Benoît Jacquot

Les adieux à la Reine

J'ai adoré ce film qui m' a impressionnée par sa lenteur toute en apparence, en fait on sent que les choses se passent très vite loin du Château à Paris (pour l'époque: à 12h de marche dit un courtisan effrayé de la possible marche des émeutiers sur Versailles) et qu'au contraire à Versailles ça tire en longueur, la cour est désorientée, les laquais se pressent dans les couloirs communs à la recherche d'informations qui arrivent pas le biais de missives , de rumeurs affolantes.

Admirables scènes dans ces couloirs de basse fosse, ces lanternes qui défilent et ces personnes complètement déboussolées, murs sombres, malodorants, exigüs.

Et à l'étage supérieur ça ne va pas mieux, la Reine brûle des documents pouvant s'avérer compromettants mais en même temps commande à une servante une superbe broderie représentant un dhalia rose.

On est en contradiction permanente, d'un côté on voudrait faire comme si tout était aussi facile, le simple fait de commander voulant dire obtenir et de l'autre il y la vision horrifique de ce qui se dessine, provoquant des scènes d'une grande force.

Terribles aussi les questions qui se posent à Versailles en ces jours des juillet 1789, partir, rester ? mourir ? trahir?
En quelques phrases et gestes, c'est toute une psychologie et une foule de comportements qui sont passés au crible.

Moi j'ai trouvé cela très réussi, les histoires relevant d'une éventuelle liaison entre la Reine et la Duchesse de Polignac ne servent à mon avis, qu'à éclairer toute une gamme de stratagèmes, de calculs dévoilant ainsi et mettant à jour la personnalité des uns et des autres.

Une belle analyse de caractères et un somptueux ballet mortifère, voilà comme j'ai vu ce film.
Toute une société est sur le point de s'écrouler en quelques jours, mais un certain acharnement et une volonté d'y croire encore perdure, c'est ce dilemme qui m'a passionnée.

J'ajoute que les acteurs sont excellents et je m'incline complètement devant Diane Kruger, magistrale du début à la fin.

Tiens. Tu me redonnes envie de le voir !

Noémie Lvovsky dépote aussi. Vraiment.

darkanny a écrit:

J'ajoute que les acteurs sont excellents et je m'incline complètement devant Diane Kruger, magistrale du début à la fin.

Elle a un magnétisme vraiment impressionnant.

Benoît Jacquot est un cinéaste très imprégné de littérature, de musique classique, d'opéra et de cinéma évidemment. Il cherche à travers la plupart de ses films qui sont inspirés de romans d'en restituer l'essence plus que de les illustrer. De trouver un langage cinématographique personnel pour rendre compte de la structure narrative, du climat de l'époque et de la culture explorées tout en créant des objets contemporains, d'y prolonger ses propres obsessions formelles et thématiques. Un réalisateur passionnant qui vaut la peine qu'on prenne le temps de découvrir chacun de ses films avec attention.

Les romans, nouvelles et pièces de théâtre adaptés plus ou moins librement par Benoît Jacquot... Autant de pistes de lectures:

Films de cinéma:


L'assassin musicien (1975) est adapté de la nouvelle de Dostoïevski: Netochka Nezvanova


Les ailes de la colombe (1981) du roman d'Henry James


Corps et biens (1986) de Tendre femelle de James Gunn


Les mendiants (1988) de Louis-René des Forêts


L'école de la chair (1998) de Mishima


La fausse suivante (1999) de Marivaux


Sade (2000) du roman de Serge Bramly


Adolphe (2002) de Benjamin Constant


A tout de suite (2004) d'après J'avais dix-huit ans d'Elisabeth Fanger


Villa Amalia (2009) de Pascal Quignard


Les adieux à la reine (2012) de Chantal Thomas


Films pour la télévision:

Une villa aux environs de New York (1982) tiré du 3e chapitre de L'Amérique de Kafka


Emma Zunz (1992) adapté fidèlement de la nouvelle de Borges (recueil L'Aleph)


La vie de Marianne (1995) d'après le roman inachevé de Marivaux


Gaspard le Bandit (2006) d'après Gaspard de Besse de Jacques Bens


Les faux monnayeurs (2010) d'André Gide


Films de théâtre:

Le baladin du monde occidental (1975) d'après John M. Synge


Le voyage au bout de la nuit (1988) d'après Céline


La Bête dans la jungle (1988) d'Henry James adapté par Marguerite Duras


Dans la solitude des champs de coton (1991) de Koltès


Il a aussi réalisé un portrait de Louis-René des Forêts (1988) pour la série "Les hommes-livres" (FR3)

Les adieux à la reine

J'ai vu ce film hier soir. Mon avis rejoint assez ceux d'Avadoro, Marko, Aériale...

