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| Jérôme Ferrari | |
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Auteur | Message |
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kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Jérôme Ferrari Dim 25 Jan 2009 - 22:25 | |
| © Melania AvanzatoBiographie de l'auteurNé à Paris en 1968, Jérôme Ferrari, après avoir été, durant quatre ans, professeur de philosophie au lycée international d'aller vit actuellement en Corse où il enseigne depuis 2007. Source: EditeurVidéo montrant Jérôme Ferrari dans une interview lors de la parution de son roman Balco AtlanticoBibliographie - Citation :
- Index: (cliquez sur les numéros de page pour y accéder directement)
Variétés de la mort (Albina, 2001) Pages 4Aleph Zéro (Albina, 2002) Dans le secret (Actes Sud, 2007) Pages 1Balco Atlantico (Actes Sud, 2008) Pages 2Un dieu un animal (Actes Sud, 2009) Pages 1Où j'ai laissé mon âme (Actes Sud, 2010) Pages 2, 3, 4Le sermon sur la chute de Rome (Actes Sud, 2012) Pages 4, 5, 6, 10, - Citation :
- mise à jour le 23/07/2013, page 10
Dernière édition par kenavo le Mar 23 Juil 2013 - 7:56, édité 4 fois | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Dim 25 Jan 2009 - 22:27 | |
| Un dieu un animal - Citation :
- Présentation de l'éditeur
Un jeune homme a pris la décision de quitter son village natal pour aller, revêtu du treillis des mercenaires, à la rencontre du désert qu'investirent tant d'armées, sous des uniformes divers, après le 11 septembre 2001. De retour du checktpoint où la mort n'a pas voulu de lui, ce survivant dévasté est condamné à affronter parmi les siens une nouvelle forme d'exil. Il se met alors en demeure de retrouver la jeune fille de ses rêves d'adolescent, mais cette dernière semble avoir disparu sous les traits d'une jeune femme désormais vouée corps et âme à son entreprise...
Requiem pour une civilisation contemporaine médusée par les sombres mirages de la guerre comme par la violence inouïe de l'horreur économique, cérémonie cruelle et profane qu'illumine l'ardente invocation d'un improbable salut, Un dieu un animal retentit des échos du chant bouleversant que fait entendre une humanité crucifiée sur l'autel de la dépossession. Faut avoir un bon moral et une longue haleine pour lire ce livre. Une centaine de pages sans chapitres, paragraphes ni autre signe d’interruption. Des points, des virgules. C’est tout. Deux personnages qu’on suit de près. Le jeune homme qui revient d’une guerre qui lui n’était pas important, c’était pour partir, pour trouver ‘autre chose’ que sa vie dans le village natal. Et Magali qui le hante depuis qu’il a quatorze ans, celle qu’il a connu pendant toute son enfance lors des vacances d’été qu’elle passait avec ses parents sur l’île. Elle a fait carrière, elle se dévoue dans son travail. Sans trouver plus de satisfaction que le jeune homme dans sa vie. Un auteur que je connais depuis Balco Atlantico, une couverture et Actes Sud – des arguments qui voulaient que je lise ce livre. Seule la mention du 11.septembre sur la 4 e de couverture m’avait repoussé. Et puis il y a eu PAGES des Libraires : Jérôme Ferrari pose un regard désabusé sur une génération perdue à qui on ne propose qu’un éventail d’impasses. À une extrémité de l’éventail, les plus brillants pourront devenir cadres performants au sein d’une entreprise à laquelle ils devront se vouer corps et âmes, jusqu’à épuisement. À l’autre, il se trouvera toujours une guerre avec ses promesses d’aventure pour attirer à elle chair et sang frais de tous les recalés de la vie. Sans en avoir l’air, avec un lyrisme retenu, passant d’un personnage à l’autre, d’une dérive à l’autre, avec beaucoup de pudeur, Jérôme Ferrari nous donne un roman explosif, violent, profondément engagé et ancré dans son temps. Ce texte romantique dit la déréliction d’une jeunesse qui se rend compte, mais un peu trop tard, qu’une société est là, bien installée, et qui a tout prévu pour elle.Dans le ton mélancolique de ce livre, j’ai eu l’impression d’entendre Jean-Claude Izzo.. des mots pour montrer le désespoir d’hommes dont on sait que même la beauté d’une telle écriture ne pourrait pas réconforter… Car toutes les nuits sont promises à l’oubli.
