Pedro Almodovar

Reste qu'on est parfois à la limite du grotesque, voire du grand guignol. C'est là où il faut tout le talent d'Almodovar pour tenir l'équilibre. Par ailleurs, Marisa Paredes est sous-employée. Dans un sens, c'est elle le personnage le plus intéressant.

traversay a écrit:

Reste qu'on est parfois à la limite du grotesque, voire du grand guignol. C'est là où il faut tout le talent d'Almodovar pour tenir l'équilibre.

L'histoire de départ est un thriller horrifique à la limite du vraisemblable mais que Thierry Joncquet rendait presque crédible par une progression implacable et des agissements de Mygale envers sa victime bien plus explicites et gradués alors que le film est souvent elliptique. En revanche Almodovar a ajouté l'idée de la greffe de peau qui induit de nouvelles ramifications au coeur du récit et permet probablement aussi au spectateur qui ne connait pas le roman d'être davantage surpris du retournement dramatique même s'il survient plus tôt.

Et la façon dont il filme tout ça est impressionnante parce qu'à la manière d'un Hitchcock il donne un vernis glacé, élégant et graphique à ces agissements macabres à la manière d'un cinéaste pervers qui créerait un monde fétichiste et monstrueusement esthétique en adéquation avec l'univers mental du personnage qu'il met en scène. ça donne un sentiment de beauté, de froideur, de folie parfois contrôlée parfois grotesque, de souffrance infinie qui ne peut s'exprimer qu'à travers la créativité.

Après l'exubérance et la liberté liées à la movida des premières années il évolue vers un monde de plus en plus obsessionnel et pervers où les relations entre hommes et femmes sont de l'ordre de la dévoration et de la déviance cette fois malsaine mais tout aussi "naturelle" (dans la nature). La loi du désir qui exprimait à l'époque la fraicheur de la liberté sexuelle décomplexée se substitue à la fascination nécrophile (Parle avec elle), paranoïaque (Les étreintes brisées), pédophile (La Mala Educacion), transgressive et transgenre. Comme si après avoir amené les spectateurs à accepter tous les modes d'expression du désir avec bonne humeur il leur montrait maintenant ses aspects les plus monstrueux. Après la spontanéité post-adolescente place aux fantasmes adultes tordus! Hitchcock n'est pas loin mais il y apporte son univers coloré, référencé, plus mélancolique et sensuel. C'est intéressant d'observer ce cheminement à travers le désir et ses lois plus ou moins obscures.

Et que lit Vera pour s'évader de sa prison?


Cormac Mac Carthy, Alice Munro, et un catalogue d'oeuvres de Louise Bourgeois... Qui saura apercevoir les titres des 2 romans dans le film? Merci d'avance!

Musique d'Alberto Iglesias un peu à la façon de Philippe Glass

Marko a écrit:

Cormac Mac Carthy, Alice Munro, et un catalogue d'oeuvres de Louise Bourgeois... Qui saura apercevoir les titres des 2 romans dans le film? Merci d'avance!

tu vas lire un livre d'Alice Munro parce que Almodovar l'a utilisé dans son film? attends, je vais te donner le titre d'un de ses livres qui devrait te plaire...

kenavo a écrit:

Marko a écrit:

Cormac Mac Carthy, Alice Munro, et un catalogue d'oeuvres de Louise Bourgeois... Qui saura apercevoir les titres des 2 romans dans le film? Merci d'avance!

tu vas lire un livre d'Alice Munro parce que Almodovar l'a utilisé dans son film? attends, je vais te donner le titre d'un de ses livres qui devrait te plaire...

Pas de problème! Mais j'ai surtout la curiosité de savoir quels titres il a choisi.

Marko a écrit:

kenavo a écrit:

Marko a écrit:

Cormac Mac Carthy, Alice Munro, et un catalogue d'oeuvres de Louise Bourgeois... Qui saura apercevoir les titres des 2 romans dans le film? Merci d'avance!

tu vas lire un livre d'Alice Munro parce que Almodovar l'a utilisé dans son film? attends, je vais te donner le titre d'un de ses livres qui devrait te plaire...

Pas de problème! Mais j'ai surtout la curiosité de savoir quels titres il a choisi.

ici, Almodovar parlait déjà de Munro :
extrait :

Citation :

I have also written the script in the shadow of two books of short stories by Alice Munro, probably the best short story writer of our time. “Hateship, Friendship, Courtship,Loveship, Marrige” and “Runaway”. There is a story in “Runaway” that I would love to film.

Mais c'était avant son dernier film.


Et ici, on peut lire :

Citation :

Before the shoot, the director gave her an esoteric selection of references including films such as Babyface and Double Indemnity, Alice Munro's short-story collection Runaway and the autobiographies of Janet Frame, who spent a decade in psychiatric hospitals before being acknowledged as one of New Zealand's greatest authors. The message, it seems, is that he saw Vera as a survivor.

Cela ne veut bien sûr pas dire que c'est ce livre qui est lu, mais c'est bien possible. Pour McCarthy, je ne sais pas...

Marko a écrit:

Et que lit Vera pour s'évader de sa prison?

Bande de sales Parfumés ! Vous ne changerez jamais !

Marko a écrit:

Après l'exubérance et la liberté liées à la movida des premières années il évolue vers un monde de plus en plus obsessionnel et pervers où les relations entre hommes et femmes sont de l'ordre de la dévoration et de la déviance cette fois malsaine mais tout aussi "naturelle" (dans la nature).

