Balades vers des sommets .....littéraires

J'aime aller en montagne ; m'y retrouver en route vers des sommets, seul souvent, loin du bruit et du tumulte de la vie. Les sommets majestueux, l'air, les nuages si près qui sont juste au-dessus de ma tête... Et ce silence si pur, si reposant. Depuis quelques temps, j'amène toujours un livre avec moi choisi avec précaution ; un livre dont je lis un passage une fois arrivé en haut ; un livre qui autant que les photos grave les moments de ma randonnée dans ma mémoire. J'ai souvent aussi un poème ou une chanson en tête en gravissant les monts, comme un mantra qui m'accompagne. Ca fait un moment que je voulais ouvrir ce fil, je me lance avec une jolie balade tout en haut du Col d'Ayous, en face de l'Ossau dans les Pyrénées. Une balade faite de saut entre les lacs qui parsèment la montée.
Les images avant les mots :




Bixx, ils sont là, crient quand nos pieds les dérangent en faisant rouler une pierre ; mais ils semblent nous suivre au loin, de là-haut et ne nous quitter qu'à regrets :







Le poème qui m'accompagnait, bizarrement semblait plutôt destiné à un marin, mais il ne m'a pas quitté de la journée :

Citation :

J'arrive où je suis étranger

Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D'où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu'importe et qu'importe hier
Le cœur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l'enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C'est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l'enfant qu'est-il devenu
Je me regarde et je m'étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps
C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie
C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l'heure de tes marées
Combien faut-il d'années-secondes
A l'homme pour l'homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Louis Aragon

J'avais avec moi un des livres que j'aime le plus, un grand classique dont j'ai lu quelques tirades tranquillement adossé aux rochers, face aux nuages :

Citation :

- Approche, Bertrandou le fifre, ancien berger ;
Du double étui de cuir tire l'un de tes fifres,
Souffle, et joue à ce tas de goinfres et de piffres
Ces vieux airs du pays, au doux rythme obsesseur,
Dont chaque note est comme une petite soeur,
Dans lesquels restent pris des sons des voix aimées
Ces airs dont la lenteur est celle des fumées
Que le hameau natal exhale de ses toits,
Ces airs dont la musqiue a l'air dêtre en patois ! ...

Que la flûte, aujourd'hui, guerrière qui s'afflige,
Se souvienne un moment, pendant que sur sa tige
Tes doigts semblent danser un menuet d'oiseau,
Qu'avant d'être d'ébène, elle fut de roseau ;
Que sa chanson l'étonne, et qu'elle y reconnaisse
L'âme de sa rustique et paisible jeunesse !...

Ecoutez les Gascons... Ce n'est plus, sous ses doigts,
Le fifre aigu des camps, c'est la flûte des bois !
Ce n'est plus le sifflet du combat, sous ses lèvres,
C'est le lent galoubet de nos meneurs de chèvres ! ...
Ecoutez... C'est le val, la lande, la forêt,
Le petit pâtre brun sous son rouge béret,
C'est la verte douceur des soirs sur la Dordogne,
Ecoutez les gascons : c'est toute la Gascogne !

Cyrano de bergerac - Edmond Rostand

Un dernier coup d'oeil par dessus l'épaule avant de redescendre :

Je rapatrie d'ailleurs ce post, qui prendra toute sa palce ici :

Cet été, balade en haut du Puy de Sancy ; la beauté du paysage n'a pas disparu, et a enthousiasmé mes rétines :







En haut, appuyé sur un rocher, j'ai lu ce passage de Zoli, c'est quelque chose que j'aime faire lors des randonnées que je peux faire, emmener un livre, un poème et le lire quand je suis arrivé :

Citation :