Jérôme Ferrari | |
| | | Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Lun 26 Jan 2009 - 9:47 | |
| - kenavo a écrit:
- Un auteur que je connais depuis Balco Atlantico, une couverture et Actes Sud – des arguments qui voulaient que je lise ce livre. Seule la mention du 11.septembre sur la 4 e de couverture m’avait repoussé.
Qu'as-tu pensé de Balco Atlantico Kenavo? J'ai eu l'occasion de rencontrer l'auteur lors des Correspondances de Manosque, et sa façon directe, franche et précise d'aborder les sujets m'avait bien plu. Du coup j'avais acheté ce livre, mais le temps, l'oubli provisoire, ont fait qu'il est toujours dans ma bibliothèque! Ton fil tombe à pic pour l'en sortir... | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Lun 26 Jan 2009 - 11:01 | |
| - aériale a écrit:
- Qu'as-tu pensé de Balco Atlantico Kenavo?
je l'ai bien aimé - il est très 'fort' dans ses écrits (tout comme le dernier) - il écrit dans une langue poétique mais.. apre.. dur.. faut pas avoir peur de se voir confronter à quelques vérités qui sont parfois sans consessions - aériale a écrit:
- Ton fil tombe à pic pour l'en sortir...
je voulais aussi le relire pour en dire plus sur ce fil.. | |
| | | Nathria Sage de la littérature
Messages : 2867 Inscription le : 18/06/2008 Age : 57
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Mar 17 Fév 2009 - 13:27 | |
| Lu quasiment d'une traite. Comme d'habitude, le manque de points ne me gêne pas. J'ai trouvé mon rythme dans ce type d'écriture. « Un dieu un animal »: J’aime à descendre dans les tréfonds de l’âme humaine comme j’irais visiter les catacombes. Quelquefois, il y a des lueurs d’espoir, (incarnées par la figure féminine de Magali) mais souvent, il y fait sombre et je guette les repères afin de préserver un certain équilibre. J’ai lu ce texte comme le constat froid et signé du paradis perdu. Pas de séance de rattrapage : tout est dit.
Morceaux choisis :
P50 : Le médecin lui avait posé des questions mais elle avait refusé d’y répondre, elle secouait la tête et répétait d’un ton épuisé, mais vous savez bien, vous n’avez qu’à regarder car son esprit était un terrain vague battu par les vents, que rien ne protégeait, et il suffisait d’ouvrir les yeux pour que toutes ses pensées intimes, qui gisaient là au milieu de charognes d’animaux et de dieux oubliés, s’y dévoilent dans la crudité d’une lumière éblouissante et sale…
P72 : Si tu lèves les yeux vers le ciel étoilé, tu reconnais les étoiles de ton enfance mais c’est comme si elles avaient subies un décalage infime qui les rendait définitivement étrangères.
P96 : Chaque homme est un abîme et gît tout au fond de lui-même, là où ses rêves de cohérence et d’unité ont été engloutis avec lui.
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| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Mar 17 Fév 2009 - 13:32 | |
| C'est étrange ce qui se produit avec des livres pour lesquels on a fait un commentaire.. ouvert un fil pour l'auteur.. on les 'range' comme on range les livres sur les étagères.. et puis on les oublie un peu.. jusqu'au moment que le fil remonte et on peut voir que quelqu'un d'autre a lu.. apprécié.. aimé.. Merci Nathria pour ton commentaire.. il m'a replongé dans ma lecture de ce livre et je réalise que c'était tout bon | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Jeu 19 Fév 2009 - 13:53 | |
| Le sacrifice de Jean-Do
Jean-Claude Perrier 19/02/2009
Dans «Un dieu un animal» de Jérôme Ferrari, Un jeune Corse quitte son village natal pour se battre en Irak. Son drame : n'être pas de ce monde. Il est certains mal-être dont on ignore les causes. Le personnage principal (on n'ose dire « le héros ») de Jérôme Ferrari n'a semble-t-il pas vécu une enfance difficile, subi de violences ni souffert de n'être pas aimé. Non. Sa jeunesse s'est déroulée dans un petit village corse, au sein d'une famille tranquille, sans trauma apparent. Si ce n'est une incurable solitude, un goût profond pour le silence et une colère, aussi rentrée que violente. Seule embellie, un flirt, à quatorze ans, avec Magali, « la fille du Russe ». Un premier amour dont on ne se remet pas, même si l'on devient par la suite un grand gaillard sportif, baraqué, qu'on s'engage dans l'armée, puis qu'on se recycle mercenaire en Irak.
