Lecture en commun - Madame de Lafayette : La Princesse de Clèves

Je ne suis pas certaine de pouvoir participer, je suis un peu en retard dans mes lectures mais je vous rejoindrais peut-être en route.

J'avais complètement oublié ce livre, qui je trouve parle beaucoup d'intrigues amoureuses ! trop à mon goût ! ils n'ont rien d'autre à faire ces aristocrates qu'à soupirer, s'envoyer des lettres, faire tout un cirque parce que ladite lettre a disparu, se faire porter malade pour ne pas voir que l'élue n'y est pas non plus... ah le jeu de la séduction !

Je trouve le début du livre trop mondain, toutes ces explications des personnages et intrigues de cour sont pour moi, lectrice moderne et républicaine, lointaines et ennuyeuses. On sent pourtant tout de suite que le livre va parler d'amour, au nombre de qualificatifs flatteurs qu'emploie l'auteure, disant le pouvoir de séduction des protagonistes.

Outre la beauté de l'héroine, ce qui fait au début son attrait, sa spécificité est sa modestie, son humilité. Elle n'est pas coquette et imbue de sa capacité à séduire comme les autres femmes de la cour et c'est un surcroît de charme qui fait que plusieurs hommes en tombent amoureux. Voilà une qualité qui n'est pas habituelle à la cour comme en société où beaucoup cherchent à se mettre perpétuellement en avant.

Rien que pour le plaisir :

Citation :

La magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant d'éclat que dans les dernières années du règne de Henri second.

La première phrase donne le ton. Nous sommes bien à la cour, et nous aurons droit aux intrigues, aux apparences, à l'hypocrisie, à l'étalage d'un luxe insolent, aux personnages pourvus d'ego surdimensionnés. Il faut rappeler que pour les précieuses dont Mme de Lafayette a fréquenté les salons (surtout celui de Rambouillet), la cour des Valois était un modèle, opposé au manque de manières et savoir vivre de la cour de Henri IV, et que c'est en quelque sorte en opposition que les fameux salons ont vu le jour. Nous voilà donc rendus à une époque qui est embellie dans la mémoire collective, une sorte d'âge d'or imaginaire, et que l'attente des lecteurs doit être grande à découvrir toutes les magnificences et raffinements supposés.

Oui, c'est vrai que tous les personnages sont décrits comme très beaux, très aimables, parfaits en tout point. C'est très surprenant au début.

Cela fait partie des conventions de l'époque. Et encore une fois, on est à une époque idéale, ou plutôt idéalisée par les contemporains du roman.

oui.. voilà quelque chose que je vais encore faire ce soir.. commencer ce livre
je vous rejoins plus tard ou demain pour les premières impressions

Si le duc de Nemours était « un chef-d’œuvre de la nature », il n’en était pas moins un fameux coureur de jupons :

Citation :

Il avait tant de douceur et tant de disposition à la galanterie, qu’il ne pouvait refuser quelques soins à celles qui tâchaient de lui plaire : ainsi il avait plusieurs maîtresses, mais il était difficile de deviner celle qu’il aimait véritablement.

Si le faste et les bonnes manières prévalaient à la Cour, il en était de même de l’ambition et des intrigues :

Citation :

L’ambition et la galanterie étaient l’âme de cette Cour, et occupaient également les hommes et les femmes. Il y avait tant d’intérêts et tant de cabales différentes, et les dames y avaient tant de part, que l’amour était toujours mêlé aux affaires, et les affaires à l’amour. Personne n’était tranquille ni indifférent : on songeait à s’élever, à plaire, à servir, ou à nuire ; on ne connaissait ni l’ennui, ni l’oisiveté, et on était toujours occupé des plaisirs ou des intrigues.

Une cour somme toute bien dangereuse pour une jeune personne. Aussi, Madame de Chartres se faisait un devoir de prévenir sa fille :

Citation :

Madame de Chartres voyait ce péril, et ne songeait qu’aux moyens d’en garantir sa fille. Elle la pria, non pas comme sa mère, mais comme son amie, de lui faire confidence de toutes les galanteries qu’on lui dirait, et elle lui promit de lui aider à se conduire dans des choses où l’on était souvent embarrassée quand on était jeune.

D'autant plus que les apparences sont souvent trompeuses :

Citation :

Si vous jugez les apparences en ce lieu-ci, répondit Mme de Chartres, vous serez souvent trompée : ce qui paraît n’est presque jamais la vérité

.

Comme le dit bien Cachemire, j'ai eu un peu de mal à m'y retrouver parmi tous ces princes, ducs, reines, messieurs, favoris et j'en passe. Mais bon, cela situe tout de suite bien l'ambiance et l'époque du roman.

Oui, nous avons les descriptions de quelques grands de la cour, cela commence étrangement si on peut dire en évoquant deux femmes, Elisabeth de France (ou de Valois) et Marie Stuart. Tout le monde connaît la seconde, et la première, même si elle n'a pas connu le destin tragique dépeint par Schiller et Verdi, est quand même morte en couches à même pas 23 ans. Dès les deux premiers portraits nous avons donc une sorte de mise en garde de la vanité des choses, on peut tout avoir à priori, et cela peut ne pas se terminer très bien pour vous.

