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| Dino Buzzati [Italie] | |
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Auteur | Message |
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animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Ven 28 Nov 2008 - 21:01 | |
| j'en ai donc lu une petite hier soir... je ne me lasse pas de façon de jouer sur des mécanismes assimilés de narration (façon conte) ou de réaction et d'attentes... on a ce qu'on attend et autre chose en plus, des retournements plus ou moins grands et sans... sans excès formel... le goût de ce jeu d'idées... un peu sombres (si on regarde bien), un peu d'humour... ou d'esprit qui glisse là dedans... bonheur bonheur bonheur... ! | |
| | | Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Ven 28 Nov 2008 - 21:48 | |
| A Coline...et à ceux qui conaissent Le désert et à ceux qui voudraient le connaître mais en auraient peur et auraient raison d'avoir peur.
J'ai lu Le désert des Tartares assez tard,vers 28 ans .C'était encore trop tôt.Mon père,assez grand lecteur bien qu'ayant quitté l'école à 12 ans ne l'avait pas dans sa bibliothèque ou trônaient surtout Maupassant,Flaubert d'un côté,Hemingway,Steinbeck,Caldwell de l'autre.On a connu plus mauvais parrainage.Le titre du roman m'avait toujours intrigué par ces deux éloignements à la fois antinomiques et compléméntaires.J'aimaginais mal les Tartares dans le désert,le désert étant au Sud et les tartares à l'Est,vision personnelle de la géographie.Mais il attisa longtemps ma curiosité.Je décidai un jour de tenter la traversée du désert. Mal m'en prit.Happé par la condition humaine du Lieutenant Drogo,frais émoulu de l'école d'officiers et muté au Fort Bastiani,qui domine la plaine...(Jacques Brel non plus ne s'est jamais remis de ce livre maudit),je suivis hagard la promotion de Drogo et l'attente des Tartares.Mais alors l'attente...Refermant le livre j'y vis quelque temps,pas longtemps, une sorte de fable sur la condition militaire.Puis très vite je compris. Je compris que non seulement je n'oublierai jamais ce livre,mais aussi que j'y penserai chaque jour,annihilé par cette extraordinaire métaphore de la condition humaine,de la condition de ce pauvre type qui voit sa vie lui glisser comme du sable sous les doigts,éternel suppléant,éternel dans son expectative,héros demain ou après-demain,un jour peut-être il sera grand.Mais passe le temps,pour Drogo comme pour moi.Et vient le jour ultime où face à l'ennemi dernier,la faucheuse,Giovanni,militaire en disponibilité,affronte enfin les Tartares:Giovanni redresse un peu le buste,arrange d'une main le col de son uniforme,jette encore un regard par la fenêtre,un très bref coup d'oeil,pour voir une dernière fois les étoiles.Puis,dans l'obscurité,bien que personne ne le voie,il sourit.
Le désert des Tartares me hante et c'est peu dire que vieillissant ça ne s'arrange pas.Ce récit comme une initiation à la vacuité et à la vanité des choses et d'une vie à laquelle on sera toujours trop étranger,ce récit disais-je,est d'une désespérance grandiose qui touche au sublime.Quoi qu'on fasse on n'est guère que spectateur.J'ai parfois essayé d'être acteur .Ce fut très difficile.J'ajoute que ce livre est si fort qu'il peut à la rigueur dspenser de lire toute autre chose.Mais le mieux,je crois,est de ne jamais l'ouvrir.C'est un chef-d'oeuvre vénéneux,c'est une beauté qui déchire..Fahenheit 451 pouquoi n'as-tu pas brûlé Le désert des Tartares avant que je n'en sois prisonnier,et heureux de l'être? Si dans ma signature Quichotte et Jekyll accompagnent Drogo c'est que l'idéaliste hidalgo dans sa naîveté et le médecin-criminel à la double personnalité complètent ma trilogie inquiétante,trouble et terriblement humaine. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 29 Nov 2008 - 1:07 | |
| Quel magnifique commentaire Bellonzo!... Tu as tenu ta promesse...et cela valait le coup de patienter... Un commentaire à la fois évocateur du roman...et aussi très intriguant... Je viens de le noter dans ma LAL...pour quand? A priori (comme fille) je suis peu intéressée par les romans à cadre militaire...mais déjà j'ai succombé au Rivages des Syrtes de Julien Gracq...peut-être pourrais-je me laisser séduire un jour par Le désert des Tartares... | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 29 Nov 2008 - 8:36 | |
| - coline a écrit:
A priori (comme fille) je suis peu intéressée par les romans à cadre militaire...mais déjà j'ai succombé . Ah, le prestige de l'uniforme ! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 29 Nov 2008 - 11:10 | |
| - monilet a écrit:
- coline a écrit:
A priori (comme fille) je suis peu intéressée par les romans à cadre militaire...mais déjà j'ai succombé . Ah, le prestige de l'uniforme ! Comment ça?..On déforme mon propos?... J'ai déjà succombé...oui... au Rivage des Syrtes de Julien Gracq... | |
| | | Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 29 Nov 2008 - 12:53 | |
| Le désert des Tartares échappe,vous l'avez compris,à tout cadre quelconque par son universalité et son intemporalité. | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 29 Nov 2008 - 13:04 | |
| Bellonzo comme je comprends ce que tu ressens, je l'ai dit plus haut.
