Bruno Dumont

Cela donne une bonne idée de l'ambiance du film.
Hors Satan : sortie le 19 octobre. Marko va t-il tenir ?

traversay a écrit:

Cela donne une bonne idée de l'ambiance du film.
Hors Satan : sortie le 19 octobre. Marko va t-il tenir ?

Il y a eu une avant-première il y a 15 jours à laquelle je n'ai pas pu assister. J'ai beaucoup souffert Mais je vais me rattraper parce que Bruno Dumont (qui est du coin) vient présenter son film très prochainement au Métropole. La bande annonce est magnifique.

Hors Satan

traversay a écrit:

Scènes 18 à 22 : L'exorciste de la Côte d'Opale


Bruno Dumont, c'est un peu le Buster Keaton d'aujourd'hui. Il ne rit jamais. Evidemment, il est nettement moins drôle que son devancier. La présentation de son film, ce soir, Hors Satan, était à son image, succincte et très claire : au spectateur d'interpréter l'histoire qu'il raconte. Il fournit quelques clés, rester à trouver les bonnes serrures. Personnellement, je suis habituellement assez hermétique à son cinéma. Je dois donc avouer que Hors Satan m'a plu, en partie, par son atmosphère mystique et réaliste à la fois, avec de superbes images composées comme des tableaux. Autant en savoir le moins possible avant d'aller voir ce récit qui tourne autour d'un vagabond, thaumaturge, exorciste, saint ?, qui agit en protecteur d'une jeune fille, allant jusqu'à tuer pour elle. Oups, j'en ai déjà trop dit. C'est troublant, en tous cas, avec une influence de Bresson (Mouchette) et de Dreyer, pour donner une idée. Un coup de chapeau à la jeune comédienne débutante, Alexandra Lematre, stupéfiante. Les réfractaires au cinéma de Dumont peuvent tenter l'expérience, c'est sans doute son film le plus accessible, dans son apparente simplicité. Mais il y a tant de degrés de lecture et d'interprétation que les fans du cinéaste seront aux anges (c'est encore le cas de le dire).
Sortie le 26 octobre.

Tu m'as sauvée

Hors Satan pourrait être la suite ou l'antithèse de Hadewijch (le sexe maléfique de l'un contre le sexe rédempteur de l'autre). Bruno Dumont reproche à ce précédent film d'être un peu trop narratif et il est revenu ici à une abstraction minimaliste qui donne toute sa place à de fabuleux tableaux de dunes, de marécages, de bords de mer, de forêts touffues, où les personnages sont autant les éléments (l'eau, la terre, l'air, le feu) que les protagonistes aux noms réduits à leur stricte fonction (le gars, la gamine, ...). Le récit tient du conte fantastique allégorique où notre psychopathe christique rescapé d'Hadewijch deviendrait un sauveur exorciste mi-ange mi-démon capable de tomber en prière devant la beauté de la nature et d'éliminer violemment toutes les manifestations humaines d'un mal qui prend le visage du désir et du sexe "impurs" (inceste, viol...) afin de maintenir en équilibre l'ordre du monde. Cela donne droit à des séquences hallucinantes comme celle de l'adolescente possédée ainsi qu'une scène de sexe d'anthologie avec une randonneuse lubrique.

Vouloir interpréter le film fait courir le risque de le réduire car c'est avant tout une expérience que chacun pourra investir différemment en fonction de ses croyances et de sa sensibilité pour donner un sens à ce qui relève potentiellement du mystère et du sacré sous l'apparence de la banalité quotidienne. Ordet de Dreyer n'est pas loin effectivement comme Bresson ou Bernanos mais c'est du pur Bruno Dumont qui se réfère d'ailleurs lui-même davantage à Jean Epstein. C'est un athée qui explore une sorte de transcendance à échelle humaine. D'où l'importance donnée à des acteurs non professionnels, étrangement banals, qui sont avant tout des visages et des corps dont il explore les pulsions, le rapport avec l'espace qui les entoure.

La photographie respecte la lumière naturelle et la bande son amplifie à l'inverse les bruits du vent, du feu, de la pluie, de la respiration des personnages, des pas dans le sable. L'ensemble dégage une grande force.

Un film qu'on trouvera certainement sublime ou au contraire très artificiel ou théorique mais qui a le mérite d'être plus sensoriel qu'intellectuel. C'est d'abord une immersion très physique dans un univers graphique sauvage et merveilleux.

Quand je rencontre des spectateurs ou que je lis certaines critiques de mes films, il y en a qui disent: "Il n'y a rien, il ne se passe rien!" Tout est basé sur le spectateur et sa capacité à voir, ne pas voir... ou ne pas vouloir voir. (Bruno Dumont)

Au fait, dans Hors Satan il n'y a aucune musique autre que celle des bruits naturels. D'où est tirée celle de la bande annonce? Elle colle bien d'ailleurs au climat du film.

