Stanley Kubrick

Ce film est là pour poser des questions, il n'y réponds pas...
Sinon, coté spectacle, il est exemplaire mais est ce important ? Beaucoup on dit que c'était un trip LSD, surement ceux qui n'en ont jamais fais l'expérience.
Cependant, c'est dommage que tu n'aie pas été sensible aux images et scènes proposées.
Quelques unes qui me viennent à l'esprit, en vrac: L'expression des caractères fondamentaux de l'humain lorsque la tribu est confrontée à la peur, soit dans la lutte pour le point d'eau ou par la découverte du monolithe. Ce geste magnifique qu'est l'appréciation de l'arête saillante du monolithe. L'image de l'histoire de l'humanité résumée dans le geste de la projection de l'os dans le ciel qui ne retombe pas mais se transforme en satellite. La petite scène du coup de fil à la fille de Floyd ou celle où il découvre le mode d'emplois des wc en apesanteur. L'évocation des films d'espionnage lors de la rencontre avec les collègues russes. Le long travelling qui suit l'astronaute lors de son exercice quotidien. La scène d'anniversaire de Booman. Les sorties dans l'espace et ses blancs sonores. La déconnexion de Hal. Le voyage dans l'espace profond et l'étrange familiarité du décors dans lequel est accueilli Booman ainsi que le déphasage temporel qu'il subit...
J'aime ce film mais peut être est il connoté d'un point de vue générationnel. Vas savoir...

colimasson a écrit:

J'ai regardé cette semaine Docteur Folamour.

Encore une fois, quitte à me répéter en ce qui concerne les films de Kubrick, c'est excellent. Moi qui me lasse habituellement très vite des films de guerre (certainement parce que je ne comprends pas toutes les subtilités techniques dont on nous assaille dans ce genre de films), celui-ci ne m'a pas ennuyée une seconde. La comédie et la satyre ont été très judicieusement choisies pour démontrer l'incompétence des politiciens, bien mieux en tout cas qu'un film qui se serait voulu dramatique.
Les dernières images quant à elles n'auraient pas pu être mieux choisies. Ou comment les explosions nucléaires peuvent devenir une œuvre d'art... J'aime beaucoup la musique que Kubrick a choisi d'associer à ces dernières scènes. Quelqu'un en connaitrait-il le titre ?

Cela fait quelques années que je ne l'ai plus vu... La musique que tu cherches pourrait-elle être une de celles qui sont listées ici ?

Igor a écrit:

J'aime ce film mais peut être est il connoté d'un point de vue générationnel. Vas savoir...

C'est sûr qu'il a marqué beaucoup de gens... Je crois que Kubrick a tenté de faire une sorte de documentaire, le film n'est pas haletant, mais il est censé se voir en salle de cinéma, et là on doit être plongé dans quelque chose d'immense. Le spectateur est tout petit... devant un écran de cinéma, pas devant un poste de télé.
Ce qui a le plus vieilli, ce ne sont pas tant les effets spéciaux (le film date pourtant de 1968 ! quand on le compare avec d'autres films de l'époque, on voit la différence entre le tâcheron et le génie) que le design, qui fait futuriste des années 1960, c'est rigolo.
Le raccourci entre l'époque préhistorique et l'époque spatiale(le fameux os jeté en l'air, et hop, on passe à un vaisseau dans l'espace) est souvent considéré comme le raccourci le plus marquant de l'histoire du cinéma.
Et les musiques, tant Richard Strauss que l'idée de mettre de la valse sur un ballet spatial (alors que Alex North, je crois, avait écrit une partition spécialement pour le film), c'est tellement marquant que la musique et les images ont fini par devenir indissociable.

Et l'ordinateur, HAL... On a du mal à se souvenir de la tête des acteurs, par contre on se souvient de cette sorte d'oeil rouge de HAL (je ne sais pas si c'est vrai, le fait que HAL s'appelle ainsi en enlevant un lettre dans l'alphabet à IBM...).

