Nicolas Winding Refn

Presse enthousiaste pour le dernier film de Refn présenté à Cannes. Il sort demain et je bave d'avance. Ce sera pour jeudi

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Ryan Gosling et le réalisateur de Drive se retrouvent pour une ballade ambient et œdipienne dans les bas-fonds de Bangkok, portée par une mise en scène magistralement inspirée.

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Après son électrisante parenthèse américaine, Winding Refn revient à ses obsessions. Only God Forgives est une sorte de précipité chimiquement pur de tous ses précédents films. Entre le Blue Velvet ou le Sailor et Lula de David Lynch et le Shining de Kubrick, Refn revisite le mythe des Atrides avec une virtuosité époustouflante.

Je dois reconnaître ma déception. Winding Refn a en partie manqué son coup cette fois-ci à mon sens. A moins de réviser mon jugement plus tard en fonction d'une analyse éventuelle plus approfondie (j'en doute).



L'idée de départ me séduit. Réduire le film de genre mafieux à une épure abstraite et onirique complètement déréalisée et planante. Vouloir toucher aux archétypes, à la tragédie grecque... Malheureusement même si certaines séquences envoûtent par leur sur-stylisation empruntée à Kubrick et Lynch en plus clinquant, le scénario et les dialogues sont trop indigents. Les "révélations" de la mère (étonnante Kristin Scott Thomas) indiffèrent et visent un oedipe de pacotille. L'ensemble manque de véritable mystère et d'enjeu. On ne voit plus que le style et le film perd de sa force au fur et à mesure. Il me semble bâclé même si chaque plan est millimétré dans son soucis de symétrie et de colorimétrie. La musique de Cliff Martinez et la bande son sont plutôt réussies sans être géniales. Le film a son univers mais le contenu paraît bien creux. Tant pis! Attendons le prochain qui sera peut-être plus réfléchi et nécessaire... ou pas.

Only God Forgives

Ton avis me rassure, Marko. Je suis sorti du film très énervé (c'est rare !) avec la sensation d'avoir suivi Nicolas Winding Refn dans une impasse esthétisante (on est loin de Drive qui ne m'avait pourtant pas complètement emballé).
Le cadre exotique n'est que prétexte et une lumière boursouflée de néons ne suffit pas à convaincre. Comme tu as pu l'évoquer, le scénario est une coquille vide avec la révélation d'une violence dénuée de vie. Les effets de style sont permanents au service d'une forme de lenteur irréelle, mais tout apparait désincarné ou tape à l'oeil.

Il recherchait probablement ce vide jusqu'à l'absurde en ne laissant persister que la forme et le geste. Mais ça ne fonctonne pas et on reste perplexe devant ce spectacle d'une violence graphique désincarnée.

Bien, bien, bien. Ce film me faisait déjà peur à la base mais alors là...

je ne dirai rien.

animal a écrit:

je ne dirai rien.

Que les précédents te semblaient tout aussi vides?

moui, du moins qu'en mettant de côté ce que je pense, la recette a l'air inchangée. Le prochain sera peut-être un film de cape et d'épée ou de SF ou un drame intimiste, je pense que le résultat sera équivalent. un passage en revue de modes.

il faut que ça adhère à un moment ou un autre, au moins le spectateur avec une partie du référentiel (c'est du côté 80's urbain, image déjà intégrée que vient le relatif succès de Drive je crois), quand ça colle moins, ben ça fait plouf.

on a pourtant tellement besoin de bon cinéma "alimentaire" (ça n'a rien de péjoratif)...

Je rejoins Marko et Avadoro.
Ce film est creux.
Déjà, à la base, le scénario est vu et revu. Aucune originalité. On voit tout venir à 10 000km.
Non... mais... ouhalala, y'a de l'Oedipe dans l'air... ouhlala... les frères se jalousaient... ouhlala... le monsieur a une sexualité contrarié et des problèmes relationnels avec les femmes... et ça continue encore et encore.
Avec le mafieux qui coupe tout ce qui dépasse et les pistolets mitrailleurs qui réduisent en miettes un petit troquet.
Tous les clichés y passent du film de genre.
Bon. Ok. Pourquoi pas. Si le regard porté amené une direction autre, une distance critique ou hommage. Mais non.
Parce qu'il suresthétise le Winding Refn. Ça on ne peut pas dire : c'est beau. L'impression de voir des tableaux, des photos travaillées au millimètre près. J'aurais été à une exposition, ça aurait été cool. Dans une salle de cinéma, je me demande quand il va y avoir le déclic.
Simple : pas de déclic.
Winding Refn reste dans sa ligne. Monocorde.
Kristin Scott Thomas apporte une lumière et une énergie qu'on a envie de réclamer (même si son personnage est convenue au possible).
Ryan Gosling fait du Gosling de BeauGosseImperturbable et... chiant (non... ça va quoi... qu'est-ce qu'il a dans la tête le gars au final ? Son personnage devient tellement hermétique qu'il devient chiant).

