Lecture en commun - Laurent Binet : HHhH

Complaisance avec les nazis, insulte à dirigeants européens, ce n'est pas un détail, shanidar. Tu as tout à fait le droit d'être retournée! d'autant que ton rejet est parfaitement argumenté, et que chacun de tes messages comprend un élément louangeur pour le livre...
je me dis que j'ai peut -être lu dans l'autre sens: les éléments positifs l'emportant chez moi sur le négatif (le récit bien mené, l'histoire vue du côté des petits, le recul par rapport à l'écriture...). C'est ce que j'en garde un an après. C'est pour ça que ça peut être interessant de le relire.

Effectivement les propos insultants de Binet à l'encontre des dirigeants européens m'ont paru complètement déplacés ainsi que ses comparaisons en terme d'aspect physique en général que ce soit sur les uns ou sur les autres.
Ce n'était pas nécessaire car le récit est bien mené, alors cherche-t-il des effets de manche ? peut-être...

De là à dire qu'il y a de la complaisance de la part de l'auteur avec les nazis, non évidemment, et puis effectivement la politique britannique était légèrement ambigue pour ne pas dire plus vis à vis des engagements nazis, ce n'est plus à démontrer.

J'ai déja lu une centaine de pages, cette période de l'histoire m'intéresse énormément donc j'y trouve mon compte, mais j'avoue que le commentaire de Shanidar m'interpelle (quoique j'avais eu déja quelques réticences sur l'aspect anecdotique de certaines pages), je vais faire doublement attention à ce qui suit.

et ce qui suit est de même facture.

Ecrit sous amphétamines est la seule explication que je trouve au déluge parfois délirant des propos de l'auteur...

Je ne voudrais pas que l'on me prenne pour une fachiste mais évoquer le maréchal Pétain et Pierre Laval dans une phrase unique qui les décrit comme des 'larves', c'est méconnaitre la politique collaborationniste outrancière de Laval et réduire le maréchal sans aucune autre forme de procès (ce qu'il mérite peut-être malgré tout...).

Je trouve le livre partial, odieusement cynique et protubérant. J'aurais aimé un peu plus d'humilité dans les propos de l'écrivain. Je l'ai dit il décapite systématiquement ls autres auteurs qu'il cite (ou il ignore les autres). Par exemple : "Soudain, j'y vois clair : Les Bienveillantes, c'est 'Houellebecq chez les nazis", tout simplement. Ce qui lui permet d'écorner deux auteurs pour le prix (Goncourt) d'un. On peut être en désaccord avec le parti pris romanesque de Littell, il n'en reste pas moins que l'oeuvre est d'une érudition sidérante et c'est pinailler que de tergiverser sur l'opel ou non de Blobel...

Quand aux échelles de valeurs, elles paraissent également bien branlantes. Dire que la rafle du Vel d'Hiv' est probablement la plus grande infamie attachée à l'histoire de la nation française, c'est faire de l'Histoire un combat de brigands 'à celui qui pisse le plus loin'. En d'autres termes, c'est méconnaitre et/ou oublier les horreurs de la colonisation, le commerce triangulaire, le massacre des Malgaches en 1948, la torture en Algérie. Où se trouve le point de l'Histoire le plus scandaleux, le plus odieux, le plus repoussant ? Sans doute dans un livre qui cherche plus à régler ses comptes avec les collabos français qu'avec les nazis...

Indignez-vous qui disait !

La question se pose de savoir pourquoi Binet a écrit ce livre. S'agit-il uniquement d'un hommage aux résistants tchécoslovaques (comme le laissent penser certaines pages) ou d'autre chose...

à voir...

Je ne sais plus exactement à quelle page il souligne que son pays préféré, adoré est la Tchécoslovaquie, on se demande bien pourquoi il est obligé de préciser cela d'ailleurs, et il m'a un peu soulée avec cette bizarre digression sur une tranche historique du pays avec Otakar je ne sais plus combien qui fait fait venir des allemands dans son pays dans les années 1200 je crois pour exploiter les mines d'argent et redorer le blason de la Bohême.

Je n'ai pas trop compris où il voulait en venir et j'ai trouvé ces pages lourdes, embrouillées et pas forcément explicatives sur la question des sudètes.

un ouvrage qualifié de roman.....à mes yeux ce n'est ni un roman ni un essai historique; et c'est aussis les deux à la fois !! Cela me gêne.