Oui cette lecture est à tout jamais, pour moi aussi, indélébile !
Mais je ne regrette toutefois pas de l'avoir lu, je me suis dit qu'il fallait saisir la moindre seconde de notre vie. | |
| | | Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 29 Nov 2008 - 13:12 | |
| Bédoulène - Citation :
- Mais je ne regrette toutefois pas de l'avoir lu, je me suis dit qu'il fallait saisir la moindre seconde de notre vie.
Moi non plus bien sûr mais j'aime,je l'avoue,en "rajouter" sur ce livre qui pourtant n'en a pas besoin tant il est immense.Tiens je viens d'en rajouter encore.Mais Buzz est un écrivain d'une richesse absolue,ça je l'ai déjà dit.J'aimerais aussi que le film,très honorable de Zurlini et Perrin,soit disponible en DVD. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 29 Nov 2008 - 13:19 | |
| - Bellonzo a écrit:
- Le désert des Tartares échappe,vous l'avez compris,à tout cadre quelconque par son universalité et son intemporalité.
Oui, oui Bellonzo...Ton commentaire mystérieux est cependant très clair! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 29 Nov 2008 - 13:23 | |
| - Bédoulène a écrit:
- Bellonzo comme je comprends ce que tu ressens, je l'ai dit plus haut.
Oui cette lecture est à tout jamais, pour moi aussi, indélébile ! Mais je ne regrette toutefois pas de l'avoir lu, je me suis dit qu'il fallait saisir la moindre seconde de notre vie. ...Le pouvoir et l'enseignement de la Littérature... | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 29 Nov 2008 - 13:23 | |
| - Bellonzo a écrit:
- Fahenheit 451 pouquoi n'as-tu pas brûlé [b]Le désert des Tartares avant que je n'en sois prisonnier,et heureux de l'être?
Parce qu'il t'attendait Il faudra que je le lise à mon tour, je ne dois pas passer à côté de cette lecture. Buzzati mérite d'être lu. Incroyable comment il peux bien parler du futur actuel , qu'il a écrit dans le passé alors qu'il ne le connaissait point. Plusieurs autres nouvelles m'attendent. - Spoiler:
Je mets cet auteur dans ma LAP Liste auteurs préféré
- animal a écrit:
-
je continue les nouvelles, je réserve pour les moments qui n'appartiennent pas aux autres lectures, les moments de pas de temps ou entre temps. comme cette semaine un jour j'ai terminé un livre la veille et le lendemain je n'aurais pas de temps, j'ai besoin de lire, je veux lire une chose entière, ou deux, seulement quelques pages, je n'ai pas l'espace. ces nouvelles sont là. très courtes, étranges, irréelles. Je reprend un post ancien . J'ai pris la décision de tout lire de Buzzati. Chaque nouvelle apporte quelque chose ainsi qu'un questionnement. Je poursuis la lecture de Panique à la Scala quand le temps me le permet et je découvre à chaque nouvelle, et j'aime bien. On ne sait pas à quoi s'attendre réellement en débutant chaque nouvelle. C'est ce qui est agréable je crois. L'enchantement de la nature - nouvelle - Panique à la Scala Cette lecture se rapproche d'une pièce de théâtre. Un couple la nuit - jalousie- complainte - étonnement. un drame humain. Adolfo Lo Ritto peintre décorateur 52 ans. au lit malade peinard et plaignard. gémissements arrogants, insolent et jaloux. jaloux comme pas un. Renata 38 ans taille effilée. revient d'une soirée cinéma, il est une heure et quart. Échanges verbal mi-amicaux , jusqu'à la réconciliation. Histoire d'un couple comme des milliers d'autres, qui passe des mots blessants pour se terminer dans l'apaisement. - Citation :
- Sans lever la tête de son oreiller, il se mit à gémir sur un ton de reproche. '' Je ne me suis pas senti très bien'' '' Tu as eu mal?
