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Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 11:30
Marko a écrit:
shanidar a écrit:
J'ai revu tout Kubrick dernièrement, sauf Lolita et Full metal jacket... tu me donnes envie d'y re-jeter un oeil. Le seul qui vraiment ne trouve pas grâce à mes yeux est Shining... mais pour le reste, je suis assez ensorcelée par l'atmosphère que chaque film arrive à instiller !
Shining? Mais c'est génial! Bartok, le grand méchant loup, Thésée contre le Minotaure, la rivalité oedipienne... Un de mes préférés.
c'est exactement tout ça qui m'a rebuté, trop théâtral, trop machine de guerre, trop démonstration, même si certaines scènes sont inoubliables, l'ensemble est un peu trop chargé pour moi et puis cette pauvre femme qui a l'air tellement gourde, cloche, idiote (d'ailleurs dans le livre elle est quand même beaucoup moins larmoyante), cette femme elle m'a usée (je ne parle pas de l'actrice la pauvre, mais du rôle-kleenex-sopalin-mouche-ton-nez). ah et en prime je n'aime pas trop les films avec des enfants...
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 13:40
Pour moi Shining est un très grand film qui synthétise et renouvelle le genre du récit horrifique en s'interrogeant sur les mécanismes de la peur et sur ses origines. Il convoque le conte de fée, le récit mythologique, l'approche psychanalytique (jungienne surtout), pour mettre en scène dans un espace mental et labyrinthique le triangle oedipien. Une mère hystérique, un père paranoïaque, un enfant schizophrène de 5 ans qui intéressent Kubrick non pas sous un angle psychologique mais archétypal. S'y affrontent l'enfant lumière (le shining) et les forces obscures que constitue la menace d'un père castrateur (et en manque d'inspiration) qui le blesse. C'est Thésée contre le minotaure, la victoire de l'intelligence sur l'instinct. La régression animale du père dans les couloirs temporels de l'hôtel fait surgir les fantasmes inconscients non pas dans le noir mais en pleine lumière. L'enfant les anticipe par sa pré-science psychotique et les affronte à la fois terrifié et fasciné. Je trouve géniale la façon dont Kubrick a réussi à transformer le récit plus littéral de Stephen King en espace théâtral où s'affrontent toutes ces forces antagonistes. Et surtout les formes qu'il a trouvées pour y parvenir. Il crée des images et des ambiances sonores inoubliables. Le côté années 70/80 a un peu vieilli mais le reste demeure très impressionnant. Le parallèle entre la plongée mentale toute puissante et démiurgique du père dans la maquette du labyrinthe et les propres déambulations du fils dans les couloirs qui lui permettent à la fin de triompher par malice est jouissive et incroyabement bien chorégraphiée. Et quoi de plus terrifiant finalement que la terreur qui surgit de la cellule familiale elle-même et de ses fantasmes.
Le jeu de la mère est outrancier comme celui du père. Kubrick adore le jeu anti-naturaliste. Il a toujours observé l'humain comme un pantin social un peu grotesque et ce qui l'intéresse c'est la façon de créer du cinéma avec ces marionnettes qu'il prend plaisir à regarder se débattre.
Dernière édition par Marko le Mar 15 Nov 2011 - 20:01, édité 2 fois
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 15:47
c'est sans doute que l'hystérique me convient mal, j'ai préféré l'ambiance plus délétère et magique d'Eyes wide shut que j'associe aussi à des genres transversaux comme le conte ou l'étude pointue des comportements humains face à la jalousie, la trahison, le fantasme et le mystère, j'ai trouvé le film moins caricatural, mais Kubrick est plus âgé, moins porté sur l'apocalypse et son chaos, moins brutal également ; je préfère aussi le burlesque assumé et sidérant du Dr Folamour ou la grande fresque languissante de Barry Lindon. Le côté archi-caricatural de la démonstration jungienne dans Shining, la violence primordiale des archétypes qui sont censés tendre vers l'union et l'apaisement, je les retrouve à l'état de grossière exhibition, sans nuance, hypertrophié. J'aime à penser que Jung en se tournant vers les sciences occultes et les sciences orientales cherchait le recentrement de la pensée, une unité tournée vers une quête de vérité, l'engloutissement des vagues tempétueuses au milieu d'un océan serein. Les archétypes ne relèvent pas tous de la horde primordiale, l'amour est aussi un sentiment éprouvé par tous et en tout lieu, et j'ai une légère amertume envers la psychanalyse, dont le manque de féminité et le conservatisme me désarçonnent. Pour finir, le complexe d'Oedipe a, me semble-t-il, fait plus de dégâts qu'apporté des soulagements, je ne suis donc pas vraiment accessible au discours programmatique de Shining. Je ne crois pas que l'homme se construise par la lutte mais plutôt par l'union.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 16:12
Shining parle surtout d'impuissance créatrice. Et la fantasmagorie destructrice qui en résulte. En ce qui me concerne je ne crois pas au "complexe d'Oedipe". Le "programme" de Shining est le programme de tout récit initiatique avec la même fonction que les contes de fées. On y affronte de grands méchants loups et on peut ensuite grandir et faire beaucoup d'enfants Mais ça n'est qu'un des multiples aspects du film.
