Lecture en commun - Nancy Huston : Lignes de faille

Shay a écrit:

Citation :

Il faudrait, si nous en avions le temps, relire tous les livres que nous n'avons pas aimés...

Tous ? Même "Le rouge et le noir" de Stendhal ?

Pourquoi pas?...

J'ai terminé et je trouve le livre, l'écriture à la fois magifiques et bouleversants. Je replace NH au panthéon de mes auteurs femmes d'où je l'avais délogée après la lecture de Dolce Agonia et de Lignes de failles qui ne m'avaient pas convaincu.
Coline a arison, il faudrait à présent relire le livre à l'envers.

J'ai fini Lignes de faille hier soir. Je suis ravie d'avoir fait cette lecture avec vous. Cela faisait un long, très long moment que j'avais envie de découvrir ce roman. Voilà chose faite.

Ce fut vraiment une belle expérience. Pas ma première avec Nancy Huston puisque j'avais déjà lu Instruments des ténèbres et Prodige. Mais Lignes de faille confirme le talent de cette auteure.

Moi aussi je suis contente de l'avoir découverte, je ne connaissais pas encore. Je trouve cependant que si elle excelle dans le registre intimiste (pensées des personnages, fêlures intimes), elle est moins convaincante dans la dénonciation des maux de société. Elle est probablement très sincère mais elle force trop le trait et verse dans la caricature.

Orientale a écrit:

je vais relire 'L'empreinte de l'ange" (traduit en bulgare) qui ne m'a pas plu la premiere fois.

C'est l'un de mes plus forts souvenirs de lecture.

J'ai moi aussi fini la lecture hier soir (ou plutôt hier nuit ). C'est vrai qu'à la fin on a envie de tout relire à l'envers. J'ai relu certains passages, notamment celui ou Erra retrouve Luth (dans la partie de Sadie) et le moment où ils vont tous chez Greta.

En tout cas c'est définitivement un coup de coeur

La construction est particulièrement bien choisie je trouve. On a l'impression de très bien comprendre les 4 personnages qui parlent et pourtant ils restent insaisissables parce que ce roman est comme une mosaïque et que différentes facettes de chacun sont révélées par les autres regards portés sur lui. Nous ne voyons pas Sadie de la même manière lorsqu'elle se décrit elle-même que lorsque Randall la décrit. Erra est différente dans le regard de sa fille et dans son propre regard. Idem pour Randall. On se sent parfois très proches des personnages et pourtant ils restent toujours mystérieux lorsque nous les voyons par les yeux d'un autre. C'est cette complexité et ce mystère toujours présent chez l'être humain qui fait beaucoup dans la richesse de ce roman, les parts d'ombre sont aussi importantes que les zones de lumière : le comportement de Sadie adulte ne peut être que partiellement expliqué, tout comme celui de Randall.

Au-delà de ça, de cette dimension intime, je n'ai pas trouvé le côté "société" caricatural. C'est effrayant de voir que plus les personnages sont éloignés de la barbarie, plus ils sont monstrueux. Erra a vécu la seconde guerre mondiale, Randall les conflits en Israël, et pourtant ils sont bien plus humains que Sol qui n'est pas au coeur des conflits mais les observent de loin. Je trouve que le trait n'est pas caricatural car Sol représente vraiment une tendance actuelle de la société. S'il y a toujours eu des difficultés dans cette famille, chaque parent a su transmettre à ses enfants de l'amour, qui l'ont a leur tour retransmis à leurs enfants. Seul Sol semble bloquer la chaîne même si on ne connaîtra jamais son évolution. D'ailleurs ce blocage me semble clairement représenté par l'intermédiaire du grain de beauté transmis de génération en génération. Seul Sol se le fait enlever et cela ne se fait pas sans douleur, c'est comme si cette marque s'accrochait, refusait de partir, comme un symbole de tout ce que la famille a réussi a surmonter, et finalement tout cela est balayé dans la personnalité de Sol. Je ne sais pas si je suis très claire.

Une dernière petite chose : comment interprétez-vous le titre ? Que sont les lignes de faille dans ce roman ? Les fossés entre les générations ?

Enfin bref, j'ai vraiment beaucoup aimé, j'aimerais continuer avec Nancy Huston, donc si vous avez des conseils de lecture...

En juillet 2007 j'avais écrit ceci :

Citation :

Lu "lignes de failles" : un peu déçu, j'ai trouvé que ça se lisait, sans plus. Les personnages m'ont paru un peu artificiels, sauf dans la dernière partie , magistrale à mes yeux, qui leur a rendu toute leur consistance.

Personnellement j'ai beaucoup aimé la Virevolte, Nord perdu ( un essai, moi qui suis trop flemmard pour en lire), le"... des ténèbres" à la construction si particulière, adoré l'Empreinte de l'ange, pas aimé du tout Dolce Agonia et , hélas, cessé de lire Nancy Huston à partir de ce livre avant d'y revenir par "Lignes de failles".