""Une de mes épouvantables coliques... Je n'en pouvais plus! "" "" Et toi, ou étais-tu? Peut-on savoir où tu es allée: sais-tu qu'il est presque une heure et demie?'' '' Eh! pas besoin de crier pour autant... Où j'étais? Au cinéma. j'étais avec Franca'' et la discusion s'éternise. Jusqu'à l'affrontement totale.
'' Si tu savais combien je suis lasse de toi, combien tu es repoussant, si tu voyais comme tu es laid...Non mais, regardeù-le: le peintre Lo Ritto, le barbouilleur Lo Ritto!'' Elle prenait plaisir à lui enfoncer chaque mot comme autant de forets aux points les plus sensibles et les plus douloureux. '' Mais regarde-toi, regarde toi dans la glace: tu es un homme fini, une loque, une ruine,moche, édenté, pouilleux, mesquin...Un artiste, hein?....et qui pue par-dessus le marché! Tu ne sens donc pas quelle puanteur il y a dans cette chambre? Avec une grimace de dégoût, elle alla ouvrir en grand la fenêtre et s'appuya contre la ballustrade comme pour respirer enfin un peu d'air frais. '' Je vais me tuer, je jure que je vais me tuer. Mais je n'en peux plus, moi....'' Elle se taisait maintenant, immobile, regardant au-dehors, dans la nuit froide de ce mois de Décembre.'' Et ferme cette maudite fenêtre! Tu veux dans doute me faire attraper un accident?'' - Citation :
- Son visage n'était plus pincé, fielleux comme tout à l'heure mais semblait à l'improvice s'être vidé de toute expression, de toute vie; un sentiment nouveau l'avait curieusement totalement transformé.
Et une lumière , dont on ne pouvait comprendre d'ou elle venait, l'illuminait. '' Adolfo...'', disait-elle, mais elle avait soudain une voix fragile et chavirée de tout petit enfant. ''Adolfo, regarde...'' murmurait-elle sur un ton d'absolue consternation, comme si elle s'apprêtait à rendre le dernier soupir.
Par-dessus la ligne sombre des toits, de l'autre côté de la cour, une immense chose lumineuse se levait lentement dans le ciel. Peu à peu sa forme presque parfaitement ronde se dessinait, jusqu'à ce qu'on pût la voir en entier: c'était un disque brillant d'une dimension inhabituelle. '' Mon dieu, la lune!'' murmura l'homme avec effroi. Certes c'était la lune, mais pas l'hôtesse habituelle de nos nuits, cette complice de nos enchantements amoureux, cette discrète amie dont la lumière féerique transforme les plus pauves masures en merveilleux châteaux. . Dans la cour ce n'est encore qu'un fracas de volets et de fenêtres qui s'ouvrent, d'appels, de hurlements de panique; aux balcons des grappes entières d'êtres humains semblent autant de spectres sous cet éclairage blafard. Lo Ritto sent la main de sa femme qui serre une des siennes avec tant de force qu'elle lui en fait mal. « '' Adolfo, oh, Adolfo! Il faut me pardonner...avoir pitié de moi. Adolfo, je te demande pardon...'' Elle est en sanglots et vient se presser contre lui, secouée d'un tremblement incoercible. Le regard cloué sur la lune monstrueuse, il tient maintenant sa femme entre ses bras tandis que s'élève au-dessus de la ville un grondement qui semble surgir des entrailles de la terre – mais ce ne sont que les humains, en un immense choeur de millions de millions de cris et de lamentations. La fin du monde - nouvelle - Panique à la Scala bizzare et questionnant tout à la fois, cette nouvelle de Buzzati. La fin du monde, c'elle attendue depuis des siècles. est apparue un matin vers 10 heures. - Citation :
- Un poing immense surplombant la ville. un poing qui s'ouvrit en prenant la forme d'une griffe et demeura figée.
Il semblait fait de pierre, fait de chair, fait de nuages. Ce n'en était pas. C'était Dieu - et la fin du monde. Une rumeur qui se fit gémissements puis hurlements qui se répendit dans tous les quartiers. Des gens sortaient des maisons, courant pur la plupart, poussés par le besoin de se remuer, de faire n'importe quoi mais de faire quelque chose, ne sachant toutefois ou donner de la tête. les interdits tombaient sans plus aucune retenue, - Citation :
- de jeunes couples se hâtaient d'aller s'étendre au beau milieu des jardins publics, pour faire une fois encore l'amour. Cependant, malgré le soleil, la main céleste était devenue d'une couleur terreuse.
