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| Balades vers des sommets .....littéraires | |
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Auteur | Message |
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monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Lun 6 Aoû 2012 - 15:08 | |
| Voici : | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Lun 6 Aoû 2012 - 15:10 | |
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| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Lun 6 Aoû 2012 - 15:19 | |
| - monilet a écrit:
- En éprouvant là-haut le besoin de l'écrire, j'ai pensé à vous ici et à l'insertion de ce texte dans cette rubrique, une des premières choses que j'ai faites à mon retour. :)
Pas de meilleur retour à la vie que la vie...Sa manifestion concrète et sensible. J' ai connu ça... | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Lun 6 Aoû 2012 - 20:21 | |
| - monilet a écrit:
- 26 juillet - Crêtes 2600
(je tâcherai de mettre une ou des photos dès que..)
Deux heures de montée sous le cagnard, pas lent et balancé, rythmé, qui s'interrompt le moins possible, juste pour quelques pauses désaltérement. Qu'elle est bienvenue l'eau, élément simple qui en montagne devient précieux, même inestimable. Et bientôt c'est le chemin des crêtes, à peine vertigineux, plus reposant dans l'ensemble car les montées, plus douces, alternent avec les replats et descentes. De chaque côté le spectacle fabuleux de quelques sommets enneigés. Déjà arrive la pause repas, là, au haut. Goût incomparable des victuailles frugales montées à dos d'homme dans le sac qui tire un peu sur les épaules et fait jaillir au bas du dos une transpiration séchant presque aussitôt. Aujourd'hui le luxe d'avoir monté un mini thermos de café. Le silence est quasi absolu, hormis le cri d'alarme d'une marmotte qui bientôt s'habituera à notre présence quasi immobile. Bourdonnement des insectes butinant les petites fleurs d'été. Soudain, trouant le silence, le bonjour d'un randonneur sur le sentier creusant une mince tranchée brune dans l'alpage. Je lève les yeux : dans le bleu au dessus des sommets, couronnés çà et là de gros nuages blancs cotonneux, le lent ballet de quatre ailes volantes tournoyant et se croisant dans les courants ascendants. Leurs ombres immenses courent sur les vallons. Je quitte ma feuille du regard, interrompu par le pas lourd de deux marcheurs sur le sentier ainsi que par le cliquetis des bâtons de marche du premier. Déjà ils sont passés et gravissent la proche montée. Il va être treize heures ; le vent est doux et chaud. Quelques oiseaux piaillent, seuls sons troublant à nouveau le calme total. Mais est-ce bien un trouble ? À ces hauteurs le tapis vert est majoritairement parsemé des taches jaunes des boutons d'or d'où émergent parfois de tendres petits bouquets bleutés : du myosotis. Il tranche avec le bleu très sombre des gentianes qu'on trouve plus bas se mariant au rose des rhododendrons. Le myosotis, en allemand Vergissmeinnicht - Ne m'oublie pas. Quatre ans déjà que j'étais empêché de goûter cela et aujourd'hui, à nouveau, le bonheur ! Merci la vie. Comme si on y était avec toi. Très belle description. - monilet a écrit:
- J'en ai fait un peu trop et là j'ai une rechute depuis 5 ou 6 jours, mais ça devrait passer (d'hab. ça dure de 12 j à 3,5 semaines) ; surtout, je ne croyais plus que je pourrais à nouveau.Merci à vous.