Ensuite, malgré tous les qualificatifs dont sont gratifiés les personnages, on les croirait tous parfaits, mais en réalité ce que nous décrit Mme de Lafayette c'est une lutte pour le pouvoir, impitoyable, ne faisant pas de quartiers même si les acteurs sont en dentelle. La façon dont les grands seigneurs se battent pour épouser les filles ou petites filles de Diane de Poitiers pour gagner les faveurs du roi, sont particulièrement savoureuses. Et cela devait faire écho avec les évènements qui se passait à l'époque de la parution du roman. De même que les grands noms cités dans le livre. Je crois qu'il ne faut pas se laisser prendre à tous les adjectifs flatteurs, c'étaient des lieux communs à l'époque, parce l'air de rien, elle est par moments assassine Mme de Lafayette. Quand elle dit de St André "le Roi l'avait aimé dés le temps qu'il était Dauphin; et depuis il l'avait fait Maréchal de France dans un âge où l'on est pas encore accoutumé de prétendre aux moindres dignités". Personnellement pour moi elle sous-entend que le jeune homm se retrouve à un poste pour lequel il n'a pas les compétences requises, mais bon comme le Roi l'aime...C'est bizarre, vous ne trouvez pas que ça fasse écho avec aujourd'hui ? C'est peut être pour ça que cela ne plaît pas en haut lieu ...

C'est vrai que les noms de tous ces nobles sont nombreux et que l'on peut s'y perdre un peu, mais nous allons vite entrer dans le vif du sujet.

Nous allons donc faire connaissance avec les principaux protagonistes du récit. M. de Nemours tout d'abord. Effectivement, comme Sentinelle l'avait fait remarquer, elle a beau dire, que personne ne peut lui être comparé qu'il est "un chef d'oeuvre de la nature", sa description éveille sacrement la suspicion devant le personnage. En fait, si on lit attentivement cette description, elle dit qu'il est très beau, qu'il a du charme qui plaît autant aux hommes qu'aux femmes et qu'il a du charisme. Et qu'il éveille la passion chez toutes les dames. Pas vraiment des qualités d'esprit, ni de morale. Je crois que l'on voit très bien le personnage. Et il tente même la reine d'Angleterre.

Nous découvrons ensuite Mademoiselle de Chartres, l'héroïne du livre. Elevée loin de la cour, par une mère qui essaie de la mettre en garde contre les dangers de l'amour.

Et nous arrivons à la fameuse scène de la rencontre de Mlle de Chartes et du prince de Clèves. Elle avait choquée à l'époque, parce qu'une rencontre dans une boutique (chez un joailler) paraissait très vulgaire, guerre convenable. Une petite pointe en passant pour le propriétaire de la boutique :

Citation :

"Cet homme était venu de Florence avec la reine, et s'était tellement enrichi dans son trafic que sa maison paraissait plutôt celle d'un grand seigneur que d'un marchand"

Visiblement, cet élévation n'a pas l'approbation de l'auteur. Le nom de l'homme n'est d'ailleurs pas cité, comme sa boutique il fait parti du décor, et ne peut être un personnage à part entière.

La scène de la rencontre est finalement très brève, M. de Clèves succombe immédiatement au charme de Mlle de Chartres. Elle se sent gênée, mais à mon avis flattée aussi devant cette admiration qui ne peut se cacher. Ils ne savent pas qui est l'autre, puisque Mlle de Chartres a vécu loin de la cour et que personne ne la connaît. M. de Clèves ne peut donc rien apprendre lorsqu'elle quitte la boutique, et l'ignorance va forcement attiser sa flamme.

Nous avons donc tout de suite devant les yeux le ressort de cette relation. A l'époque, une conception de l'amour supposait qu'il pouvait reposer sur trois supports : estime, reconnaissance, inclination. Le prince aime par inclination. Mlle de Chartres par reconnaissance ( de l'admiration qu'elle provoque). Un des jalons du drame est posé.

Très belle intro Arabella
Mais je pense que tu veux parler de Monsieur de Clèves au lieu de M. de Lafayette ? C'est qu'on finirait par y perdre ses petits avec tous ces patronymes et titres divers

Tu as raison Sentinelle. Je corrige de suite.

Mais comme tout lapsus (ou presque) il est révélateur. J'ai du mal à ne par rapprocher le prince de Clève de M. de Lafayette, le mari. Vingt ans de plus que Madame. Et qui providentiellement est parti vivre en province, pendant que son épouse courrait les salons parisiens, entourée de brillants adorateurs et d'adonnait à la littérature. Je pense qu'on ne peut vraiment parler d'amour par inclination.

Arabella a écrit:

Nous avons donc tout de suite devant les yeux le ressort de cette relation. A l'époque, une conception de l'amour supposait qu'il pouvait reposer sur trois supports : estime, reconnaissance, inclination. Le prince aime par inclination. Mlle de Chartres par reconnaissance ( de l'admiration qu'elle provoque). Un des jalons du drame est posé.