D'une manière générale je me suis toujours demandé pourquoi l'existence dans une oeuvre d'un réseau de références et de signes pouvait être perçue parfois comme une richesse et à d'autres moments comme un trop plein signifiant. Tu es souvent toi-même dans l'analyse des signifiants qui t'animent et te font apprécier une oeuvre et parfois tu les rejettes pour les même raisons... Et concernant Shining j'ai l'impression non seulement de ne pas en avoir encore cerné tout le "programme" mais de commencer seulement à le découvrir un peu mieux à chaque vision nouvelle.
Kubrick dit ironiquement que c'est simplement une histoire de fantômes, et optimiste dans la mesure où elle suggère qu'il y a une vie après la mort...
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 17:55
le spectateur ou le lecteur recrée l'oeuvre à l'aune de ses connaissances, de ses sensations, de son évolution (le désir de l'oeuvre est fluctuant), et dans Shining je me heurte à quelque chose qui me blesse mais qui n'est pas figé ; je pourrais peut-être un jour y revenir et y trouver cette abondance de liens signifiants qui construisent un discours accessible, ouvert, polyphonique, pour l'instant ce discours m'échappe et je me reconnais plus dans d'autres oeuvres. J'ai mis très longtemps par exemple à 'commencer à comprendre' quelque chose à 2001... (la lecture de Clarke m'a particulièrement aidée à saisir le pourquoi du monolithe), en revanche la lecture de Shining n'a pas non plus concourue à m'apporter une vision moins abrupte de cette histoire. Mais j'y reviendrais...
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 19:19
shanidar a écrit:
le spectateur ou le lecteur recrée l'oeuvre à l'aune de ses connaissances, de ses sensations, de son évolution (le désir de l'oeuvre est fluctuant)
Oui complètement!
Igor Zen littéraire
Messages : 3524 Inscription le : 24/07/2010 Age : 71
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 19:37
Shining est un film que je n'aime pas. Attention, cela ne veut pas dire que c'est un mauvais film, bien au contraire. C'est justement parce qu'il est tourné de manière parfaite qu'il remue en moi un malaise total. Il nous plonge dans l'horreur pure, la descente inéluctable vers la folie où au final le père devient un monstre prêt à tuer son propre fils. Le stade ultime du conte horrifique. L'analyse de Marko quelques messages plus haut est très judicieuse, rien à rajouter, tout est dit! Kubrick est à mon avis un génie et son œuvre cinématographique unique. 2001 étant un des deux films que je vénère...
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 21:50
et le second ?
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 21:55
shanidar a écrit:
c'est exactement tout ça qui m'a rebuté, trop théâtral, trop machine de guerre, trop démonstration, même si certaines scènes sont inoubliables, l'ensemble est un peu trop chargé pour moi et puis cette pauvre femme qui a l'air tellement gourde, cloche, idiote (d'ailleurs dans le livre elle est quand même beaucoup moins larmoyante), cette femme elle m'a usée (je ne parle pas de l'actrice la pauvre, mais du rôle-kleenex-sopalin-mouche-ton-nez). ah et en prime je n'aime pas trop les films avec des enfants...
Marko a écrit:
Le jeu de la mère est outrancier comme celui du père. Kubrick adore le jeu anti-naturaliste. Il a toujours observé l'humain comme un pantin social un peu grotesque et ce qui l'intéresse c'est la façon de créer du cinéma avec ces marionnettes qu'il prend plaisir à regarder se débattre.
Je rejoins Marko dans son analyse, et je me détourne de Shanidar dans son opinion. Kubrick met en scène de manière grandiloquente. Parfois, la démonstration peut sembler grossière, mais c'est ce qui me plaît justement dans les films de Kubrick. J'aime ce côté théâtral dans le jeu. En y repensant, je me regarderais bien une énième fois tous ses films... (bon, sauf les premiers, peut-être, parce que plus "classiques" justement)
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 22:53
ah ah je ne trouve pas L'ultime razzia et encore moins Les sentiers de la gloire comme entrant dans une quelconque forme de classicisme, ils portent déjà en eux la technique Kubrick, le désir de faire autrement, de montrer autrement (voir le looooonnng travelling dans les tranchées du second que Tarantino a du regarder en bavant des centaines de fois) et le regard attentif porté sur les acteurs... tss, tss, tss, pas du tout classique, non...