Prends soin de toi Monilet | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Lun 6 Aoû 2012 - 21:30 | |
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| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| | | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Jeu 20 Déc 2012 - 17:24 | |
| merci Kena ! bien des envies de montagne | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Dim 4 Aoû 2013 - 16:09 | |
| JOIES EN MONTAGNE
Oh, bien modeste cette montagne, mais belle aussi. 23 juillet ; nous effectuons une heure trente de montée dans les résineux, au départ du col d'Oderen (884 m) dans les Hautes-Vosges, à la limite de la plaine d'Alsace. N'était le couvert des ombrages, la chaleur serait accablante ; nous transpirons beaucoup car la pente est raide. À 1224 m la première récompense est atteinte : la pointe de Fellering qui offre de jolies échappées sur la vallée, côté Lorraine. C'est alors la descente - à demi en forêt, à demi dans les chaumes écrasées de soleil - pour bientôt remonter par une déclivité moins rude vers le Petit Drumont. Entre-temps nous avons bénéficié du baume bienvenu qu’est la dégustation de myrtilles, cueillies à même l'arbuste. Au haut, un spectacle de beauté, 360° à la ronde : l'ensemble des vallées du Hohneck jusqu'au Ballon d'Alsace. Le temps n'est pas suffisamment clair pour que nous puissions discerner, au sud, les Alpes suisses. Dommage. Ce ne sont alentour que crêtes boisées, crevées de quelques prairies-clairières où se nichent de gros bourgs. Vu d'ici les toits luisent du rouge de leurs tuiles, agrémentant les pignons blancs. Comme à chaque fois, le goût du repas frugal tiré des sacs à dos est inégalable. Nos jambes apprécient la détente de la pause. Le ciel est empli de nuages cotonneux - blancs pour la moitié d'entre eux, gris sombre pour l'autre . Des orages sont annoncés sur les massifs. Pour l'heure, ils viennent atténuer agréablement l'ardeur cuisante du soleil. Sur ces hauteurs souffle une brise bienfaisante. 200 mètres plus bas est tapie une grosse ferme auberge, assaillie par des touristes arrivés pour la plupart en voiture. Nous passons y prendre sur la terrasse sommaire mais panoramique un café noir, agrémenté d'une ô combien succulente tarte aux brimbelles - nom local des myrtilles - couronnée d'une énorme boule de Chantilly sucrée, le tout avant de reprendre notre périple et de bientôt entamer la descente, comme le soleil est au zénith. Elle n'est pas belle , la vie ! | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Lun 12 Aoû 2013 - 16:18 | |
| On my own...ma petite plume, désolé du barbouillage de topic, et c'est sincère . Elévation03h30 lever, moins quinze. Ca ne sent pas le renfermé... 05h55 encordement au pied de la voie. 05h56 constat que la corde est toronnée, ou sac-à-couillée. 05h58 péroraison sur l'emplacement de l'attaque de la voie. 05h59 bordée de jurons et autres grossièretés scurriles envers le rédacteur du topo. 06h00 lent décollage, premier coup de piochon, poser, ne pas tanquer, poser. 06h01 grand cliquetis de ferraille, se retourner pour injurier le second, parce qu'il marche sur la corde avec ses crampons, parce qu'il n'est pas attentif, parce qu'il donne trop de mou ou pas assez, parce qu'il fredonne un air idiot, si rien de tout ça, l'injurier quand même. 06h35 premier relais, fin de la première longueur. Jurer que c'est magnifique et complètement "à vache". Surtout si c'est pérave, qu'on y bronze vert avec le pantalon marron, qu'on a dû se gourer de vingt bons mètres trop à gauche ou trop à droite. 06h50 Arrivée du second au relais. Lui taxer une clope, ou bien son eau, ou bien ses vivres de courses. Lui demander un truc qu'il a enfoui au fin fond de son barda en tous cas. L'encourager à revenir sur sa décision (ou non) de grimper en réverse. L'important c'est de bouleverser complètement le plan pré-établi et dûment convenu. 