Tout à fait. D'autres extraits l'illustrent parfaitement :

Concernant Monsieur de Clèves :

Citation :

[...] il eût préféré le bonheur de lui plaire à la certitude de l'épouser sans en être aimé.

Concernant Mademoiselle de Chartres :

Citation :

[...]elle l'épouserait même avec moins de répugnance qu'un autre, mais (..)'elle n'avait aucune inclinaison particulière pour sa personne.

Arabella a écrit:

Je pense qu'on ne peut vraiment parler d'amour par inclination.

Pour en revenir à Monsieur de Clèves, nous remarquons qu'il n'est pas dupe du tout de cet état de fait, espérant peut-être que cette inclinaison vienne avec le temps ?

Citation :

Est-il possible, lui disait-il, que je puisse n'être pas heureux en vous épousant? Cependant il est vrai que je ne le suis pas. Vous n'avez pour moi qu'une sorte de bonté qui ne me peut satisfaire; vous n'avez ni impatience, ni inquiétude, ni chagrin; vous n'êtes pas plus touchée de ma passion que vous le seriez d'un attachement qui ne serait fondé que sur les avantages de votre fortune, et non pas sur les charmes de votre personne.

[…]Je ne touche ni votre inclination ni votre cœur, et ma présence ne vous donne ni plaisir ni trouble.

Citation :

Monsieur de Clèves ne voyait que trop combien elle était éloignée d'avoir pour lui des sentiments qui le pouvaient satisfaire, puisqu'il lui paraissait même qu'elle ne les entendait pas.

Ce qui ne l''empêchera pas de l'épouser, ce qui n'apportera aucune nouvelle inclinaison...

Citation :

Monsieur de Clèves ne trouva pas que Mademoiselle de Chartres eût changé de sentiment en changeant de nom. La qualité de mari lui donna de plus grands privilèges, mais elle ne lui donna pas une autre place dans le coeur de sa femme.

Citation :

[…]Il conservait pour elle une passion violente et inquiète qui troublait sa joie. La jalousie n'avait point de part à ce trouble; jamais mari n'a été si loin d'en prendre, et
jamais femme n'a été si loin d'en donner. Elle était néanmoins exposée au milieu de la Cour; elle allait tous les jours chez les Reines et chez Madame. Tout ce qu'il y avait d'hommes jeunes et galants la voyaient chez elle et chez le duc de Nevers, son beau-frère, dont la maison était ouverte à tout le monde; mais elle avait un air qui inspirait un grand respect et qui paraissait éloigné de la galanterie.

L'arrivée du duc de Nemours à la Cour à l'occasion des fiançailles de Monsieur de Lorraine changera la donne...

En fait j'ai décidé d'aller très lentement dans cette lecture. Je trouve que l'on pourrait commenter presque chaque paragraphe, tellement il y a des choses à en dire. Aucun mot n'est là par hasard. Et ce rythme dans la phrase, c'est magique.

Donc suite à la rencontre à la joaillerie, le prince de Clèves se précipitent chez Mme la soeur du Roi. Et parle de la belle inconnue. Qui est identifiée par ces dames. Et admirée par toutes la cour. Et le prince lui rappelle qu'il fut le premier à l'admirer. Elle a des soupirants qui veulent l'épouser, mais le mariage chez les Valois c'est pire que dans un feuilleton américain.

Citation :

L'ambition et la galanterie étaient l'âme de cette cour, et occupaient également les hommes et les femmes. Il y avait tant d'intérêts et tant de cabales différentes, et les dames y avaient tant de part que l'amour était toujours mêlé aux affaires et les affaires à l'amour.

Et les affaires font que le vidame de Chartes a des puissants ennemis et que cela contrarient les projets de mariage de Mlle de Chartres. Le prince de Clèves se voient interdire ce mariage par son père. Mme de Chartres ne baisse pas les bras et projette un mariage encore plus prestigieux, avec un prince de sang. Mais les ennemis du Vidame veuillent et le mariage ne se fait pas. Et là, par un "heureux" hasard le père du prince de Clèves décède et son fils "sitôt que le temps de bienséance du deuil fut passée, il ne songea plus qu'aux moyens d'épouser Mlle de Chartres." Evidemment Mme de Chartres est ravie de caser enfin sa pauvre fille avec un parti convenable, surtout après toutes ces intrigues.

Sentinelle en a parlé, le prince voudrait savoir si Mlle de Chartres l'aime avant de conclure le mariage. Celle-ci est prête à l'épouser avec moins de répugnance qu'un autre, vu ses bonnes qualités, mais sans inclination. Estime et reconnaissance uniquement. Le prince le sait, il en souffre mais l'épouse. Le mariage ne change rien à l'affaire, leurs relations en sont là. Il semble évident que la nouvelle princesse n'a jamais été amoureuse jusqu'à présent.

merci pour vos commentaires Arabella et Sentinelle..
il ne reste plus rien à ajouter à part que, dès que la partie avec tous les noms de reines, rois, dauphins etc. est terminée, cette lecture me plait..
elle dépayse en tout cas de tout ce que je viens de lire récemment