Lecture en commun - Laurent Binet : HHhH

D'autant plus que Les Bienveillantes ont une toute autre approche, beaucoup plus noire, beaucoup plus dans la description de l'horreur (il faut avoir le coeur bien accroché pour le lire et Sentinelle le souligne très bien). Donc tu as raison de respirer un peu. J'ajoute que j'ai également beaucoup apprécié cette LC, vos points de vue et vos remarques ont accentué le plaisir que j'ai éprouvé à cette lecture. Je crois que je vais lire Vercors, du coup...

"Les bienveillantes", d'après ce que j'en sais est le point de vue du côté du bourreau, ce qui a beaucoup choqué je crois à sa parution.

darkanny a écrit:

"Les bienveillantes", d'après ce que j'en sais est le point de vue du côté du bourreau, ce qui a beaucoup choqué je crois à sa parution.

c'est un peu plus compliqué que ça, Littell ne défend pas son personnage, Auer est odieux, hideux, un atroce psychopathe, donc forcément répugnant, cependant il lui prête également quelques faiblesses qui en font quand même un homme (il pourrait presque tomber amoureux et il aime la musique...). Littell dépeint un personnage fictif, qui n'éprouve aucun sentiment, en cela il gêne les lecteurs qui ne trouvent aucun repère psychologique à quoi se raccrocher pour tenter de 'justifier' le monstre. Auer est un monstre et il est un homme, cette juxtaposition est très troublante. Sentinelle souligne qu'elle a plus été 'dérangée' par les récits autour des einzatsgruppen, où il n'y a là rien d'inventer, rien de romancer, des pages très dures, très violentes émotionnellement, qui provoquent un contraste très fort avec la partie plus 'fictive' du roman.
Et puis c'est un pavé, quand même...

est ce que certains qui ne l'ont pas encore lu seraient d'accord pour une LC des Bienveillantes?

topocl a écrit:

est ce que certains qui ne l'ont pas encore lu seraient d'accord pour une LC des Bienveillantes?

si cela se trouve, pas tous les membres suivent ce fil..
tu pourrais reposer ta question sur ce fil ici

Beaucoup de jeunes auteurs ont pris le relais des aînés ces dernières années : outre HHhH de Laurent Binet, Les bienveillantes de Jonathan Littell ou Centrale Europe de William T. Vollmann, j’aimerai ajouter à la liste deux publications récentes que j’ai trouvé excellentes : Jan Karski de Yannick Haenel et Les disparus de Daniel Mendelsohn.

Moins récents mais tout aussi indispensables : L'Intégrale, Maus : un survivant raconte de Art Spiegelman (BD) et Mr Klein de Joseph Losey (film au début percutant que vous n’oublierez pas et qui démontre que l'évocation de charniers ou de camps d’extermination n'est pas indispensable pour dévoiler toute l’horreur de la guerre, un cabinet anonyme et froid d’un institut médical suffit déjà amplement pour en saisir toute son ampleur).

Pour en revenir aux bienveillantes de J. Littell, il est difficile de conseiller ce roman. Essentiel, il l’est sans aucun doute mais il est douloureux. Il m’a accompagnée pendant trois semaines (non seulement c’est un pavé mais qui plus est un pavé que ne se lit pas vite du tout), il prend donc tout son temps pour venir s’immiscer dans votre esprit et il faut avoir le cœur accroché pour vivre avec tant de noirceurs pendant tout ce temps. Maintenant, si vous pensez tout comme moi que ces trois semaines pénibles ne sont rien en comparaison à la souffrance de toutes les victimes de la seconde guerre mondiale et que ne pas en parler serait les tuer une seconde fois, alors oui, il faut le lire.

Les disparus de Daniel Mendelsohn m’a également énormément touchée, mais de manière totalement différente (on touche ici à la famille, à l’intime, au manque, aux non-dits), à tel point que j’en avais rêvé à l’époque de ma lecture, fait suffisamment rare que pour être souligné.

Ce fut une lecture commune en petit comité qui a su prendre son temps et qui fut très agréable à suivre, merci encore aux participants !
Et merci aussi à ces jeunes auteurs qui prennent le relais des aînés, c'est vraiment très important.