Un jeune prête fut aperçu dans une somptueuse maison peuplée de courtisanes, '' Un prêtre! un prêtre!'' et la foule s'amassa , tous voulaient la confession. Tous ceux qui n'avaient confessés leur péchés souhaitaient le faire ardemment immédiatement avant le jugement dernier. '' Ego to absolvo...'' Ego to absolvo "" que huit minutes avant la fin... Le prête tremblait littéralement de tous ses membres Et moi ? et moi? se mit-il à supplier, désespérément. C'est qu'ils étaient en train de le frustrer du salut de son âme, ces misérables; qu'ils aillent au diable. "" Et moi? et moi? haranguait-il le bon millier de postulants, qui lui demandaient le paradis. Mais personne n'y prêtait attention. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 6 Déc 2008 - 17:03 | |
| tu les lis dans l'ordre ou dans le désordre ? (je n'ose pas lire les extraits de celles que je n'ai pas encore lues ) - Citation :
- On ne sait pas à quoi s'attendre réellement en débutant chaque nouvelle. C'est ce qui est agréable je crois.
ma foi oui, il joue diaboliquement bien avec le principe (premier) de l'histoire et avec les attentes du lecteur... et cette attention ou mise en avant du déroulement de ces petites nouvelles est un enchantement | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Sam 6 Déc 2008 - 17:17 | |
| - animal a écrit:
- tu les lis dans l'ordre ou dans le désordre ? (je n'ose pas lire les extraits de celles que je n'ai pas encore lues )
Dans le désordre maintenant . J'avais débuté dans l'ordre. Le titre et les premières phrases m'indique le choix. - animal a écrit:
- On ne sait pas à quoi s'attendre réellement en débutant chaque nouvelle. C'est ce qui est agréable je crois.
effectivement , il promène son lecteur allégrement. - animal a écrit:
- ma foi oui, il joue diaboliquement bien avec le principe (premier) de l'histoire et avec les attentes du lecteur... et cette attention ou mise en avant du déroulement de ces petites nouvelles est un enchantement
Heureuse d'avoir découvert le monde parfois irréel de Buzzati - animal a écrit:
- je ne me lasse pas de façon de jouer sur des mécanismes assimilés de narration (façon conte) ou de réaction et d'attentes... on a ce qu'on attend et autre chose en plus, des retournements plus ou moins grands et sans... sans excès formel... le goût de ce jeu d'idées... un peu sombres (si on regarde bien), un peu d'humour... ou d'esprit qui glisse là dedans... bonheur bonheur bonheur... !
Je rajoute bonheur! J'ai lu le K hier soir - Spoiler:
J'ai trouvé le mot que je cherchais, Buzzati était un visionnaire Comme s'il avait su l'avenir sur des sujets encore criant d'actualité.
- Bédoulène a écrit:
- La fuite inexorable du temps nous est à tous réservée mais nous ne l'appréhendons pas tous de la même manière.
Le sourire de Drogo est un sourire de dignité, la réponse d'un Homme qu'on renvoit alors même que l'espoir qui l'a guidé toute sa vie se concrétise. Je viens de lire un extrait , touvé sur le net. de Giovani Drogo. le titre de la nouvelle m'échappe. Incroyable ce texte, Tout en puissance . Est-ce parce-que j'ai vieilli en âge? qu'il est si prenant? je sais pas, mais c'est du bonbon cette nouvelle spoiler à lire - Spoiler:
Le désert des Tartares de Dino Buzzati – extrait
… Giovani Drogo, étendu sur le petit lit, hors du halo de la lampe à pétrole, fut, tandis qu’il songeait à sa vie, pris soudain par le sommeil. Et cependant, cette nuit-là justement – oh ! s’il l’avait su, peut-être n’eut-il pas eu envie de dormir – cette nuit-là, justement, commençait pour lui l’irréparable fuite du temps.
Jusqu’alors, il avait avancé avec l’insouciance de sa première jeunesse, sur une route qui, quand on est enfant, semble infinie, où les années s’écoulent lentes et légères, si bien que nul ne s’aperçoit de leur fuite. On chemine placidement, regardant avec curiosité autour de soi, il n’y a vraiment pas besoin de se hâter, derrière vous personne ne vous presse, et personne ne vous attend, vos camarades aussi avancent sans soucis, s’arrêtant souvent pour jouer. Du seuil de leurs maisons, les grandes personnes vous font des signes amicaux et vous montrent l’horizon avec des sourires complices ; de la sorte, le cœur commence à palpiter de désirs héroïques et tendres, on goûte l’espérance des choses merveilleuses qui vous attendent un peu plus loin ; on ne les voit pas encore, non, mais il est sûr, absolument sûr qu’un jour on les atteindra.