10h35 Le crux, le passage-clé, la séquence délicate. A toi-à moi ? Pérorer, d'un ton assuré, sur la meilleure façon de franchir le passage si le compagnon de cordée vient de s'en coller une. Lui dire que décidément il ne grimpe pas avec sa tête dans un grand rire moqueur, abruti et bien désobligeant. Surtout ne pas lui demander si ça va, au contraire affirmer puissamment que tout va bien si à l'évidence ça ne va pas du tout. 11h15 Les avant-bras comme des bouteilles de Perrier, le point douloureux de l'arrière des mollets qui s'amplifie avec une belle régularité. Les affres de la tétanie, le corps qui se transforme en usine de production d'acide lactique. Jurer que c'est fini ou quasi, que par ici la sortie. Perte de la lucidité, perte de la souplesse. Au lieu de progresser selon les canons du "seul art martial occidental", bourinnage total. Grimper comme un forgeron qui tape. La glace commence à fondre, tout vole et déjà on réveille des geysers, on perce des canalisations. Oxygéner. Ne pas serrer les dents. Reprendre un rythme: Se marteler "les pas, tu les fais" ce qui, quelques mètres plus loin, donne un vague "l'effet, tu l'es pas". Gueuler au second (ton furieux): "Du bou, mornel ! " 11h25 Les tempes qui bouillonnent, la gorge sèche jusqu'à l'oesophage. Ne pas écouter le bruit sinistre d'une avalanche, qui d'ailleurs ne peut être qu'une modeste coulée, hein, qui semble toute proche. Ne pas réaliser qu'on a 600 mètres de gaz au cul, et qu'on navigue piteusement quinze mètres au-dessus du dernier point, une broche mal posée à la va-vite. Ah ce regard vers le second, loin, au bout de la corde ombilicale, lui sait que le moindre faux pas, ou geste inapproprié, nous chutons. On le devine ou on le ressent, en tous cas n'allez pas croire aux yeux de lynx capables de discerner l'intensité d'un oeil en gelée quarante mètres plus bas. Faire ce qu'il ne faut pas, se dire que vitesse=sécurité, et mets-rien là, au-dessus c'est bon, enfin, sûrement. Chasser la pensée lucide que si je fais un trou dans l'air à cet instant-là, c'est la cordée entière qui R.I.P. 11h30 Sommet en vue. Sortir une vanne degré-zéro au second, si rien ne vient se moquer de son allure de figurant dans Mad-Max. Histoire de lui mettre la pression, dire que la météo se dégrade, preuves à l'appui. Rassembler pour cela toute sa mauvaise foi. 11h55 sommet. 70 bornes de vue en périphérique. faut pas rester là. Calcul de la descente. 13h00 Le sentier, les premiers randonneurs. 13h15 Déjà marre de leur dire "bonjour" en les croisant. 14h30 Urgences de binouzes, et de haute gastronomie à base de boeuf et de pommes de terre frites. 15h00 Expliquer au badaud de la table d'à côté, qui est à deux doigts d'offrir le café-digeo et qu'il faut décider, que ton compagnon de cordée ce n'est ni ta femme, ni ton fils, ni ton père, ni ton frère, ni ton meilleur pote, mais quelque chose d'aussi fort que ça. Glisser un lieu commun sur la noblesse de l'alpinisseuh, activité, pardon, culture destinée aux Coeurs Purs (maj. de rigueur). Qui forge une franche camaraderie bien au-dessus de la petitesse mesquine des relations humaines ordinaires. Le tout déclamé avec l'emphase pompeuse la plus puante qui puisse se concevoir. (Trémolos dans la voix, ton grandiloquent): "Well, the world is not a perfect sphere...".(a tribute to all great climbers). | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Lun 12 Aoû 2013 - 16:58 | |
| Ah que voilà un compte rendu précis à la minute près ! Et drole en plus, of course ! | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Lun 12 Aoû 2013 - 22:44 | |
| ton récit est haletant Sigismond !
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| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| | | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Mar 13 Aoû 2013 - 2:55 | |
| bravo, Sigismond, on s'y croit vraiment!!! | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Mar 13 Aoû 2013 - 19:38 | |
| El Bajon (Gare à la descente !)
Jeune donc immortel je caressais l'idée de parcourir beaucoup, si ce n'est la plupart ou peut-être la totalité des sommets à plus de trois mille mètres d'altitude (au niveau de la mer à Marseille) des Pyrénées. En mettant un peu de piment dans l'affaire: Il s'agissait de ne pas utiliser les VN -les voies normales- sauf à la descente, et, si possible, de parcourir ces voies hors saison. Un ingrédient supplémentaire est vite apparu, vu le peu d'enthousiastes pyrénéistes ravis de me suivre quand j'étais disponible: de les parcourir, sinon intégralement en solo, du moins en solitaire.
1994. Ma collection s'amplifie assez vite. J'en suis à l'heure de me demander s'il faut compter les pointes secondaires, les antécimes et les altitudes déterminées qui flanquent ou ornent les sommets principaux, question que je n'ai toujours pas résolue toutes ces années après.
Il reste toutefois quelques sommets prestigieux et évidents à rafler.
