Coen (Joel ou Ethan)

K a écrit:

Je crois que la seule ambition des Coen est de raconter les histoires qui leur plaisent, avec une bonne dose d'ironie, et sûrement pas de se prendre la tête. Et dans ce registre, ils sont sacrément doués

Je serai de l'avis de K. Je n'ai pas vu d'autres films des frères Coen, mais je ne crois pas non plus que ce film se veuille profond, encore moins qu'il comporte une morale. Juste une constatation vu cette chute si surprenante, en tout cas désabusée : le monde est absurde et les dingues s'en jouent. Le bien et le mal sont deux notions dépassées, les frontières et les codes se dissipent.
A la fin, notre shériff est largué et le psychopate continue sa route. On sort de là plus que perplexe et chamboulé, et ce film nous titille longtemps après.
C'est pour cette raison qu'une fois l'effet de surprise passée, on se dit qu'on a du rater des trucs, qu'une fois l'esprit formé à cette violence extravagante, on aimerait bien y revenir plus détaché, histoire d'apprécier encore cet humour noir qui décape sec. Cette fois-ci averti, car ce qui dérange il faut le reconnaître, séduit terriblement aussi.

Donc pour moi un cinéma plus que fun, une petite bombe à retardement et qui fume encore un bon moment après...
Déstabilisant c'est sûr. Est-ce assez pour en faire le film de l'année?
Je vous le dirai plus tard, mais c'est clair qu'il m'a frappée

aériale a écrit:

Le bien et le mal sont deux notions dépassées, les frontières et les codes se dissipent.

Euh... A bon ?
On sait à tout moment qui sont les gentils et qui sont les méchants, il n'y a pas d'ambiguité à ce sujet, non ? La frontière ne se dissipe jamais, le psychopathe ne paraît jamais gentil, ce n'est pas parce qu'il épargne deux trois personnes sur un coup de pièces (comme on dit "sur un coup de dés") que ça en fait une personne aimable.

eXPie a écrit:

On sait à tout moment qui sont les gentils et qui sont les méchants, il n'y a pas d'ambiguité à ce sujet, non ? La frontière ne se dissipe jamais, le psychopathe ne paraît jamais gentil, ce n'est pas parce qu'il épargne deux trois personnes sur un coup de pièces (comme on dit "sur un coup de dés") que ça en fait une personne aimable.

Je me suis sans doute mal exprimée.
Disons que l'on sait nous, qui sont les méchants ou les gentils, mais à partir du moment où ces derniers sont les loosers et où le mal en réchappe, ce pied de nez final à la morale ébranle sacrément ces deux notions. Le bon ou le mauvais ont besoin de sanctions pour exister. Pas de sanction, pas de morale non plus. D'où le malaise car les repères n'existent plus et leurs fonctions sont inutiles.

On est dans le monde de l'absurde, où un tueur implacable et surtout logique, suit sa "morale" et abat froidement la veuve "parce que son cow-boy a choisi" implicitement et où un sheriff dans le doute, finit par abandonner la partie.
Alors dépassées dans le sens où la violence est l'unique loi et où le bon ne peut plus rien. Un petit délire qui dérange sacrément et d'où l'on sort déboussolé car dans ce film, les codes classiques volent en éclat.

Les codes classiques volent en éclat ?
En fait, les frères Coen ont repris le schéma du western, non ? Chacun fait sa loi, c'est tout.

Mais je ne comprends pas la phrase "Le bon ou le mauvais ont besoin de sanctions pour exister."
En effet, ce n'est pas parce que Staline ou Mao sont morts de leurs belles (?) morts, sans sanction, que ce ne sont pas des criminels qui suivaient leur logique, tout comme le psychopathe du film des frères Coen... et qu'ils sont - au même titre que Hitler ou beaucoup d'autres mais qui eux ont eu une vie "raccourcie" - catégorisables dans le Mal, non ?

Staline : des millions de morts, et il a échappé à tout jugement. Mais j'aurais de très, très grosses difficultés à ne pas le considérer comme un criminel.

Pour moi, les repères peuvent exister sans jugement (car un jugement est forcément partial, non ? qui émet ce Jugement ? "Ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire", disait le narrateur de Braveheart).

De même, pour parler littérature, la seule pièce de théâtre de Boulgakov autorisée par Staline était Les Journées des Tourbine, parce que les "gentils" sont des Blancs... mais finissent par se faire vaincre par les Rouges. Il n'y avait pas d'ambiguïté quant aux rôles de chacun : les gentils étaient les Blancs, mais le message qu'en retenait Staline était que, même dans ces conditions, la victoire des Rouges était inévitable.

