que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue?).
Pendant très longtemps, étant donné son passé (à l'âge de 6 ans elle fut abandonnée par sa mère), elle s'est "blindée" et a tenté de vivre sans dépendre de personne affectivement pour ne plus jamais souffrir. Elle a été, adolescente, attirée par les lectures et les thèses nihilistes. Tout a changé pour elle, c'est ce qu'elle exprime dans un passage du livre, lorsqu'elle a regardé grandir et évoluer ses enfants. | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 16:04 | |
| Professeurs de désespoir
Extrait :
« L’histoire du XXe siècle avec ses hécatombes abominales, depuis Verdun en 1916 jusqu’au Rwanda en 1994, semble donner raison aux professeurs de désespoir. Facile de croire ou de vouloir croire, après cela, que la vie n’a aucun sens. Facile, et peut-être commode aussi. (...) Au lieu de chercher à les comprendre, on décrète que les guerres et les génocides confirment le néant de l’homme (...) Cela nous arrange, au fond. Cela nous dispense non seulement de comprendre le passé mais de songer sérieusement à l’avenir. on voit bien que le monde va mal : pauvreté croissante, pollution des ressources de la planète, menaces terroristes, risque de conflagration nucléaire... Mais à quoi bon agir ? On a vu où conduisent les utopies : au pire. (...) Mais l’horreur est aussi un prétexte. (...) Davantage qu’une réaction aux malheurs du monde, c’est une expression de leur mal être au monde.".
" C’est aussi l’effet de l’angoisse qu’éprouvent les hommes modernes à voir remettre en cause par les femmes leur monopole du monde spirituel. Depuis la fureur de Schopenhauer contre sa mère romancière jusqu’aux sarcasmes antiféministes d’un Kundera ou d’un Houellebecq, le néantisme traduit un sursaut de virilisme. Il encense l’idéal le plus archaïque de la virilité (qui ressemble de façon troublante à celui des zélotes léninistes ou nazis) : le héros nihiliste est un être froid et orgueilleux imbu d’une mission glorieuse, au-dessus des foules “féminines”. Jamais il ne tremble ni ne pleure. Pour livrer son grand combat artistique, il doit exclure de son existence tout ce qui pourrait l’affaiblir ; il crache donc sur la famille, tant en amont qu’en aval, et tourne le dos à l’amour. » | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 16:05 | |
| Professeurs de désespoir:
Critique sur EVENE:
Cet essai de Nancy Huston se propose, sous l'égide de la joviale Déesse Suzy, de chercher à comprendre pourquoi le règne du nihilisme assombrit notre littérature depuis la fin du XIXe siècle. L'occasion rêvée de dresser un panorama critique de cette littérature que Huston appelle 'néantiste' et qui nous fascine tant, de Beckett à Kundera en passant par Jelinek, Angot, Houellebecq et bien d'autres. L'auteur adopte une démarche didactique dans le bon sens du terme en commençant par nous présenter le 'père néant' dont la plupart des néantistes se réclament : Schopenhauer. Huston, qui nous présente chronologiquement son corpus, a la judicieuse idée de ménager des 'interludes' entre chaque chapitre et chaque nouvel écrivain. Ces courtes pauses dans l'argumentation proprement dite donnent une respiration à l'essai, véritables contrepoints à la noirceur ambiante imposée par le sujet. Certains interludes comme 'La fillette aux tartines' dépassent la simple anecdote pour se graver dans notre mémoire et agir dans le sens de l'essayiste. Car l'hymne à la vie est le message sous-jacent. Nancy Huston n'a pas son pareil pour nous faire pénétrer chaque fois dans un nouvel univers, dégageant à la fois ce qui le rattache à cette tradition nihiliste et sa spécificité. Le recours à l'analyse freudienne, en faisant un arrêt obligé sur la biographie, ne l'empêche pas de faire dialoguer les auteurs entre eux et de croiser les réflexions sur leurs oeuvres qui restent le plus gros de l'ouvrage. La conclusion en forme d'hommage à Romain Gary a le mérite de la clarté et de formuler une réponse intéressante. Un essai particulièrement bien mené, qui joue franc-jeu et nous en apprend beaucoup grâce à sa forme agréable et son point de vue dignement défendu. (Céline Laflute) | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Nancy Huston Mer 14 Fév 2007 - 16:07 | |
| Professeurs de désespoir:
Critique sur Epokè:
Dans «Professeurs de désespoir», le dessein est de déconstruire les idées avancées par les nihilistes de la fin du XIXème et du XXème siècle. Ces recherches l'amènent donc à construire un portrait du nihiliste pétri de noirceur. Outre le caractère notoire de ce courant philosophique (élitisme, solipsisme, dégoût du féminin, égocentrisme démesuré, mépris des masses grégaires, goût pour la liberté, laquelle rime avec indépendance), qui se rapproche de la boutade d'Henri-David Thoreau selon laquelle les humains «mènent des existences de désespoir tranquille» , ce livre apporte un éclairage passionnant et instructif sur les éléments fondateurs de la personnalité de chacun des nihilistes présentés dans le livre.