Étrangement, je n'ai pas tellement vu l'heure et demie passée. Parce que le spectacle est joli. L'oeil a vraiment de quoi être épaté par les plans, les couleurs, les lumières, les cadrages.

Du coup : un film qui agace, il aurait eu du potentiel s'il ne s'était pas fait sa petite branlette esthétique.

Je pense qu'il a voulu vider le film de genre de sa substance. Le réduire à une sorte d'œuvre d'art conceptuelle abstraite. Ne garder que le geste et l'apesanteur. Les personnages sont volontairement réduits à des fonctions mécaniques et caricaturales (il y a du Lynch de Sailor et Lula quand il revisitait le magicien d'Oz). Même le combat final consiste à laisser le héros se faire presque passivement exploser la gueule. Ça me plaît cette idée mais à trop viser le vide il prend le risque de laisser indifférent. J'ai l'impression qu'il a aussi voulu raconter autre chose plus symboliquement mais je tourne autour sans le voir. Il y a quand même des choses troublantes dans ce film.

J'avais vraiment envie de voir ce film avant...de lire vos critiques. Je pense vraiment que je vais laisser tomber.

Vos avis sont tellement négatifs que je ne peux m'éviter de penser qu'il aura la Palme...

Marko a écrit:

Je pense qu'il a voulu vider le film de genre de sa substance. Le réduire à une sorte d'œuvre d'art conceptuelle abstraite. Ne garder que le geste et l'apesanteur. Les personnages sont volontairement réduits à des fonctions mécaniques et caricaturales (il y a du Lynch de Sailor et Lula quand il revisitait le magicien d'Oz). Même le combat final consiste à laisser le héros se faire presque passivement exploser la gueule. Ça me plaît cette idée mais à trop viser le vide il prend le risque de laisser indifférent. J'ai l'impression qu'il a aussi voulu raconter autre chose plus symboliquement mais je tourne autour sans le voir. Il y a quand même des choses troublantes dans ce film.

C'est ça. A trop viser le vide, il l'atteint - dans le mauvais sens.
(Sailor et Lula, ça a la patate !)
Tout le monde n'est pas Kubrick, ou Lynch. Ils savent esthétiser et rendre leurs films intéressants par l'histoire en elle-même. Ils ne perdent jamais complètement le spectateur dans une contemplation creuse.

Si tu trouves, tu nous diras Marko...

(eXPie, je crains presque tu aies raison pour la Palme. Quoique j'ai vu que les journalistes avaient encensé l'adaptation de Le bleu est une couleur chaude)

Il ne devrait pas avoir de prix....à Cannes, le film de genre est davantage un handicap et comme ici, il a été froidement accueilli.

Marko a écrit:

Je pense qu'il a voulu vider le film de genre de sa substance. Le réduire à une sorte d'œuvre d'art conceptuelle abstraite. Ne garder que le geste et l'apesanteur. Les personnages sont volontairement réduits à des fonctions mécaniques et caricaturales (il y a du Lynch de Sailor et Lula quand il revisitait le magicien d'Oz). Même le combat final consiste à laisser le héros se faire presque passivement exploser la gueule. Ça me plaît cette idée mais à trop viser le vide il prend le risque de laisser indifférent. J'ai l'impression qu'il a aussi voulu raconter autre chose plus symboliquement mais je tourne autour sans le voir. Il y a quand même des choses troublantes dans ce film.

En définitive, c'est moins pire que ce à quoi je m'attendais. J'aime bien cette idée de Truffaut de "Grand film malade", enfin plus malade que grand en l'occurrence. Le côté melvillien de la chose ne m'a pas laissé de marbre. Je vais laisser mijoter tout ça un peu.