Dans cette aventure quasiment suicidaire, le garçon entraîne son ami de toujours, Jean-Do, aussi paumé que lui, mais plus casse-cou, moins réfléchi. La victime idéale, offerte en holocauste aux terroristes, un matin, à un check point de Bagdad…
Le personnage principal, à qui s'adresse le narrateur, lui, en réchappera. Mais brisé. De retour chez lui, impossible de se réadapter. Alors un jour il envoie à Magali une lettre malhabile, comme une bouteille à la mer. La jeune femme, qui a réussi sa vie ailleurs, cadre brillante dans une entreprise d'intérim, heureuse en apparence, est-elle prête à tout abandonner pour retrouver le petit fiancé de son adolescence ?
Un dieu un animal est un roman superbe, aussi bref que dense, entièrement porté par son style, ce qui est le propre même des écrivains.
Une tragique destinée
Volontairement, Jérôme Ferrari ne décrit guère, n'explique pas, il préfère analyser, fouiller la psychologie de ses personnages, avec une réelle puissance dans l'introspection. Son personnage devient une espèce de fantôme, dont on pressent que la destinée ne peut être que tragique. Comme, toutes proportions gardées, le martyr Ibn Mansûr el Hallâj, dont une citation est placée en exergue du livre, torturé et exécuté pour cause d'hérésie, le jeune Corse est un mystique, un ascète de la vie, qui aimerait bien croire en un Dieu qu'il appelle de ses vœux, mais dont il redoute la colère, comme dans l'Ancien Testament. Le roman, d'une certaine façon, remplace le testament que le jeune homme n'a pas
source: ICI | |
| | | Le Bibliomane Zen littéraire
Messages : 3403 Inscription le : 21/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Lun 25 Mai 2009 - 21:55 | |
| "Un dieu un animal"
Il était parti pour l'Irak où il s'était engagé comme mercenaire. Il avait entraîné dans son aventure son ami d'enfance, Jean-Do. Il est revenu depuis peu dans son village natal, quelque part en Corse. Jean-Do, lui, ne reviendra pas. Sa vie s'est brutalement interrompue lorsqu'un kamikaze s'est fait exploser au checkpoint qu'ils contrôlaient. Depuis, il erre sans but dans ce village. Lui qui, avant tout cela, avait déjà trouvé si peu de sens à sa vie au point de s'engager dans l'armée, se retrouve aujourd'hui aussi démuni qu'avant, entre ses parents vieillissants et les ruelles de ce village qui lui rappellent sans cesse les souvenirs d'une enfance alors riche en espoirs. De ces années passées remonte alors en lui un souvenir, celui d'un flirt avec une jeune fille qui venait passer ses vacances ici, Magali, la fille du Russe. Qu'est-elle devenue après toutes ces années et toutes ces épreuves ? Et s'il reprenait le fil de cette histoire interrompue par ces évènements tragiques ? S'il retrouvait Magali, y aurait-il moyen d'effacer de sa vie cette parenthèse traumatisante et de retrouver, peut-être, l'insouciance des années d'une adolescence perdue ? Lui écrire une lettre, dans l'espoir qu'elle la reçoive, voilà la solution. La retrouver, apprendre ce qu'elle fait, quelle est sa vie. Renouer, peut-être, une relation qui s'était ébauchée près de la fontaine du village quelques années auparavant.
Magali travaille dans un cabinet de consultants. Ici on ne parle et on ne vit que pour atteindre et dépasser des objectifs dérisoires. La vie se mesure à l'aune des contrats remportés, des résultats, du chiffre d'affaires. Chacun est engagé dans une compétition qui l'oblige à se dépasser et à dépasser ses collègues / adversaires. Une sorte d'élan mystique incite tous ces cadres en costume-cravate et en tailleur à sacrifier leur existence sur l'autel du dieu de l'entreprise, un Moloch invisible qui se repaît de chiffres, de pourcentages et de bilans positifs. C'est à cette rencontre entre deux formes de violence que nous invite Jérôme Ferrari dans « Un dieu un animal », deux formes de violence qui incarnent à elles seules les inquiétantes dérives de notre société. La violence traditionnelle, celle des armes et du sang, incarnée par ce jeune homme revenu d'Irak, et la violence du monde des affaires, celle des rapports humains au sein des entreprises où seuls les plus performants peuvent survivre. Au travers de ce récit magnifique et dérangeant, Jérôme Ferrari décrit avec lucidité l'impasse dans laquelle se trouve toute une génération sans repères, une génération offerte en sacrifice aux déités de l'argent et de la politique internationale.