L'idée de départ est intéressante: parler d'un fait historique un peu confidentiel ( en tout cas pour moi), d'une réalité dont on perle peu: la résistance autre que française au nazisme....
Mais, l'auteur est trop présent dans son récit, il ne prend pas assez de recul
Je n'ai pas les connaissances assez étoffés pour juger du bien fondé ou pas de ses interventions, et de ses prises de position, mais le principe me gêne....

absolument d'accord avec vos réactions Mimi et darkanny. L'ego de l'auteur est un parasite qui gêne la lecture et ses jugements de valeurs ne sont pas justifiés. Je viens de finir le roman (puisque l'éditeur le qualifie ainsi) et je regrette vraiment que Binet n'est pas pu/su effacer sa présence, car le récit de l'attentat, des exactions nazies qui l'ont suivi, la trahison, ou l'attaque de l'église sont des moments très forts, à la fois littérairement et bien sur historiquement. Je ne regrette pas cependant la lecture de ce livre qui m'a permis de découvrir un peu mieux cet Heydrich et surtout Gabcik, Kubis et Valcik qui m'étaient totalement inconnus.

Je crois que Binet, exactement comme il l'écrit a voulu rendre hommage à ces hommes, ainsi qu'à tous ceux qui les ont aidés (on comprend bien à quel point la Résistance fut une affaire de groupe, d'amitié, de famille et d'honneur). Binet le répète assez : il aime la Tchécoslovaquie, ses habitantes et son humour et indéniablement (malgré ses débordements) il parvient à nous intéresser à l'histoire qu'il raconte et son objectif est atteint : l'hommage est poignant.

C'est donc d'autant plus triste que l'auteur n'ait pas su se contenir...

J’ai commencé le roman hier au soir et j’avance assez rapidement, tant il se lit avec plaisir et intérêt. J’aime bien cette implication de l’auteur dans le récit, lire ses hésitations, ses références, ses recherches mais tout comme vous, l’égo de l’auteur, qui apparaît dès les premières pages, me heurte parfois. Lorsqu’il nous parle par exemple de ses (ex ?) petites amies, aussi sublime l’une que l’autre visiblement, on se demande vraiment ce que cela vient faire là-dedans. Vous l’aurez compris, j’ai trouvé un peu ridicule et prétentieux de se faire valoir de cette manière, déplacé aussi dans le contexte du roman. Il n’est pas franchement humble ni respectueux lorsqu’il se réfère aux autres auteurs ou cinéastes ni lorsqu’il compare certains faciès à des faces de porc ou de hamster. Visiblement, l’apparence physique semble très importante pour l’auteur, il n’est pas étonnant qu’il ait été plus fasciné par un Reinhard Heydrich qu’un Heinrich Himmler, Joseph Goebbels ou Ernst Röhm, qui n’avaient sans doute pas le physique adéquat pour attiser son intérêt...

Toujours aussi intéressant de suivre votre discussion..
et je voulais noter une chose: il n'y a pas -pour l'instant- de fil pour l'auteur.. peut-être qu'une de vous va avoir la bonté après la lecture en commun??

c'est fait.

shanidar a écrit:

c'est fait.

merci

Bien d'accord avec toi Sentinelle que cette immixtion dans sa vie privée avec Natacha ou Aurélia n'apportent rien
cela dit c'est son premier roman, d'où quelques maladresses

Il faut reconnaître que cette construction en courts chapitres contribue à donner un formidable rythme au récit
On a l'impression de revivre (pourquoi re, je ne les ai pas vécus .....) en direct, toute cette succession de micro événements précédant le conflit, ces entrevues entre chefs diplomatiques européens, ces trains qui viennent et qui repartent de Berlin, les coups de fil, les missives, les rendez-vous, les codes dans les dialogues, les états pathologiques des uns et des autres, quelquefois atterrés par la tournure des événements, impuissants, au bord de la crise cardiaque ou mangeant les franges du tapis de colère (Hitler parait-il bouffeur de tapis tant la colère le prenait quant à la question de la Tchécoslovaquie et des sudètes)

Tous ces détails foisonnent, fruit d'un grand travail de recherche et de lecture de la part de l'auteur, on est dans un thriller, place aux faits aux événements, au détriment d'une analyse plus profonde .....peut-être

Faudrait quand même qu'il arrête de qualifier Himmler de face de rat ou de Göring de gros porc, c'est insultant pour les animaux à la longue

darkanny a écrit:

Faudrait quand même qu'il arrête de qualifier Himmler de face de rat ou de Göring de gros porc, c'est insultant pour les animaux à la longue

ce que tu soulignes darkanny est aussi ce qui m'a le plus enthousiasmée. Un gros travail préparatoire, une base très solide sur laquelle Binet s'appuie pour en tirer la quintessence (pas évident quand on voit la masse de livres publiés sur cette période), une structure hyper dynamique, puissante comme une mercedes, un vrai suspens (puisque pour ma part je ne savaispas comment l'histoire allait finir). Un premier roman avec une grosse prise de risque (le nazisme étant sans doute l'une des périodes les plus 'écrites') mais Binet arrive à créer une attente, une envie d'en savoir plus qui fonctionne parfaitement.