C'est vrai pour une tendance d'ensemble...mais avec Matador et La loi du désir, Almodovar évoquait déjà pulsions et perversions, avec une noirceur presque étouffante. Par contre, il est revenu par la suite à une spontanéité libératrice, notamment avec Attache-moi, qui s'empare de déviances pour les mêler à une euphorie empreinte de légèreté et de fantaisie.

eXPie a écrit:

ici, Almodovar parlait déjà de Munro :
extrait :

Citation :

I have also written the script in the shadow of two books of short stories by Alice Munro, probably the best short story writer of our time. “Hateship, Friendship, Courtship,Loveship, Marrige” and “Runaway”. There is a story in “Runaway” that I would love to film.

Mais c'était avant son dernier film.


Et ici, on peut lire :

Citation :

Before the shoot, the director gave her an esoteric selection of references including films such as Babyface and Double Indemnity, Alice Munro's short-story collection Runaway and the autobiographies of Janet Frame, who spent a decade in psychiatric hospitals before being acknowledged as one of New Zealand's greatest authors. The message, it seems, is that he saw Vera as a survivor.

Cela ne veut bien sûr pas dire que c'est ce livre qui est lu, mais c'est bien possible. Pour McCarthy, je ne sais pas...

Merci pour les liens Expie!

Marko a écrit:

Mais j'ai surtout la curiosité de savoir quels titres il a choisi.

je comprends, et je ferais de même.. surtout qu'il a choisi Alice Munro

eXPie a écrit:

Citation :

I have also written the script in the shadow of two books of short stories by Alice Munro, probably the best short story writer of our time. “Hateship, Friendship, Courtship,Loveship, Marrige” and “Runaway”. There is a story in “Runaway” that I would love to film.

cela fait un bout de temps que j'adore Almodovar.. mais là, il va m'avoir à tout jamais à ses côtés
mais concernant l'information que ces livres d'Alice Munro valent la lecture, vous auriez pu l'avoir déjà avant ce film: ici

kenavo a écrit:

Marko a écrit:

Mais j'ai surtout la curiosité de savoir quels titres il a choisi.

je comprends, et je ferais de même.. surtout qu'il a choisi Alice Munro

Je l'avais déjà notée en lisant son fil et Almodovar me fait l'injection de rappel "Fugitives" est bien pour démarrer?

Marko a écrit:

Je l'avais déjà notée en lisant son fil et Almodovar me fait l'injection de rappel "Fugitives" est bien pour démarrer?

à mon avis, c'est le meilleur pour débuter... et pour tomber amoureux d'elle à tout jamais
puisqu'il s'agit d'un recueil de nouvelles, pas besoin de commencer ce livre à la page 1.. je te conseille de tenter avec "Tricks" (en anglais, je ne sais pas ce qu'on en a fait en français, c'est l'avant dernière nouvelle dans ce livre): 34 pages (en anglais), cela va pouvoir te donner un aspect dont elle est capable.. 34 pages qui te racontent une histoire qui va te rester en mémoire comme un roman.. et qui va surtout te montrer qu'elle fait plus que d'écrire des "short stories"

La Piel Que Habito

J’avais un peu peur en allant voir le film car j’étais restée sur Volver, et du coup un peu déçue. Ici j’ai retrouvé l’Almodovar que j’aimais, mais en mieux. J’ai toujours aimé la façon qu’il a eue de traiter de thèmes plus que délicats en restant sur la ligne de crête, sans nous faire basculer dans le malsain et le voyeurisme. Lui seul sait jouer sur l’ambiguité des sexes et des désirs en allant très loin, mais toujours avec une certaine élégance et/ou légèreté. Dans ce film d’horreur, peu de légèreté mais beaucoup d’esthétique. Les décors et la photo sont éblouissants mais de façon glaciale, le jeux des acteurs est sobre et distancié ce qui permet de supporter l’horreur de cette histoire, sinon mon empathie envers les personnages m’aurait sans doute fait sortir de la salle avant la fin. Le montage est extrêmement maîtrisé, même si l’on comprend un peu tôt (comme le disait Marko) ce qu’il advient du jeune homme kidnappé. Et comme toujours la bande son est irréprochable. La fin ne m’a pas déçue non plus,

Spoiler:

J’ai donc renoué avec l’Almodovar que j’aimais, plus mûr, plus abouti, même si le film est dénué de la spontanéité attachante des débuts du réalisateur.

Je comprends bien ce qui dit Traversay et qui est vrai dans une certaine mesure, car Almodovar reste tout de même au large du grand-guignol, mais je ne l’ai pas du tout ressenti ainsi ce film, j’ai été séduite d’un bout à l’autre.

Voilà : Le Cormac McCarthy, c'est Le Gardien du verger (El guardián del vergel dans le film).

La fin, je l'ai trouvée un peu poussée, je veux dire que

Spoiler:

C'est bien réalisé, mais... je ne sais pas. Aurais-je dû ne pas lire le livre avant ? Quand on sait ce qui va se passer, on reste un peu plus à l'écart, on est moins pris dans l'histoire.
Dans le bouquin, c'est plus progressif, et puis

Spoiler:

(pas facile de parler d'un film dont il ne faut pas raconter l'histoire).

Par rapport au livre, là Almodovar a rajouté des personnages, une histoire de famille pas forcément nécessaire (le frère, Zeca), mais qui donne un peu plus de choses à raconter pour faire un film.
Bref, j'ai largement préféré son film précédent, Etreintes brisées.

Ah, il y a une reprise intéressante du titre d'Elliott Smith, Between the bars, ici par Chris Garneau.