Michel Houellebecq

Les particules élémentaires.

Ce livre aurait été un "hommage à l'homme" en tant qu'il a préparé son propre dépassement, s'il n'avait paru trop tôt.

L'âme sensible entrera dans ce livre avec dégoût et répugnance devant les frasques sexuelles d'un homme blessé, qui va de plaisirs en plaisirs, inlassablement ; elle hésitera même plus d'une fois à poursuivre la narration pénible et assez caricaturale de la vie menée par cette "génération perdue", mais si elle en soutient le regard, elle pourra rencontrer, comme par hasard, quelques tâches de tendresse, et finira sur un humour plus subtil qu'il n'y paraît d'abord, qui lui permettra de fermer ce livre paisiblement, sans colère ni révolte.

Bilan pas si atroce que ça finalement...

Sullien a écrit:

L'âme sensible entrera dans ce livre avec dégoût et répugnance ...

Et l'âme insensible aimera, donc ?

Oxymore ?  

Si oxymore, alors "âme sensible" = redondance.

tina a écrit:

Il répond d'ailleurs à la question du style, à un moment, en disant que pour narrer l'époque actuelle, aucune forme de roman ne convient. Comment suggérer la morosité, les impasses existentielles, les illusions, etc...? En écrivant différemment. Avec un style impersonnel pour un monde plat, nivellé et tout gris.

Bien dit Tina.

colimasson a écrit:

Bilan pas si atroce que ça finalement...

Oui Sullien, je suis agréablement surprise par ton commentaire final.

colimasson a écrit:

Si oxymore, alors "âme sensible" = redondance.

A mon sens, oui, mais c'est une expression consacrée. Rien de plus.  

Heyoka a écrit:

Oui Sullien, je suis agréablement surprise par ton commentaire final.

J'ai trouvé Houellebecq plutôt intelligent, dans le fond. C'est la manière qui m'a fait un peu trébucher (les quatre-vingt premières pages sont atroces, tout de même).

Sullien a écrit:

Heyoka a écrit:

Oui Sullien, je suis agréablement surprise par ton commentaire final.

J'ai trouvé Houellebecq plutôt intelligent, dans le fond. C'est la manière qui m'a fait un peu trébucher (les quatre-vingt premières pages sont atroces, tout de même).

.... Je les trouve plutôt réalistes

La carte et le territoire

J'avoue ne pas avoir lu tout ce fil.
Je viens de finir ce livre hier soir, toujours aussi fascinée et intriguée par ce diable d'écrivain !
Pour moi, Jed est un alter ego de l'auteur, qui au passage, ne s'auto-glorifie pas en se dépeignant comme un cradingue misanthrope. Ceci pour remettre les choses à leur place, car j'ai lu des critiques déconcertantes de mensonges sur Internet. Y a vraiment des gens qui ne lisent pas et se permettent de commenter, amalgamer, schématiser (fléau très actuel d'ailleurs).
Bref.
On retrouve le style lisse, sans affect, sans apprêt, clinicien d'un homme blasé par tout (MH lui-même je pense), qui n'en refuse pas moins de donner son avis sur la société du moment : post-industrielle, de loisirs (stériles), de vide existentiel (on n'a même plus la quête, rien sur l'ontologie ou le sacré), de fric, de rapidité...

Un oeil un peu hautain, mais non dénué de compassion. Il est évident que les rapports père/fils sont très émouvants.

MH traite de la vie. Ici, 2 destins : le père et le fils. Finalement, ils se sont tous les 2 plantés et ont été dévorés par l'ogre du Temps sans avoir pu dire ouf.

C'est ça aussi, le constat de Houellecbecq : pourquoi lutter, rêver, puisque tout n'est que néant. Même l'art qui pourtant aurait pu être une voie de survie. Arriver à le démythifier, je trouve cela géant.

L'amour n'est pas non plus mis sur un piédestal, comme le reste, c'est fugace, peut-être intense, mais si vain.

J'ai trouvé très virtuose le pastiche des polars. Il m'a happée, je voulais savoir.

Je crois que l'auteur s'est amusé. Puis, il redevient sérieux, à la fin, avec la mort du héros.

Qu'est-ce que j'aime dans ce roman si pessimiste, si morne, si éteint parfois ? Un style ? L'interactivité avec Houellebecq ? On dirait qu'il nous fait des farces !
Le jeu de cache-cache ? Il est si inattendu !
Dans son prosaïsme et dans sa profondeur.


Peut-être l'énigme que posent ce livre et son écrivain inaccessible...




  

Merci pour ce bon commentaire tina !
C'est vrai, difficile de cerner les raisons d'une adhésion à Houellebecq...il ne doit pas être aussi pessimiste qu'on veut bien le dire. Il décrit les raisons de sa tristesse mais il ne renie pas ses espoirs désenchantés. Il s'en fout, ou il essaie. Il est honnête, il décrit de nombreuses vies en avouant ses échecs et ça soulage.

Je crois que c'est son détachement (feint ou réel) qui me fascine.

C'est une forme de sagesse moderne.

Ne pas être dupe, ne participer que modérément, et vivoter dans son coin, tout en souriant du coin des lèvres.

En tout cas, j'ai bien ri à l'évocation de lui-même, avec son saucisson et son chorizo. Dans le genre franchouillard...

tina a écrit:

Ne pas être dupe, ne participer que modérément, et vivoter dans son coin, tout en souriant du coin des lèvres.

Un Philinte moderne ?   

je crois que Houellebecq est vraiment désabusé et que cela le déprime dans la vraie vie. Il voudrait trouver des raisons d'espérer mais comme chaque jour le monde moderne apporte son nouveau lot de  cruauté et surtout de bêtise il ne peut que constater les dégâts et son impuissance. Il est comme nous, contaminé, irrésistiblement aspiré vers la stupidité. Alors l'ironie est son arme, mais c'est une impasse car elle ne fait que s'inscrire dans la logique des choses.

marc et cie a écrit:

je crois que Houellebecq est vraiment désabusé et que cela le déprime dans la vraie vie. Il voudrait trouver des raisons d'espérer mais comme chaque jour le monde moderne apporte son nouveau lot de  cruauté et surtout de bêtise il ne peut que constater les dégâts et son impuissance. Il est comme nous, contaminé, irrésistiblement aspiré vers la stupidité. Alors l'ironie est son arme, mais c'est une impasse car elle ne fait que s'inscrire dans la logique des choses.

En même temps, il rêvait d'avoir le Goncourt et il a réussi à l'avoir. Peut-être son prochain roman sera-t-il joyeux ?

Oui, c'est une impasse, certes, mais quand on enlève le sacré, ce qu'il fait, quel espoir reste t-il ? C'est la seule béquille que l'être humain a trouvée.
MH nous met face à notre néant.
Il est un peu anti-new-age !
Ou disons à contre courant.