Est-ce encore long ? Non, il suffit de traverser ce fleuve, là-bas, au fond, de franchir ces vertes collines. Ne serait-on pas, par hasard, déjà arrivé ? Ces arbres, ces prés, cette blanche maison ne sont-ils pas peut-être ce que nous cherchions ? Pendant quelques instants, on a l’impression que oui, et l’on voudrait s’y arrêter. Puis l’on entend dire que, plus loin, c’est encore mieux, et l’on se remet en route, sans angoisse.
De la sorte, on poursuit son chemin, plein d’espoir ; et les journées sont longues et tranquilles, le soleil resplendit haut dans le ciel et semble disparaître à regret quand vient le soir.
Mais, à un certain point, presque instinctivement, on se retourne et l’on voit qu’un portail s’est refermé derrière nous, barrant le chemin de retour. Alors, on sent que quelque chose est changé, le soleil ne semble plus immobile, il se déplace rapidement ; hélas ! on n’a pas le temps de le regarder que, déjà, il se précipite vers les confins de l’horizon, on s’aperçoit que les nuages ne sont plus immobiles dans les golfes azurés du ciel, mais qu’ils fuient, se chevauchant l’un l’autre, telle est leur hâte ; on comprend que le temps passe et qu’il faudra bien qu’un jour la route prenne fin.
A un certain moment, un lourd portail se ferme derrière nous, il se ferme et est verrouillé avec la rapidité de l’éclair, et l’on n’a pas le temps de revenir en arrière. Mais, à ce moment là, Giovanni Drogo dormait ignorant, et dans son sommeil, il souriait, comme le font les enfants.
Bien des jours passeront avant que Drogo ne comprenne ce qui est arrivé. Ce sera alors comme un réveil. Il regardera autour de lui, incrédule ; puis il entendra derrière lui un piétinement, il verra les gens, réveillés avant lui, qui courront inquiets et qui le dépasseront pour arriver avant lui. Il entendra les pulsations du temps scander avec précipitation la vie. Aux fenêtres, ce ne seront plus de riantes figures qui se pencherons, mais des visages immobiles et indifférents. Et s’il leur demande combien de route il reste encore à parcourir, on lui montrera bien encore d’un geste l’horizon, mais sans plus de bienveillance ni de gaieté. Cependant, il perdra de vue ses camarades, l’un demeuré en arrière, épuisé, un autre qui fuit en avant de lui et qui n’est plus maintenant qu’un point minuscule à l’horizon.
Passé ce fleuve, diront les gens, il y’a encore dix kilomètres à faire et tu seras arrivé. Au lieu de cela, la route ne s’achève jamais, les journées se font toujours plus courtes, les compagnons de voyage toujours plus rares, aux fenêtres se tiennent des personnages apathiques et pâles qui hochent la tête.
Jusqu’à ce que Drogo reste complètement seul et qu’à l’horizon apparaisse la ligne d’une mer démesurée, immobile, couleur de plomb. Désormais, il sera fatigué, les maisons le long de la route auront presque toutes leurs fenêtres fermées, et les rares personnes visibles lui répondront d’un geste désespéré : ce qui était bon était en arrière, très en arrière, et il est passé devant sans le savoir. Oh ! il est trop tard désormais pour revenir sur ses pas, derrière lui s’amplifie le grondement de la multitude qui le suit, poussée par la même illusion, mais encore invisible sur la route blanche et déserte.
A présent, Giovanni Drogo dort à l’intérieur de la troisième redoute. Il rêve et il sourit. Pour la dernière fois, viennent à lui, dans la nuit, les douces images d’un monde totalement heureux. Gare à lui s’il pouvait se voir lui-même, tel qu’il sera un jour, là où finit la route, arrêté sur la rive de la mer de plomb, sous un ciel gris et uniforme, et sans une maison, sans un arbre, sans un homme alentour, sans même un brin d’herbe, et tout cela depuis des temps immémoriaux.
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| | | Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Lun 8 Déc 2008 - 20:15 | |
| Bulle te voilà intronisée membre du club des Buzzatiens incurables,ceux qui comme moi,ne se remettront jamais. | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] Lun 8 Déc 2008 - 23:12 | |
| - Bellonzo a écrit:
- Bulle te voilà intronisée membre du club des Buzzatiens incurables,ceux qui comme moi,ne se remettront jamais.
Oh que oui, à 100 % pour 100 % | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Dino Buzzati [Italie] | |
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| | | | Dino Buzzati [Italie] | |
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