La seconde guerre mondiale et le nazisme sont omniprésents. En effet, le socle historique schopenhauerien de la pensée néantiste se développe dans la réalisation des idées fascistes de l’Allemagne nazie. Un nihiliste pense aussi, pour certains d’entre eux, que sa naissance coïncide avec un grand bouleversement historique (crise de 1929 notamment). Cet ouvrage me rappelle avec force un précédent écrit de l’essayiste et romancière, à savoir que des hommes comme Sartre, Kafka ou Beckett, dans «Nord Perdu», sont «les fils de leur père» mais reste «les pères de leur œuvre». Un nihiliste aime vivre pour lui-même et se complaît dans une atmosphère de travail minimaliste. Ce conditionnement est donc rédhibitoire pour quiconque souhaite s’ouvrir au monde et se détacher du nihilisme destructeur et manichéen.
La vérité de la vie Une phrase met bien en perspective, à mon sens, ce vers quoi souhaite tendre la romancière dans son argumentaire d’espoir, à savoir que «La vérité de l’extrême n’est pas la vérité de la vie» (page 155). Nancy Huston décrit, analyse, itère et réitère ses propos, avec force, aidée par des sédiments textuels que le travail lui a permis de faire ressortir. Est-ce aussi une histoire de hasard ? Ou bien, chez elle, le hasard n’est-il pas aussi un talent ? | |
| | | kali Main aguerrie
Messages : 419 Inscription le : 18/06/2007 Age : 40
| Sujet: Re: Nancy Huston Sam 7 Juil 2007 - 0:04 | |
| Cantique des plaines
Ce dont dispose Paula pour retracer la vie de Paddon, qui vient de mourir, ce sont des bribes de souvenirs. Quelques notes presque illisibles. Et un amour sans faille pour ce grand-père qu'elle a pourtant peu connu. Une vie ordinaire, rythmée par les hivers âpres et les étés écrasants de l'Alberta, au Canada.
Mais l'ordinaire, avec les mots de Paula, devient captivant. L'enfance difficile de ce fils de pionniers, son mariage avec la vertueuse Karen, ses espoirs littéraires déçus, sa découverte d'un autre monde avec Miranda, la métisse, elle s'en imprègne et les raconte le plus fidèlement possible, sans indulgence, avec tendresse, parfois avec violence.
Pas à pas, elle rassemble les fils de cette vie et les tisse bien serrés, en une toile qui doit résister à la déchirure du temps. Le temps, que Paddon cherchait inlassablement à saisir, à comprendre, et dont ce superbe Cantique vient un instant suspendre le vol.
Dès les premières pages, j’ai été frappée par l’écriture de Nancy Huston : elle a vraiment un style à part ! Généralement, les auteurs un peu trop créatifs du point de vue de la forme me dérangent, je n’aime pas les trop grandes libertés avec la langue (petite digression : j’appréhende à ce sujet de lire « verre cassé » d’Alain Mabanckou !).
Mais là, c’est une écriture vraiment très agréable ; elle sort des sentiers battus tout en n’étant pas totalement loufoque, et je trouve que ça contribue à toucher vraiment le lecteur.
L’histoire elle-même est assez prenante. C’est curieux de voir que la narration se fait à la première personne du singulier, et pourtant on ne sait rien de cette Paula. On est, comme elle, obnubilé par Paddon.
C’est drôle comme on s’intéresse à la vie de ce type qui a finalement plein de petites et grandes bassesses. J’ai trouvé ça finalement assez fouillé, en tout cas j’ai apprécié. Je ne suis pas devenue une super méga fan de Huston, mais je la relirai avec plaisir. | |
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