J'ai été séduite par la somptuosité des images (cadrages, lumières, costumes, décors...) et le jeu des actrices, notamment celui de Diane Kruger et celui de Léa Seydoux, tout en nuances...

Mais au final,je me suis dit: quelle débauche de talents pour raconter finalement si peu!...Le chagrin d'amour supposé d'une reine au coeur du chaos, de la menace qui pèse sur la royauté, sur sa famille, et qu'elle sous-estime.

Le film a survolé toutes ses richesses potentielles. Pas mal, sans plus...

Les adieux à la reine




Finalement entre Darkanny qui l'a vraiment aimé, Avadoro, Aériale, Coline, Marko et Traversay qui sont mitigés et Dom qui n'a pas accroché, y'a de quoi faire pour la diversité des avis sur ce film.

Pour moi, ce sera (presque) radical : quel ennui.

C'est propret, lent, superficiel, et beau pour le beau.

Alors, oui, y'a souvent de belles images, avec des contrastes de couleurs et de chatoiement qui font plaisir à l'oeil... mais... question réalisme du film ça se pose là comme ratage complet. Peut-être que ce n'était pas son but. Mais pourtant, en rajouter des tonnes sur les couloirs planqués de Versailles, genre l'envers du décor, ça donne l'impression qu'il cherchait à montrer du Vrai là-dessous. Tout comme ce thème très humain : montrer la réalité d'une passion amoureuse, d'une déchéance humaine.
Tout est chiant parce que tout est survolé.

Et pourtant les actrices se démènent les pauvres... Il y a des regards et des mots qui pourraient touchés mais l'esprit du spectateur (le mien en tout cas) était tellement pris sous l'effet soporifique de tout le reste que je n'ai éprouvé aucune empathie pour personne ni pour aucune action.

Juste, en passant, Virginie Ledoyen est vraiment très belle dans sa robe verte:

Prix Louis Delluc 2012 pour Les adieux à la reine qui s'ajoute à une belle série de films récompensés par ce prix attribué par un jury de critiques dirigé par Gilles Jacob.

Comment un trio d'acteurs géniaux et un metteur en scène toujours inspiré arrivent à métamorphoser un argument de vaudeville improbable entre deux soeurs et un cardiaque en drame psychologique d'une rare intensité. Le film divise radicalement la critique et je le comprends mais j'ai adoré ce film. Il y a un rythme étonnant qui crée une tension permanente comme si on vivait le film à l'unisson des emballements du coeur de Poelvoorde. Un découpage, des ellipses et une voix off qui donnent un ton "nouveau roman" ou à la manière de la nouvelle vague (on cite Truffaut à juste titre).



Catherine Deneuve m'a moins convaincu en mère bourgeoise qui comprend tout et ne dit rien. Elle passe tout le film à manger à table    On aperçoit le gamin au vélo qui a un peu grandi dans un tout petit rôle. Les conjoints respectifs des deux soeurs sont tellement fades qu'il ne pouvaient de toute façon pas faire le poids face à l'air de chien battu et à la fièvre de Poelvoorde.

La musique de Bruno Coulais est peut-être trop dans le surlignage mélodramatique mais il a quand même créé une étrange ambiance répétitive et oppressante.

J'ai aussi aimé le personnage du maire qui est une figure quasi démoniaque.

Joli final que je ne révèle pas et qui interroge le hasard de la destinée. Allez-y! Et je m'attends à des avis très opposés...

Je veux le voir...Je veux le voir...