Igor Zen littéraire
Messages : 3524 Inscription le : 24/07/2010 Age : 71
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mar 15 Nov 2011 - 23:56
shanidar a écrit:
et le second ?
Le satyricon (Felini)
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mer 16 Nov 2011 - 10:41
Igor a écrit:
Le satyricon (Felini)
Quel film hallucinant. On dirait de la science-fiction tellement il a rendu cette antiquité étrange et fascinante.
Pour revenir à Kubrick, on trouve un peu partout des interprétations qui tournent autour de l'occultisme, de la franc-maçonnerie, de l'alchimie, des illuminati... Des symboles se retrouveraient dans 2001, Shining, Eyes Wide Shut... Kubrick serait lui-même franc-maçon et se serait attaché à distiller des signes plus ou moins cachés et à décrypter au fur et à mesure des lectures de ses films. Je n'en suis pas vraiment convaincu mais il y a des choses qui semblent s'en approcher parfois un peu, c'est vrai. Et s'ils existent dans ce sens ésotérique je pense que c'est davantage de la part de Kubrick une volonté de jeu avec le spectateur comme Umberto Eco le fait avec ses romans.
Ici un "décryptage" de Shining sous l'angle de signes maçonniques. J'y vois de mon côté plutôt des signes de la dimension mythologique que Kubrick a voulu donner au film dans un langage plus moderne (pour l'évocation du dieu Apollon à travers le petit garçon c'est manifeste).
Et les figures géométriques retrouvées dans l'hôtel Overlook me semblent davantage en lien avec la présence du cimetière indien sur lequel il est construit. Ces losanges, hexagones, pyramides et autres se retrouvant d'ailleurs sur une tapisserie indienne dans une des séquences. Le film est par ailleurs rempli de références et clins d'oeil à toutes sortes de mythes, contes de fées, décryptages psychanalytiques qui alimentent notre inconscient collectif. Kubrick voulait avant tout s'interroger sur les mécanismes de la peur et leurs fondements.
Tout ça pour montrer à quel point les films de Kubrick peuvent susciter un délire d'interprétation plus ou moins pertinent
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mer 16 Nov 2011 - 15:32
Igor a écrit:
shanidar a écrit:
et le second ?
Le satyricon (Felini)
j'ai lu Pétrone mais pas vu le film (je crois même n'avoir jamais vu de Fellini... ).
@ Marko, merci pour le complément d'information, les mondes cachés, mystérieux sont toujours des univers qui attirent et qui intriguent, Eyes wide shut en est une bonne illustration, ainsi que le Pendule de Foucault d'Eco (mon livre préféré), deux oeuvres foisonnantes et riches en symbole. Et comme nous le disions sur le fil de Bosco à chacun son interprétation, à chacun sa manière d'assouvir les ombres et les mystères qui le hantent.
Igor Zen littéraire
Messages : 3524 Inscription le : 24/07/2010 Age : 71
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mer 16 Nov 2011 - 15:41
shanidar a écrit:
Igor a écrit:
shanidar a écrit:
et le second ?
Le satyricon (Felini)
j'ai lu Pétrone mais pas vu le film (je crois même n'avoir jamais vu de Fellini... ).
Je vois cela comme une chance, parce qu'il te reste à découvrir une œuvre immense et jubilatoire !
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Stanley Kubrick Mer 16 Nov 2011 - 17:18
shanidar a écrit:
Eyes wide shut en est une bonne illustration, ainsi que le Pendule de Foucault d'Eco (mon livre préféré), deux oeuvres foisonnantes et riches en symbole.
Effectivement dans Eyes Wide Shut la dimension d'initiation est plus explicite que jamais à travers une succession d'épreuves qui regorgent de symboles divers (y compris musicaux). Et d'autant plus que Kubrick transpose la judéité du personnage en quête d'intégration du roman de Schnitzler en volonté d'appartenance à une sorte de secte qui ressemble beaucoup aux rituels des Illuminati. C'est en même temps un rêve d'impuissance comme chaque tentative avortée de transgression que subit Tom Cruise alors que son épouse éprouve pleinement de la jouissance dans ses orgies oniriques. Un film génial sur le couple. C'est un des mes films préférés et il y aurait des milliers de choses à dire sur sa construction et son contenu. Kubrick semblait heureux d'avoir réussi son meilleur film d'après ce qu'on rapporté.