Dehors la luminosité lui brûle les yeux. Une traînée de fumée très haut dans le ciel. Au début de l'après-midi, des perles de sueur miroitent sur son front, le vertige la force à se lever. J'ai besoin d'un ruisseau pour y plonger la tête, j'ai besoin de son eau pour emporter ma fièvre. Mais aucune eau qui court ne fait entendre son chant. Il n'y a que celui des oiseaux et le vent dans les arbres. Elle atteint une petite route goudronnée où les troncs abbattus sont empilés les uns sur les autres comme des cadavres. Elle se retourne vers le gros camion qui approche en arrachant au sol des gerbes de terre mouillée[. Un coup de klaxon, puissant et prolongé. Zoli reste immobile et le camion fonce. Le sifflement des pneus. La calandre qui grossit, ses lamelles chromées, stiées de noir. Un autre coup de klaxon. Fermant les yeux, elle se laisserait presque aspirer, le visage aspergé par les roues mouillées. Le conducteur hurle par la fenêtre et passe à moins de cinquante centimètres. Elle regarde la chose s'éloigner. Le véhicule rapetisse le long de la route, le toit scintille une seconde avant de disparaître dans le virage.
Il aurait été aussi simple de seplanter devant pense-t-elle. Elle rebrousse chemi,, s'assied sous un immense platane, arrache au sol une poignée d'herbe jaunie et l'applique dans sa bouche contre sa dent furieuse. Elle retire son manteau, noue les manches autour de sa taille. Swann le lui avait donné un an auparavant. Il en avait apporté un plein carton de Brno, calé maladroitement sur la moto. Il les avait achetés pour la Kumpania, il avait même trouvé les petites tailles pour les enfants. Il n'arrivait pas à comprendre qu'elle refuse, qu'elle n'en veuille pas - c'était pour elle comme promener un brassard jaune, un gourdin enfoncé dans les omoplates. Embarassé, il s'était assis sur la chaise de bois grossier, près de la fenêtre. "Mais ça n'est pas la charité, Zoli, c'est juste quelques manteaux, voilà." Silencieux, il avait tapoté sur la vitre, ses cheveux blonds encadrant ses yeux. Elle avait traversé la pièce et accepté : "J'en prends un pour chacun des enfants de Conka." Son visage s'était éclairé et il avait fouillé dans la pile pour trouver leurs tailles. "Et un pour toi", avait-il ajouté avant de le lui mettre sur le dos. Puis, les mains sur les épaules, il avait dit lui avoir déniché aussi tout un lot de chemises rouges. Ce rire étrange qu'elle avait eu alors, imaginant la Kumpania sinuant sur les routes, vêtue exactement pareil - la même chemise bon marché.
Ce qui avait semblé si drôle se révélait inévitable ; ce qui avait paru étrange était une vérité.
Elle a l'impression de le porter comme un lourd manteau, son Anglais aux cheveux blonds. Impossible de l'en déloger. Elle se demande combien de temps encore elle va pouvoir marcher sans que son poids, une fois de plus, la cloue au sol. Un matin, à l'atelier, il avait dit qu'elle lui faisait penser à une poétesse russe qu'il avait vue sur une photo : de grande taille, les yeux noirs, le front haut, les cheveux coiffés en arrière. La complexité de son expression. Il l'avait emmenée à la Bibliothèque nationale pour lui montrer Anna Akhmatova, et Zoli n'avait vu aucune ressemblance. Elle s'était toujours crue simple, brune, noire et les photos montraient une belle femme blanche aux yeux cernés. [...]

Magnifiques photos !
Lire là haut, c'est... beau.

Je ne suis pas autant montagne que mer mais de très belles photos, merci..

et en ce qui concerne la lecture - tout comme toi en montagne, j'aime le faire près de la mer
encore aujourd'hui je peux "entendre" les vagues quand je reprends les livres que j'ai lu près de la mer

Très belle présentation Steven
Et merci pour Aragon.

Tout comme Kena, je préfère lire au bord de l'eau, j'adore même ça!
J'aime bien les marches en montagne, mais quitte à ouvrir quelque chose arrivée en haut, je préfère des nourritures plus terrestres (genre un saucisson et un verre de vin)

Surtout parce que me retrouver seule en haut avec mon bouquin aurait de quoi m'angoisser

Ahurissantement belles tes photos Steven !
(Dommage qu'il faille marcher si haut pour avoir droit à ça... )

aériale a écrit:

Très belle présentation Steven
Et merci pour Aragon.

Tout comme Kena, je préfère lire au bord de l'eau, j'adore même ça!
J'aime bien les marches en montagne, mais quitte à ouvrir quelque chose arrivée en haut, je préfère des nourritures plus terrestres (genre un saucisson et un verre de vin)

Surtout parce que me retrouver seule en haut avec mon bouquin aurait de quoi m'angoisser

L'un n'empêche pas l'autre ! Mais je ne sais pas si je peux donner le nom de la bouteille que j'ai ouverte tout là haut...

Spoiler:

Avant j'avais souvent l'occasion de faire des randonnées en montagne pendant mes vacances, mais ça fait quelques années que je n'y suis plus retournée. Tes photos me donnent une envie folle d'y repartir, Steven ! Merci

Vivant en bord de mer, je ne me rends pas souvent dans les "Picos de Europa" tout près, mais quand je m'y rends j'apprécie. La montagne a une magie qui se marie très bien à la lecture je trouve...

Merci pour ces belles images

J'adore la montagne, c'est vraiment magnifique, on se sent tellement petit à côté.
Très bonne idée de fil, les photos et les mots sont superbes.

Comme je te comprends, Steven.
Si tu permets que je fasse un instant abstraction du titre de ton fil, je vous confierais qu'à présent plutôt que lire là-haut, j'y griffonne quelques mots :
comme ici où une internaute à plus tard complété mon texte du sien, en y joignant une photo que les tiennes m'ont rappelée.
http://tnncie.aceboard.fr/244406-2819-7866-0-Ressourcement.htm

C'est un sujet sur la montagne ?

Maryvonne , on leur dit ?

Je partage tout à fait tes impressions, Steven, d' autant que j' ai eu le meme genre d' expériences.

Tu me les fais revivre avec plaisir et un brin de nostalgie !

Très belles photos, très belle idée, vraiment bravo, Steven !

Je suis fan de balades en montagne mais je n'ai jamais pensé à emporter un livre là-haut. Je t'imiterai peut-être la prochaine fois!

Ah! ces petits lac de montagne c'est superbe
je partage ton plaisir de la montagne moi qui quotidiennement regarde le jura et les alpes. Paysage si merveilleux, merveille de la nature.