Et puis la victoire du méchant ne m'a pas "sacrément dérangé" parce que ce n'est pas la première fois. Prends toute l'oeuvre de John Huston, par exemple. Ca fait un sacré paquet de films où les gentils perdent.
Même dans un film comme Pitch Black on pourrait faire un délire sur le destin, la non-récompense des efforts, etc.
La fin de Pitch Black m'a parue beaucoup plus ironique que celle du film des Frères Coen.


Finalement, c'est peut-être un grand film. Il permet de rudement digresser.
Et j'aime ça.

Pas vu le dernier mais les frères Coen ont l’habitude de mettre des personnages ordinaires dans des situations extraordinaires et de filmer la logique de la vraie vie, celle où les gentils perdent souvent…

C'est vrai Expie, les repères existent sans jugement dans un monde civilisé, où l'Histoire l'écrit pour lui.
Dans No country c'est l'état sauvage. Le vieil homme ne s'y retrouve plus et le spectateur ébranlé s'interroge aussi. On est déstabilisé car peut-être derrière cette démonstration brillante de violence gratuite et montrée sous forme de farce, ce sont peut-être des nouveaux codes qui se profilent. Celui de l'argent, de la puissance par les armes, du sans foi ni loi.

Alors, on peut voir No country comme un néo-western délirant, un truc rocambolesque qui commence comme un thriller et nous scotche d'emblée sur le fauteuil, vire dans le burlesque, mais où le rire libérateur du début se coince en forme d'interrogation. C'est ça qui dérange.
Parce qu' une nouvelle morale se joue de la traditionnelle (bien identifiée ailleurs, dans la grande Histoire et les films de John Huston) Le psychopathe est férocement drôle, diaboliquement pervers, car ce Mal qu'il personnifie, d'effrayant devient lancinant, il est partout, même revenu sur les lieux du crime au motel
On en rit, puis on le suit, mais on ne le ratrappe jamais...Il s'enfonce dans la nuit

Eh bien, si les frères Coen filme la logique de la vraie vie, comme le dit Sousmarin, il y a de quoi être ébranlé (ce que je suis )

Citation :

En fait, les frères Coen ont repris le schéma du western, non ? Chacun fait sa loi, c'est tout.

Je ne l'ai pas encore lu, ni vu le film, mais je vous lis et c'est intéressant!
Mais quand même, c'est une adaptation fidèle de Mc Carthy, non? Et Mc Carthy n'a pas une vision très positive, c'est le moins qu'on puisse dire, de l'humanité?
Il va encore plus fort, d'après ce que j'ai compris, dans La route, où là les choses vont encore plus loin dans le chacun pour soi, puisque c'est une question de survie de l'espèce...

Vu Burn After Reading.

Un Coen mémorable : c'est leur moins bon.

Les réalisateurs devaient avoir un trou dans leur agenda : A Serious Man est en post-production et ils ont un autre film aussi prévu pour 2009.

Donc, sur un coin de table, ils ont dû bricoler un truc made in Coen : un scénario pour de rire, avec au fur et à mesure (mais surtout vers la fin), un embrouillamini pas possible (ce n'est pas nouveau, le coup de l'embrouillamini, Blood Simple en était un exemple, mais brillant, et qui avait nettement plus de sens).
Tout tourne autour d'un CD perdu avec les mémoires d'un type qui travaillait à la CIA (John Malkovich, inquiétant) ; il y a aussi George Clooney (qui prend un air crétin, mais un crétin qui pense... il en fait un peu trop), une femme qui travaille dans un centre de gym et qui veut "un nouveau corps" (Frances McDormand, qui joue comme elle a toujours joué chez les Coen : elle "colle" au personnage) : elle veut des opérations chirurgicales ... mais ça coûte cher), un collègue à elle (Brad Pitt, qui prend un air crétin, mais un crétin qui ne pense pas ; on n'avait jamais vu Brad Pitt dans un rôle aussi décérébré, il est très bon) ; et puis aussi Tilda Swinton, la seule à jouer sérieusement (elle en est d'autant plus inquiétante... elle était très bien, elle).
Ah, et puis J.K. Simmons (le méchant "Vernon" dans Oz, et le père de Juno).
Bref, plein d'acteurs à fort potentiel.

Globalement, le film est très caricatural, les personnages sans aucune épaisseur. Pour ma part, la sauce ne prend pas. Ou alors, il faut ne jamais avoir vu de film des Frères Coen.
On rit un peu de temps à autres, mais pour ma part c'était rare.
Il y avait quand même nettement plus de rires dans la salles : j'ai dû louper des passages drôles, ou bien je ne les ai pas compris, je ne sais pas...