Camille 19

Citation :

J'ai relu certains passages, notamment celui ou Erra retrouve Luth (dans la partie de Sadie)

Moi aussi.
.

Citation :

Au-delà de ça, de cette dimension intime, je n'ai pas trouvé le côté "société" caricatural. C'est effrayant de voir que plus les personnages sont éloignés de la barbarie, plus ils sont monstrueux]

J'ai également pensé cela trait pour trait.
Pour le titre j'avais simplement pensé aux lignes de fractures de chaque être mais il y a sans doute aussi l'idée de lignée.
Je m'interroge aussi sur la manière et le pourquoi de l'abandon de Sadie par Erra, au-delà des commodités de carrière( reproduction des schémas ?).

Camille19 a écrit:

D'ailleurs ce blocage me semble clairement représenté par l'intermédiaire du grain de beauté transmis de génération en génération. Seul Sol se le fait enlever et cela ne se fait pas sans douleur, c'est comme si cette marque s'accrochait, refusait de partir, comme un symbole de tout ce que la famille a réussi a surmonter, et finalement tout cela est balayé dans la personnalité de Sol. Je ne sais pas si je suis très claire.

Une dernière petite chose : comment interprétez-vous le titre ? Que sont les lignes de faille dans ce roman ? Les fossés entre les générations ?

J'ai vu dans ce grain de beauté l'héritage original que Sol (ou plutôt sa mère) veut renier, les racines qui sont rejetées dans un monde aseptisé, standardisé.
L'infection serait en quelque sorte une punition. Ce grain de beauté multiforme semble d'ailleurs "renfermer" des pouvoirs particuliers (sagesse, connaissance, intelligence...) et cela donne une dimension magique au roman. Vous ne trouvez pas que Sol semble bien éteint après qu'on le lui a retiré, son intelligence maléfique est moins vive et ses remarques ronchonnes lors du voyage à Munich ressemblent davantage à celle d'un pré-ado ordinaire ?

Pour les "lignes de faille" j'ai plutôt interprété ce titre comme les fêlures internes de chaque personnage. Mais c'est vrai que ce peut être aussi celles qui séparent les personnages comme des continents, et les éloignent les uns des autres.

Oups, j'ai raté la lecture!!!! tant pis, ce sera pour une autre fois.

Chatperlipopette a écrit:

Oups, j'ai raté la lecture!!!! tant pis, ce sera pour une autre fois.

mais tu sais qu'il y a un calendrier.. et je le tiens à jour ici

Oui, je sais mais comme je ne me suis pas connectée régulièrement (because réunions et journée de merde !!!!) j'ai laissé filer la date.
J'ai une fin d'année plutôt fatigante (je vais finir par détester Noël ) et je suisd ésolée de ne pouvoir être plus assidue

Chatperlipopette a écrit:

J'ai une fin d'année plutôt fatigante (je vais finir par détester Noël )

Nezuni a ecrit:

Citation :

J'ai vu dans ce grain de beauté l'héritage original [...]

Sur ce grain de beaute, tout a fait d'accord avec toi - c'est le magique, le mystere, le secret de la lignee qui est porteur des valeurs sprituelles eternelles et inexplicables (la jeune arabe l'a tres bien interprete en presence de Randall enfant et puis elle avait quelque grain pareil sur la paume de la main qui devait servir a effectuer des tours de magie).
Et Sol perd ce privilege (j'ai fini par le plaindre) a cause de ses parents et surtout de sa mere, tellement superficielle dans son raisonnement. Randall n'y etait pas pour beaucoup de chose et je me demande, moi, pourquoi Randall est devenu quelqu'un de si desinteresse - a cause du parcours a Israel et l'accident de sa mere???
Les lignes de failles - des failles dans l'elan de tous les quatre, un vol rompu malgre les resultats trompeurs. Et aussi la lignee - ca c'est sur - l'impossibilite de tranmission directe a la generation suivante, de ses secrets, de ses douleurs, des origines de son mal de vivre.

J'ai oublie - pourquoi Erra abandonne Sadie. Mais nous avons vu combien la vie de la petite avec la mere devient perturbante meme aneantissante d'un seul coup (l'arrivee de Janek). Erra (=Kristina= Klarisa) n'est pas bete. Toute jeune, Sadie a du etre elevee par ses grands parents adoptifs malgre leurs froideur glaciale, malgre qu'ils soient maniaques. C'etaient quand meme des normales conditions de vie pour un bebe et un enfant tout jeune.
Plus tard - je crois que c'est Sadie qui s'est separee de Erra le plus vite possible (on ne dit pas quand) et finalement - a chacun son enfer (ou son paradis).

C'est bizarre qu'un moment crucial comme la mort de Janek soit absent du récit, on y fait juste allusion, une évocation en creux...