Je serais curieux de lire ce qu'animal pourrait penser du film. Qui reste longtemps en mémoire, d'ailleurs. 3 mois plus tard, je vois encore beaucoup de scènes. Et les paysages, aussi.

héhé, c'est marrant je croyais avoir été moins emballé par Flandres, je suis allé relire la première page du fil. ça réchauffe un peu mon a priori du coup. dépendra de l'état du weekend et du programme du ciné !

On va se faire une VC animal
après son dernier film que j'avais sur-aimé, je ne vais pas louper celui-ci

animal a écrit:

héhé, c'est marrant je croyais avoir été moins emballé par Flandres, je suis allé relire la première page du fil. ça réchauffe un peu mon a priori du coup. dépendra de l'état du weekend et du programme du ciné !

A partir de demain:

Citation :

Studio
2 rue des Ursulines, 37000 Tours - 08 36 68 37 01
Hors Satan
‎1h50mn‎‎ - Drame‎ - : Note : 5,0 sur 5,0
‎14:15‎ ‎19:30‎

J'avais presque oublié qu'il sortait cette semaine...
Hadewijch m'avait beaucoup ému alors que je n'avais pas d'attentes particulières. En tout cas, Dumont reste un des cinéastes qui a le plus compté pour moi (L'Humanité et Flandres m'ont bouleversé et sont liés à deux périodes de ma vie).
Par contre, vu mon départ en congés ce samedi je risque de devoir attendre début novembre.

J'ai finalement pu trouver le temps....avec l'impression d'un retour aux sources, marqué par l'épure et la simplicité. Les plans de visage expriment une beauté brute et âpre, et l'environnement naturel apporte des respirations et une sérénité poignante.
J'ai aussi été touché par la présence radieuse et bouleversante d'Alexandra Lematre : Bruno Dumont cherche une transcendance, suit des corps en mouvement (chaque scène est en elle-même une fuite et une réappropriation de soi) et interroge le regard porté sur l'autre. Je rejoins Marko dans la perception d'une immersion physique : la mise en scène bouscule tout en dévoilant une limpidité miraculeuse.

(un de ces jours, dans un vrai bar je te paye une bière travesay !)

Hors satan

le résumé de l'histoire c'est Elle qui traine avec Le gars. Il est plus âgé, à l'air un peu rebouteux sur les bords... et encore un peu moins causant. Les deux n'ont a priori pas vraiment de chance socialement parlant, qui plus est Elle est un peu l'objet des convoitises masculines locales.

Une bonne partie du film ces deux là sillonnent le coin, pas tant le village que les champs et la lande, les dunes autour. Le bruit de la marche et de la respiration un peu heurtée. Les paysages au naturel sont très beaux et les allers-retours dans ce coin défini renforce bigrement et très justement cette nature, son recueillement. Les prières de nos deux personnages sont comme un accueil de ce qu'elle leur donne de bon, de tranquille. Un mot pour la tendresse souvent muette entre les êtres, pas que les deux, et pas que une communion devant la nature, plus un partage, une attention très libre. Le mélange des deux est très réussi. L'absence de musique ne gêne en rien le film, au contraire. Les perturbations du silence sont d'ailleurs elles aussi très bien rendues.

On pourrait causer d'une légère symbolique... enfin, l'objet du film est fluide et beau, assez beau même pour qu'on ne soit pas gêné si on se pose des questions.

J'étais tiède après Flandres, je suis convaincu.

Et si on soupire souvent du cinéma français, si on compare ce Hors Satan à deux des grosses bêtes de l'année : Tree of life et Melancholia... on trouvera au français d'évidentes qualités que les deux autres n'ont pas. Qualité tant esthétiques, plastiques, d'espace, de silence, de finesse que dans le discours. Et il arrive à être très pudique.


Très beau, très bon film.

animal a écrit:

(un de ces jours, dans un vrai bar je te paye une bière traversay !)

Jawohl ! Et en plus, tu fais plaisir à Marko !

je n'ai pas vu le précédent donc ça va être encore plus difficile que d'habitude d'estimer le degré de vision partagée. huhu. En tout cas c'est un très beau film (et intéressant également par sa posture) et je suis on ne peut plus content et reconnaissant de l'avoir vu !

pascal brutal a écrit:

Hors Satan, Bruno Dumont

Ce qu'il y a de flagrant dans le dernier film de Dumont, c'est l'absence de féminité. A part la routarde que le personnage principal rencontre, on ne peut faire de différence entre un homme et une femme si l'on est pas au courant de la chose auparavant. Si bien que le sexe est ici très peu présent physiquement et revêt un caractère fusionnel et mystique.

On peut trouver une opposition entre une phase physique et aussi conventionnelle et une autre plus.... libre ? Une dualité qu'on retrouve à l'image, mais si ça fait de la sexualité un des noyaux du film je ne te suis pas ou comprends pas dans l'absence de féminité, le personnage de la fille est féminin et très présent en plus de concrétiser les convoitises... non ?