Amer constat qui dénonce sans ambigüités les idéaux factices de nos sociétés contemporaines, « Un dieu un animal » nous renvoie une image de nous-mêmes bien peu reluisante et nous donne à réfléchir sur le sens que nous pouvons donner à notre vie. Construit comme un long monologue dans lequel le narrateur (Qui est-il, d'ailleurs, ce narrateur ? Est-il ce Dieu que nous avons délaissé au profit d'autres idoles ?) s'adresse au jeune homme en le tutoyant, ce texte, difficile à appréhender au début, se lit par la suite sans relâche tant la tension y est forte et monte crescendo. Sans chapitres ni paragraphes permettant au lecteur de bénéficier d'une pause, le récit nous entraîne et nous submerge comme une lame de fond. On ressort de ce roman hébété, halluciné par tant de puissance dans l'évocation de ce monde insoutenable qui est pourtant le nôtre. La prose de Jérôme Ferrari, poétique, mystique, brutale, envoûtante et hypnotique nous porte sans répit dans ce récit brutal et désespéré aux accents de tragédie. Un court roman, certes, mais dont le nombre de pages (une centaine) ne nuit en rien à la densité et à la force du récit. Un roman essentiel, peut-être l'un des plus marquants qu'il m'ait été donné de lire ces derniers temps. | |
| | | chrisdusud Sage de la littérature
Messages : 2076 Inscription le : 20/04/2008 Age : 56 Localisation : Corse
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Lun 25 Mai 2009 - 22:16 | |
| Je n'avais pas vu qu'il y avait un fil sur Jérome Ferrari ! J'assiste de temps en temps aux cafés philo qu'il anime dans ma ville mais je n'ai jamais pensé à lire un de ses livres. Il faut dire que la littérature corse est très prolifique (même si elle ne connait pas souvent un essor national) et que l'on trouve de tout... En tout cas je suis très tentée par "un dieu, un animal". | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Mar 26 Mai 2009 - 9:22 | |
| - Le Bibliomane a écrit:
- Un roman essentiel, peut-être l'un des plus marquants qu'il m'ait été donné de lire ces derniers temps.
Merci Bibliomane pour ton commentaire.. et oui.. il faut le dire et redire - ce livre est tellement bon.. dommage qu'il s'est un peu perdu entre toutes les nouveautés.. Et grâce à ton commentaire cet auteur va quitter la section 'à découvrir' | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Ven 29 Mai 2009 - 18:09 | |
| J'apporte ma petite pierre à l'édifice. Un dieu un animal Un jeune homme a décidé de quitter son village natal pour revêtir l'uniforme avant l'heure et partir affronter le désert et les chek-points. dans son sillage ses souvenirs et un ami. Le rêve du combat, du jeu de guerre, devient rapidement une désillusion: la peur, l'étrange atmosphère d'une guerilla. Il a quitté un village de "morts-vivants" pour rencontrer des vivants qui lentement se meurent. Le narrateur fait la connaissance de Conti, un sergent, un soldat paradoxe vivant: ce dernier ne rêve pas de conquêtes victorieuses mais aspire à la gloire de la défaite; un sentiment mortifère qui complète la pulsion de mort du narrateur. La vie sous les drapeaux se passe sans possibilité de rempiler...notre narrateur regagne son village perdu, amputé de la présence de son ami, jeune victime offerte en sacrifice aux dieux de la guerre. Les senteurs de la garrigue s'insinuent dans le récit, l'immobilité du chasseur en plein affût lorsque le soir tombe dans l'oliveraie, un fusil qui ne vise rien, la solitude d'un soldat que le néant des illusions perdues rend muet. Les fragances d'un été adolescent lui font regarder vers l'autrefois, le temps de l'innocence, de temps des douces et jeunes amours. Elle s'appelle Magali, ils sont assis au bord de la fontaine où chante un filet d'eau, fraîcheur des soirs après la plage. La ronde des baisers fait tourner la tête et le coeur, l'amour est éternel au rythme des vacances d'été. La vie ne déroule pas son fil comme on le souhaiterait: Magali suit le cours de ses études pour devenir une Diane chasseresse des temps modernes, celle qui flaire les têtes à débaucher pour garnir les