Ainsi mes pas me guident en un automne à soubresauts météorologiques dans les Pyrénées centrales, et mon tableau de chasse s'orne vite du pic L., du pic Q., du pic C., des C. et pas mal de pointes et antécimes secondaires, puisque je prends un malin -entendez pervers- plaisir à fouler la ligne de crête la plus haute, histoire de ne rien rater. Calculant la météo, je garde par devers-moi, présupposés plus aisés, le P. (on ne dit même pas "le pic P." tellement il est prestigieux) et le pic R., dont le nom traduit en français depuis le patois la langue des Anciens signifie rouge, ou encore rouillé.
Qu'ils sont désirables, beaux pour tout dire, ces deux sommets depuis la vallée, depuis la cité thermale où, levant les yeux, le curiste voit un blanc immaculé de neige orner la plus haute ligne d'horizon, même les années les plus sèches et chaudes ! Les gravures de Cicéri, les livres d'Henry Russell les chantent !
Posé au refuge de P., dans le réduit hors-saison (c'est un refuge gardienné en saison), croisant un autre arpenteur de cimes, peut-être encore moins sociable que moi, qui a dû prendre sur lui et calculer notre intimité après quelques heures passées côte-à-côte en huis-clos avant d'oser me demander de feuilleter mon exemplaire du Guide Ollivier.
Il va où j'étais, je le renseigne, très peu mais suffisamment, il s'agit de laisser la découverte intacte, c'est un art verbal délicat.
Le lendemain, départ à ce que je crois être l'aube (je n'ai pas de montre, pas l'heure histoire de "suspendre le temps", et cela fait plusieurs jours que je suis en altitude) sous un ciel si bas et si lourd que je m'y enfonce à peine cinquante mètres de dénivelée au-delà du refuge, dans un espèce de coton humide, entre nuit et jour.
Je croise, droit sur un rocher saillant, un isard mâle fort proche, qui me regarde dans les yeux, d'un air de défi, je sais qu'il ira jusqu'au bout pour protéger les siens, j'entr'aperçois sa femelle et devine comme possiblement provenant de sa progéniture, de sa harde, les quelques cailloux que j'entends dévalant, bruits amplifiés au-delà d'une perception normale dans cette ouate humide.
A vrai dire, l'ascension se déroule à merveille, bien mieux que je ne l'avais imaginée. Jamais je n'aurais pu penser que cela puisse être si parfait, surtout par une météo qui, sans être dangereuse, restait douteuse.. Certes, j'avais préparé mon affaire. Certes encore, j'étais acclimaté, endurci, et assez frais.
Sommet. Le chemin, la solution de descente par la voie normale, je la connais, je l'ai parcourue adolescent, il y a sept ou huit ans, peut-être neuf je ne me souviens plus bien, à la montée d'abord puis à la descente. Une demi-heure plus tard, plus de repère, et pourtant sur un tracé évident, il est même cairné, c'est dire !
Englué dans la baudelairienne "coupole spleenétique du ciel" je prends la seule décision qui vaille, à savoir une application conjoncturelle de la fameuse "erreur volontaire" et je refais sommet, histoire de repartir du bon pied sur le bon chemin. Mais je me trompe encore. Alors je refais sommet... Trois fois de suite ainsi. Personne ne s'inquiètera de moi avant trois jours et trois nuits de plus, c'est la deadline que j'avais fixée au Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne en partant, dans la vallée. Je n'ai, jusqu'à ce jour où j'écris ces lignes, jamais eu besoin des services des Secours en Montagne, tout en m'étant rendu utile dans deux situations de secours, fortuitement, et je souhaite fort que cette situation dure, ne change pas. Je n'ai, du reste, alors aucun moyen de prévenir qui que ce soit, comme ça le point est réglé.
Mais là je suis trop entamé, je sais qu'une quatrième fois sera la fois de trop. Je prends le parti de rassembler toute ma concentration, et, de lichens grisâtres en granits lumineux, égrenés de teintes subtiles parcourant toutes les nuances séparant l'anthracite du blanc, je me perds une ultime fois.Une bonne occasion pour faire prendre une nouvelle fois l'air des trois-mille au brin de corde. De rappels en rappels, qui sont des sauts de puce dans cette architecture ramifiée, se séparant en fourches et en épaulements, dans des airs nimbés, non vertigineux, dégageant une certaine intimité (je me suis surpris à faire attention à ne pas faire de bruit !) je parviens à prendre pied sur la neige, marquant la fin de la paroi. Et, par bonheur, chance ou ce que vous voudrez, sans franchissement de rimaye.