C'est (pour moi) un film très mineur dans la filmographie Coenienne (dont le titre aurait pu être traduit, quand même... autant "Eternal Sunshine of the spotless Mind", ça peut poser problème, mais là...). Ca tourne à vide, en roue libre.

Sans doute les réalisateurs avaient-ils besoin de s'amuser un peu après leur Vieil Homme.

Merci de ton commentaire.. je crois que j'ai bien fait de ne pas l'avoir programmé pour ce week-end

eXPie a écrit:

Vu Burn After Reading.

Un Coen mémorable : c'est leur moins bon.

Sans doute les réalisateurs avaient-ils besoin de s'amuser un peu après leur Vieil Homme.

Dommage! Je n'aime pas beaucoup leur veine la plus caricaturale parce que je n'arrive pas à rentrer dans ces histoires trop délirantes. Ce sera pour le DVD alors...
Et à propos de Brad Pitt, il était déjà pas mal dans l'armée des 12 singes de Terry Gilliam dans ce genre de rôle.

eXPie a écrit:

Vu Burn After Reading.

Globalement, le film est très caricatural, les personnages sans aucune épaisseur. Pour ma part, la sauce ne prend pas. Ou alors, il faut ne jamais avoir vu de film des Frères Coen.
On rit un peu de temps à autres, mais pour ma part c'était rare.
Il y avait quand même nettement plus de rires dans la salles : j'ai dû louper des passages drôles, ou bien je ne les ai pas compris, je ne sais pas...

La sauce a pris avec moi...Franchement, j'ai bien ri à ce film loufoque...

Marko a écrit:

Et à propos de Brad Pitt, il était déjà pas mal dans l'armée des 12 singes de Terry Gilliam dans ce genre de rôle.

Ah oui, tiens, je ne l'ai vu qu'une fois, et il y a maintenant longtemps...

Il va peut-être y avoir des avis positifs des Parfumés sur Burn after reading qui vous donneront à tous envie d'aller voir le film... (au passage : "Les Parfumés osent-ils critiquer?..." : Oui !)

Edit : Eh bien voilà ! Une critique positive, une !
Coline, c'est toi que j'entendais rire comme ça, dans la salle ?

coline a écrit:

La sauce a pris avec moi...Franchement, j'ai bien ri à ce film loufoque...

Raconte!!

eXPie a écrit:

Coline, c'est toi que j'entendais rire comme ça, dans la salle ?

Ouiiiiiiiiiiiiiii!...C'était moi... Et mon voisin de fauteuil aussi qui avait un rire génial et communicatif...

Jesuisd'accord, ce n'est pas un chef-d'oeuvre...mais ça se laisse bien regarder...Ce n'est pas Brad Pitt qui me fait le plus rire mais sa collègue...

eXpie a écrit:

Globalement, le film est très caricatural, les personnages sans aucune épaisseur. Pour ma part, la sauce ne prend pas. Ou alors, il faut ne jamais avoir vu de film des Frères Coen

Mais c'est volontaire de toute façon...
Le sujet se veut léger, distrayant, les personnages sont tous énormes, et le trop plein déborde, mais ça c'est quand-même une constante j'ai l'impression, non?

Ce n'est que mon deuxième Coen (Après No country for old man que j'ai beaucoup aimé) et j'y suis allée en toute innocence, sans avoir lu la moindre critique ni sachant de quoi il s'agissait.
Donc l'effet de surprise a marché pour moi et j'ai bien aimé!

Voir Brad Pitt en blondinet peroxydé qui se trémousse durant sa filature muni de son Ipod ou Clooney -enfin- sorti de ses rôles de tombeur patenté en maniaco sportif et crétin de base n°2 vaut son pesant de cacahuètes quand-même!
Sans parler de la blonde -sais plus son nom- adepte de liposuccion et mytic.com qui en rajoute des tonnes
Tous à contre emploi et forcément sympathiques. (D'habitude, ils me laissent froide) Et cette musique qui rythme le tout et accentue l'effet d'emphase est tout simplement géniale!

Ils ont vraiment une manière de filmer que j'adore. Même si l'histoire ne casse pas des briques, on se laisse guider par leur fantaisie déroutante et moi je suis sans broncher.

Suis très bon public pour ce genre d'amusement

Bref, on a tous passé (on était nombreux) un bon moment. Moi je vous le conseille quand-même!