entreprises qui louent ses services. Services également mortifères, services désenchantés d'un quotidien où l'esprit de camaraderie est de mise. Retrouvailles des corps, des sueurs, des rêves l'espace d'un instant, l'espace d'une trève, éphémère. La mort d'un soldat qui se voulait guerrier et, en tant que guerrier ne pas partir seul au Walhalla....le destrier n'a pas de sabot, seulement une truffe humide, quatre pattes, une touffe de poils soyeux et un regard rempli d'amour pour celui qui le ramassa au bord du chemin. La musique de ce roman dense, en images et en reminiscences d'un certain 11 septembre 2001 qui changea la donne sur l'échiquier géo-politique du monde, est d'une noirceur parfois glaçante, souvent désespérée et toujours dérangeante: elle accompagne la marche d'un monde que Dieu semble avoir déserté, lassé des excès des hommes. Les repères ne sont plus ceux qui jalonnaient les générations précédentes, le manichéisme de façade cache des blessures et des interrogations existentielles: l'homme est-il à l'origine du mal qui ronge le monde? Ou est-ce une interprétation religieuse? Le mode du "Tu" interpelle le lecteur qui se laisse aller dans le sillage du narrateur ou qui choisit de rester en retrait, observateur d'un mal-être provoquant son malaise face à une intériorité d'une grande désespérance. Ce "Tu" participe à la noirceur du récit et génère une angoisse en filigrane....l'aliénation d'un quotidien frisant parfois le non-sens. Le parti pris de l'auteur, passant d'un souvenir à l'autre sans transition dans la relation, m'a beaucoup déroutée, retardant mon entrée dans l'histoire de ce jeune homme étouffant sous le poids des illusions perdues. Cependant, la force de la narration est telle que l'on ne peut qu'aller jusqu'au bout de cette histoire, celle de jeunes gens perdus dans un monde qui s'emballe, celle d'un monde qui perd de plus en plus ses racines mais aussi son avenir. Une histoire qui interpelle et offre un autre regard sur le notre monde qui souvent ne tourne plus rond! Une histoire sombre, très sombre et extrêmement touchante. | |
| | | chrisdusud Sage de la littérature
Messages : 2076 Inscription le : 20/04/2008 Age : 56 Localisation : Corse
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Ven 3 Juil 2009 - 10:24 | |
| Dans le secret (edition Actes sud) Voilà, le livre est lu. Vraiment un très bon livre. L’histoire est celle d’Antoine Nicolai propriétaire associé d’un bar à Ajaccio, buveur, flambeur et cocaïnomane. En rentrant d’une nuit avec sa maîtresse, une bribe de phrase de sa femme l’intrigue puis l’inquiète puis l’obsède. Cette phrase devient la faille de sa propre vie. Le recit s’articule pour un part autour du poids de ces quelques mots dans la vie d’Antoine et parallèlement sur une histoire qui s’est déroulée au XVIème siècle (histoire atroce dont Antoine rêve régulièrement). On peut imaginer que cette histoire ancienne est celle de la famille d’Antoine. Antoine a un jeune frère, Paul qui vit reclus au village dans la maison familiale. La relation entre ces deux hommes est forte emprunt de domination, de rejet et d’amour fraternel. Plusieurs thèmes sont abordés : la jalousie, la solitude, le poids de l’héritage familial … Jérome Ferrari dépeint avec talent une certaine partie de la population corse. Dans les attitudes parfois fantasques et les souffrances. Les traits ne sont pas caricaturés. Nous sommes bien dans un récit de vie. Je reprends la fin de la quatrième de couverture qui résume parfaitement le livre : - Citation :
- Sur les murs que la filiation érige entre les êtres, sur la toxicité des obsessions qui s’entretiennent sous le dangereux gouvernement de l’esprit d’un lieu – l’île aux sombres secrets enfouis dans la splendeur des paysages -, sur la rémanence du secret et des tentations du mysticisme, sur l’impossible choix entre une sexualité païenne et vénération amoureuse, sur les noces, enfin à jamais contrariées, entre l’esprit de l’homme et le monde qu’il habite, Jérôme Ferrari propose, avec ce roman ardent et rebelle, une variation somptueuse.