Quand on revoit Star Wars, réalisé pourtant 9 ans plus tard, les effets spéciaux paraissent ridicule, les vaisseaux qui font du bruit dans l'espace, et surtout ce grand mystère qui fait que les rayons laser vont moins vite que des balles... je n'ai jamais compris... (pourquoi ne pas tirer avec des vrais fusils, dans ces conditions ?). 2001, lui, n'est pas un film ridicule.

Sur le fond philosophico-fumeux, je suis bien d'accord, ça se discute.

eXPie a écrit:

La musique que tu cherches pourrait-elle être une de celles qui sont listées ici ?

Oui, sans doute. Va falloir que je fasse ma petite enquête...

eXPie a écrit:

C'est sûr qu'il a marqué beaucoup de gens... Je crois que Kubrick a tenté de faire une sorte de documentaire, le film n'est pas haletant, mais il est censé se voir en salle de cinéma, et là on doit être plongé dans quelque chose d'immense. Le spectateur est tout petit... devant un écran de cinéma, pas devant un poste de télé.

J'imagine ça... Ca doit être une expérience bien plus renversante. Si seulement un cinéma le repassait !

Ezechielle a écrit:

En revanche, qu'est-ce que le scénario est mal construit! La première transition, de la préhistoire à 2001, ne pose pas de problème, mais lorsqu'on ajoute à cela les deux transitions qui suivent (de la Lune à l'expédition pour Neptune, puis de la mort de l'IA à l'arrivée sur Neptune), on ne peut qu'avoir un sentiment de frustration: trop de questions sont posées lors des différentes séquences pour qu'elles soient simplement balayées par un trip LSD mystique... Cette fin est une catastrophe et ne permet pas de faire le lien avec entre les différentes parties, on ne pige pratiquement rien... et très franchement, j'ai beaucoup de mal avec cette explication vaseuse du "surhomme" Nietzschéen.

Peut-être que ce que tu considères comme une catastrophe reflète plutôt l'abstraction du film qui déroute souvent après une première vision. On rejette trop facilement ce qu'on ne comprend pas ou ce qu'on réduit à ce qu'il n'est pas (un vulgaire trip psychédélique mystique comme tu dis). Tu en parles comme s'il s'agissait d'un film de science fiction habituel qui raconterait une histoire avec une résolution des énigmes posées au fur et à mesure comme dans un thriller. Alors qu'il vise à mon avis tout autre chose. La référence (parmi d'autres) à Nietzsche n'est pas vaseuse. Elle est explicite du fait de son choix d'utiliser la musique de Richard Strauss (qui s'inspire elle-même d'"Ainsi Parlait Zarathoustra"), par un certain nombre de symboles disséminés, et surtout par les thèmes abordés. Il n'illustre pas le poème philosophique littéralement (ce serait infaisable) mais il en retient quelques thématiques autour de la question des stades d'évolution de l'humanité, de la mort de Dieu, du dernier homme et de la naissance du "surhomme", de l'éternel retour... La séquence finale notamment est en écho à la séquence où Zarathoustra invite à manger à sa table les hommes "supérieurs" (ici la présence extra-terrestre) dont il se détache également comme il l'a fait au préalable avec son propre état animal puis avec l'intelligence artificielle d'HAL 9000 (sorte d'instance morale, de sur-moi qui observe tout). Il termine seul le parcours et renait sous la forme du foetus astral qu'on peut voir comme un retour au cycle du cosmos ou comme une étape ultime (surhomme? divinité?...peu importe ce n'est pas littéral ni seulement mystique mais plutôt philosophique et abstrait, poétique surtout). Et cette étape ultime se fait dans un retour aux origines puisque les paysages aperçus à l'arrivée de ce voyage en forme de trip sont manifestement terriens (le trip est mental).



Je suis loin de l'avoir épuisé et chacun y va de son petit délire d'interprétation (il y a même des analyses alchimiques qui m'ont parues vaseuses pour le coup mais pourquoi pas), ce qui en fait aussi l'intérêt.