Une gorgée d'eau, une vague mastication de ce qui passe au hasard de mes gants dans le sac, et le plafond nuageux se lève enfin, juste à l'heure de faire le point. Je suis pile à l'opposé de la montagne, en Espagne donc, et non sur le versant Nord. A deux heures de crapahut' délicat, pour qui a un bon pied, de l'endroit où je suis censé me trouver. Qu'à cela ne tienne ! Tout à ma joie de repéré, je parcours la distance, descends au refuge de P., et, n'ayant pas la moindre idée de l'heure et le jour ne s'étant toujours pas levé sur cette étrange journée, je décide de pousser deux cent cinquante mètres d'altitude plus bas, au refuge d'E.
A proximité d'E. je croise des grenouilles croassantes, jolies, dodues, débordantes de vitalité, et je me dis que c'est donc le soir. La salle hors-saison du vieux refuge d'E. est sinistre, un carré de béton style quartier carcéral de haute-sécurité, les murs suintent l'humidité gélive, une porte de métal oxydé grinçante, un bas-flanc du même métal du même aspect en guise de table, à déplier du mur. Farfouillant mon sac, j'extirpe une ruine de bougie, que dis-je un cierge en ce lieu, qui m'apporte couleur, lumière et chaleur symbolique pendant un temps que je n'ai pas mesuré -comment l'aurais-je pu ?- mais qui ma semblé suffisamment long. J'avale au petit bonheur les tréfonds de mon sac, ah mon sac, ma maison dois-je dire, quand on reste un peu longtemps seul en montagne !
Puis me prennent, avec un ensemble consommé, à la fois la fatigue, la faim non assouvie, la soif, les douleurs musculaires. C'est, tel un junkie, la descente, el bajon comme on dit à peine plus au sud, outre ce sommet-là d'où j'arrive.
Le projet d'arpenter ces trois mille m'apparaît idiot. Le contraire de mes valeurs, à bien y regarder: la collection futile, matérialiste autant que vaniteuse, la valeur d'un chiffre, d'une mesure humaine ramenée à une montagne, et quasi une ambiance compétitrice (vais-je réussir ou pas ?), or, si j'ai choisi l'escalade et l'alpinisme, c'est justement parce qu'il n'y a pas autre aune que soi-même !
Qu'est-ce qui me distingue de Tartarin de Tarascon sur les Alpes dans ce que je suis en train d'accomplir ?
Prostré, évitant le contact des murs humides et déjà durcis de gel, du sol pire encore parce qu'aussi humide et gelé et agrémenté de détritus, je pousse de rage la porte, à quatre pattes; Enlaçant mon sac comme une fiancée, je dors à même le sol, mais dehors. Bien m'en prend: la voûte céleste est entièrement dégagée, c'est féérique. On voit les étoiles de si près ! Un plafond de palace ne rendra jamais ça. Et si je faisais comme si c'était ça que j'étais venu chercher ? Et si je me mentais à moi-même ? | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Balades vers des sommets .....littéraires Mer 14 Aoû 2013 - 2:17 | |
| J'aime beaucoup tes récits , Sigismond! - Citation :
- Un plafond de palace ne rendra jamais ça.
Et si je faisais comme si c'était ça que j'étais venu chercher ? En tout cas, c'est cela que tu as trouvé.. Mais, quand même...et sans revenir sur tes motivations, pourquoi avoir fixé un délai de 3 jours ? C'est long, 3 jours, sans , visiblement, de provisions et moyens de lutte contre le froid? - Spoiler:
Ca me rappelle quand même qu'à Tahiti, on pense à la mer, mais moins à la montagne, et que des morts perdus dans la montagne, il y en a de temps en temps. Et que mon mari a fait très fort un jour en "perdant" un enfant ( 7 ans à l'époque) , son copain et un chien dans la montagne. Ici, il n'y a pas le problème du froid, mais quand même. Ce sont les gendarmes ( il y a des spécialistes de la montagne ici aussi) qui les ont ramenés à 2 heures du matin. Ils s'étaient très bien organisés, d'ailleurs, partageant leur paquet de gâteau à 3!
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