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| | | chrisdusud Sage de la littérature
Messages : 2076 Inscription le : 20/04/2008 Age : 56 Localisation : Corse
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Lun 2 Nov 2009 - 11:12 | |
| Un dieu, un animal109 pages chez Actes Sud pour dévoiler ce talent à décrire la psychologie et l’épaisseur d’un personnage, la cruauté de la guerre, le retour chez les siens d’un soldat avec ce vide de vie en parabole. L’histoire racontée est celle d’un homme, dont on ne connaît pas le prénom, qui retourne dans son village en Corse après des années passées dans des pays en guerre. De là vont se concentrer les allers retours dans les souvenirs d’adolescence et les périodes de vie militaires. En fil rouge, son lien d’amitié avec Jean-Do son ami d’enfance. L’auteur tutoie le personnage pour faire de ce témoignage de vie une douloureuse histoire. L’ambiance est celle que l’on retrouve en Corse dans les villages haut perchés lorsque la brume rend austère le lieu et la forêt environnante. Dans cette grave mélancolie Magali son amour d’adolescence représente la lueur de l’espoir, le réconfort à venir de sa vie sèche. - Citation :
- Elle reprend ta lettre. Le papier de mauvaise qualité commence à se déchirer là où il a été plié. Magali voudrait s’arrêter de la relire pour rien, sa patience s’épuise, elle voudrait finalement décider de que qu’est cette lettre, le signe d’une nostalgie puérile qui ne la concerne en rien ou une brèche miraculeuse dans les murs de sa vie. Elle la relit encore et ce soir, vois-tu, tes mots gonflent et se craquellent, comme la terre féconde d’un jardin, ils débordent de toute la vérité que tu aurais voulu y mettre, qui t’a échappé et qui les fait maintenant éclater et elle lit, elle lit d’abord son prénom, Magali, Magali, et elle pourrait presque entendre ta voix qui l’appelle depuis les rues nocturnes du village de sa mère, il y fait si froid et tu n’as pour te réchauffer que l’amitié d’un chien et le souvenir d’une toute jeune fille dans laquelle elle se reconnaît avec émotion, une image bénie qui t’attendait pour apparaître…
Vraiment un très bon livre dans le fond comme dans le style. J’en ai aimé cette épaisseur et la réalité données aux personnages. Toute la dicible précision des instants passés et présents, le tutoiement de l’auteur, cette justesse des situations pour exprimer l’amitié, l’amour et le désespoir. | |
| | | Emmanuelle Caminade Envolée postale
Messages : 204 Inscription le : 06/11/2009 Age : 74 Localisation : Drôme provençale
| Sujet: Une oeuvre à découvrir Mer 11 Nov 2009 - 15:29 | |
| Jérôme Ferrari tisse une oeuvre d'une grande cohérence, tant sur le plan des thèmes abordés que de la maîtrise de la construction et de la beauté du style. C'est un écrivain marquant qui est encore loin d'avoir obtenu la place qu'il mérite. J'espère que la visibilité donnée à Un dieu un animal sera pour certains l'occasion de découvrir ses trois précédents romans, tout aussi magnifiques : Aleph zéro, son éblouissant premier roman (2002), Dans le secret, un somptueux roman philosophique (2007) et Balco Atlantico, pour moi, son chef d'oeuvre (2008).
(J'ai publié de longs extraits de ces 4 romans sur mon blog, qui je l'espère, inciteront ceux qui ne l'ont déjà fait à les lire...)[b] | |
| | | chrisdusud Sage de la littérature
Messages : 2076 Inscription le : 20/04/2008 Age : 56 Localisation : Corse
| Sujet: Re: Jérôme Ferrari Mer 11 Nov 2009 - 15:38 | |
| Bonjour Emmanuelle. Vraiment d'accord avec toi et je compte lire très prochainement Balco Atlantico.
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| Sujet: Re: Jérôme Ferrari | |
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| | | | Jérôme Ferrari | |
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