Kubrick dans Shining a exploré un genre qui est celui du film d'horreur en revisitant tous ses codes et en se recentrant sur le triangle oedipien familial. L'approche y était multiple et en partie psychanalytique. Mais avec toujours beaucoup d'ironie. Dans 2001 il a voulu traduire l'essence du genre de la science fiction qui pose les questions de la rencontre avec les extra-terrestres et du devenir de l'humanité. Il en fait un voyage sensoriel, presque non verbal, qui se nourrit de la philosophie de Nietzsche pour en donner une vision personnelle graphiquement très inventive et novatrice (Igor en a noté quelques aspects). C'est un bel objet artistique qui ouvre des portes de perception différentes en fonction de ses références. Les analyses du film sont multiples et c'est l'intérêt de son approche qui suggère plus qu'elle n'explique. Libre ensuite de n'y voir qu'un bric à brac pseudo-philosophique ou mystique. Je pense qu'il est bien plus que ça et avant tout le plus beau voyage dans l'espace avec Solaris (qui sont d'ailleurs tous les deux aussi des voyages intérieurs).

Nietzsche et 2001 (en anglais): extrait du commentaire qui peut être visionné sur internet en entier


ou une autre analyse écrite en espagnol:

Merci pour ce très beau commentaire Marko.

Marko a écrit:

Je suis loin de l'avoir épuisé et chacun y va de son petit délire d'interprétation (il y a même des analyses alchimiques qui m'ont parues vaseuses pour le coup mais pourquoi pas), ce qui en fait aussi l'intérêt.

La diversité des interprétations qui peuvent être liées à ce film sont une nouvelle preuve de sa richesse. Je n'ai jamais entendu parler des analyses alchimiques mais j'ai du mal à imaginer ce que cela peut donner, appliquées à 2001...

Je l'ai en DVD. Il va falloir que je le regarde un jour. J'ai déjà vu Orange mécanique, Full Metal Jacket et Barry Lyndon. C'est à ce dernier que va ma préférence!

colimasson a écrit:

Merci pour ce très beau commentaire Marko.

Marko a écrit:

Je suis loin de l'avoir épuisé et chacun y va de son petit délire d'interprétation (il y a même des analyses alchimiques qui m'ont parues vaseuses pour le coup mais pourquoi pas), ce qui en fait aussi l'intérêt.

La diversité des interprétations qui peuvent être liées à ce film sont une nouvelle preuve de sa richesse. Je n'ai jamais entendu parler des analyses alchimiques mais j'ai du mal à imaginer ce que cela peut donner, appliquées à 2001...

Pour cet aspect tu as notamment ce lien (en anglais): 2001 et l'Alchimie

Il y a aussi une lecture mythologique possible. Le titre évidemment se réfère à l'Odyssée, il y a des épreuves à traverser, des divinités qui président aux destinées humaines, HAL 9000 peut-être vu comme le cyclope...

Quand on sait le temps que passait Kubrick à se documenter pour enrichir ses films, il est possible de penser qu'il a volontairement intégré tous ces aspects. La dimension mythologique et la référence à Nietzsche sont en tout cas claires et je crois reconnues par lui.

Marko a écrit:

Pour cet aspect tu as notamment ce lien (en anglais): 2001 et l'Alchimie

Ouch... Je ne maîtrise pas l'anglais aisément mais je devrais pouvoir m'en sortir si j'ai du temps devant moi

Citation :

Quand on sait le temps que passait Kubrick à se documenter pour enrichir ses films, il est possible de penser qu'il a volontairement intégré tous ces aspects. La dimension mythologique et la référence à Nietzsche sont en tout cas claires et je crois reconnues par lui.

Oui, et c'est ce qui fait qu'il est un peu malhonnête de dire que les films de Kubrick sont seulement des élucubrations fumeuses destinées à duper son public...

J'ai affiné un peu ma connaissance de Kubrick en regardant A life in pictures réalisé par Jan Harlan et sorti en 2001...