Et bien je ne partage pas du tout l'enthousiasme de Marko. Un exercice de style habile, prévisible de bout en bout. Les acteurs semblent jouer leur propre rôle : Catherine Deneuve fait du Catherine Deneuve, Charlotte Gainsbourg joue Charlotte Gainsbourg....évidemment, ils sont convaincants si on veut, mais c'est là encore c'est sans surprise. L'image est jolie, les intérieurs sont jolis, la ville de province est coquette..... La musique en rajoute une couche sans aucune subtilité. A la télé ou en vidéo je ne l'aurais pas regardé jusqu'au bout.

Pfff...
Un scénario sidérant tant il est d'une part impossible d'y croire, d'autre part totalement prévisible (fort de réunir les deux, n'est ce pas?). Je me dis que je suis passée à côté de ce que c'est qu'être amoureuse, c'est pour ça que je n'y crois pas une seconde.

Chiara Mastroiani est lumineuse, Charlotte Gainsbourg (que j'adore pourtant) est au pire de Charlotte Gainsbourg , et Poelvorde en fait des tonnes.

Je ne parle pas de la jolie image de coucher de soleil au milieu, qui bien qu'elle coïncide avec la voix off, ne fait pas tellement Nouvelle Vague.

Des fois qu'on n'aurait pas compris le rôle du hasard, on vous l'explique.
Ah! oui, et puis on vous montre aussi qu'en province, le soir, il n'y a personne dans les rues. Et des fois que vous ne l'auriez pas vu, on vous le dit.

Certes à la télé, je suis comme Arabella, j'aurais lâché. Mais il y a quand même de jolis moments, surtout au début, puis un chassé croisé qui est amusant, et de jolies images , même si les jolies images d'appartements très riches m'énervent toujours un peu.

je note ...................................de le voir à la TV puisque possibilité de zapper

-3 coeurs-

Marko a écrit:

Comment un trio d'acteurs géniaux et un metteur en scène toujours inspiré arrivent à métamorphoser un argument de vaudeville improbable entre deux soeurs et un cardiaque en drame psychologique d'une rare intensité. Le film divise radicalement la critique et je le comprends mais j'ai adoré ce film. Il y a un rythme étonnant qui crée une tension permanente comme si on vivait le film à l'unisson des emballements du coeur de Poelvoorde. Un découpage, des ellipses et une voix off qui donnent un ton "nouveau roman" ou à la manière de la nouvelle vague

Je suis très surprise par ton enthousiasme, Marko! J'ai l'impression qu'on n'a pas vu le même film. "Le drame psychologique d'une rare intensité", "le rythme étonnant qui crée une tension", tout ça n'a pas du tout marché sur moi. Ca faisait longtemps que je n'avais trouvé le temps aussi long dans un film. Tout est prévisible, on baille copieusement à leurs dialogues, et on pense au menu du soir face à leurs nombreux repas familiaux. Quant à la voix off qui explique sur la fin, des fois où on aurait rien capté, plus la musique lourdement démonstrative, là on frôle le ridicule.

Catherine Deneuve est de plus en plus hautaine et figée, incapable désormais de faire passer la moindre émotion. Poelvoorde est touchant dans la première moitié, mais à suffoquer ainsi avec ses yeux de cocker battu, il m'a vite lassée (j'avais presque hâte qu'il ait son infarctus fatal, je sais, c'est moche) Il n'y a guère que les deux filles qui comptent parmi mes actrices préférées, pour lesquelles j'ai plus d'indulgence (quoique l'une n'arrête pas de chioler, et l'autre garde son air perdu quasi tout le film)

D'accord avec Arabella et Topocl, désolée, mais je n'y ai trouvé aucune subtilité, Marko! le topo de départ serait intéressant, mais traité bizarrement avec trop d'invraisemblances. La seule chose agréable que j'y ai trouvée (outre le début assez sympa) est cette ville de province dont je ne connais pas le nom, et la belle demeure de  C. Deneuve qui, au contraire de topocl, m'a fait rêver un moment...



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Si on écoute Le masque et la plume (ici, à la quinzième minute)), Jérome Garcin fait une introduction rigolote qui va dans notre sens, mais les quatre critiques ont beaucoup aimé... alors...