Jan Harlan était le producteur exécutif des oeuvres de Kubrick de Barry Lindon à son dernier film, Eyes wide shut. On retrouve donc pas mal d'images d'archive intéressantes, les plus surprenantes étant celles tirées de la réalisation de Shining, où on voit que Kubrick n'y allait pas mollo avec ses acteurs (surtout avec Shelley Duvall, la pauvre... ).
Il s'agit d'une manière agréable de découvrir le réalisateur : son perfectionnisme, sa passion, son envie d'aller jusqu'au bout des choses...

Les témoignages de ses proches ne sont pas toujours intéressants mais ils ont le mérite de nous faire découvrir Kubrick dans son intimité. Il avait réussi à fonder une famille très unie qui m'a laissée admirative... Vouant une passion folle pour ses chats, lorsqu'il devait s'absenter de chez lui pour une longue période, il n'hésitait pas à laisser des pages et des pages d'instructions (une quarantaine au total !) aux personnes qui devaient s'en occuper.

Et puis, ce documentaire est également l'occasion de découvrir un peu mieux ses premières oeuvres et ses premiers courts-métrages.
Je le conseille à tous ceux qui apprécient Kubrick !

J'ai regardé sur Amazon, il est indisponible pour l'heure mais le descriptif le signale en anglais et réservé à la zone 1 (canada-usa). Qu'elle est la version que tu a visionné ?
Merci !

colimasson a écrit:

Vouant une passion folle pour ses chats, lorsqu'il devait s'absenter de chez lui pour une longue période, il n'hésitait pas à laisser des pages et des pages d'instructions (une quarantaine au total !) aux personnes qui devaient s'en occuper.

Ah oui, je me souviens de ça, c'était bien marrant !

Igor a écrit:

J'ai regardé sur Amazon, il est indisponible pour l'heure mais le descriptif le signale en anglais et réservé à la zone 1 (canada-usa). Qu'elle est la version que tu a visionné ?
Merci !

Aïe, je ne m'en souviens plus... J'avais emprunté le DVD à la bibliothèque et je l'ai déjà rendu... Enfin, c'était un documentaire en VOSTF...

eXPie a écrit:

colimasson a écrit:

Vouant une passion folle pour ses chats, lorsqu'il devait s'absenter de chez lui pour une longue période, il n'hésitait pas à laisser des pages et des pages d'instructions (une quarantaine au total !) aux personnes qui devaient s'en occuper.

Ah oui, je me souviens de ça, c'était bien marrant !

Oui, on n'image pas que le bonhomme se préoccupe de choses en apparence aussi futiles que ça... Après tous les grands films qu'il a fait, je l'imaginais plutôt perché et se dédiant à des occupations un peu plus profondes. Dans le fond, ça rassure

colimasson a écrit:

Oui, on n'image pas que le bonhomme se préoccupe de choses en apparence aussi futiles que ça... Après tous les grands films qu'il a fait, je l'imaginais plutôt perché et se dédiant à des occupations un peu plus profondes. Dans le fond, ça rassure

Il pouvait tout faire, Kubrick, et ça devait bien stresser les directeurs de la photo de ses films, d'ailleurs, le fait qu'il s'y connaissait probablement plus qu'eux...
Je crois que c'est lui, aussi (ou bien Terrence Mallick ? ils ont quelques points communs) qui avait demandé, à ce que la peinture soit refaite dans un cinéma, parce que la teinte n'allait pas aller avec son film, qui devait être projeté.

eXPie a écrit:

Je crois que c'est lui, aussi (ou bien Terrence Mallick ? ils ont quelques points communs) qui avait demandé, à ce que la peinture soit refaite dans un cinéma, parce que la teinte n'allait pas aller avec son film, qui devait être projeté.

Hum, je ne me souviens pas de cette anecdote, mais j'ai peut-être loupé certains passages...
Jamais vu de films de Terrence Mallick. Ils ont des points communs dans leur personnalité mais aussi dans leurs films ?